Conférence de presse de M. Dominique Galouzeau de Villepin, ministre des affaires étrangères, et d’autres membres du gouvernement, sur le Proche-Orient, l’Irak, l'élargissement de l'Union européenne et la Côte d'Ivoire, à Paris le 14 janvier 2003.

Prononcé le

Circonstance : Voeux de la presse diplomatique à MM. de Villepin, Wiltzer, Muselier et à Mme Lenoir à Paris le 14 janvier 2003

Texte intégral

Q - Est-ce que vous n'avez pas oublié la crise du Moyen-Orient dans le panorama des crises mondiales ?
R - M. de Villepin - Je l'oublie d'autant moins qu'elle est en permanence au coeur de nos préoccupations. Nous avons la conviction que le sentiment profond d'injustice nourrit beaucoup de frustrations, beaucoup de revendications et donc beaucoup d'instabilité sur la scène régionale et sur la scène mondiale. Trop souvent, on a pris le parti de considérer que les échéances, les exigences, le calendrier devaient conduire à reporter au lendemain les initiatives.
Il y a, vous le savez, à la fin du mois, la perspective des élections israéliennes. Je crois qu'il est temps, au-delà des calendriers, de bien consacrer l'importance primordiale, l'enjeu primordial que constitue le Proche-Orient. C'est pour cela que la conviction de la France est qu'il faut reprendre l'initiative sur ce dossier. Vous savez que s'est tenue à New York, le 20 décembre, une nouvelle réunion du Quartet dont les résultats n'ont pas pu être rendus publics mais qui a permis, malgré tout, d'avancer dans le sens d'une feuille de route pour la région.
Notre conviction est qu'il faut résolument reprendre l'initiative, défendre clairement les ambitions qui sont très largement partagées par la communauté internationale. Notre objectif est la création d'un Etat palestinien capable de vivre en paix et en sécurité à côté de l'Etat d'Israël. De la même façon, il faut régler cette question tragique qu'est le problème du terrorisme, auquel est confronté quotidiennement Israël. Il y a là un devoir pour la communauté internationale et nous ne pouvons pas séparer la recherche d'un règlement au Proche-Orient des autres crises que nous avons évoquées, qu'il s'agisse de l'Iraq, de la Corée du Nord. Cela participe aujourd'hui de cette instabilité mondiale, de cette difficulté du monde à regarder vers l'avenir. Il est donc nécessaire effectivement de se mobiliser.
Q - Est-ce que la France aura une initiative particulière pour relancer cette feuille de route ? On attendait de vous un grand discours sur le Proche-Orient, est-ce que vous pouvez nous en donner les grandes lignes ?
R - M. de Villepin - La France prendra, bien sûr, des initiatives et nous nous concertons avec l'ensemble de nos partenaires pour agir dans ce sens. Vous savez qu'il y a une très grande détermination de l'Union européenne sur cette question. Cela était le cas évidemment à Séville, cela était le cas à Copenhague. Il y a, je crois, une très grande communauté de vues entre l'ensemble des Européens et c'est évidemment un élément essentiel pour permettre aux diplomaties européennes d'agir mais il faut convaincre l'ensemble des partenaires d'agir en même temps car nous voulons être efficaces. Il ne s'agit pas uniquement d'envisager une initiative pour le seul plaisir d'être présent sur ce dossier, il s'agit bien d'essayer de faire avancer les choses, donc de faire en sorte que les esprits soient préparés à cette situation. Nous connaissons tous les défis qu'il faut relever aujourd'hui, nous devons offrir une perspective au peuple palestinien. Des élections avaient été envisagées pour le début de cette année. Dans les circonstances présentes, elles sont évidemment très difficiles à réaliser concrètement, mais il faut reprendre l'initiative pour permettre à ces élections, à cette consultation du peuple palestinien d'avoir lieu. Il faut recréer l'espoir, qu'il s'agisse évidemment du peuple palestinien, qu'il s'agisse du peuple israélien. La France sera donc active, présente sur ce dossier, tant au niveau des déclarations qu'au niveau de l'action car il s'agit bien de faire bouger les choses.
Q - J'ai cru comprendre dans vos propos, Monsieur le Ministre, une vague idée de force européenne d'interposition entre les puissances sur place ou entre les forces ou les combattants ?
R - M. de Villepin - Je n'ai pas évoqué cette idée mais puisque vous la suggérez, je crois effectivement que cela fait partie des idées qui sont actuellement à l'étude par la communauté internationale. L'idée est que, par définition, il faudra prendre des risques. Le risque de la paix implique des idées nouvelles, des mobilisations. Cela implique qu'ensemble nous fassions des choses que nous n'avons pas faites dans le passé. Ce qui est certain c'est qu'on ne peut plus attendre sur ce dossier. On ne peut pas se satisfaire de la situation présente. On voit tous les jours, en Israël et dans les territoires palestiniens, les conséquences de cette situation. Ceci veut dire que le calendrier politique doit être résolument, à la fois mis en marche et respecté, car l'histoire du Proche-Orient, c'est trop souvent des rendez-vous manqués, des occasions manquées, des circonstances et des hommes qui se côtoient sans être capables de travailler ensemble. Je crois qu'il est important aujourd'hui que tout cela soit remis en marche et notre conviction est que l'on ne peut pas espérer, morceau par morceau, recréer la stabilité du monde. Il faut bien en même temps s'attaquer au grand foyer de crise, et il y a dans cette crise du Proche-Orient, vraisemblablement, une crise de par son ancienneté, de par l'ampleur de ses conséquences tragiques, il y a là une crise mère qu'il est important de traiter si l'on veut pouvoir effectivement changer le cours des choses, créer une dynamique de plus grande stabilité et de plus grande sécurité à travers le monde.

Q - On a entendu, il y a deux jours, Mme Albright dire que les choses ne sont pas très claires dans l'esprit de M. Bush, que cela est un peu confus. Il y a une inversion des priorités concernant les trois dossiers, Corée, terrorisme et Iraq. Est-ce que vous partagez cette analyse ?
R - M. de Villepin - Vous l'avez constaté depuis quelques mois, le but de la diplomatie française est de faire avancer les choses. Alors on peut se faire plaisir et avoir des jugements à l'emporte-pièce. Mais le but de la France est de bien travailler avec la diplomatie américaine pour changer les choses. Nous avons besoin de travailler unis, de parler et, en parlant, de faire avancer les propositions, de faire avancer nos points de vue. Il s'agit donc d'adopter une position constructive.
Ce qui est certain pour la diplomatie française est que l'on ne peut pas séparer les crises aujourd'hui sur la scène internationale. Le lien entre la crise iraquienne, la crise nord-coréenne, la crise du Proche-Orient, l'ensemble des crises, ce lien apparaît, ne serait-ce que par la capacité qu'ont certains réseaux, qu'ont certains groupes organisés à tirer avantage de cette situation, à se jouer des calendriers. La communauté internationale serait bien avisée de prendre en compte ce qui, à mon sens, est la seule façon de déjouer le rôle ou l'attitude de certains de ces acteurs, à savoir être en initiative. C'est en étant en mouvement sur l'ensemble de ces dossiers que nous avons la possibilité d'aller, de façon constructive, plus rapidement, plus activement, plus créativement que ceux qui, au contraire, conspirent contre l'ordre international. Je crois que l'anticipation, l'action sont effectivement des éléments clés. Il y a évidemment des jeux de calcul, d'anticipation, d'arrière-pensée, de la part des Etats qui ne souhaitent pas respecter leurs obligations internationales. Nous devons donc avoir un message qui vaut pour l'ensemble d'entre eux, d'où la nécessité d'avoir une diplomatie qui s'appuie sur des principes.
