Texte intégral
Interview à Arte le 23 septembre :
Q - Quelle sera la priorité franco-allemande après les élections ?
R - Le dossier prioritaire est l'avenir de l'Europe, c'est-à-dire la future constitution européenne. Il faut absolument que, sur les institutions, la démocratisation de l'Europe, l'Allemagne et la France se mettent d'accord et proposent des contributions communes.
Q - Est-ce que le poids des Verts introduit un élément d'incertitude ou d'inquiétude pour la politique étrangère de l'Allemagne ?
R - Je dois dire que le fait que M. Fischer ait rencontré un tel succès, je dirais personnel, est une très bonne nouvelle pour l'Europe. Lorsque je l'ai rencontré à Berlin, nous avons eu un échange très approfondi et il a une très grande conviction en faveur de la construction européenne. C'est donc une bonne nouvelle pour l'Europe.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 27 septembre 2002)
Interview à Bloomberg TV le 23 :
Q - Noëlle Lenoir, quel regard portez-vous sur ces élections ? Le gouvernement n'est-il pas un peu déçu dans la mesure où Jacques Chirac avait reçu Edmund Stoiber de façon très chaleureuse ?
R - Ce que nous voyons, puisque nous connaissons ce gouvernement - nous avons travaillé avec lui -, c'est qu'il a à sa tête des européens, des dirigeants politiques européens, Schröder l'a montré et Fischer également. Nous avons face à nous une équipe prête à avancer en Europe avec les Français, mais aussi avec les autres.
Q - L'Allemagne, avec la Suède, fait figure d'exception au sein de l'Europe qui est gagnée par une vague bleue. Est-ce que l'on peut dire que nous assistons à un clivage nord-sud, puisque l'Italie, l'Espagne et la France sont passées à droite ?
R - Du point de vue de l'Europe, des enjeux de la construction européenne, pour continuer à faire avancer cette entreprise unique au monde, unique en son genre, qui est de construire une communauté politique, nous voulons être ensemble et non pas contre l'extérieur. Cela intéresse tous les partis politiques et il n'y a pas une Europe de gauche et une Europe de droite à cet égard. J'indique que mon prédécesseur du gouvernement Jospin, M. Moscovici, est actuellement le représentant des autorités françaises à la Convention.
Q - La situation économique en Allemagne vous inquiète-t-elle, et quelles peuvent être les répercussions sur la France puisque l'Allemagne est le premier partenaire ?
R - Alfred Grosser me fournit l'occasion de rappeler - et d'ailleurs il n'est est pas besoin sur votre chaîne -, que nous sommes dans une conjoncture économique, financière et boursière mondiale un peu difficile, ce qui explique les difficultés de nos entreprises, qui sont souvent de dimension internationale. Nous sommes dans une conjoncture qui n'est pas bonne. Cela dit, l'économie connaît des variations et nous allons sans doute dans quelque temps nous étonner des difficultés que nous connaissons à l'heure actuelle ou, au contraire, avoir à faire face à de nouvelles difficultés, mais la situation actuelle ne fait que refléter l'économie mondiale.
Q - La question de l'Iraq sur laquelle le couple franco-allemand a divergé. On a remarqué que Washington n'avait pas félicité le chancelier Schröder ce soir.
R - La crise de l'Iraq est une crise grave, un problème qui, hélas ! n'est pas anodin. Il faut quand même souligner les convergences qui viennent d'être indiquées : d'une part une forte préoccupation des risques liés au régime iraquien - comportement de l'Iraq - et d'autre part une convergence sur l'idée que le multilatéralisme et les Nations unies ont leur rôle à jouer. Il faut s'en remettre à la communauté internationale et signaler que l'Allemagne, s'agissant des inspecteurs des missions d'inspection de l'ONU, a annoncé tout récemment qu'elle souhaitait participer à cette mission d'inspection. Donc, dans l'état actuel des choses, il y a une position européenne à laquelle l'Allemagne participe.
Q - Autre dossier sensible entre la France et l'Allemagne : la PAC. L'Allemagne veut une réduction des aides, la France s'y refuse, est-ce qu'un compromis est possible, et sur quels critères ?
R - Notons d'abord que la Politique agricole commune (PAC) est un des sujets qui reste à traiter dans le cadre du processus d'élargissement et qu'il faut décider dans quelles conditions les nouveaux Etats pourront bénéficier ou non des aides agricoles. Le sujet est posé de manière générale. Deuxièmement, il fait l'objet de discussions. La position de la France a été exprimée, elle est de s'en tenir au contrat conclu au Sommet de Berlin en 1999 et de respecter les échéances, c'est-à-dire une renégociation des termes de la PAC pour une finalisation en 2006.
