Déclaration de Mme Claudie Haigneré, ministre déléguée à la recherche et aux nouvelles technologies, sur le développement technique et la recherche dans le domaine des nouvelles technologies de l'information, Paris le 25 septembre 2002.

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Circonstance : Réunion du Club informatique des grandes entreprises françaises à Paris le 25 septembre 2002

Texte intégral

Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs,
Le Président de la République a souhaité que je vienne apporter l'éclairage de l'Etat à vos travaux.
Je suis venue vous rejoindre malgré un emploi du temps chargé en ce jour un peu particulier de l'annonce du budget 2003. Je vais présenter tout à l'heure à la presse le budget de la recherche; aussi vous comprendrez que mon passage parmi vous soit plus rapide que je ne l'aurais souhaité.
Je remercie votre Président M. Corniou de son invitation et de son livre "La Société de la connaissance" que j'ai eu l'occasion de le parcourir ces jours derniers.
J'ai tenu toutefois à témoigner auprès de vous de l'importance que l'Etat accorde au secteur des technologies de l'information et de la communication.
Au-delà de ses enjeux économiques évidents, votre secteur porte un certain nombre d'enjeux de société de toute première importance. C'est cette vision que l'Etat, conscient que vous leur accordez une importance de plus en plus grande, souhaite voir portée par le Ministère chargé de la Recherche et des Nouvelles Technologies.
Les DSI ?
J'ai lu avec grand intérêt votre plan d'actions CIGREF 2005. Permettez-moi d'abord de relever que dans ce document la signification de DSI (Directeur des Services d'Information) n'est indiquée nulle part. J'évite autant que possible de recourir aux acronymes dans mes discours, mais, sachant combien votre secteur en est friand, j'utiliserai quand même cet acronyme de DSI et vous dirai tout à l'heure ce qu'on peut entendre derrière ces trois lettres.
A travers ce plan d'actions, vous apparaissez clairement conscients de vos responsabilités vis-à-vis de la société dans la diffusion et l'appropriation des nouvelles technologies. Ces responsabilités vous engagent vis-à-vis :
*de vos patrons, chefs d'entreprises ou responsables d'organismes, que vous devez convaincre tous les jours.
*des salariés de vos entreprises et organismes.
*de la société dans son ensemble : vous êtes chacun, individuellement et collectivement à travers le CIGREF, porteurs d'un message d'accompagnement des nouvelles technologies.
Vous savez l'importance que le Gouvernement attache à la réduction de la fracture numérique, c'est-à-dire de l'inégalité d'accès des Français à l'Internet.
A cet égard, l'entreprise est un lieu de formation, un lieu d'essaimage, un formidable creuset : les ordinateurs que vous mettez en place dans vos entreprises, vos intranets et extranets, vos sites Web sont le premier atelier de formation de vos salariés.
Ce savoir se diffuse ensuite chez eux, vers les associations dont ils s'occupent, et en ce sens votre action contribue grandement à la diffusion des nouvelles technologies.
A l'heure où le secteur marque une pause dans son développement économique, l'appropriation des technologies par les salariés d'entreprise comme par la société ET la mise en valeur des usages doivent faire l'objet d'efforts redoublés.
Comme il est écrit dans votre plan d'actions, " les usages des systèmes d'information sont les vrais créateurs de valeur, les utilisateurs des technologies sont des acteurs à part entière du secteur ". L'Internet et les systèmes d'information ne sont pas une fin en soi ; c'est bien l'usage qui en sera fait qui continuera à faire progresser le secteur de manière inéluctable, quelle que soit la conjoncture.
Acteurs conscients de leur responsabilité vis-à-vis de la société, au sein d'entreprises creusets de la diffusion des technologies, tournés enfin vers les usages de leurs systèmes d'information, les DSI ne sont-ils pas les véritables Députés de la Société de l'Information ?
Le développement technique et la recherche
Le développement technique
Même si le secteur marque une pause économique, vous savez qu'il n'y a pas de ralentissement du développement technique et qu'il ne doit pas y en avoir.
Vous avez créé un groupe de travail sur la problématique de la sécurité informatique qui est au coeur de la diffusion des nouvelles technologies.
L'individualisme de notre société, favorisé par la technologie et dont témoigne l'usage grandissant des téléphones ou ordinateurs portables, s'accompagne en effet chez nos concitoyens d'une forte exigence de protection de leurs données personnelles.
Dans cette perspective, nous accordons une grande importance à l'essor du paiement sur internet ; nous devons, avec votre aide, aller à l'encontre des idées reçues en démythifiant le risque lié à l'utilisation de la carte de paiement sur internet, afin de favoriser le développement du commerce électronique.
Dans le même temps nous devons travailler à des solutions techniques visant à réduire ce risque.
