Interview de Mme Marine Le Pen, membre du bureau politique du Front national, à l'émission "Le Grand Jury RTL - Le Monde - LCI" le 26 janvier 2003 sur la position du Front National face à un éventuel conflit en Irak, l'euro et sur l’immigration.

Prononcé le

Média : Grand Jury RTL - Le Monde - LCI

Texte intégral

Patrick COHEN : Bonsoir à tous. Bonsoir Marine LE PEN. Le Front national a trente ans. Vous en avez trente-quatre. Son chef s'appelle Le Pen, vous aussi et vous fustigez une extrême droite qui a de grosses chaussures, un petit cerveau et qui "s'habille en vert-de-gris", dites-vous. Alors, on essaiera de confronter ces intentions à vos points de vue sur divers sujets d'actualité : sécurité, immigration, question de société. On abordera aussi le dossier des retraites pour voir quelles solutions vous proposez. Jean-Marie Le Pen explique que les Français doivent travailler plus, plus tôt et plus tard. De ce point de vue, on peut dire qu'il montre l'exemple, puisqu'il n'a pas l'intention de décrocher. On parlera donc de l'avenir du Front national à défaut de la retraite de Jean-Marie Le Pen. Pour vous interroger, à mes côtés : Gérard COURTOIS et Pierre-Luc SEGUILLON pour un grand jury diffusé, comme chaque semaine, sur RTL et LCI, dont on pourra lire l'essentiel dans le prochain numéro du Monde et le script intégral sur le web : rtl.fr. On va commencer cette émission, Marine LE PEN, par un sujet sur lequel vous semblez en phase avec les autres forces politiques de ce pays. Est-ce que vous vous rangez opposition arrêtée par les autorités françaises, c'est-à-dire, respect de la légalité internationale, refus de toute action unilatérale de la part des Américains, réaffirmation comme hier soir, dans la bouche de Jean-Pierre Raffarin, qu'un conflit peut être évité ? Vous applaudissez ?
Marine LE PEN : Oui, j'applaudis bien sûr avec une réserve. Une réserve parce que nous connaissons Monsieur Chirac et que nous savons que ce n'est pas parce qu'il dit les choses, qu'il les pense et qu'il ne peut pas changer d'avis, ce qui lui est déjà arrivé à maintes reprises. Moi, ce qui m'inquiète dans ce conflit et ce qui m'inquiète dans la diplomatie française, c'est que personne ne dit aux Français les véritables raisons de la guerre d'Irak. Et la véritable raison, pourtant le sait, c'est le pétrole. Toujours y penser, ne jamais en parler. Alors, c'est ça qui permet de comprendre le comportement de Monsieur. C'est de savoir que dans dix ans, les réserves pétrolières américaines seront épuisées, que les deux-tiers des réserves mondiales sont dans le Golfe, que l'Irak a la deuxième réserve mondiale et que si le baril passe au-dessus des 30 dollars, c'est la catastrophe. Et bien, lorsqu'on a compris cela, on ne laisse pas avoir par l'argumentation moralisatrice qui est donnée par les Etats-Unis. Et moi, le fait que la diplomatie française ne veuille pas dire la vérité, m'inquiète.
Pierre-Luc SEGUILLON : Qu'est-ce qui vous ferez revenir sur votre réserve ? Ce serait que la France oppose son veto à une éventuelle résolution des Nations Unies qui cautionnerait une guerre contre l'Irak .
Marine LE PEN : Tout à fait. Tout à fait, c'est que j'attends de la France.
Gérard COURTOIS : C'est la seule hypothèse ?
Marine LE PEN : Attendez. Je ne veux pas dire que le pire n'est jamais sûr. Je ne vais pas dire que Chirac, obligatoirement, va se dédire. Mais il a l'habitude de le faire et j'avoue qu'encore une fois, le fait que sur les grands dossiers, notamment sur ce dossier de l'Irak, la vérité soit cachée aux Français, n'est pas à mon avis de bonne augure.
Gérard COURTOIS : Mais pour l'instant, la position vous paraît correcte ? La guerre en dernière extrémité et sous l'égide de l'ONU ?
Marine LE PEN : Pour l'instant, non. Non, parce que de toutes façons, si la position, c'est la position de la paix, oui. Si la position, c'est la guerre si on nous apporte des preuves. Quelles preuves ? Voilà.
Gérard COURTOIS : Il n'y a aucune raison à vos yeux de faire la guerre contre l'Irak ?
Marine LE PEN : En l'état, absolument pas. Et je crois, pas du tout d'ailleurs. Parce que tout le monde est d'accord pour dire qu'il n'y a pas d'armes de destruction massive en Irak. A part Monsieur Bush qui se cherche une excuse. Bon. Même Scott Ritter, l'ancien chef inspecteur de l'ONU, le dit. Tout le monde sait qu'il n'y a pas de lien entre Al-Qaïda et l'Irak. Alors, Bush a beau dire : " Ah, mais on a des preuves mais on les garde ! On vous les apportera un jour ou l'autre ". Tout le monde sait que c'est totalement faux. Il n'y a pas d'armes de destruction massive, il n'y a pas de lien avec le terrorisme, quelle est donc la justification d'aller faire la guerre à ce petit peuple de vingt millions d'habitants, qui a déjà souffert dans des conditions insupportables depuis dix ans.