Q - Sur les institutions européennes. Est-ce que ce qui "coince" c'est le côté un peu trop fédéraliste auquel est attaché Schröder ?
R - Là aussi il y a eu des expressions. Ce que je peux dire - et là je peux parler tout à fait concrètement - c'est que depuis mon entrée en fonction voici trois mois, je suis allée deux fois à Berlin, j'ai reçu plusieurs fois à Paris les partenaires allemands du gouvernement Schröder, et nous avons établi des points communs, notamment celui d'intégrer la Charte des droits fondamentaux des citoyens dans le futur traité, dans la future constitution européenne. Nous allons, dans les jours qui viennent, retravailler sur des nouveaux sujets pour nous accorder sur les institutions de l'Europe.
Q - Le président Chirac veut relancer la relation franco-allemande pour le quarantième anniversaire du traité de l'Elysée. Est-ce qu'il y a la même volonté du côté allemand ?
R- J'en suis absolument persuadée. Il y a une détermination totale. Quand le couple franco-allemand fonctionne bien, l'Europe avance Nous sommes face à des échéances et il faut que l'Europe avance.
Q - Concrètement, que faire pour réchauffer les relations entre la France et l'Allemagne ?
R - Je suis navrée de vous dire qu'il n'y a aucun gel des relations franco-allemandes. Les élections sont passées, nous allons travailler sur la coopération bilatérale, sur la réforme des institutions de l'Europe et sur tous les autres sujets qui se posent à l'Europe et aux Européens.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 27 septembre 2002)
Interview à TV5 le 24 septembre :
Q - Madame Lenoir, vous êtes la ministre française des Affaires européennes, en charge de l'Europe dans le gouvernement Raffarin - l'Europe qui est au cur de l'actualité, brille malheureusement parfois par son absence aussi et par son impuissance. Quel avenir donc pour l'Union européenne à la veille de l'élargissement à dix nouveaux pays, quelles institutions pour l'Europe, quelle politique étrangère et de défense commune ? J'ai envie de vous demander, Noëlle Lenoir, si vous avez le sentiment d'hériter des Affaires européennes, des questions européennes, à un moment historique, à un tournant de l'histoire de l'Europe ?
R - C'est un tournant historique, c'est aussi une chance pour nous. De quoi s'agit-il ? Il s'agit de créer la grande Europe, qui va rejoindre la communauté européenne, et jamais l'histoire n'aurait dû couper en deux et même séparer par un mur les deux parties de l'Europe. Donc c'est un tournant historique parce que pour la première fois, il va pouvoir y avoir un parallélisme entre le continent européen d'une part, et la construction de l'Europe politique d'autre part, donc c'est un moment formidable et difficile.
Q - Alors vous parlez de l'Europe politique, quelles seraient vos priorités de l'Europe politique ? Vous avez récemment évoqué, par exemple, la nomination d'un ministre des Affaires étrangères de l'Union européenne. Est-ce que c'est quelque chose qui vous semble réaliste et à court terme ?
R - Il existe déjà une Politique étrangère et de sécurité commune, mais qui est naissante et Jacques Chirac a lancé cette idée de ministre des Affaires étrangères parce que le contexte mondial a considérablement changé. L'Europe, c'est d'abord la paix au sein des pays européens, le Vieux continent, ces vielles nations qui depuis toujours se sont combattues, font la paix, la réconciliation franco-allemande, la paix au niveau de l'ensemble du continent. Mais il y a aussi les menaces extérieures et c'est vrai que là, face aux crises internationales, face aux menaces de disséminations des armes, la traite des êtres humains, le problème du terrorisme, face à tous ces dangers qui sont une négation de nos droits et de nos valeurs, il faut s'unir et il faut avoir une seule voix sur la scène internationale. C'est ça le projet d'une politique étrangère européenne.
Q - Et ce sera un ministre mandaté par qui, qui serait élu ou nommé par qui ?
R - S'agissant du projet, la France fait ses propositions et il y a comme vous le savez, en ce moment des discussions au sein de la Convention pour essayer d'envisager comment on va gouverner l'Europe
Q - C'est la convention qui est présidée par l'ancien président français Valéry Giscard d'Estaing, qui réfléchit à l'avenir des institutions européennes
R - Voilà, et qui va proposer pour que les Etats ensuite en décident dans une conférence entre chefs d'Etats et de gouvernements, ce qui sera la base de la nouvelle constitution de l'Europe politique. La proposition de la France, c'est d'avoir un président du Conseil rassemblant tous ces Etats qui ait un mandat pour une durée suffisamment longue pour donner l'impulsion politique de l'Europe, avec à ses côtés un vrai ministre des Affaires étrangères pour qu'on puisse parler d'une seule voix à l'ONU et de manière générale sur la scène internationale. Et puis il y a aussi la machine communautaire, la Commission, le Parlement européen, qui doivent être renforcés pour qu'on puisse avoir des positions identiques sur des politiques très importantes.