Je sais qu'on a longtemps vécu avec l'idée qu'il y avait d'un côté l'action militaire et de l'autre la diplomatie, cette dernière n'étant que la recherche de l'équilibre. En gros, faire le moins possible, avec le plus grand nombre de mots. Je ne crois pas que ce soit aujourd'hui le rôle et la responsabilité d'une diplomatie. La diplomatie d'aujourd'hui a bien pour but d'agir et quand nous parlons de sécurité collective, c'est bien d'actions dont nous parlons. Quand nous voulons que cette sécurité collective s'exprime à travers les inspecteurs des Nations unies en Iraq, c'est bien la volonté que sur le terrain les inspecteurs soient de plus en plus efficaces.
Nous l'avons dit depuis le début, la position de la France est à la fois celle de la très grande fermeté, de la très grande détermination vis-à-vis de Saddam Hussein et vis-à-vis de l'Iraq, et en même temps celle de la conviction que pour être efficace, il faut agir ensemble, unis. Il y a donc la conviction que le statu quo en Iraq n'est pas acceptable et c'est bien parce que nous croyons à la dynamique de ces inspections que nous éprouvons le besoin jour après jour, de tirer les leçons de l'action de ces inspecteurs, de leur donner les moyens d'être les plus efficaces et de partager l'information disponible, pour que véritablement ils soient le mieux à même de faire leur travail.
Et d'ores et déjà, nous pouvons constater un fait simple : en tout état de cause les inspecteurs aujourd'hui parviennent à geler toute perspective, toute capacité nouvelle que pourrait avoir l'Iraq à développer des armements à destruction massive. C'est déjà un acquis important. Il s'agit bien évidemment de ne pas s'en satisfaire. Il s'agit de traquer et d'éliminer les armes que l'Iraq pourrait posséder. Pour cela, il importe d'engranger une information, de multiplier les opérations, d'affiner les dispositifs des inspecteurs par des moyens de surprise, par la capacité d'interroger le plus possible de responsables y compris des scientifiques, en Iraq ou ailleurs, tout cela pour recouper cette information. Nous avons la conviction que, jour après jour, semaine après semaine, mois après mois, la coopération qui est engagée à travers les inspecteurs sera susceptible d'être plus efficace.
Pourquoi se couper d'une efficacité croissante pour s'engager dans une autre voie, l'intervention militaire, alors même que celle-ci comporte, nous le voyons bien tous les jours, beaucoup de zones d'ombre, beaucoup d'incertitudes ? S'agira-t-il d'une intervention qui réduira l'incertitude mondiale ? Une intervention permettra-t-elle d'accroître la stabilité et la sécurité de l'Iraq et de la région ? Cela permettra-t-il de réduire le risque terroriste ? Autant de questions essentielles. Ce sont les questions que nous nous posons avec nos amis américains et nous partageons le sentiment des Américains quand ils disent qu'il n'y a pas de calendrier, tout simplement, parce qu'aujourd'hui une action militaire n'est pas d'actualité. Nous sommes dans le temps des inspections. Si ces inspections échouent, si elles avortent, si les inspecteurs nous disent un jour "nous ne sommes pas capables d'avancer, nous ne pouvons plus avancer, il n'y a rien à faire de plus que ce que nous avons fait", il faudra bien que nous imaginions autre chose. Nous ne sommes pas dans ce temps-là, il faut donc faire preuve de sang-froid, de détermination et d'une exigence de responsabilités vis-à-vis de ce dossier.
Q - M. Straw vient d'affirmer qu'il ne faudra pas de deuxième résolution pour recourir à la force et il y a quelques heures, M. Schröder a dit "il faut une deuxième résolution pour recourir à la force". Où nous situons-nous par rapport à ceci ? Comment expliquer cette cacophonie européenne ?
R - M. de Villepin - Vous savez que sur la scène internationale on fait un choix, il faut l'accepter jusqu'au bout. La communauté internationale a décidé de faire confiance aux Nations unies, de faire confiance au Conseil de sécurité des Nations unies. Le Conseil de sécurité des Nations unies a réussi à faire voter une résolution, la résolution 1441 à l'unanimité. Cette résolution crée un cadre, donne les moyens de réaliser jour après jour des inspections sur le terrain qui nous permettent de mieux appréhender le risque de prolifération en Iraq. Nous avons un cadre, servons-nous en. Nous avons des moyens, servons-nous en. Nous avons des inspecteurs qui font bien leur travail et qui sont désireux d'essayer de l'améliorer tous les jours, faisons-leur confiance. Il y a là je crois une réalité d'évidence.
Quant à la définition des différentes étapes de la résolution 1441, vous savez qu'on y a joué un rôle important et nous avons toujours dit qu'il fallait respecter chaque étape. La première étape est de poser le cadre des inspections et puis si ce cadre-là s'avérait inopérant, il serait bien évident qu'il appartiendrait au Conseil de sécurité de se ressaisir du dossier et de se déterminer. Il est bien évident, dans notre esprit, que la communauté internationale doit faire des choix clairs, il ne s'agit pas de décider en catimini, dans un coin de table, il s'agit de faire des choix clairs, devant la communauté internationale, de façon responsable. Il s'agira alors que chacun explique et prenne ses responsabilités et une nouvelle résolution des Nations unies c'est le meilleur moyen pour chacun d'expliquer sa position, de faire part de sa conviction. C'est le meilleur moyen par ailleurs de débattre entre nous, selon le principe de la sécurité dont j'ai dit qu'il était clairement un principe de responsabilité collective. Il est important que ce débat ait lieu pour décider des choses aussi graves, comme un éventuel recours à la force. Nous l'avons toujours dit comme nous avons toujours dit que dans ce contexte, nous prendrions à la fois toutes nos responsabilités, tout en réservant notre liberté d'action.
Le statut de puissance de la France, membre du Conseil de Sécurité, nous oblige à prendre nos responsabilités en fonction des circonstances et nous voyons bien combien est mobile la situation du monde. Comment imaginer la situation dans laquelle nous serons dans un mois, dans deux mois, dans trois mois ? Nous avons une crise comme la crise nord-coréenne qui crée une situation nouvelle. Encore faut-il savoir où nous en serons de cette situation. Je crois que l'esprit de responsabilité est bien d'intégrer l'ensemble de ces paramètres et de nous adapter ensemble, collectivement. Le monde n'a jamais été aussi uni, aussi déterminé, face au terrorisme, face aux risques de prolifération. Pourquoi gâcher cette chance que le monde se donne d'agir ensemble ? Il n'y a pas d'un côté, je veux le rappeler solennellement, ceux qui voudraient agir et ceux qui, animés par je ne sais quelle peur, ne voudraient pas agir. Il y a un souci pour la communauté internationale c'est d'être efficace et pour être efficace, la conviction française est qu'il faut agir ensemble.