Pierre-Luc SEGUILLON : Vous convenez que par le passé, ce petit peuple dont vous parlez ou plus exactement le régime irakien, a fabriqué des armes qui tombent sous le coup de la répréhension internationale.
Marine LE PEN : Mais je l'admets avec d'autant plus de facilité, Monsieur Seguillon, que c'est nous qui nous leur avions vendues. C'est la France qui leur a vendu.
Gérard COURTOIS : Peut être pas les armes chimiques, enfin ? En tous cas, quelles sont les conditions qui devraient être posées à l'Irak, à votre avis, pour par exemple, lever l'embargo que vous avez toujours critiqué et d'autre part, obtenir au fond, que le régime de Saddam Hussein, ne puisse plus avoir quelques velléités de construire des armes de ce type ? Indépendamment d'une opération militaire, comment politiquement résoudre ce problème à votre avis ?
Marine LE PEN : Mais pourquoi voulez-vous imposer des conditions plus strictes et est-ce même imaginable de poser des conditions plus strictes que celles qui existent actuellement et que celles auxquelles ils sont soumis depuis dix ans. Qu'est-ce qu'on peut faire de plus, que d'imposer au peuple irakien, ce qui se passe actuellement, c'est à dire que tout est ouvert, les inspections de l'ONU peuvent aller partout. Il y a eu des centaines d'inspections depuis deux mois qui n'ont absolument rien donné, si ce n'est que de trouver des ogives vides. Voilà, les choses sont claires. Vous ne pouvez pas, sous prétexte qu'un jour ou l'autre un pays pourrait avoir une arme nucléaire comme en ont d'ailleurs d'autres pays, ce qui me paraît beaucoup plus inquiétant d'ailleurs. Parce que l'Inde, le Pakistan, la Corée du nord ont ces armes là. Voilà, je crois qu'il faut respecter aussi, à un moment donné, le droit international. Or le droit international, c'est aussi et c'est dans la résolution 1441, le respect du territoire irakien et à la limite, la non- ingérence dans les affaires irakiennes.
Pierre-Luc SEGUILLON : Quel est votre jugement sur le régime irakien lui-même ?
Marine LE PEN : Moi je ne défends pas le régime irakien. Que les choses soient très claires ! On ne l'a d'ailleurs jamais défendu.
Pierre-Luc SEGUILLON : Est-ce que vous le condamnez ?
Marine LE PEN : C'est un régime autocratique et comme moi je suis attaché à la démocratie, et bien oui je le condamnerai. Je condamnerai d'ailleurs au passage tous ses voisins qui, il faut bien le dire, ne sont pas non plus des exemples de démocraties à l'occidentale. Mais voilà, c'est fait. Alors, faut-il aller bombarder tous les pays qui n'ont pas une démocratie à l'occidentale ? Moi, je crains que ça n'ait des conséquences plus graves que le mal que l'on veut combattre.
Patrick COHEN : Jusqu'à présent, c'est la gauche qui a défilé contre la guerre en France. Vous envisagez, vous imaginez d'organiser une manifestation vous-même ?
Marine LE PEN : Ecoutez, merci ! Elle est organisée, elle se déroulera le 1er février à 16 heures, place des Etats-Unis, pour soutenir " SOS enfants d'Irak ".
Pierre-Luc SEGUILLON : Vous disiez que vous avez des réserves plus exactement sur la position de Jacques Chirac. D'ailleurs, Jean-Marie Le Pen, lui-même a dénoncé un silence abyssal. Est-ce que vous trouvez que la position commune prise par l'Allemagne et par la France, est un progrès ?
Marine LE PEN : C'est un progrès ? Ce sont deux diplomaties qui vont dans le même sens.
Pierre-Luc SEGUILLON : Un progrès européen ? Et est-ce que ça ne donne pas davantage de force à cette position
Marine LE PEN : Mais vous n'allez pas me dire que ça donne une force à la diplomatie européenne. Parce que la France et l'Allemagne ont la même option, c'est très bien. Mais n'oubliez pas tout de même que la Grande-Bretagne a une position radicalement différente et je crois d'ailleurs que cette crise est la démonstration flagrante qu'il n'existe pas de diplomatie européenne. Et qu'il ne peut pas exister de diplomatie européenne.
Gérard COURTOIS : Mais est-ce que l'entente franco-allemande, notamment sur ce sujet, l'Irak, n'est pas quand même le premier pas au moins, la meilleure façon de contre-carrer l'hégémonie américaine que vous dénoncez ?