Q - Madame la Ministre, vous dites parler d'une seule voix, on a parfois l'impression qu'on en est encore assez loin, par exemple on a eu récemment la guerre du Golfe, il y a eu l'Afghanistan, il y aura peut-être demain l'Iraq. Est-ce que vous n'avez pas l'impression que les Etats-Unis, s'ils le veulent, peuvent agir seuls et en fait se passer complètement de l'avis de l'Europe, est-ce que ce n'est pas dramatique ?
R - L'Europe ne se construit pas contre les Etats-Unis, l'Europe se construit parce que nous voulons avoir notre propre identité, notre propre autonomie et une maîtrise de notre destin. On parle par exemple souvent des crises comme celle du Moyen-Orient ; or, face à cette crise il y a une position commune des Européens et encore récemment la diplomatie française, appuyée par la diplomatie britannique, a fortement initié la position du Conseil de sécurité qui demande la cessation immédiate des violences à Ramallah. Par ailleurs, il y a des sujets complexes comme celui de l'Iraq. On a dit qu'il y avait des discordances, en réalité ce qui est important de souligner c'est que l'Europe s'appuie sur la règle de droit international. Il faut, ont dit les Européens et tous les Européens, que ces sujets-là soient traités par la communauté internationale, c'est-à-dire par les Nations unies.
Q - Mais est-ce que s'appuyer sur la règle de droit international, ce n'est pas aussi d'une certaine manière masquer sa faiblesse ?
R - L'Europe est à la fois faible et forte
Q - Vous avez évoqué vous-même dernièrement dans un article que vous aviez donné à publier dans "Le Monde" "L'impuissance de l'Europe", que vous vouliez une Europe puissance ?
R - Je n'ai pas parlé d'impuissance de l'Europe mais effectivement le sujet nouveau et le défi qui est le nôtre, c'est d'avoir une voix qui pèse sur la scène internationale parce que plus de paix, plus de sécurité, c'est l'aspiration de tous les citoyens du monde et l'Europe doit jouer un rôle plus fort à cet égard.
Q - On parlait de l'élargissement à dix nouveaux membres, c'est à l'horizon 2004, est-ce que pour vous c'est une chance, une obligation politique ou un piège aussi pour l'Europe d'une certaine manière ?
R - La grande Europe, c'est l'enjeu de l'élargissement, c'est la chance de tous, d'abord parce que nous sommes Européens, c'est notre culture, il n'y avait aucune raison qu'un certain nombre de pays soit écarté de l'aventure de l'entreprise européenne. Deuxièmement, l'Europe élargie, c'est la chance pour nous aussi de vivre dans une communauté plus forte dans le monde et c'est aussi la diversité culturelle. C'est-à-dire qu'on voyage de façon assez facile aujourd'hui, mais les jeunes doivent pouvoir circuler en Europe, accéder à des universités dans tous les pays européens. Il n'y a pas que la monnaie, il y a aussi la culture qui est une monnaie d'échange et il faut que nos cultures s'enrichissent les unes et les autres et c'est ça aussi l'enjeu européen.
Q - Ce n'est déjà pas facile à quinze alors à vingt-cinq, ou à vingt-sept plus tard, est-ce que ce n'est pas quelque part la fin de cette Europe politique que vous appelez de vos vux ?
R - Non, parce que grâce à cet élargissement, pour la première fois dans l'histoire de l'Europe nous sommes en train de réfléchir à des institutions plus proches des citoyens et rénovées. Imaginez que pour la première fois il y a pratiquement un véritable consensus sur l'idée qu'il faut une véritable constitution européenne ! C'est-à-dire qu'il faut une refondation de l'Europe politique. Sans l'élargissement on aurait continué à rénover par petits pas les institutions. Cela aurait été l'écueil de la complexité.
Q - L'élargissement passe par ces réformes des institutions. Il y a la Convention présidée par l'ancien président français Valéry Giscard d'Estaing. Est-ce que cette réforme des institutions sera prête à temps ?
R - La Convention doit faire ses propositions pour le printemps 2003. Ensuite les Etats au sein d'une conférence dite intergouvernementale vont négocier, vont s'accorder et vont essayer de produire un texte constitutionnel. On va y arriver.
Q - Est-ce que les Français sont sceptiques ou voient l'élargissement d'un bon il ?