Q - Vous dites l'utilité des inspections, bien sûr, mais il y a d'autre part l'attitude américaine. Est-ce que vous trouvez normal que l'on assiste à une telle montée en puissance, avec de tels renforts envoyés dans la région par les Américains, comme si leur décision était déjà prise ? D'autre part, on voit bien aux Etats-Unis même, l'état de l'opinion publique, de la presse, c'est une affaire entendue, le compte à rebours est engagé. Non seulement on vous explique que le conflit aura lieu mais dans certains cas on fait comme s'il avait déjà eu lieu puisqu'on vous parle de l'après Saddam. Donc, dans ces conditions, qu'on trouve ou qu'on ne trouve pas est parfaitement secondaire. Est-ce qu'il y a une petite chance d'éviter la guerre ?
R - M. de Villepin - Ma réponse évidemment est oui. La guerre, je l'ai dit, n'est pas inéluctable et elle n'est pas écrite et je constate que les représentants de l'administration, c'est ce qu'ils disent. Je crois qu'il faut ne pas céder ni à la confusion, ni à la panique. Il y a une réalité, c'est le déploiement américain, de ce point de vue là, personne n'est aveugle et tout le monde voit la réalité des choses. Cela participe de la détermination américaine. La détermination à faire bouger l'Iraq et à souhaiter et exiger que l'Iraq s'engage dans une coopération active, nous la partageons. Il se trouve que les Américains l'expriment par un déploiement. Est-ce qu'à partir de là, la guerre est écrite ? Est-ce que c'est la chronique d'une guerre annoncée ? Ce n'est pas notre conviction. Pourquoi ? Parce que, dès lors que la communauté internationale a fait le choix des inspections, il faut le justifier, l'expliquer au changement de pied. Cela signifierait qu'il y a une légitimité plus grande à l'intervention militaire qu'à poursuivre dans le cadre fixé qui est celui des inspections. La seule façon de passer de l'un à l'autre est de constater la faillite des inspections. Sinon, où serait la légitimité d'une intervention militaire ?
Et la deuxième question qu'il faut se poser, c'est : pour quelle efficacité ? Dans la mesure où nous avons un outil, l'inspection, une conception, la coopération dans le cadre de la sécurité collective, qui permet d'avancer - et nos inspecteurs sur place qui nous disent "nous travaillons et nous progressons", nous verrons quel sera le rapport qu'ils feront le 27 janvier. Pourquoi utiliser des raccourcis ? Quelle est la garantie, quelle est la certitude que par ce raccourci militaire nous obtiendrons plus d'avantages et à moindre frais ? Je crois que ce sont des questions qu'il faut se poser, courageusement, sans langue de bois.
La communauté internationale a besoin de courage et je peux vous convaincre et vous dire que, dans les relations que nous avons avec les Américains, toutes ces questions sont posées et puisque les 15 ministres représentant de leur pays au Conseil de sécurité seront présents à New York le 20 janvier, il est bien évident que, soit dans la réunion, soit en marge de cette réunion, nous aborderons ces questions de la Corée du Nord, de l'Iraq et qu'il est important que nous arrivions à des positions communes. Ma conviction est que c'est possible aujourd'hui et nous allons nous employer à travailler dans ce sens.
Q - Tout le monde recherchera des preuves contre l'Iraq pour initier une guerre. La presse s'est déjà fait manipuler. Les Etats peuvent se faire manipuler. Est-ce que la France a véritablement les moyens de vérifier la véracité de tel ou tel document qui sera donné par les services secrets de quelque nationalité qu'elle soit ?
R - M. de Villepin - Ma réponse est oui. La France ne se fera pas manipuler d'abord parce que nous avons une longue expérience de ce type de situation. Ensuite parce que ce type de preuve parle quand il est véritablement fondé et qu'il faudra convaincre non seulement la France mais aussi la communauté internationale. Le principe de responsabilité joue non seulement entre Etats, mais également pour chacun des Etats vis-à-vis de leur peuple et aujourd'hui ne sous-estimons pas l'importance, la légitimité que confèrent les peuples aux décisions en matière internationale. C'est un élément essentiel, ce sont des acteurs essentiels de la vie internationale et il faut convaincre. Il faut donc que les choses soient évidentes dès lors qu'il s'agit de passer à des actes si graves. Je ne crois pas, une fois de plus, que ce genre de décisions puisse être pris en catimini, sur un coin de table, à partir d'informations que seuls quelques-uns uns garderaient pour eux.
Q - Est-ce que les propos tenus récemment par les deux chefs d'inspecteurs de l'ONU, M. Blix et M. El Baradeï, peuvent infléchir la position de M. Bush et en l'état actuel de la situation à travers vos contacts avec l'administration américaine, avez-vous le sentiment que le président américain est prêt ou pas à une action unilatérale qui transgresserait bien entendu la légitimité de l'ONU ?
R - M. de Villepin - Chacun voit bien que si nous étions amenés à sortir du cadre qui a été posé par les résolutions des Nations unies, nous entrerions dans quelque chose d'autre et quand on veut évaluer les chances de succès, quand on veut évaluer la contribution que pourrait apporter une intervention militaire à la sécurité, à la stabilité et au nouvel ordre mondial, tout ceci doit être pris en compte. Nous avons aujourd'hui une communauté internationale qui travaille unie, déterminée, vers un même objectif. Qu'en serait-il demain si certains étaient tentés de changer de pied ? Il est bien évident que, quand nous abordons ces questions avec l'administration Bush, celle-ci est parfaitement consciente et lucide sur l'enjeu. Mon sentiment d'ailleurs est que, dans le cadre de l'échéance du 27 janvier que vous évoquez, tout le monde conçoit bien qu'il s'agit d'une étape, d'un processus. Les inspections seront de plus en plus efficaces. Donnons-nous le temps de faire en sorte que ces inspections soient plus efficaces et vous noterez que la France aborde sans complexe tout cela, puisque nous avons pris l'initiative d'écrire à l'ensemble des Etats concernés pour nous assurer que cette efficacité sera maximale. Donc que chacun joue le rôle, que chacun prenne ses responsabilités, que chacun contribue davantage à l'efficacité de ces inspections puis, à partir de là, chacun prendra ses responsabilités et au premier chef, ne l'oublions jamais, l'Iraq car l'Iraq détient dans ses mains les clés, les clés de la paix ou de la guerre, selon qu'il accepte de coopérer activement à tout cela.
Il est bien évident qu'il est essentiel que l'Iraq comprenne qu'il doit donner à la communauté internationale tous les éléments à sa disposition, parce que la communauté internationale s'est fixé un but, désarmer l'Iraq, et qu'elle ne reculera pas sur ce but. Il y a une obligation internationale que nous voulons satisfaire, comme nous entendons que la Corée du Nord satisfasse à ses obligations en matière internationale.