Marine LE PEN : Mais moi je suis ravie de cette entente et je suis d'ailleurs ravie des liens d'amitié qui existent entre la France et l'Allemagne. Mais on veut toujours aller plus loin, on veut toujours pousser les Français plus loin. Aujourd'hui, on nous parle d'une nationalité franco-allemande. Donc, il faut arrêter le délire. Il faut arrêter l'utopie totale.
Gérard COURTOIS : L'Europe s'est construite sur une utopie, y compris la monnaie.
Marine LE PEN : L'Europe est une totale utopie et une utopie très dangereuse. Et je vous rappelle que nous l'avons dénoncé depuis des années et notamment sur l'euro. Parlons-en deux minutes. J'ai entendu, moi, les hommes politiques plusieurs fois ou les journalistes se gausser en disant aux responsables du Front national : " vous voyez, vous aviez prévu le pire, vous aviez dit que ce serait épouvantable l'euro. Ça marche très bien ".
Pierre-Luc SEGUILLON : C'est un échec ?
Marine LE PEN : Mais je pense, oui, que c'est un échec. C'est si vrai d'ailleurs que même à Davos, on commence à nous refaire le coup de la naïveté. En disant : " On pensait que ça marcherait ". Alors, qu'en Allemagne, ils sont entrés en déflation et bientôt en récession. Et la France est sur le point de rentrer en déflation.
Pierre-Luc SEGUILLON : Vous pensez qu'il faudrait sortir de l'euro carrément aujourd'hui ?
Marine LE PEN : Je pense que l'euro est un échec. Il faut en tirer les conséquences. Alors, sortir de l'euro, peut être pas. Faire de l'euro une monnaie commune plutôt qu'une monnaie unique, très certainement.
Pierre-Luc SEGUILLON : Comment est-ce que vous pouvez en permanence jouer les cassandres lorsqu'on vous demande les solutions concrètes.
Marine LE PEN : Je vous ai dit qu'il faudrait faire de l'euro une monnaie commune et non une monnaie unique.
Pierre-Luc SEGUILLON : Et on restaurerait le franc ?
Marine LE PEN : Je crois être assez claire.
Pierre-Luc SEGUILLON : Restaurer le franc ?
Marine LE PEN : Mais pas obligatoirement d'ailleurs.
Pierre-Luc SEGUILLON : Je ne comprends pas très bien.
Marine LE PEN : Ecoutez, pas obligatoirement. Il pourrait parfaitement y avoir des évaluations entre les monnaies. Mais le franc, effectivement pourrait servir de monnaie. Tout le monde aime bien le franc, je crois, et un certain nombre de Français qui voudraient probablement y revenir. Mais, Monsieur Seguillon, est-ce que la meilleure façon n'est pas de demander leur avis aux Français ?
Pierre-Luc SEGUILLON : Attendez, vous n'avez pas répondu à ma question.
Marine LE PEN : Si j'ai répondu.
Pierre-Luc SEGUILLON : Oui, mais vous dites qu'il faut demander l'avis des Français. Qu'est-ce que vous proposez comme question aux Français : de restaurer le franc pour leur favoriser leur nostalgie et de garder l'euro.
Marine LE PEN : Je propose de leur demander s'ils veulent que l'Euro soit une monnaie unique ou une monnaie commune ? C'est je crois, qu'il faut que les Français sachent que l'euro et l'Europe, telle qu'elle a été construite, nous empêche d'user de notre liberté, de notre levier qu'est la monnaie. Vous voyez bien que nous avons une politique budgétaire et une politique monétaire qui sont enfermées dans le carcan du pacte de stabilité et aujourd'hui, tant l'Allemagne que la France, s'aperçoivent de ce que dont nous dénonçons depuis des années, c'est-à-dire que des pans entiers de notre souveraineté ont disparu et que nous n'avons plus ce levier là. Nous n'avons plus aucune marge de manuvre, voilà. Plus aucune marge de manuvre. Il faut que nous récupérions nos marges de manuvre. Si l'Europe nous permet de récupérer nos marges de manuvre, tant mieux ! Nous construirons une Europe, une autre Europe que celle là dans laquelle nous avons nos marges de manuvre, où nous avons la maîtrise de nos frontières. Ou nous avons notre indépendance.
Pierre-Luc SEGUILLON : Donc, vous voulez reconstruire une Europe avec des monnaies nationales qui seraient restaurées, à côté d'une monnaie commune si non unique. Vous refermez les frontières également ?
Marine LE PEN : Pourquoi : " refermer les frontières " ?
Pierre-Luc SEGUILLON : Vous dites qu'elles sont trop ouvertes.