R - Les dirigeants politiques, le gouvernement, le président de la République n'ont aucun scepticisme. La France a été père fondateur de l'Europe. La France sera un acteur majeur de la refondation de la grande Europe. Pour ce qui est des citoyens, c'est une de mes préoccupations en tant que ministre déléguée aux Affaires européennes, il faut expliquer. Il faut montrer pourquoi nous sommes européens et pas seulement citoyens français. Toujours les Français ont manifesté à la fois des hésitations et un grand élan, il faut dynamiser cet élan.
Q - Il y a quelques jours, des députés socialistes ont proposé un référendum sur cet élargissement. Etes-vous favorable à cette idée ?
R - Je crois qu'il faut expliquer aux Français ce qu'est l'Europe. Il faut leur expliquer qu'aujourd'hui on ne peut être Français si on n'est pas également Européen, si on veut garder notre identité nationale, aller de l'avant, si on veut bénéficier du grand marché. Je crois que c'est une démarche qui est menée à l'occasion de ce forum franco-allemand. Pour ce qui est des consultations, nous verrons une fois que les traités d'adhésion et le traité constitutionnel seront prêts.
Q - Vous n'excluez pas un référendum à ce sujet-là ?
R - Il y a beaucoup de propositions. Nous verrons si au moment du traité constitutionnel, il y aura une consultation.
Q - Vous parliez du moteur franco-allemand de l'Union européenne. On va voir donc des images dimanche du chancelier Schröder, qui a été réélu à Berlin. Il va se succéder à lui-même. Une victoire rouge-verte, puisqu'elle est due en partie aux écologistes de Joshka Fischer. Est-ce que ce n'est pas une déception pour le gouvernement français, qui était plus proche du conservateur Stoibe ? Ou la reconduction de Schröder vous convient-elle ?
R - Nous avons déjà beaucoup travaillé avec le gouvernement Schröder depuis l'installation du gouvernement Raffarin. Nous n'avons pas à nous ingérer dans les affaires allemandes, c'est une grande démocratie. Le suspens entretenu jusqu'à l'annonce des résultats montre que c'est une grande démocratie qui fonctionne extrêmement bien. Ce que je peux vous dire, c'est que dès mon entrée en fonction, je suis allée à Berlin. Le premier voyage de Dominique de Villepin a été également en Allemagne. Nous pensons que sans couple franco-allemand, sans le pétrole, c'est-à-dire l'énergie créatrice, de ce couple franco-allemand, qui a été à l'origine de l'Europe avec la réconciliation, et qui va être à l'origine de la grande Europe, l'Europe ne pourra pas avancer.
Q - Alors on met du pétrole dans le moteur franco-allemand. Mais il y a quelques "ratés", par exemple la politique agricole commune. On sait que la France et l'Allemagne n'ont pas du tout la même vision de la réforme. En gros les Allemands disent "nous payons assez". Les Français veulent la conserver, car elle protège les agriculteurs. Comment allez-vous pouvoir vous entendre, sachant qu'il y a d'autres pays qui vont entrer dans l'Europe et vont aussi demander des subventions ?
R - La position est claire : il est exclu que ceux qui nous rejoignent dans la grande famille européenne soient privés de cette Politique agricole commune qui a été un des éléments forts du socle de la construction européenne depuis le début. Il y a une solution, c'est que progressivement, ils bénéficient des avantages de cette politique. Par ailleurs, nous pensons aussi qu'il y a un contrat qui a été établi entre les Etats membres et notamment entre les Allemands et les Français en 1999. Il ne faut pas bouleverser les équilibres avant 2006. Dans ce cadre, comme vous avez pu le constater au cours de la dernière rencontre entre le chancelier Schröder et le président Chirac au début de ce mois, chacun a pu s'exprimer en disant qu'il comprenait les préoccupations de l'autre. Il y a des conversations, un dialogue, et bientôt il va y avoir une expression obligée sur la Politique agricole commune à l'occasion du Conseil européen de Copenhague.
Q - Concernant l'aide aux victimes des inondations de l'Union européenne, la Commission propose de débloquer un milliard d'euros par an. Est-ce que ce sera suffisant ?
R - Nous sommes premièrement très tristes pour les victimes. C'est un drame épouvantable. Il faut constater que la solidarité européenne a joué, car nous n'avons pas fait de distinction entre les pays candidats et les pays membres. Nous regardons avec beaucoup d'intérêt ce qui est proposé par la Commission. Nous pensons néanmoins que pour les catastrophes naturelles, il faut que cette solidarité joue. Pour ce qui est des catastrophes industrielles, il faut aller plus loin dans la réflexion pour qu'un système de prévention soit mis en place.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 27 septembre 2002)
Q - Quelle sera la priorité franco-allemande après les élections ?