Vous avez également créé un observatoire des nouvelles technologies, avec des sujets aussi variés que le développement-objet, Linux, le XML (un acronyme ! l'extensible markup langage), le streaming, etc. Il est de votre responsabilité, parmi le foisonnement créé par le développement technique, de tester, d'expérimenter, de faire le tri des fausses bonnes idées, afin de faciliter la généralisation des nouvelles technologies et la diffusion des usages qui en découlent.
La recherche
Plus que jamais, le lien des nouvelles technologies avec la recherche doit être maintenu et consolidé.
Vous vous êtes rapprochés de l'INRIA et par ailleurs vous êtes un membre actif du Réseau National des Technologies Logicielles (RNTL) et, en tant que Ministre de tutelle avec la Ministre de l'Industrie de cet établissement et de ce réseau, je peux vous confirmer qu'ils sont à votre disposition. Vous connaissez les quatre axes prioritaires fixés au RNTL cette année :
*La conception de logiciels enfouis, embarqués, temps réel ;
*L'évolution des systèmes d'information via Internet ;
*Les nouvelles interfaces homme-machine ;
*Les outils de conception assistée et de simulation.
Concernant la recherche technologique dans le secteur informatique lui-même, je ne peux que regretter que la France soit absente de pans entiers de la recherche et de l'industrie du secteur.
Cependant, nous souhaitons renforcer notre capacité de recherche dans nos pôles d'excellence, les nanotechnologies ou la micro-électronique, cette dernière ayant permis des succès industriels importants dans le domaine des cartes à mémoire et de la téléphonie GSM.
La dimension européenne des technologies de l'information et de la communication est primordiale et les acteurs français de ce secteur doivent poursuivre leurs actions concertées avec nos partenaires européens et les pays associés à l'heure de la mise en place effective du 6ème PCRD.
Je vous invite donc vivement à participer, de manière conjointe avec les pays membres, aux appels d'offres en cours, dans le cadre, notamment, des réseaux d'excellence et projets intégrés. De la même manière, votre présence auprès des organisations informelles mais motrices de l'Internet comme l'ISOC (Internet Society), l'ICANN (Internet Corporation for Assigned Names and Numbers) pour les sujets de nommage et surtout d'adressage, est d'une grande importance.
Je souhaite aussi attirer votre attention sur un point d'évolution important dans votre secteur, l'Internet Protocol V6, permettant une multitude d'adresses IP pour toutes sortes d'objets communicants et assurant une sécurité de bout en bout grâce à la permanence de l'adresse IP.
La prise en compte de ce protocole futur constitue pour le Ministère dont j'ai la charge un axe de travail important. Je vous encourage dès maintenant, dans vos appels d'offres de matériel informatique et de routage, à poser la question de la compatibilité Ipv6 à vos fournisseurs, afin d'éviter tout effet de seuil comme nous en avons connu pour le passage à l'an 2000.
Les chantiers communs
J'évoquerai, pour finir, un chantier important qui nous est commun, les aspects législatifs liés à la Société de l'Information.
C'est un travail législatif et réglementaire qui commence maintenant et qui mêle étroitement aspects techniques liés à l'Internet et aspects juridiques liés à la sécurité intérieure, à la protection des données personnelles ainsi qu'à la deuxième phase de la déréglementation des télécommunications.
Vous avez déjà fait savoir, à travers le Groupement Français des Industries de l'Information, votre position sur la diffusion privée des données publiques. Nous vous invitons, en cette période de préparation de travail législatif, à faire connaître toute autre proposition, recommandation, que vous auriez à faire sur ces sujets.
Pour ce qui concerne un autre chantier commun, l'administration électronique, je rappellerai simplement qu'avec M. Plagnol nous avons réaffirmé qu'elle devait être tournée vers l'usager et comporter des structures de back-office, d'utilisation en pointe et de maintenance optimales.
Au niveau européen, enfin, le programme e-Europe 2005, en cours de préparation avec des axes prioritaires comme les réseaux haut débit, la sécurité et la protection des données personnelles, devrait donner un cadre au développement de la société de l'information dans son ensemble. Je vous invite à suivre attentivement ses travaux.
Conclusion
Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs,
Voilà les pistes de réflexion et d'action que je souhaitais partager avec vous.
Je suis tentée de citer de nouveau vos documents, où j'ai relevé une mention assez rarement présente dans les rapports d'activité : "Développer, maintenir, gérer un service informatique est un métier exaltant et parfois une source de plaisir".
Je forme le voeu que cette source de plaisir ne tarisse pas car, vous le savez, la passion est le moteur d'un travail bien fait.
Je vous remercie de votre attention.
(source http://www.recherche.gouv.fr, le 26 septembre 2002)