Déclaration de M. Jean-François Mattéi, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, sur la politique de santé publique pour 2003, Paris le 14 janvier 2003.

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Circonstance : Voeux de M. Jean-François Mattéi à la presse à Paris le 14 janvier 2003

Texte intégral

Mesdames, Messieurs
Quelques mois ne suffisent pas à faire un bilan. Pour ma part, je ne masquerai pas le mélange de satisfaction pour ce qui a été déjà accompli et d'impatience à l'égard de ce qui reste à réaliser.
D'abord le dialogue a été rétabli avec les professions de santé. Dialogue rugueux parfois tant les problèmes sont nombreux et difficiles et aussi parce que le monde de la santé semblait avoir perdu de vue la possibilité de discuter hors la menace de grève ou le chantage à l'interruption des soins. Mais le respect est désormais la loi des parties. Depuis juin 2002, les 12 approbations ou agréments d'accords signés entre les caisses d'assurance maladie et les syndicats représentatifs des professions de santé - sans compter les accords régionaux - ainsi que les 9 mesures de nomenclature prises par mes soins donnent à ce dialogue un tour concret, débouchant sur des améliorations sensibles de la situation des intéressés. Ensuite les bases d'un ambitieux plan " hôpital 2007 " ont été posées Enfin la loi de financement de la sécurité sociale porte une nouvelle politique du médicament axée sur le remboursement nécessaire et le soutien à la véritable innovation.
Les circonstances se sont chargées en outre d'enrichir ce bilan : ainsi la crise de l'assurance médicale a conduit les pouvoirs publics à en modifier le régime juridique.
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Mais, je vous l'ai dit, je ne me satisfais pas de ce qui a été engagé tant il y a faire pour que notre système de santé relève les nombreux défis qui lui sont lancés. L'actualité parfois brouillonne masque les lignes de perspective de l'action C'est la vocation d'un moment comme celui-ci que de les faire réapparaître.
Je voudrais les faire ressortir, sous la forme de trois propositions :
D'abord :
1 - un nouveau regard collectif doit être porté sur la santé
2 - les contraintes économiques ne sont pas des artifices
3 - l'action sur la production des soins est notre seule chance
Un nouveau regard sur la santé
Il y a de nombreuses contradictions dans notre manière de considérer la santé. C'est à la fois le bien le plus précieux et nous le traitons avec une réelle insouciance. Et pourtant combien de négligences quotidiennes envers notre santé dont témoignent les conduites à risque, les consommations dangereuses ou excessives, l'inactivité physique
De même, nous consacrons 150 milliards d'euros à notre système de santé dont les trois-quarts sont financés par la sécurité sociale. Cela représente plus de 2 000 euros par personne. Cette dépense est cependant sans garantie de meilleur emploi puisque nos indicateurs de santé ne sont pas à la hauteur de cette dépense. Les tensions qui s'exercent sur les finances publiques imposent de mieux mesurer l'emploi de ces sommes colossales. Il faut donc considérer la santé avec plus de sérieux.
Ce sera l'objet d'une loi de santé publique de marquer les engagements de la nation. Que constate-t-on en effet ? Eh bien on constate que l'activité du système de santé n'est encadrée par aucun objectif explicite et que, du coup, s'est créé, au fil du temps, un déséquilibre majeur entre prévention et soins. Je note aussi que chaque fois qu'il faut lancer des actions de prévention sur le terrain, nous nous heurtons à des difficultés pratiques liés à l'enchevêtrement des responsabilités, à la dispersion des compétences et à la multitude des financements. Le cas des programmes du cancer du sein chez les femmes illustre mon propos jusqu'à la caricature. Il est temps de doter notre pays d'une véritable organisation pour mener les programmes de santé aux niveaux national et régional.
Voyons ensuite le poids des contraintes économiques
Le même sérieux s'attache à la prise en compte des contraintes économiques et financières. Le caractère inéluctable de l'évolution des dépenses de santé ne peut nous faire échapper aux réalités les plus élémentaires.