R - Le dossier prioritaire est l'avenir de l'Europe, c'est-à-dire la future constitution européenne. Il faut absolument que, sur les institutions, la démocratisation de l'Europe, l'Allemagne et la France se mettent d'accord et proposent des contributions communes.
Q - Est-ce que le poids des Verts introduit un élément d'incertitude ou d'inquiétude pour la politique étrangère de l'Allemagne ?
R - Je dois dire que le fait que M. Fischer ait rencontré un tel succès, je dirais personnel, est une très bonne nouvelle pour l'Europe. Lorsque je l'ai rencontré à Berlin, nous avons eu un échange très approfondi et il a une très grande conviction en faveur de la construction européenne. C'est donc une bonne nouvelle pour l'Europe.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 27 septembre 2002)
Interview à Bloomberg TV le 23 :
Q - Noëlle Lenoir, quel regard portez-vous sur ces élections ? Le gouvernement n'est-il pas un peu déçu dans la mesure où Jacques Chirac avait reçu Edmund Stoiber de façon très chaleureuse ?
R - Ce que nous voyons, puisque nous connaissons ce gouvernement - nous avons travaillé avec lui -, c'est qu'il a à sa tête des européens, des dirigeants politiques européens, Schröder l'a montré et Fischer également. Nous avons face à nous une équipe prête à avancer en Europe avec les Français, mais aussi avec les autres.
Q - L'Allemagne, avec la Suède, fait figure d'exception au sein de l'Europe qui est gagnée par une vague bleue. Est-ce que l'on peut dire que nous assistons à un clivage nord-sud, puisque l'Italie, l'Espagne et la France sont passées à droite ?
R - Du point de vue de l'Europe, des enjeux de la construction européenne, pour continuer à faire avancer cette entreprise unique au monde, unique en son genre, qui est de construire une communauté politique, nous voulons être ensemble et non pas contre l'extérieur. Cela intéresse tous les partis politiques et il n'y a pas une Europe de gauche et une Europe de droite à cet égard. J'indique que mon prédécesseur du gouvernement Jospin, M. Moscovici, est actuellement le représentant des autorités françaises à la Convention.
Q - La situation économique en Allemagne vous inquiète-t-elle, et quelles peuvent être les répercussions sur la France puisque l'Allemagne est le premier partenaire ?
R - Alfred Grosser me fournit l'occasion de rappeler - et d'ailleurs il n'est est pas besoin sur votre chaîne -, que nous sommes dans une conjoncture économique, financière et boursière mondiale un peu difficile, ce qui explique les difficultés de nos entreprises, qui sont souvent de dimension internationale. Nous sommes dans une conjoncture qui n'est pas bonne. Cela dit, l'économie connaît des variations et nous allons sans doute dans quelque temps nous étonner des difficultés que nous connaissons à l'heure actuelle ou, au contraire, avoir à faire face à de nouvelles difficultés, mais la situation actuelle ne fait que refléter l'économie mondiale.
Q - La question de l'Iraq sur laquelle le couple franco-allemand a divergé. On a remarqué que Washington n'avait pas félicité le chancelier Schröder ce soir.
R - La crise de l'Iraq est une crise grave, un problème qui, hélas ! n'est pas anodin. Il faut quand même souligner les convergences qui viennent d'être indiquées : d'une part une forte préoccupation des risques liés au régime iraquien - comportement de l'Iraq - et d'autre part une convergence sur l'idée que le multilatéralisme et les Nations unies ont leur rôle à jouer. Il faut s'en remettre à la communauté internationale et signaler que l'Allemagne, s'agissant des inspecteurs des missions d'inspection de l'ONU, a annoncé tout récemment qu'elle souhaitait participer à cette mission d'inspection. Donc, dans l'état actuel des choses, il y a une position européenne à laquelle l'Allemagne participe.
Q - Autre dossier sensible entre la France et l'Allemagne : la PAC. L'Allemagne veut une réduction des aides, la France s'y refuse, est-ce qu'un compromis est possible, et sur quels critères ?
R - Notons d'abord que la Politique agricole commune (PAC) est un des sujets qui reste à traiter dans le cadre du processus d'élargissement et qu'il faut décider dans quelles conditions les nouveaux Etats pourront bénéficier ou non des aides agricoles. Le sujet est posé de manière générale. Deuxièmement, il fait l'objet de discussions. La position de la France a été exprimée, elle est de s'en tenir au contrat conclu au Sommet de Berlin en 1999 et de respecter les échéances, c'est-à-dire une renégociation des termes de la PAC pour une finalisation en 2006.