Q - C'est vrai qu'il y a toute cette discussion sur l'efficacité des inspections mais on a l'impression depuis quelques semaines d'abord à travers des déclarations qu'il y a une autre question, à savoir celle de l'aide apportée à M. Hussein dans son propre désarmement et on a l'impression là-dessus que l'administration américaine insiste beaucoup et que peut-être que la guerre peut être déclarée puisqu'il est dit dans la résolution des Nations unies "que non seulement l'Iraq doit ouvrir son pays et permettre aux inspecteurs, mais elle doit également les aider". Je voudrais savoir quelle est la position française sur cette question qui n'est pas exactement celle des inspecteurs et est-ce qu'à votre avis l'Amérique avec l'ONU et s'appuyant sur cette résolution peut déclarer la guerre à partir de cette conception ?
R - M. de Villepin - Tout repose sur le principe de coopération. Nous l'avons dit, nous souhaitons que cette coopération soit active, c'est-à-dire que l'Iraq participe pleinement au programme de désarmement qui est engagé. La clé est de savoir si demain nous permettra d'être plus efficace et d'obtenir par la coopération davantage, ou si nous sommes devant une impasse. La clé est le jour où nous constatons l'impasse. Le jour où les inspecteurs viendront devant le Conseil de sécurité, feront rapport au Conseil de sécurité en leur disant "nous n'avons pas les moyens de travailler", ce n'est pas très compliqué. Le bon sens, il faut parfois le solliciter dans la vie internationale aussi. On peut se faire des noeuds dans la tête, se compliquer, raffiner à l'infini mais voilà un critère simple. Est-ce que, oui ou non, la coopération peut se poursuivre ? Est-ce que, oui ou non, les inspecteurs peuvent continuer à travailler ? Si les inspecteurs nous disent "oui l'on peut continuer à travailler", on continue. S'ils nous disent "non", on se réunit pour en tirer les conclusions.
Q - Vous avez pris l'initiative de convoquer ou de proposer cette réunion du Conseil de sécurité de l'ONU, au niveau ministériel le 20 janvier. Vous avez pris soin de dire que le thème serait le terrorisme. Or, du point de vue du calendrier, elle intervient en pleine crise iraquienne. Je voudrais que vous nous expliquiez ce que vous attendez exactement de cette réunion ? Pourquoi avez-vous choisi ce moment et pourquoi avez-vous choisi le thème du terrorisme alors qu'on s'attendait à une réunion sur l'Iraq ?
R - M. de Villepin - Alors pourquoi ? Parce que c'est maintenant que nous sommes confrontés aux défis du monde et que c'est maintenant que nous assurons la présidence tournante du Conseil de sécurité et que, je l'ai dit, tous les défis sont liés. Le terrorisme, la prolifération, les crises régionales, les intégrismes, il faut faire face à tout cela en même temps. Il est très important de ne jamais oublier qu'en ce concentrant exclusivement sur un sujet, on laisse d'autres proliférer, voire se gangrener. Il faut donc être capable de gérer plusieurs crises à la fois. C'est l'ambition de la diplomatie française. Il faut que nos consciences soient en alerte pour gérer plusieurs crises à la fois. D'autant plus, je le répète, que ces crises sont liées et nous avons un devoir vis-à-vis de la communauté internationale, nous avons un devoir vis-à-vis de chacun de nos peuples, celui d'assurer dans les meilleures conditions leur sécurité.
La conviction de la France, c'est que l'on peut faire mieux sur le terrorisme, on peut mieux coordonner l'action internationale, on peut prendre de nouvelles initiatives pour être plus efficace et, en tout état de cause, il faut être mobilisé pour déjouer les plans de ceux qui, aujourd'hui, imagineraient attaquer la communauté internationale. C'est dire qu'il faut être en mouvement, rapide, alerte, et surprendre tous ceux qui, éventuellement auraient à coeur de frapper à nouveau ici et là. Nous savons, en matière de terrorisme, qu'aucun Etat n'est à l'abri. Il fut un temps où le terrorisme et le territoire politique, le territoire de la crise étaient liés. Aujourd'hui, nous le voyons, que ce soit à Mombasa, à Bali, le terrorisme peut frapper partout et les liens entre les groupes terroristes sont extrêmement nombreux, que ce soit par le jeu de moyens archaïques ou par le jeu de moyens électroniques, hyper-sophistiqués. Si nous ne sommes pas en alerte, nous risquons d'être surpris. Nous sommes donc convaincus qu'il s'agit de se mobiliser, y compris sur ce front.
Nous avons souhaité, dès le début de l'année, dans le cadre de notre présidence du Conseil de sécurité, que chacun voit la mobilisation de la communauté internationale sur l'Iraq, chacun voit la mobilisation existant sur la Corée du Nord. Il est important également que sur le terrorisme, nous soyons aussi très actifs. Sur les autres crises, chacun voit que la France se donne du mal et essaie de trouver des solutions. C'est vrai en Côte d'Ivoire, c'est vrai ailleurs en Afrique, il faut le faire sur le Proche-Orient. Je l'ai dit, mais je crois que notre devoir, c'est d'être présents partout en même temps.
Q - Si je comprends, la nouvelle théorie c'est d'abord l'Iraq et ensuite la Côte d'Ivoire ?
R - M. de Villepin - Pourquoi établissez-vous une hiérarchie ? Ce n'est pas parce que l'on fait, le 20 janvier, une réunion que cela empêche de faire son travail le 27. Nous sommes capables de travailler à ces deux dates, cela fait aussi partie des possibilités de la communauté internationale et de ses dirigeants.
Q - Tout le monde cherche une politique européenne commune, on ne la trouve pas. Etes-vous optimiste quant à la possibilité que les quatre pays européens qui siègent actuellement au Conseil de sécurité, qui sont des grands pays, parviennent à définir une politique commune concernant la question iraquienne ?
La France a toujours prôné l'unanimité du Conseil de sécurité vis-à-vis de cette question car c'est la seule garantie pour que l'Iraq obtempère. A quel prix la France cherche-t-elle cette unanimité ? Est-elle prête à céder sur ses positions de départ pour obtenir, pour conserver cette unanimité ?
R - M. de Villepin - Concernant la politique européenne vis-à-vis des crises, vous évoquez la situation particulière de l'Iraq. Je crois que les Européens ont en commun la volonté de défendre les mêmes principes, c'est un acquis. Il est vrai que l'on a pu observer un certain nombre de positions différentes, diverses sur ces questions au cours des derniers mois. Ce qui ne veut pas dire que nous ne pouvons pas progresser et ce qui ne veut certainement pas dire que nous n'aurons pas à coeur de progresser. La concertation entre les quatre Européens au sein du Conseil de sécurité fera évidemment l'objet d'un soin particulier, y compris en marge de la réunion du 20 janvier et dans nos réunions régulières, dans le cadre des Conseils Affaires générales, nous aurons à coeur de multiplier les possibilités d'avoir des initiatives communes, des positions communes sur l'ensemble de ces sujets. Ma conviction est que c'est possible.
