Interview de M. Jean-François Copé, secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement et porte-parole du gouvernement, à RTL le 26 septembre 2002, sur le projet de budget pour 2003 et les choix politiques du gouvernement, notamment concernant les emplois-jeunes des aides-éducateurs.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

R. Elkrief.- Vous allez travailler sur le budget dans quelques semaines. Un budget présenté hier, et adopté au Conseil des ministres. Je voudrais vous lire deux petites phrases. Hier, F. Mer a dit que "l'hypothèse de 2,5 % de croissance n'était pas tout à fait sûre dans le fond et on en tirera les conséquences si cela change". Et vous vous avez dit, en même temps - presqu'à la même heure -, "le Gouvernement est convaincu de sa capacité à restaurer une croissance à 2,5 % en 2003 grâce aux mesures contenues dans le budget". C'est une gaffe, une de plus ?
- "Non, ce qu'a voulu dire F. Mer, c'est tout simplement que la croissance n'est jamais inscrite dans le marbre et que nous, dans cette affaire, ce sur quoi nous avons travaillé - F. Mer, A. Lambert et tout le Gouvernement -, c'est à fabriquer un budget, avoir une stratégie économique qui vise à atteindre ce chemin de croissance."
J'ai cru que vous alliez dire ce "chemin de croix" !
- "C'est un contexte évidemment qui n'est pas très facile. On aurait aimé trouver une situation de finances publiques à l'équilibre plutôt qu'avec un tel déficit."
C'est la faute des autres, ceux qui étaient avant ?
- "Quand on arrive à un gouvernement on est dépositaire d'un héritage. On aurait préféré faire partie des neuf pays sur quinze qui sont à l'équilibre budgétaire. Cela n'est pas le cas. On aurait espéré une situation économique internationale meilleure. Ce n'est pas tout à fait le cas. Cela dit, tous les choix que nous faisons sont des choix qui doivent nous permettre d'atteindre cet objectif de croissance tel que baisser les prélèvements obligatoires, tel que soutenir l'emploi, le pouvoir d'achat et puis par contre - parce que cela aussi ce sont des engagements que nous avons pris devant les Français -, mettre vraiment tous les moyens nécessaires pour rétablir l'autorité publique, parce que là-dessus, nous avons une feuille de route."
Budget de la sécurité et le budget de la justice, comme vous l'aviez promis. En revanche, vous aviez beaucoup critiqué les socialistes parce qu'ils ont laissé filer, selon vous, les dépenses publiques et qu'ils n'ont jamais effectué cette réforme de l'Etat que vous appeliez de vos voeux. Aujourd'hui, dans votre budget 2003, le déficit reste stable, c'est-à-dire qu'il ne diminue pas du tout...
- "Vous me ferez l'amitié de reconnaître que c'est quand même plutôt un progrès. Dois-je rappeler que nous avons constaté une dérive des dépenses publiques extrêmement importante. L'année dernière, on nous avait promis un budget qui n'aurait que 30 milliards d'euros de déficit et l'audit a démontré que nous avions dépassé les 44 milliards."
Vous qui disiez qu'il fallait le baisser, il reste à 44 milliards !
- "L'objectif demeure. C'est un paquebot le budget de l'Etat. Nous avons déjà commencé par stopper la dérive."
Vous le saviez déjà.
- "Oui, mais nous avons commencé déjà par stopper la dérive. Nous présentons un budget dans lequel le déficit n'est pas aggravé et en même temps - car pour le président de la République, le Premier ministre et l'ensemble de notre équipe, c'est une priorité -, il faut les crédits nécessaires pour remettre la France dans le bon sens. Quand vous voyez que l'appareil d'Etat - par exemple, tout ce qui touche à la sécurité, la justice et la défense - manque d'effectifs, manque de matériel, manque d'investissement, il faut, là-dessus, mettre une priorité sur cinq ans pour que les grandes missions d'autorité publique soient tenues. Je rappelle que c'est aussi ce que les Français nous ont demandé lorsqu'ils ont voté le 21 avril, parce qu'ils ont considéré que les valeurs républicaines n'étaient pas assumées avec l'insécurité dans les quartiers - c'est l'élu de Meaux qui parle -, quand ils se sont aperçus que la machine justice avait de nombreux ratés faute d'effectifs et idem sur la défense. Comment vouloir prétendre avoir une grande diplomatie européenne si on n'a pas les moyens de notre armée ?"
Les socialistes, notamment, vous diront qu'affecter autant de crédits à la défense alors que le chômage remonte, cela peut être discuté. Ce n'est pas le choix qu'ils auraient fait...
- "Ils l'ont déjà démontré, puisque pendant cinq années, ils ont mis effectivement beaucoup de dépenses publiques pour financer les 35 heures, prétendant ainsi créer des emplois. Ce que nous constatons, c'est que depuis maintenant pratiquement un an, le chômage remonte, malgré tout ce qui a été englouti en dépenses publiques sur les 35 heures. Quant à ce que l'on appelle "l'appareil de l'Etat", c'est-à-dire tout ce qui touche à la défense ou à la sécurité, les conditions de travail de nos effectifs sont absolument lamentables. Nous avons perdu un temps considérable. C'est ce qui fait qu'aujourd'hui il n'y a plus de pièces de rechange pour les matériels militaires, c'est ce qui fait qu'aujourd'hui les commissariats sont dans un tel état de délabrement. Les Français sont mécontents."