Marine LE PEN : Vous savez, d'avoir la maîtrise de ses frontières, ça ne veut pas dire fermer les frontières. Ça veut dire, les ouvrir ou les fermer ou les entrouvrir. Ça veut dire avoir la maîtrise. Ce n'est pas obligatoirement une position de repli ou d'autarcie. Il y a 80% des échanges du commerce qui se font par des accords bilatéraux. Par conséquent, ça existe. On veut absolument nous faire avaler que c'est l'Europe ou rien. L'Europe, telle qu'elle est construite. Donc Amsterdam, Maastricht, Schenghen, Copenhague ou rien. Ou la mort. Non. Il y a d'autres moyens, d'autres possibilités de construire une autre Europe. L'Europe des nations. L'Europe respectueuse des souverainetés et des indépendances. Si vous me permettez, je vais vous le lire une toute petite phrase, parce que de temps en temps, tout de même, il y a des choses étonnantes. " Il faut procéder non pas suivant des rêves mais d'après des réalités. Or quelles sont les réalités de l'Europe ? Quels sont les piliers sur lesquels ont peut bâtir l'Europe. En vérité, ce sont des Etats qui sont certes très différents les uns des autres, qui ont chacun son âme à soi, son histoire à soi, sa langue à soi, ses malheurs, ses gloires, ses ambitions à soi. Mais des Etats qui sont les seules entités qui aient le droit d'ordonner l'autorité pour agir, se figurer qu'on peut bâtir quelque chose qui soit efficace pour l'action et qui soit approuvé par les peuples, en dehors et au-dessus des états, c'est une chimère ". C'est Charles de Gaulle qui a dit ça. Vous voyez, alors le moins qu'on puisse dire, c'est que Monsieur Chirac c'est largement éloigné des positions de celui dont il se dit pourtant l'héritier.
Patrick COHEN : On va changer de sujet, si vous le voulez bien, Marine LE PEN. On va parler de sécurité. On vous sent, disons, embarrassée par l'activité déployée par le gouvernement, par la popularité de Nicolas Sarkozy qui semble vous manger le fonds de commerce sur ces questions. Son projet sur la sécurité intérieure a été voté cette semaine par l'Assemblée. Est-ce que, membre de ce parlement, vous l'auriez voté ?
Marine LE PEN : Rien ne me gène, voyez-vous. Rien ne me gène. Si ça allait dans le bon sens, ça ne me gênerait pas parce que la France en bénéficierait, mais ça ne va pas dans le bon sens.
Patrick COHEN : Donc, la réponse : vous ne l'auriez pas voté ?
Marine LE PEN : C'est inefficace. Je crois qu'on se moque des Français, une fois de plus et le Front national s'est fait un devoir de dire la vérité sur les grands dossiers. Et la vérité sur ce grand dossier qu'est l'insécurité, c'est que c'est de la poudre aux yeux.
Patrick COHEN : Vous l'auriez voté ou pas ?
Marine LE PEN : Qu'est-ce que vous voulez que je vous dise ? Il y a un certain nombre de choses qui sont pas mal. Le fichier des empreintes génétiques, ça me paraît pas mal. On a pris beaucoup de retard. On aurait dû le faire il y a vingt ans.
Patrick COHEN : L'atteinte au drapeau, la Marseillaise ?
Marine LE PEN : Mais on peut tout voter, on a 500.000 textes en France déjà. On peut tout voter. On peut en faire 600.000, 800.000.
Gérard COURTOIS : Là, c'est très concret. Les délits nouveaux sur la mendicité agressive, par exemple, l'atteinte au drapeau.
Marine LE PEN : Si vous permettez. Oui, mais c'est inefficace.
D'abord les chiffres si vous me permettez. Parce qu'on parle beaucoup des chiffres en disant " la délinquance a baissé ". La délinquance n'a pas baissé. Il y a eu une baisse de l'augmentation de la délinquance. Moi, je ne m'en satisfais pas et les Français ne doivent pas, évidemment, s'en satisfaire. Monsieur Sarkozy, c'est un peu la bombe à fragmentation du gouvernement, vous voyez ! Au lieu de régler le problème, il l'éparpille. Il a fait pour ça pour l'insécurité. Ça a un peu baissé dans les villes mais il y en a toujours. Mais ça a considérablement augmenté dans les campagnes. Il a fait ça pour Sangatte aussi. Avant, les immigrés clandestins étaient à Sangatte, maintenant il y en a de Calais jusqu'à Paris. Reprenons, quelques chiffres. Moi, j'en ai un certain nombre :
Les attentats en Corse sont passés de 149 en 2001 à 251 en 2002. + 68 %.
Les voitures brûlées le jour de la Saint-Sylvestre, puisque vous voulez parler de symboles, sont passées de 388 en 2001 à 406 en 2002.
Les assassinats sont passés de 1047 à 1322.
C'est ça les véritables chiffres de l'insécurité. Etant entendu que nous nous basons sur des chiffres officiels. Ce n'est pas nous qui les contestons. C'est l'INSEE qui avait évalué les crimes et délits en France non pas à 3 millions 5, mais à 16 millions 6.
Patrick COHEN : C'était lors du dernier recensement.
Pierre-Luc SEGUILLON : Et pour compléter, la délinquance, vous le disiez il y a un instant, a augmenté moins que par les années passées, puisqu'elle a augmenté de 1,28 %. C'est bien ça ?
Marine LE PEN : Chouette alors !