Le prix de l'unanimité, ce n'est pas un moyen pour se faire plaisir, ce n'est pas un moyen, de compromis en compromis de raboter la capacité à agir de la communauté internationale. L'unanimité c'est un véritable moyen d'être plus efficace. Il est bien évident que le fait d'avoir la Syrie votant la résolution 1441, cela donne un poids singulier, supplémentaire à la crédibilité des Nations unies lorsqu'elle adresse un message à Saddam Hussein. Il est donc essentiel d'être en relation étroite avec l'ensemble des pays du monde arabe. L'unanimité, c'est la capacité de se concentrer, d'unir nos énergies dans un but précis, vers un objectif précis. Ma conviction est que les diplomaties du monde aujourd'hui sont suffisamment conscientes de la gravité de la situation internationale, suffisamment directement concernées parce que chacun n'imagine pas pouvoir s'en tirer tout seul, dans son coin, libéré du risque terroriste, libéré du risque de prolifération, libéré du risque de crise, chacun sait que le Proche-Orient le concerne, que l'Iraq le concerne et que la Corée du Nord le concerne. A partir de là, je crois que l'unanimité est un objectif, un moyen d'être plus efficace et c'est bien cela qui intéresse la diplomatie française aujourd'hui.
Q - Avez-vous eu l'occasion de dire clairement, précisément, concrètement aux Américains que, si elle le jugeait nécessaire, la France n'hésiterait pas à faire usage de son droit de veto ?
R - M. de Villepin - Je crois que les Américains le savent parfaitement et dans les conversations que nous avons avec eux, la franchise est de mise, la franchise et la confiance. La France est une puissance qui entend exercer pleinement sa liberté et ses responsabilités et chacun sait que la France ira jusqu'au bout des principes qui sont les siens.
Q - On parle beaucoup de la bonne volonté iraquienne et de la coopération iraquienne, pensez-vous que les Etats-Unis puissent se satisfaire d'une bonne coopération iraquienne et ne pensez-vous pas que la vraie question, derrière tout cela à Washington, c'est le maintien ou non au pouvoir de Saddam Hussein ?
R - M. de Villepin - Les Américains, je crois, ont répondu directement à cette question. Bien évidemment, l'objectif de la communauté internationale, l'objectif affiché par la résolution 1441 est le désarmement de l'Iraq. Certains peuvent avoir la tentation d'aller plus loin, de changer le régime. Les Américains ont dit clairement que, dès lors que l'Iraq désarmerait, ce serait bien un régime différent de celui qui existe qui serait alors en place à Bagdad. Je crois que la communauté internationale doit savoir se concentrer sur un objectif clair, il faut parfois éviter de "courir plusieurs lièvres à la fois". Il y a là un objectif clair qui réunit la communauté internationale. Concentrons-nous sur cet objectif, aboutissons, soyons exigeants, agissons ensemble. Je crois qu'il y a là une feuille de route pour nous tous suffisamment difficile et suffisamment exigeante pour que, armés de nos filets, nous ne cherchions pas d'autres terrains de chasse.
Q - Les Américains cherchent à ce que l'Iraq satisfasse à la demande de désarmement ?
R - M. de Villepin - Tout à fait, je crois que le désarmement peut d'autant plus satisfaire aujourd'hui la communauté internationale y compris les Américains et nous le voyons, c'est une règle qui vaut pour l'Iraq, c'en est une qui vaut pour la Corée du Nord, qu'elle respecte ses obligations. On pourrait aussi imaginer aller changer de régime en Corée du Nord, pourquoi pas ! Je crois qu'il faut savoir, pour la communauté internationale, être crédibles, constructifs, unis et efficaces. Et l'on voit bien que cette chaîne nous conduit à définir des objectifs précis qui nous rassemblent dans le cas de l'Iraq, dans celui de la Corée du Nord, dans le cadre de la gestion d'autres crises. Il faut se fixer des buts précis et s'y tenir, sans quoi c'est l'aventure.
Q - Est-il possible que M. Muselier nous parle de l'affaire de Touria Thiouli à Dubaï ? Quelle a été l'action de nos consulats dans les Emirats ?
R - M. Muselier - Cette jeune femme a des problèmes importants dans ce pays. Nous avons deux millions de Français qui vivent à travers le monde. Ces personnes vivent et travaillent et il est du rôle de nos ambassadeurs, de nos consulats d'aider nos compatriotes.
Dans les missions qui nous sont imparties et lorsque nous nous déplaçons, nous voyons systématiquement les communautés françaises et nous essayons de les aider à plusieurs niveaux, leur qualité de vie, le travail des entreprises et bien entendu les problèmes de sécurité qui nous sont posés pour des difficultés dans les zones de troubles dans lesquelles nous nous trouvons.
Sur ces deux millions de personnes, certains rencontrent de grandes difficultés et les différences sont majeures à travers le monde. Ce n'est pas le même problème en Colombie, en Asie du sud-est, en Asie centrale, aujourd'hui à Dubaï.
Dans chacun de ces déplacements, nous avons une démarche auprès des plus hautes autorités de l'Etat concerné pour que la justice soit équitable. La plupart du temps, ces discussions, ces débats et ces interventions se font de façon relativement discrète et assez efficace. Donc, en ce qui concerne notre action, je rappelle que j'étais récemment à Dubaï avec M. Marceau, président du Groupe d'amitié France-Emirats, et nous avons beaucoup travaillé sur ce dossier.
Q - Monsieur le Ministre, j'ai beaucoup entendu parler pendant toutes ces journées de voeux des pays de l'Afrique, des pays arabes, mais pas grand chose sur les pays de l'Europe de l'Est. Quelle est la place des pays de l'Europe de l'Est dans la politique étrangère de la France ?
R - M. de Villepin - En écoutant attentivement la parole de la France depuis les derniers mois et les dernières semaines, vous avez vu que l'Europe a été au coeur de nos préoccupations : l'élargissement de l'Europe bien sûr aux dix pays ; la Roumanie et la Bulgarie sur le même chemin aspirent - et nous les encourageons - à rejoindre très vite notre famille. Il est évident que la politique de la France vis-à-vis de ces pays qui forment ensemble la famille européenne réunie est au coeur de nos préoccupations et Mme Noëlle Lenoir n'a cessé de se déplacer dans chacun de ces Etats. Pour ma part, j'ai effectué plusieurs déplacements et nous allons continuer. C'est bien la volonté de la France de faire en sorte que cet élargissement se déroule dans les meilleures conditions et de prendre en compte l'ensemble des facteurs et des critères pour que cet élargissement soit possible, critères économiques, critères juridiques, mais aussi les critères culturels qui permettent de partager ensemble la même vision de l'avenir de l'Europe. C'est bien cela qui est au coeur de l'entreprise européenne aujourd'hui, c'est cette conscience européenne qui est à l'oeuvre. Cette conscience qui fait que l'ensemble des pays européens partage la même idée du monde, la même exigence du droit et de la morale qui fait que l'humanisme est notre patrimoine commun. Et c'est bien cela que nous voulons fonder, refonder, pour donner une chance supplémentaire à cette Europe, convaincus que nous sommes que le monde a besoin de plus d'Europe, que les Etats-Unis seuls ne peuvent pas assurer la sécurité et la stabilité de la planète ; il faut donc que plusieurs pôles de stabilité soient constitués, et l'Europe évidemment, est un pilier essentiel à l'équilibre du monde d'aujourd'hui.