Q - Sur les institutions européennes. Est-ce que ce qui "coince" c'est le côté un peu trop fédéraliste auquel est attaché Schröder ?
R - Là aussi il y a eu des expressions. Ce que je peux dire - et là je peux parler tout à fait concrètement - c'est que depuis mon entrée en fonction voici trois mois, je suis allée deux fois à Berlin, j'ai reçu plusieurs fois à Paris les partenaires allemands du gouvernement Schröder, et nous avons établi des points communs, notamment celui d'intégrer la Charte des droits fondamentaux des citoyens dans le futur traité, dans la future constitution européenne. Nous allons, dans les jours qui viennent, retravailler sur des nouveaux sujets pour nous accorder sur les institutions de l'Europe.
Q - Le président Chirac veut relancer la relation franco-allemande pour le quarantième anniversaire du traité de l'Elysée. Est-ce qu'il y a la même volonté du côté allemand ?
R- J'en suis absolument persuadée. Il y a une détermination totale. Quand le couple franco-allemand fonctionne bien, l'Europe avance Nous sommes face à des échéances et il faut que l'Europe avance.
Q - Concrètement, que faire pour réchauffer les relations entre la France et l'Allemagne ?
R - Je suis navrée de vous dire qu'il n'y a aucun gel des relations franco-allemandes. Les élections sont passées, nous allons travailler sur la coopération bilatérale, sur la réforme des institutions de l'Europe et sur tous les autres sujets qui se posent à l'Europe et aux Européens.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 27 septembre 2002)
Interview à TV5 le 24 septembre :
Q - Madame Lenoir, vous êtes la ministre française des Affaires européennes, en charge de l'Europe dans le gouvernement Raffarin - l'Europe qui est au cur de l'actualité, brille malheureusement parfois par son absence aussi et par son impuissance. Quel avenir donc pour l'Union européenne à la veille de l'élargissement à dix nouveaux pays, quelles institutions pour l'Europe, quelle politique étrangère et de défense commune ? J'ai envie de vous demander, Noëlle Lenoir, si vous avez le sentiment d'hériter des Affaires européennes, des questions européennes, à un moment historique, à un tournant de l'histoire de l'Europe ?
R - C'est un tournant historique, c'est aussi une chance pour nous. De quoi s'agit-il ? Il s'agit de créer la grande Europe, qui va rejoindre la communauté européenne, et jamais l'histoire n'aurait dû couper en deux et même séparer par un mur les deux parties de l'Europe. Donc c'est un tournant historique parce que pour la première fois, il va pouvoir y avoir un parallélisme entre le continent européen d'une part, et la construction de l'Europe politique d'autre part, donc c'est un moment formidable et difficile.
Q - Alors vous parlez de l'Europe politique, quelles seraient vos priorités de l'Europe politique ? Vous avez récemment évoqué, par exemple, la nomination d'un ministre des Affaires étrangères de l'Union européenne. Est-ce que c'est quelque chose qui vous semble réaliste et à court terme ?
R - Il existe déjà une Politique étrangère et de sécurité commune, mais qui est naissante et Jacques Chirac a lancé cette idée de ministre des Affaires étrangères parce que le contexte mondial a considérablement changé. L'Europe, c'est d'abord la paix au sein des pays européens, le Vieux continent, ces vielles nations qui depuis toujours se sont combattues, font la paix, la réconciliation franco-allemande, la paix au niveau de l'ensemble du continent. Mais il y a aussi les menaces extérieures et c'est vrai que là, face aux crises internationales, face aux menaces de disséminations des armes, la traite des êtres humains, le problème du terrorisme, face à tous ces dangers qui sont une négation de nos droits et de nos valeurs, il faut s'unir et il faut avoir une seule voix sur la scène internationale. C'est ça le projet d'une politique étrangère européenne.
Q - Et ce sera un ministre mandaté par qui, qui serait élu ou nommé par qui ?
R - S'agissant du projet, la France fait ses propositions et il y a comme vous le savez, en ce moment des discussions au sein de la Convention pour essayer d'envisager comment on va gouverner l'Europe
Q - C'est la convention qui est présidée par l'ancien président français Valéry Giscard d'Estaing, qui réfléchit à l'avenir des institutions européennes
R - Voilà, et qui va proposer pour que les Etats ensuite en décident dans une conférence entre chefs d'Etats et de gouvernements, ce qui sera la base de la nouvelle constitution de l'Europe politique. La proposition de la France, c'est d'avoir un président du Conseil rassemblant tous ces Etats qui ait un mandat pour une durée suffisamment longue pour donner l'impulsion politique de l'Europe, avec à ses côtés un vrai ministre des Affaires étrangères pour qu'on puisse parler d'une seule voix à l'ONU et de manière générale sur la scène internationale. Et puis il y a aussi la machine communautaire, la Commission, le Parlement européen, qui doivent être renforcés pour qu'on puisse avoir des positions identiques sur des politiques très importantes.