Or ces réalités sont sombres. La croissance économique a été limitée l'année dernière : le PIB ne devrait évoluée que de 1% environ d'après l'Insee. Le déficit du régime général devrait être compris entre trois et quatre milliards d'euros en 2002 et se dégrader un peu en 2003.
Toute société vit de la rareté de ses ressources et doit faire des choix sur leur répartition entre les fonctions collectives qu'elle assume. Le caractère, souvent souligné, de bien supérieur attribué à la santé ne peut nous conduire à méconnaître d'autres impératifs sociaux comme l'équilibre des régimes de retraite, le coût de la dépendance des personnes âgées.
Nous devons sortir de cette hypocrisie collective selon laquelle on peut à la fois baisser les recettes et augmenter les dépenses. C'est l'honneur des responsables politiques de soumettre aux Françaises et aux Français les arbitrages qu'ils doivent eux-mêmes effectuer. On ne mène pas une politique à coups de sondages qui se complaisent à additionner les réponses incohérentes : oui aux dépenses, non aux recettes. Le temps de la cohérence, qui est un temps politique, est venu. Je souhaite contribuer à la préparation du pays aux choix qui s'imposent. J'entame pour ma part la réflexion sans tabou.
Et d'abord je m'interroge sur l'adaptation du mode de financement de l'assurance maladie aux problèmes de notre temps. Je souhaite notamment pouvoir adapter le financement aux aléas de la croissance économique
Ensuite il convient de repenser les contours de la solidarité nationale et ce que le financement solidaire doit payer. Ce qu'on appelle familièrement le " panier de soins " est un empilement historique de décisions, parfois microscopiques mais toujours coûteuses, qui consistent à admette au remboursement tel acte ou tel produit. Une insuffisante séparation des différentes phases de la décision en brouille l'élaboration. Appréciation scientifique, estimation de la valeur économique, opportunité au plan sanitaire mais aussi utilité collective sont autant d'aspects qui doivent être convenablement étagés pour fournir une réflexion puis une action cohérentes.
Mais une décision de remboursement ne doit jamais être acquise une fois pour toutes. Il nous faut gérer de manière active ce périmètre du remboursement. Je pense avoir fait la démonstration en agissant en ce sens à propos du médicament. Je souhaite marquer cette année par une réforme du dispositif d'évaluation du médicament en France. On ne saurait en effet avoir un politique sélective du remboursement sans un outil performant d'évaluation. On ne peut jamais renoncer à un service rendu de qualité.
Mais c'est surtout sur la manière dont fonctionne notre système de soins que nous devons porter nos interrogations et nos efforts.
C'est donc une action résolue sur la manière de soigner
L'abandon des mécanismes de maîtrise comptable doit nous permettre de nous attacher, dans la confiance retrouvée et partagée, à rechercher les voies de produire des soins de qualité, justifiés et au meilleur coût pour la collectivité. Croire que la qualité coûte toujours plus cher est paresse de l'esprit et justifier le soin est autant une nécessité économique que sanitaire car il serait dangereux de nier que des soins mal conçus ou mal dispensés sont sources de trouble pour la patient.
Voilà pourquoi il est urgent de s'atteler à mieux cerner un recours raisonné aux soins qui n'est en rien un rationnement des soins. Cela signifie le courage d'adapter notre offre de soins afin qu'elle soit géographiquement et d'un point de vue sanitaire pertinente. On ne peut nier qu'une offre inutile ou inadaptée produit toujours du soin et que celui-ci est alors dangereux et coûteux.
Voilà pourquoi je souhaite voir se développer plus rapidement que cela ne s'est fait jusqu'ici les processus modernes de production des soins : diffusion de référentiels de bonne pratique ; dossier médical du patient et coordination des soins, formation continue et évaluation des pratiques.
Voilà pourquoi, enfin, il nous faut faire preuve d'inventivité pour responsabiliser le patient. Responsabiliser n'est pas culpabiliser mais transformer en utilisateur avisé du système de santé. Les incitations à l'usage du médicament générique, les nouvelles règles de prise en charge des visites à domicile sont des premiers pas. Encourager la prévention, développer l'automédication en sont d'autres à accomplir.