R - Mme Lenoir - Pour ce qui est de la notion de pays de l'Est, je crois, comme l'a indiqué Dominique de Villepin, qu'il vaut mieux parler d'est de l'Europe puisqu'en réalité et en particulier dans le cas de la Roumanie, nous envisageons nos relations avec ces pays comme avec des partenaires. La Roumanie va intégrer, comme vous le savez, l'Union européenne en 2007 à la demande notamment de la France puisque cette date avait été souhaitée comme une date objective par nos amis roumains et bulgares. Nous avons demandé que ce soit la date effective d'adhésion à l'Union européenne. Il y a de multiples relations bilatérales dans le cadre du processus de l'adhésion notamment avec votre pays. C'est un pays qui a des liens très étroits, culturels et francophones avec notre pays puisqu'un Roumain sur quatre ou un Roumain sur cinq parlerait français ou parle français. Comme vous le savez, nous tenons à ce que notre présence à la fois culturelle, à travers nos institutions, le Lycée français par exemple, mais aussi à travers notre aide dans le cadre des programmes de pré-adhésion, soit une présence constante. Nous accompagnons les efforts de votre gouvernement, notamment pour ce qui est de la justice et des affaires intérieures, le contrôle aux nouvelles frontières qui est un des grands enjeux de l'Union européenne, c'est-à-dire la solidarité entre les pays partenaires de l'Europe pour assurer leur propre stabilité et leur propre sécurité. Nous avons également des liens très étroits, en dehors des liens économiques, dans un domaine très important pour nous qui a trait à votre agriculture et aussi à la garantie des droits des consommateurs, à savoir la sécurité sanitaire, phytosanitaire.
Il y a donc une très grande présence française dans votre pays, qui est vraiment un pays partenaire, futur membre de l'Union. En tout cas c'est dans cette optique que nous conduisons nos relations bilatérales, c'est dans un cadre essentiellement européen.
Vous savez par ailleurs, à quel point la diplomatie française s'est battue, s'est voulu pilote dans la volonté de fixation d'une date ferme de 2007, tant pour la Bulgarie que pour la Roumanie.
Q - Madame Lenoir est-ce qu'il est vrai qu'il existe un accord franco-allemand pour obtenir une répartition du pouvoir en Europe avec trois têtes à la tête de l'Europe ?
R - M. de Villepin - Nous avons une concertation comme vous le savez, avec nos amis allemands, très étroite sur les questions institutionnelles. J'ai dîné, la semaine dernière, avec Joschka Fischer pour essayer d'avancer les propositions que nous pourrions faire ensemble dans le cadre du processus de Blaesheim. Le président de la République reçoit le chancelier ainsi que Joschka Fischer et moi-même à dîner ce soir pour essayer de boucler cette réflexion. Il est donc prématuré maintenant de livrer les conclusions. Je peux vous dire que cette réflexion avance et que tant l'Allemagne que la France ont à coeur de répondre à l'attente qui existe dans le cadre de la refondation institutionnelle de cette Europe et que nous voulons à la fois être ambitieux, efficace et réaliste à 25. Il faut donc prendre en compte ce nombre nouveau qui change à la fois la mécanique et la dynamique européenne. Nous avons à coeur de répondre aux besoins de cette Europe qui est plus démocratique, plus efficace et plus transparente.
Q - Dans le cadre de ce dîner ce soir, et de la concertation de la position commune que vous souhaitiez afficher à la convention, est-ce que vous pouvez nous en dire un peu plus sur les positions de la France et de l'Allemagne, sur la présidence de l'Union future ?
R - M. de Villepin - Il vous reste quelques heures à attendre, le chancelier et le président seront amenés à faire un point de presse à l'issue du dîner, donc à la fois par courtoisie et par respect pour le dialogue qui existe entre nos amis allemands, je crois qu'il est préférable que nous attendions la rencontre de ce soir pour que puissent vous être présentées les grandes lignes de la réflexion que nous menons et qui sera une proposition faite à nos partenaires.
Q - La diplomatie française, vous l'avez encore rappelé ce soir, insiste beaucoup sur la nécessité du dialogue des cultures et la nécessité de résister à la facilité du choc des civilisations. Comment appréciez-vous cette nouvelle dimension qui est en train de se développer de la communauté francophone qui, au moment du Sommet de Beyrouth, a montré combien elle pouvait avec cette cinquantaine de peuples qui la constituent, appuyer cet effort, on l'a vu dans l'affaire iraquienne et dans d'autres ?
R - M. de Villepin - Je vais laisser la parole sur cette question à Pierre-André Wiltzer, mais je vais seulement insister sur l'importance de ce volet francophone. Nous voyons, à travers la sensibilité particulière qui existe entre l'ensemble des pays membres, le besoin qu'il y a de se parler ensemble, d'échanger ensemble. La langue est un vecteur fort d'émotions partagées, de représentation partagée et l'on se rend compte que pour la France c'est un atout exceptionnel. C'est un atout qui lui permet de s'affirmer sur la scène internationale, d'affirmer une certaine idée du monde, de l'organisation du monde et cette conviction du droit, de la morale est largement partagée par l'ensemble des peuples qui parlent français. Il y non seulement un vécu, une expérience commune, un passé commun partagé très souvent, mais il y en même temps un imaginaire commun. Et c'est bien cela qu'il s'agit de mettre au service du nouvel ordre mondial, chacun se rend compte à quel point le désordre est puissant sur la scène internationale et l'imagination est certainement l'une des puissances qu'il est le plus urgent de convoquer.
R - M. Wiltzer - Ce que je pourrais ajouter, c'est que le Sommet de Beyrouth a marqué, je crois, un tournant très important dans la Francophonie et dans l'image qu'elle a d'elle-même et que, je l'espère, le monde peut avoir d'elle, à savoir qu'elle ne doit pas être simplement réduite à une sorte de club, certes sympathique et convivial, de pays qui aiment le français et à ce que véhicule le français que vient de rappeler Dominique de Villepin. Aujourd'hui, la Francophonie apparaît pour ce qu'elle est vraiment, c'est-à-dire un groupe de 50 pays réunis par quelque chose de très moderne, très généreux et très dynamique, qui est la volonté, dans un monde menacé par l'uniformité qui serait réductrice en termes culturels ; elle est la pionnière, elle est l'avant-garde de la diversité des cultures et des langues.
Et pourquoi des pays aussi différents que le Vietnam, que certains pays de l'Afrique, que certains pays de l'Océanie ou même de certains pays d'Europe où on ne parle pas majoritairement le français, souhaitent-ils être dans cette organisation internationale ? Eh bien, je crois que c'est parce que c'est une façon de montrer à nous-mêmes, membres de cette organisation, mais de montrer aussi aux autres grandes aires nationales et régionales qu'il y a la nécessité absolue de défendre les valeurs et les cultures qui sont un patrimoine mondial, s'il en est.
Q - Quel scénario envisagez-vous pour la réunion, la conférence sur la Côte d'Ivoire qui va se dérouler à partir de demain ? Est-ce qu'on peut imaginer un scénario à la Camp David, à la Whye Plantation ? Vous allez éventuellement faire des allers et retours entre les délégations pour les enfermer dans une logique de réussite de la Conférence et comment envisagez-vous de mener ces négociations ?