Q - Madame la Ministre, vous dites parler d'une seule voix, on a parfois l'impression qu'on en est encore assez loin, par exemple on a eu récemment la guerre du Golfe, il y a eu l'Afghanistan, il y aura peut-être demain l'Iraq. Est-ce que vous n'avez pas l'impression que les Etats-Unis, s'ils le veulent, peuvent agir seuls et en fait se passer complètement de l'avis de l'Europe, est-ce que ce n'est pas dramatique ?
R - L'Europe ne se construit pas contre les Etats-Unis, l'Europe se construit parce que nous voulons avoir notre propre identité, notre propre autonomie et une maîtrise de notre destin. On parle par exemple souvent des crises comme celle du Moyen-Orient ; or, face à cette crise il y a une position commune des Européens et encore récemment la diplomatie française, appuyée par la diplomatie britannique, a fortement initié la position du Conseil de sécurité qui demande la cessation immédiate des violences à Ramallah. Par ailleurs, il y a des sujets complexes comme celui de l'Iraq. On a dit qu'il y avait des discordances, en réalité ce qui est important de souligner c'est que l'Europe s'appuie sur la règle de droit international. Il faut, ont dit les Européens et tous les Européens, que ces sujets-là soient traités par la communauté internationale, c'est-à-dire par les Nations unies.
Q - Mais est-ce que s'appuyer sur la règle de droit international, ce n'est pas aussi d'une certaine manière masquer sa faiblesse ?
R - L'Europe est à la fois faible et forte
Q - Vous avez évoqué vous-même dernièrement dans un article que vous aviez donné à publier dans "Le Monde" "L'impuissance de l'Europe", que vous vouliez une Europe puissance ?
R - Je n'ai pas parlé d'impuissance de l'Europe mais effectivement le sujet nouveau et le défi qui est le nôtre, c'est d'avoir une voix qui pèse sur la scène internationale parce que plus de paix, plus de sécurité, c'est l'aspiration de tous les citoyens du monde et l'Europe doit jouer un rôle plus fort à cet égard.
Q - On parlait de l'élargissement à dix nouveaux membres, c'est à l'horizon 2004, est-ce que pour vous c'est une chance, une obligation politique ou un piège aussi pour l'Europe d'une certaine manière ?
R - La grande Europe, c'est l'enjeu de l'élargissement, c'est la chance de tous, d'abord parce que nous sommes Européens, c'est notre culture, il n'y avait aucune raison qu'un certain nombre de pays soit écarté de l'aventure de l'entreprise européenne. Deuxièmement, l'Europe élargie, c'est la chance pour nous aussi de vivre dans une communauté plus forte dans le monde et c'est aussi la diversité culturelle. C'est-à-dire qu'on voyage de façon assez facile aujourd'hui, mais les jeunes doivent pouvoir circuler en Europe, accéder à des universités dans tous les pays européens. Il n'y a pas que la monnaie, il y a aussi la culture qui est une monnaie d'échange et il faut que nos cultures s'enrichissent les unes et les autres et c'est ça aussi l'enjeu européen.
Q - Ce n'est déjà pas facile à quinze alors à vingt-cinq, ou à vingt-sept plus tard, est-ce que ce n'est pas quelque part la fin de cette Europe politique que vous appelez de vos vux ?
R - Non, parce que grâce à cet élargissement, pour la première fois dans l'histoire de l'Europe nous sommes en train de réfléchir à des institutions plus proches des citoyens et rénovées. Imaginez que pour la première fois il y a pratiquement un véritable consensus sur l'idée qu'il faut une véritable constitution européenne ! C'est-à-dire qu'il faut une refondation de l'Europe politique. Sans l'élargissement on aurait continué à rénover par petits pas les institutions. Cela aurait été l'écueil de la complexité.
Q - L'élargissement passe par ces réformes des institutions. Il y a la Convention présidée par l'ancien président français Valéry Giscard d'Estaing. Est-ce que cette réforme des institutions sera prête à temps ?
R - La Convention doit faire ses propositions pour le printemps 2003. Ensuite les Etats au sein d'une conférence dite intergouvernementale vont négocier, vont s'accorder et vont essayer de produire un texte constitutionnel. On va y arriver.
Q - Est-ce que les Français sont sceptiques ou voient l'élargissement d'un bon il ?