Améliorer la manière dont les soins sont dispensés dans notre pays impose de libérer les acteurs et de leur confier plus de responsabilités. Dans le domaine des établissements de santé, c'est l'objet du plan " Hôpital 2007 ". Il faut en effet assouplir le fonctionnement d'ensemble du système hospitalier pour lui permettre de s'adapter à son nouvel environnement. " Hôpital 2007 ", c'est avant tout un changement de culture : recréer les espaces de liberté, d'autonomie et de responsabilité qui sont indispensables pour donner le goût des projets et l'ambition de l'excellence et redonner ainsi à chacun l'envie et la fierté d'accomplir son métier.
La conclusion, désormais prévisible, d'une convention entre caisses et médecins - dont vous comprendrez que je me réjouisse particulièrement - va aussi dans ce sens de la responsabilité des acteurs. Elle liera en effet les revalorisations tarifaires et les accords de bon usage des soins. C'est l'objet de ce qu'il est désormais convenu d'appeler : l'optimisation médicalisée des soins.
Enfin et tout aussi important c'est la manière dont notre système de santé et d'assurance maladie est piloté qui doit être plus performante. C'est le chantier de la gouvernance. Il sera conduit tout au long de cette année dans le but de clarifier les responsabilités des uns et des autres en confiant à ceux qui s'engageront résolument en ce sens des pouvoirs nouveaux Je consulterai au cours de ce trimestre les différents partenaires, prenant le temps d'une réflexion approfondie, attentif aux aspirations de chacun et soucieux de mesurer leur réelle capacité à agir pour conduire les évolutions qu'imposent une situation difficile au plan financier et porteuse de grandes exigences au plan sanitaire.
Je compte que 2003 nous engagera déjà très loin dans cette voie.
Je voudrais terminer avec quelques mots pour la famille et les personnes handicapées.
Je bénéficie en matière de politique familiale, du concours précieux de Christian Jacob, toujours prêt en outre à me suppléer. Je peux compter sur lui pour le rendez-vous majeur que sera, au deuxième trimestre 2003, la conférence de la famille. Je salue son sens du partenariat qui l'a conduit à mener une préparation soignée de cette conférence. C'est un rendez-vous important puisqu'il permettra la mise en en oeuvre d'un engagement clé du Président de la République et du Premier ministre qui est la création de la prestation d'accueil du jeune enfant (PAJE). Mais Christian Jacob et moi travaillons à d'autres mesures pour donner corps à une politique familiale ambitieuse comme la réforme du statut des assistantes maternelles, ou l'accroissement de l'offre de garde
Ma reconnaissance va tout autant à Marie-Thérèse Boisseau pour une action accomplie déjà importante. Un effort budgétaire important a été réalisé avec le budget pour 2003 qui permettra une augmentation sensible des places en centres d'aide par le travail (CAT) et en maisons d'accueil spécialisé (MAS). L'installation du Conseil national des personnes handicapées, dans une configuration renouvelée, illustre le sens de l'écoute de Madame Boisseau qui n'a pas ménagé sa peine pour se déplacer en France et à l'étranger, tout récemment en Suède, pays présenté comme un modèle en la matière. 2003 sera l'année du " chantier handicap ", l'un des deux grands projets présidentiels dont ce ministère a la charge. C'est ainsi que sera déposé dans les mois prochains le projet de loi révisant la loi de 1975 qui aura pour objectif d'assurer une meilleure prise en charge des personnes handicapées dans notre pays. Ce sera aussi l'année européenne du handicap dont le lancement, en France, aura lieu le 3 février prochain à Rennes. On ne peut que se réjouir du nombre de projets déposés dans ce cadre.
Vous conviendrez avec moi que tout cela témoigne d'une vitalité réjouissante et bien nécessaire pour répondre aux aspirations de nos concitoyens.


(Source http://www.sante.gouv.fr, le 16/01/2003)