R - M. de Villepin - Je crois qu'aujourd'hui, toutes les parties, l'ensemble des forces politiques qui vont être réunies à Marcoussis à partir de demain, sont très conscientes de la gravité et de l'importance de l'enjeu. Nous avons déjà eu avec chacune d'elles, de longues conversations, il s'agit maintenant d'avancer vers des solutions. Le simple fait que toutes les parties aient accepté de venir, marquent bien que nous sommes engagés dans un processus que nous souhaitons efficace et au service de la Côte d'Ivoire. Je crois que nous devons être très pragmatiques. Il est important, d'abord, que se noue entre les différents participants le dialogue sur les questions centrales qui ont divisé la Côte d'Ivoire depuis des années. J'ai mentionné en particulier la question de l'ivoirité, le statut des étrangers, le problème de la loi foncière. Il faut trouver des solutions. Là, j'allais dire, sont les grands thèmes de fond.
Et puis parallèlement, il faut que la mécanique politique puisse aussi s'enclencher, que la confiance puisse être créée. Il y a là une dynamique des équilibres politiques ivoiriens permettant de s'attaquer au problème de la réconciliation, c'est-à-dire de créer l'agenda, le calendrier qui permettra véritablement de mobiliser l'ensemble des forces politiques ivoiriennes, l'ensemble des Ivoiriens vers la recherche de la paix et de la stabilité en Côte d'Ivoire. Donc nous allons nous adapter au quotidien sachant que les différents représentants français, de l'Union africaine, de la CEDEAO, de l'ONU sont à la disposition des forces politiques pour essayer de faire des propositions, de faciliter la recherche d'idées, d'accompagner en quelque sorte la réflexion. Ma conviction c'est qu'il y a urgence, d'où un calendrier extraordinairement serré. Il y a une chance, c'est la mobilisation de l'ensemble des chefs d'Etat de la région et de la communauté internationale. Je crois que chacun a bien compris que cette chance, il fallait la saisir, que rien n'était pire que la guerre, que la solution militaire. J'ajouterai, pour l'avoir constaté et le constater tous les jours, qu'il y a aujourd'hui une très grande lassitude du peuple ivoirien. Le peuple ivoirien attend que ses forces politiques trouvent des solutions, c'est dire que bien évidemment, cette table ronde va se dérouler sous l'oeil attentif, exigeant, du peuple ivoirien et de la Côte d'Ivoire, des pays africains et des responsables africains. Nous devons aboutir.
C'est donc résolument que nous abordons cette question. Je sais le scepticisme qui a existé quand nous avons imaginé, essayé d'entreprendre un cessez-le-feu sur l'ensemble du territoire ; nous avons un cessez-le feu, il faut bien évidemment qu'il soit respecté ; je sais le scepticisme qui a accueilli la proposition française quand on a dit qu'on allait faire une table ronde à Paris. Je sais le scepticisme qui a existé quand nous avons dit que nous allions accueillir les chefs d'Etat. Je veux souhaiter que, fort de la conscience qui existe de l'importance des enjeux, tout le monde soit mobilisé pour apporter sa contribution.
En tout cas, vous savez que la France est là pour appuyer ces efforts, forte d'un principe auquel nous voulons nous tenir. Il ne nous appartient pas de nous substituer à la volonté africaine. Nous avons une idée très claire de notre politique africaine et nous avons une idée très claire de ce que nous souhaitons pour l'Afrique et pour les pays africains : la paix et la stabilité, le respect des grands principes. Je suis heureux de voir que, dans le dialogue que j'ai avec l'ensemble des parties aujourd'hui, ces principes sont aussi leurs principes. Et nous allons essayer de nous donner ensemble les moyens d'avancer à travers le chemin difficile qui est aujourd'hui celui de la Côte d'Ivoire car nous savons tous que, si une solution politique n'est pas trouvée aux problèmes ivoiriens, le risque sera de déclencher alors une catastrophe des affrontements, une guerre à nouveau et chacun sait une fois de plus que c'est le peuple ivoirien qui paiera. Cette solution là, nous n'en voulons pas.
Q - Est-ce que dans l'hypothèse où la Conférence de Paris ne débouche pas à la date du 25/26, disons sur une amorce de réconciliation, la France serait prête à se lancer dans un marathon diplomatique et à prolonger l'exercice ?
R - M. de Villepin - Une fois de plus, je veux réitérer la conscience que j'ai que chacun mesure l'urgence et la disponibilité des responsables africains à participer le 25 et le 26. Cela ne doit pas être mis en doute et cela constitue une incitation supplémentaire pour l'ensemble des partis politiques. Evidemment, on pourrait imaginer une conférence qui pourrait durer des semaines et des mois. Il s'agit de donner un avenir à la Côte d'Ivoire, de reconstruire la Côte d'Ivoire. Nous avons un atout qu'il ne faut jamais oublier, c'est que nous avons tous à l'esprit ce qu'était la Côte d'Ivoire il y a quelques années. Nous savons que c'est possible, nous ne nous battons pas dos au mur contre l'impossible ou l'"impensé". Nous savons à quoi doit ressembler ce pays, nous savons quelles peuvent être les solutions qui ont d'ores et déjà existé dans l'histoire de la Côte d'Ivoire. Il y a donc la confiance, la conviction que cela est possible. Je crois que c'est partagé par l'ensemble des participants à la table ronde, je veux croire que chacun sera capable de mettre de côté ses arrière-pensées, ses susceptibilités, ses rivalités, ses ambitions pour ne retenir qu'une ambition commune pour la Côte d'Ivoire.
Q - Combien de temps est-ce que les troupes françaises vont rester en Côte d'Ivoire et comment vont-elles collaborer avec les forces de la CEDEAO qui vont commencer à arriver là-bas sur place ?
R - M. de Villepin - Le temps c'est celui qu'il faudra pour retrouver le chemin de la paix et c'est l'occasion que vous me donnez à nouveau de saluer le professionnalisme, le courage, le dévouement de l'armée française en Côte d'Ivoire. Chacun voit son effort et le prix que paye la France tous les jours à la recherche de la paix en Côte d'Ivoire. Notre conviction c'est que cela peut être long. Cela sera long car il faut non seulement que la table ronde aboutisse, non seulement que les chefs d'Etat puissent garantir et accompagner ce processus et j'insiste sur le fait qu'il faut une garantie internationale. Je crois que l'incitation la plus forte, c'est que la communauté internationale soit mobilisée pour garantir un processus. Il ne s'agit pas de faire allégeance aujourd'hui à un homme, mais à un principe, à une certaine vision de la Côte d'Ivoire d'avancer résolument dans la recherche d'une certaine idée de la paix et de la réconciliation là-bas. Donc nous sommes prêts évidemment à accompagner ce processus, nous voulons le faire en liaison avec nos amis et partenaires africains. La CEDEAO a envoyé un certain nombre de forces de l'ECOMOG qui seront présentes sur le terrain ; nous sommes là avec ces forces pour participer à la surveillance du cessez-le-feu, sécuriser le cessez-le-feu ; nous sommes prêts à le faire avec d'autres, avec tous ceux qui souhaiteront apporter leur contribution.
Vous savez que loin de nous l'idée de camper sur un quelconque pré carré, la France n'a pas du tout envie de confisquer pour elle-même l'Afrique. Les problèmes de l'Afrique sont grands, chacun le sait et notre volonté c'est de travailler avec tout le monde, rassembler les énergies, catalyser les efforts et la volonté pour faire en sorte que l'Afrique puisse écrire une nouvelle page de son histoire.