Cela va changer très vite ?
- "Rien ne change très vite. Cela n'existe que dans les grands livres qui servent à raconter la vie à la place de ceux qui agissent. Je vous dis que cela va prendre au minimum cinq ans. Mais durant ces cinq années, nous ne baisserons pas la garde. Ce que je veux surtout vous dire, c'est qu'il ne faut pas douter de la détermination du Gouvernement à tenir sa feuille de route, à respecter les engagements qu'il a pris devant les Français."
Revenons à l'emploi, puisque c'est la préoccupation principale des Français aujourd'hui, après avoir été la sécurité. Beaucoup de gens ne comprennent pas pourquoi vous supprimez un certain nombre d'emplois-jeunes, par exemple ceux des aides-éducateurs, alors même que la sécurité est en premier dans vos préoccupations et dans vos priorités. Toutes les familles, tous les parents d'élèves se demandent pourquoi ce poste de médiateur dans les collèges doit disparaître ?
- "Vous mettez le doigt sur ce qui fait aujourd'hui l'illusion budgétaire. Vous pensez, comme A. Duhamel le disait tout à l'heure, que nous supprimons des postes. La réalité n'est pas celle-là. Nous faisons simplement une différence entre les effets d'annonce et la réalité. Lorsque M. J. Lang, fidèle à la tradition, annonçait à grand renfort de publicité, des milliers de créations de postes d'éducateurs, il y a juste un problème : c'est que ces postes n'ont jamais existé. Ils n'avaient jamais été financés. Il y a une grande différence entre l'effet d'annonce des J. Lang - et on en a connu des J. Lang qui nous faisaient de grands numéros avec des larmes dans la voix - pour nous annoncer que tout allait s'arranger, parce que les postes allaient être créés partout. La réalité est qu'ils n'ont jamais été financés."
Je parle de ceux qui existent aujourd'hui, qui sont déjà créés.
- "Il y aura des créations de postes très méthodiquement."
Vous allez garder ces postes d'éducateurs ou pas ?
- "Ils ne vont pas être supprimés. Simplement, il faut bien voir que nous comparons un budget à l'autre. Effectivement, il y a moins d'annonces de créations de postes que l'année dernière. La réalité est que ces postes n'ont jamais été créés. Mais comme on fonctionne d'un budget prévisionnel au budget prévisionnel suivant, on compare deux prévisions. La seule chose, c'est qu'effectivement, il n'y a pas de baisse réelle de l'effectif, parce que les postes de l'année dernière n'ayant jamais été financés, ils n'ont jamais été créés et donc ont été reportés d'une année sur l'autre sans jamais être créés. C'est vrai pour les aides-éducateurs, mais c'est vrai pour tous les crédits publics. C'est un point essentiel sur lequel J.-P. Raffarin a demandé à ses ministres de travailler désormais - et c'est ce que font A. Lambert et F. Mer. C'est que désormais, on fasse un budget adossé sur l'exécution et non pas simplement sur les effets d'annonces et sur la promesse. Sinon, on continue de baratiner les Français. Par contre, et cela je veux insister là-dessus, il faut que les Français qui nous écoutent mesurent bien que concrètement, ce qui va être fait, c'est que par exemple la baisse de l'impôts sur le revenu, pour ceux qui le payent, ce sera une baisse significative - 5 % l'été dernier et 1 %, donc 6 % au total pour cette année d'une manière effective, pour ceux qui le payent. Donc du pouvoir d'achat en plus. Idem pour la prime pour l'emploi, qui est augmentée. Idem pour les allégements de charges sociales pour les entreprises. Vous le voyez : ce budget n'est pas comme ça, fabriqué au hasard, comme certains veulent le dire. Il est fait de manière très cohérente. Nous mettons effectivement la gomme sur l'emploi, parce que dans ce domaine, en agissant sur le pouvoir d'achat - quand vous baissez les impôts, cela fait plus de consommation pour les ménages et les salariés -, et en facilitant l'embauche avec les baisses de charges sociales pour les entrepreneurs et notamment les plus petites."
Ce soir, J.-P. Raffarin est très attendu. Il va nous annoncer de nouvelles mesures ?
- "Vous le verrez bien. Ce que J.-P. Raffarin va faire ce soir, c'est montrer, expliquer aux Français que le cap est tenu et que notre détermination est totale à accomplir les réformes difficiles sur lesquelles nous nous sommes engagés. En cinq mois, ce Gouvernement a lancé un nombre de réformes extrêmement important. Beaucoup plus que nos prédécesseurs ne l'ont fait en cinq ans, parce que ce sont des réformes difficiles."
C'est toujours ce qu'on fait au début et après, on voit.
- "Je n'ai pas noté beaucoup de réformes courageuses par le passé récent. Là, depuis cinq mois : la réforme de l'autorité publique... On nous disait qu'on n'y arriverait pas. Vous verrez que là-dessus, on va changer beaucoup de choses."
On ne va pas faire un catalogue. S. Agacinski-Jospin publie un "Journal interrompu". Vous allez le lire ?
- "Je ne sais pas si je vais le lire. La seule chose que je peux vous dire, c'est qu'on est tellement le nez dans le guidon à gérer l'héritage qui nous a été laissé par L. Jospin que, dans l'immédiat, on n'a pas vraiment le temps de penser à ce qu'il devient."
(Source :premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 26 sept 2002)