Pierre-Luc SEGUILLON : C'est pas mieux ?
Marine LE PEN : C'est pas mieux ?
Pierre-Luc SEGUILLON : Qu'elle augmente moins vite que par le passé ?
Marine LE PEN : Mais vous croyez que c'est ça que les Français attendent ? Vous ne croyez pas que les Français voulaient une véritable politique de rupture ? Un véritable renversement des valeurs ?
Pierre-Luc SEGUILLON : Pardonnez-moi la question. Est-ce que vous pensez qu'en six mois, vous-même par exemple, ministre de l'Intérieur, vous faites passer la délinquance à zéro pour cent.
Marine LE PEN : Je pense que nous aurions inversé la tendance. Je le pense très sincèrement. Mais il y a un bon thermomètre, Monsieur Seguillon. C'est le comportement des délinquants. Vous savez, eux au moins, ils savent si une politique va être efficace ou pas.
Pierre-Luc SEGUILLON : En faisant quoi que n'a pas fait Nicolas Sarkozy ?
Marine LE PEN : Moi, j'appelle ça le " sarkomètre ". Il y en a d'autres qui appelle ça le "sarkophage", notez-le.
Pierre-Luc SEGUILLON : Vous auriez fait quoi que n'a pas fait Nicolas Sarkozy ?
Marine LE PEN : J'aurai d'abord fait appliquer la loi, Monsieur Seguillon. Parce qu'il faut savoir que la plaie dans notre pays, c'est que la loi n'est pas appliquée. Il faut d'abord rétablir l'autorité de l'état. Il faut que les peines, les textes qui existent soient appliqués, que les peines soient sûres. Aujourd'hui, si vous êtes condamné à moins d'un an de prison ferme, vous ne les faites pas. Vous avez toutes les chances d'y échapper. Aujourd'hui, 17 % des reconduites à la frontière sont exécutées. Ce qui en laisse tout de même énormément qui ne sont pas exécutées. Rétablissement de l'autorité de l'état, de la certitude des peines.
Patrick COHEN : Rétablissement de la peine de mort, aussi comme Jean-Marie Le Pen s'est prononcé.
Marine LE PEN : Premièrement (...). Et deuxièmement, ce qui est fondamental, c'est qu'il faut s'attaquer aux causes. Je ne sais pas : la mendicité agressive, les problèmes de prostitution, tout le monde sait que ce sont des réseaux mafieux étrangers. Tout le monde le sait. Alors, pourquoi ne pas s'attaquer à l'immigration. Ce que font tous les pays d'Europe. Nous sommes le pays en la matière qui est le plus laxiste.
Pierre-Luc SEGUILLON : Est-ce que vous n'avez pas l'impression que vous insistez sur ce thème à nouveau de l'immigration, que vous aviez en partie abandonnée parce que précisément Nicolas Sarkozy occupe le terrain que vous avez sur la sécurité et que deux Français sur trois, approuvent sa politique. Ce qui est gênant pour vous ?
Marine LE PEN : Mais non. Mais deux Français. Evidemment, on a l'impression qu'il va dans le bon sens. Les Français ont l'impression qu'il va dans le bon sens.
Pierre-Luc SEGUILLON : Ils sont aveugles ?
Marine LE PEN : Seulement moi je suis en train de dire que ce qu'il fait, est totalement inefficace. Je ne dis pas d'ailleurs qu'il n'est pas de bonne volonté ce garçon. Je dis que c'est inefficace. Alors, ça va quoi. Un peu d'efficacité, je crois que c'est quand même le minimum des choses que les Français peuvent demander à leur gouvernement qui leur a fait tant et tant de promesses.
Gérard COURTOIS : Vous devriez pourtant être ravie. Le gouvernement, en plaçant la sécurité au centre de ses discours et apparemment de son action. En tous cas, elle est perçue comme ça, par les Français, vous donne raison sur le fond.
Marine LE PEN : Mais bien sûr. Il est tout à fait sûr qu'il crédibilise le constat que nous faisons depuis trente ans. Mais nous aurions préféré qu'il prenne la mesure - parce que gouverner c'est prévoir - de ces problèmes là, il y a trente ans. Ils ne l'ont pas fait, eux. Nous, oui. Excusez-moi, ça mérite quand même de le dire. Alors, s'il veut venir prendre des leçons sur ce qu'il faut faire, il n'y a pas de problème, on fait une petite permanence au Front national, il peut y venir.
Pierre-Luc SEGUILLON : Alors, précisément, moi j'ai relu le programme qui était le vôtre en matière de sécurité en 2002, au moment des élections présidentielles et législatives. Et au fond, quand on regarde vos propositions, c'est exactement ce que fait le ministre de l'intérieur. Renforcer les moyens de la police et du pouvoir judiciaire.
Marine LE PEN : Ca n'est pas le cas d'ailleurs. Ça n'est pas le cas Monsieur Seguillon, parce qu'ils ont laissé en place la loi Guigou dont on sait qu'elle est un obstacle fantastique à l'exercice du travail des policiers et au fonctionnement du pouvoir judiciaire.