Q - Monsieur le Ministre, tout le monde s'accorde effectivement à dire que depuis que vous êtes arrivé aux affaires, vous vous êtes ressaisi du continent africain et vous l'avez replacé sur l'agenda international. En revanche, les gens disent qu'ils n'y voient pas très clair dans votre politique africaine et tout le monde annonce une clarification des grandes orientations de votre politique africaine pour le Sommet Afrique/France. Alors est-ce qu'on va voir enfin le texte apparaître. Et je veux inviter Monsieur le Ministre à profiter de nos colonnes pour le faire paraître.
R - M. de Villepin - Bravo pour votre audace, cela fait partie de l'époque, je suis sûr que notre époque récompense ce type d'audace. Mais vous savez, se ressaisir sur l'Afrique, c'est agir pour l'Afrique. Trop de mots ont été utilisés, trop de grandes phrases, l'Afrique a besoin d'actes et l'Afrique a besoin de la complicité, de la générosité, de l'engagement de la France et c'est bien cela, qu'au cours des derniers mois nous avons voulu montrer en Afrique. Les six voyages que j'ai effectués là-bas, c'est la marque de l'engagement de la France au service de l'Afrique, je le dis bien, au service de l'Afrique et des Africains.
Alors vous aspirez à la formalisation, à la théorisation de tout cela ; nous avons déjà eu l'occasion de nous exprimer sur ce sujet mais nous le referons, et le président de la République le premier, à l'occasion du Sommet Afrique/France. Nous avons besoin de toute évidence de remettre en perspective l'action qui nous mobilise en Afrique. Vous savez que, depuis plusieurs années, de Kananaskis à Monterrey jusqu'à Johannesburg, jusqu'au Sommet d'Evian l'été prochain, nous avons l'ambition de remettre l'Afrique au coeur de l'agenda international. Nous allons continuer et nous aurons effectivement l'occasion de préciser les grandes orientations de cette politique africaine mais ce qui doit être clair, c'est qu'il n'y a pas une politique africaine différente en Côte d'Ivoire ou dans les Grands Lacs ou en Afrique Australe, il y a une politique africaine de la France. Nous prenons acte de l'ambition, des aspirations de ce continent, nous voulons traiter avec l'ensemble de nos partenaires africains, nous voulons défendre les mêmes principes avec la même exigence et la même foi partout où c'est nécessaire, d'où notre vigilance sur la question des Droits de l'Homme. Vous savez que c'est nous qui avons saisi la Commission des Droits de l'Homme et nous attachons la plus grande importance à ce que la communauté internationale prenne ses responsabilités dans chaque dossier de crise et en particulier aujourd'hui en Côte d'Ivoire. C'est donc avec vigilance, avec attention, avec exigence que nous voulons avancer sur les questions africaines comme sur l'ensemble des dossiers difficiles que nous connaissons à travers le monde. Vous pouvez compter sur nous pour faire des grands discours, mais surtout que ces grands discours soient suivis d'effet.
Q - Monsieur le Ministre, quels sont, d'après vous, ou quel est, d'après vous, je dirais même la cause réelle de ce conflit en Côte d'Ivoire ? Certains font état en fait de plus en plus d'une crise culturelle et j'entends des Ivoiriens du sud dire, on ne veut pas d'un Etat musulman. Alors, que pensez-vous de cette attitude qui est vraiment une attitude très précise et très pointue, je dirais, de la part des Ivoiriens du sud qui disent cela et que pensez-vous du problème Alhassane Ouattara ?
R - M. de Villepin - Je commencerai par votre deuxième question car vous imaginez bien que l'on n'engage pas une table ronde en portant des jugements définitifs sur les uns et sur les autres. Mon souci c'est que l'ensemble des parties prenantes au destin ivoirien travaille ensemble pour faire avancer le dossier.
Sur la question de fond que vous posez, la raison, la cause, je crois qu'il y en a plusieurs. Chacun connaît à la fois les données anciennes, ethniques, religieuses, géographiques, économiques et les données nouvelles liées à l'évolution de la région vers plus d'instabilité liée au développement de réseaux mafieux, de crimes organisés, de trafic d'armes qui contribuent à aggraver davantage la crise ivoirienne et qui font de la Côte d'Ivoire un enjeu régional. Chacun constate le prix que paye l'ensemble des Etats voisins, l'ensemble de la région, l'ensemble de l'Afrique à la situation de crise que connaît la Côte d'Ivoire.
Mais vous avez prononcé le mot, je crois, que la question d'identité est une question centrale. Quand la Côte d'Ivoire se pose le problème de l'ivoirité, cela met bien en cause aujourd'hui, dans une situation particulièrement tendue, le pays de tolérance, le miracle ivoirien comme on le qualifiait il y a quelques années, capable de faire vivre ensemble des ethnies, des populations différentes. Il y a là, je crois, un formidable défi pour tous les responsables de la Côte d'Ivoire. Je crois qu'ils mesurent à quel point ce défi est historique. On peut céder à la tentation de prendre l'un des aspects de ce dossier, de le privilégier. Je crois qu'il faut avoir l'humilité de considérer aujourd'hui la très grande complexité de tout cela, les responsabilités partagées qui existent dans la crise que connaît aujourd'hui la Côte d'Ivoire. Il faut savoir aussi résolument se tourner vers l'avenir, agir. Je crois que la Côte d'Ivoire a besoin d'actions, a besoin d'initiatives. La France offre un chemin, elle offre un lieu de rencontres et de dialogues. Je suis convaincu que chacun des Ivoiriens participant à la table ronde aura à coeur de saisir cette main tendue.
Q - Vous avez déjà subi quelques petits désagréments. C'est vrai que vous n'en avez pas tenu compte mais cela m'a un peu choqué. En Côte d'Ivoire, croyez-vous vraiment à un processus rapide de la crise ? Pensez-vous qu'à Paris vous allez réussir tout de suite le 15 janvier, à entamer les discussions avec les différents partis politiques et puis le 25, avec les chefs d'Etat et puis que cela va être réglé ? Pensez-vous cela vraiment ?
R - M. de Villepin - Mais l'Afrique, et la Côte d'Ivoire en particulier en crise, a besoin d'un électrochoc. Comment passe-t-on d'une situation de crise à une situation de redressement ? Il faut un électrochoc. Pourquoi remettre à demain ce que l'on peut faire aujourd'hui ? Il est temps que la communauté internationale se rende compte qu'il n'y a de fatalité à rien. On peut régler le problème de la Côte d'Ivoire avec la table ronde et la réunion des chefs d'Etat et engager un processus qui créera les conditions d'une nouvelle donne politique, d'une nouvelle donne culturelle en Côte d'Ivoire. Je crois que tous les Ivoiriens y aspirent. Regardons davantage ce que demande le peuple ivoirien. Soucions-nous un peu moins des querelles entre les uns et les autres, des problèmes d'hommes, regardons cette nécessité, cette exigence ivoirienne. C'est, je crois, la seule chose qui compte et ma conviction est qu'aujourd'hui c'est possible
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 21 janvier 2003