R - Les dirigeants politiques, le gouvernement, le président de la République n'ont aucun scepticisme. La France a été père fondateur de l'Europe. La France sera un acteur majeur de la refondation de la grande Europe. Pour ce qui est des citoyens, c'est une de mes préoccupations en tant que ministre déléguée aux Affaires européennes, il faut expliquer. Il faut montrer pourquoi nous sommes européens et pas seulement citoyens français. Toujours les Français ont manifesté à la fois des hésitations et un grand élan, il faut dynamiser cet élan.
Q - Il y a quelques jours, des députés socialistes ont proposé un référendum sur cet élargissement. Etes-vous favorable à cette idée ?
R - Je crois qu'il faut expliquer aux Français ce qu'est l'Europe. Il faut leur expliquer qu'aujourd'hui on ne peut être Français si on n'est pas également Européen, si on veut garder notre identité nationale, aller de l'avant, si on veut bénéficier du grand marché. Je crois que c'est une démarche qui est menée à l'occasion de ce forum franco-allemand. Pour ce qui est des consultations, nous verrons une fois que les traités d'adhésion et le traité constitutionnel seront prêts.
Q - Vous n'excluez pas un référendum à ce sujet-là ?
R - Il y a beaucoup de propositions. Nous verrons si au moment du traité constitutionnel, il y aura une consultation.
Q - Vous parliez du moteur franco-allemand de l'Union européenne. On va voir donc des images dimanche du chancelier Schröder, qui a été réélu à Berlin. Il va se succéder à lui-même. Une victoire rouge-verte, puisqu'elle est due en partie aux écologistes de Joshka Fischer. Est-ce que ce n'est pas une déception pour le gouvernement français, qui était plus proche du conservateur Stoibe ? Ou la reconduction de Schröder vous convient-elle ?
R - Nous avons déjà beaucoup travaillé avec le gouvernement Schröder depuis l'installation du gouvernement Raffarin. Nous n'avons pas à nous ingérer dans les affaires allemandes, c'est une grande démocratie. Le suspens entretenu jusqu'à l'annonce des résultats montre que c'est une grande démocratie qui fonctionne extrêmement bien. Ce que je peux vous dire, c'est que dès mon entrée en fonction, je suis allée à Berlin. Le premier voyage de Dominique de Villepin a été également en Allemagne. Nous pensons que sans couple franco-allemand, sans le pétrole, c'est-à-dire l'énergie créatrice, de ce couple franco-allemand, qui a été à l'origine de l'Europe avec la réconciliation, et qui va être à l'origine de la grande Europe, l'Europe ne pourra pas avancer.
Q - Alors on met du pétrole dans le moteur franco-allemand. Mais il y a quelques "ratés", par exemple la politique agricole commune. On sait que la France et l'Allemagne n'ont pas du tout la même vision de la réforme. En gros les Allemands disent "nous payons assez". Les Français veulent la conserver, car elle protège les agriculteurs. Comment allez-vous pouvoir vous entendre, sachant qu'il y a d'autres pays qui vont entrer dans l'Europe et vont aussi demander des subventions ?
R - La position est claire : il est exclu que ceux qui nous rejoignent dans la grande famille européenne soient privés de cette Politique agricole commune qui a été un des éléments forts du socle de la construction européenne depuis le début. Il y a une solution, c'est que progressivement, ils bénéficient des avantages de cette politique. Par ailleurs, nous pensons aussi qu'il y a un contrat qui a été établi entre les Etats membres et notamment entre les Allemands et les Français en 1999. Il ne faut pas bouleverser les équilibres avant 2006. Dans ce cadre, comme vous avez pu le constater au cours de la dernière rencontre entre le chancelier Schröder et le président Chirac au début de ce mois, chacun a pu s'exprimer en disant qu'il comprenait les préoccupations de l'autre. Il y a des conversations, un dialogue, et bientôt il va y avoir une expression obligée sur la Politique agricole commune à l'occasion du Conseil européen de Copenhague.
Q - Concernant l'aide aux victimes des inondations de l'Union européenne, la Commission propose de débloquer un milliard d'euros par an. Est-ce que ce sera suffisant ?
R - Nous sommes premièrement très tristes pour les victimes. C'est un drame épouvantable. Il faut constater que la solidarité européenne a joué, car nous n'avons pas fait de distinction entre les pays candidats et les pays membres. Nous regardons avec beaucoup d'intérêt ce qui est proposé par la Commission. Nous pensons néanmoins que pour les catastrophes naturelles, il faut que cette solidarité joue. Pour ce qui est des catastrophes industrielles, il faut aller plus loin dans la réflexion pour qu'un système de prévention soit mis en place.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 27 septembre 2002)