Patrick COHEN : Elle a été modifiée en partie notamment pour le régime des gardes à vue.
Marine LE PEN : Modifier ? C'est une "mesurette" qui a été modifiée et une seule. Mais la philosophie, socialiste d'ailleurs, de cette loi a été maintenue comme la philosophie socialiste d'ailleurs de toutes les autres lois qui sont maintenues par le gouvernement de Monsieur Raffarin.
Pierre-Luc SEGUILLON : Organiser une coopération étroite entre police et justice. Ce n'est pas ce que fait la loi ? Quand par exemple le champ d'extension de la police judiciaire ne dépend plus du tribunal mais du Préfet ?
Marine LE PEN : Monsieur Seguillon, c'est à un avocat que vous parlez. Et je vais vous dire une chose. Ce n'est pas tant les lois encore une fois que l'on fait voter qui sont importantes que la volonté politique de les faire appliquer. Je crois qu'il n'y a pas de volonté politique de les faire appliquer. Et je pense que si l'on ne prend pas en compte le problème de l'immigration dont tout le monde, y compris, Malek Boutih, dit qu'il est lié à l'insécurité. Et bien, on ne réglera pas en profondeur les problèmes.
Pierre-Luc SEGUILLON : Vous dites : " pas de volonté politique ". Les juges de paix, vous avez souhaité des juges de paix. Il va y avoir des juges de paix.
Marine LE PEN : Ils existent déjà, ce sont les juges d'instance, en l'occurrence. Il aurait fallu élargir leurs compétences.
Pierre-Luc SEGUILLON : Pourquoi vous les demandiez s'ils existaient déjà ?
Marine LE PEN : C'est la même dénomination, excusez-moi, les juges de paix et les juges d'instance, c'est pareil.
Patrick COHEN : Donc, vous dites, pour revenir à votre argument principal, que l'insécurité c'est l'immigration.
Marine LE PEN : Non, je ne dis pas c'est l'immigration. Je dis que l'immigration est une des causes principales de l'insécurité. Ça n'est pas la seule. Je crois que la destruction de tous les grands piliers de notre société est évidemment aussi une des causes de l'insécurité mais qui est d'ailleurs de la responsabilité des mêmes gouvernants.
Pierre-Luc SEGUILLON : Est-ce que vous pouvez préciser quelle immigration vous stigmatisez ? Parce que quelque fois, on a l'impression qu'il y a une certaine confusion entre trois immigrations. Alors, j'aimerais avoir votre précision. C'est à dire les Français qui sont d'origine immigrée, l'immigration régulière et l'immigration clandestine. A quelle immigration vous en prenez-vous ?
Marine LE PEN : D'abord, nous nous en prenons à l'immigration clandestine. Cette immigration clandestine n'a cessé de se développer dans des proportions considérables et a été prise en compte dans beaucoup d'autres pays. Sauf le nôtre. Il y a là un laxisme qui est évident. J'ai entendu Monsieur Aznar la dernière fois, dire qu'il ne ferait plus de régularisations parce que toute nouvelle régularisation est un appel d'air à l'immigration clandestine. Ça me paraît être une sage position que nous défendons depuis des années. Seulement la France elle et Sarkozy, en particulier, qu'est-ce qu'il fait face à cette difficulté ? Il régularise.
Patrick COHEN : Non, il n'a pas fait de régularisations massives contrairement à ce qui a été fait en 98.
Marine LE PEN : Mais pourquoi massive ou pas massive, ça se fait.
Patrick COHEN : Il n'y a pas eu de régularisations. Combien d'immigrés ont été régularisés ? Vous pouvez nous le dire ?
Marine LE PEN : Ah ça, je ne pourrai pas le savoir. Et justement, c'est bien le problème. C'est que personne, ne le sait.
Patrick COHEN : Il y en a eu 100.000 en 98 et il n'y en a pas eu depuis.
Marine LE PEN : Personne ne sait combien sont régularisés tous les ans et d'ailleurs personne ne sait combien il y a d'immigrés clandestins dans notre pays et c'est bien un des grands problèmes de la France. C'est qu'encore une fois, les Français n'ont jamais de chiffres. Jamais.
Patrick COHEN : Sinon, ils ne seraient pas clandestins !
Marine LE PEN : Ca, c'est l'immigration illégale. Vous comprenez bien que l'immigration légale peut parfois entraîner une immigration illégale. Quand il y a des gens qui viennent avec des permis touristiques et ceux-ci expirent. Bon, c'est ça aussi, l'immigration illégale, ce n'est pas uniquement des gens qui arrivent en bateau. Ce sont des gens qui viennent de manière légale et qui restent dans l'illégalité.
Pierre-Luc SEGUILLON : Et que l'on reconduit.
Marine LE PEN : Et que l'on reconduit.
Pierre-Luc SEGUILLON : Mais qui sont reconduits aux frontières.
Marine LE PEN : Non, 18. 17 % Monsieur Seguillon.
Pierre-Luc SEGUILLON : Attendez, vous ne connaissez pas le chiffre de l'immigration clandestine. Comment pouvez-vous faire un pourcentage ?
Marine LE PEN : Ce n'est pas moi qui les donne ! Là pour le coup, c'est le ministère de la Justice. Bon, je veux bien, si c'est faux. C'est peut être 5 %, ce qui ne m'étonnerai pas en l'occurrence. Bon. Il y a un autre appel d'air, un autre moyen qui entraîne une immigration importante, c'est le droit d'asile. Le droit d'asile, dans tous les pays européens quasiment, il a été restreint et il est limité. Et bien, Monsieur Sarkozy, lui, il l'élargit.
Gérard COURTOIS : Depuis dix ans, les demandes d'asile ont été considérablement réduites.
Marine LE PEN : Vous trouvez, vous ?
Gérard COURTOIS : Statistiquement. Là, il y a des statistiques.
Marine LE PEN : Moi, je pense que sur le concept, il a été élargi sur le concept. Maintenant, ce sont les gens qui se sentent menacés. Et d'ailleurs, dans certains pays, en provenance de certains pays, par des organismes qui sont contrairement à avant, non gouvernementaux. Vous voyez bien que voilà. Compte tenu du terrorisme et des conflits ethniques qui peuvent exister à travers le monde, ces dispositions me paraissent dangereuses et encore une fois, nous sommes les seuls quasiment en Europe à avoir une politique aussi laxiste. Concernant les Français, les Français sont Français. Et ils sont à ce titre, par le Front national, considérés comme des Français. Les choses sont très claires.
Pierre-Luc SEGUILLON : Je vous posais cette question, parce que vous savez qu'à un moment donné, le Front national, précisément, avait envisagé de revoir la nationalité des Français d'origine étrangère de fraîche date, vous vous en souvenez ?
Marine LE PEN : Le Front national s'était juste exprimé sur la loi qui existait en France et qui existe toujours. C'est dans le code de la nationalité.
Patrick COHEN : Non, non, il était question à un moment dans une version du programme du Front national de revenir sur des naturalisations qui avaient été accordées.
Marine LE PEN : Vous voyez, le programme du Front national ne comporte plus cette mesure. Par conséquent, vous devriez être heureux.
Patrick COHEN : Je vais vous donner un autre exemple qui concerne l'ambiguïté de votre position concernant les immigrés. La Corse est secouée depuis plusieurs semaines par une série d'actes racistes contre des Maghrébins qui sont installés dans l'île et qui parfois, sont Français. Ce sont des attentats à la bombe souvent revendiqués par une organisation clandestine. Je vais vous lire ce qu'on peut voir dans l'un des organes de presse de votre mouvance.
Marine LE PEN : Ah, ça faisait longtemps. Mais vous avez l'aviso, parlez plutôt de l'aviso, Monsieur Cohen.
Patrick COHEN : " Les jeunes Corses, dit-on, à la différence des jeunes Français de Métropole, réagissent contre les exactions des Maghrébins et n'acceptent pas leur inconduite. L'histoire a prouvé que les Corses ne baissent jamais leur pantalon. Est-ce un exemple à suivre ? "
Marine LE PEN : Ecoutez, c'est très intéressant. Parce qu'en réalité, je crois que c'est ça qui alimente la tendance séparatiste de quelques Corses. C'est l'absence de l'autorité de l'Etat qui alimente ce séparatisme. Ils pensent, les Corses, qu'après tout, ils feront mieux, eux, pour faire régner la sécurité dans leur île que ne le fera l'état.
Patrick COHEN : Et donc, c'est un exemple à suivre ?
Marine LE PEN : Bien sûr que non. C'est bien la démonstration que c'est l'Etat qui doit rétablir son autorité pour éviter d'en arriver à ce type d'exactions. Les choses sont claires, Monsieur Cohen.
Patrick COHEN : Mais ce n'est pas un exemple à suivre ?
Marine LE PEN : Je viens de vous répondre.
Gérard COURTOIS : Pour prolonger la question de Patrick. Comment faites-vous, comment imaginez-vous de faire sur les deux immigrations que vous avez définies, la clandestine et la régulière ? Comment fait-on avec les clandestins ? Et faut-il réduire le nombre d'entrées d'immigrants réguliers en France ?
Marine LE PEN : Oui, mais moi je croyais que l'immigration légale, comme tous les Français. Mais moi on m'a dit, depuis cet arrêté, depuis 74. Bon, je me suis rendue compte, vous voyez, que ce n'était pas le cas, puisque Monsieur Fillon nous explique qu'il faut faire entrer 100.000 immigrés légaux supplémentaires par an. Alors, concernant l'immigration clandestine, il faut encore une fois, appliquer la loi. Appliquer les reconduites à la frontière. Appliquer la loi et il faut couper les pompes aspirantes. C'est à dire les aides qui très souvent n'existent pas, qui d'ailleurs souvent plutôt n'existent pas dans d'autres pays européens.
Patrick COHEN : C'est à dire la CMU, la couverture maladie universelle ?
Marine LE PEN : Notamment, oui. Et qui effectivement sont autant d'appels d'air à l'immigration clandestine. Oui, mais ça n'a rien d'extraordinaire. La CMU pour les étrangers, il y a des tas de pays dans lesquels ça n'existe pas, vous savez ? Encore une fois, je crois que là, vous connaissez les principes du Front national. Les principes du Front national, c'est la défense de l'intérêt national et des Français. Et par conséquent, nous pensons qu'il faut restreindre les aides sociales aux Français. Mais à tous les Français ! Que les choses soient bien claires, comme ça il n'y a pas de malentendus.
Patrick COHEN : On va marquer une pause pour les informations de 19 heures. Et on revient sur ces sujets et sur d'autres avec vous, Marine LE PEN. A tout de suite !
Patrick COHEN :
Oui, Marine LE PEN, on parlait d'immigration il y a quelques minutes, vous contestez les efforts de Nicolas SARKOZY pour organiser, disons un Islam de France, vous vous opposez à la construction de nouvelles mosquées, alors que l'on entendait encore Jean-Marie LE PEN il y a quelques années souhaiter l'édification de mosquées discrètes. Ma question, elle est simple, est ce que les musulmans de France ont vocation ou non à pouvoir pratiquer leur culte ?
Marine LE PEN : Attendez, si nous sommes contre le conseil de l'Islam c'est parce que nous considérons qu'il ne représente aucune garantie qui évite ce pourquoi il a été fait, c'est à dire la maîtrise d'un Islam radical qui s'insinuerait sans aucun contrôle dans un certain nombre de banlieues. Nous pensons que tel qu'il a été construit, non seulement il ne garantit rien mais que de surcroît il légitimise un mouvement comme les " Frères Musulmans " dont on sait tout de même qu'il est extrêmement radical. Voilà, nous pensons qu'il aurait fallut s'interroger et travailler peut être sur le financement des mosquées. Parce que vous savez très bien qu'elle est financée par le Maroc, qu'elle est financée par l'Algérie, voilà je veux dire, il y a tellement de pays étrangers en la matière que ce serait presque DE VILLEPIN qui devrait s'en occuper.
Patrick COHEN : C'est pour ça justement que le gouvernement envisage de modifier la loi de 1905 pour permettre le financement par des collectivités ou par l'Etat.
Marine LE PEN : Il prend systématiquement le problème à l'envers.
Patrick COHEN : Qu'est ce qu'il faudrait faire ?
Pierre-Luc SEGUILLON : Mais quand vous dites s'interroger sur le financement des mosquées, çà veut dire, allez plus loin, quelle est la réponse ?
Marine LE PEN : Mais ça veut dire éventuellement supprimer le financement étranger et peut être envisager de ne l'autoriser que sous certaines conditions, par exemple une réciprocité. Maintenant, les musulmans ont effectivement le droit d'avoir des mosquées discrètes en France mais Jean-Marie LE PEN n'a jamais changé de point de vue là-dessus !
Pierre-Luc SEGUILLON : Vous pouvez préciser le mot que vous avez utilisé ? Réciprocité, ça veut dire quoi ? Qu'on autorise le financement d'une mosquée à condition qu'on construise une église dans le pays ?
Marine LE PEN : A condition que ce soit autorisé ! Mais pourquoi, ça vous heurte ?
Pierre-Luc SEGUILLON : Non mais je veux une clarification !
Marine LE PEN : Oui éventuellement ça pourrait être une piste de réflexion mais moi je pense qu'un Conseil de l'Islam qui est construit sans jamais, encore une fois se poser la bonne question qui est la question du financement, me paraît totalement inefficace, c'est une des multiples bombes à retardement du gouvernement pour pouvoir gagner du temps, pour essayer d'acheter un peu la paix civile.
Gérard COURTOIS : Mais est ce qu'il ne serait pas tout aussi irresponsable ou imprudent de laisser les choses en l'état sans aucune instance représentative de la deuxième religion de France.
Marine LE PEN : Si on laisse le financement en l'état, de toute façon tout peut être dangereux !
Gérard COURTOIS : Est-ce qu'il n'est pas nécessaire, au-delà des modalités dans lesquelles les choses s'organisent, de mettre en place une telle instance ?
Marine LE PEN : Non. Je pense que, tant qu'encore une fois, on ne réglera pas ce problème de financement, ça ne servira à rien, voilà. Et puis voilà, il faut que les fidèles contribuent financièrement à leur culte mais ça ne pose pas de difficultés particulières encore une fois, c'est exactement ce que Jean-Marie LE PEN avait exposé et expose d'ailleurs depuis de très nombreuses années. Jean-Marie LE PEN qui a, le premier, présenté un candidat musulman sur sa liste il y a déjà longtemps.
Patrick COHEN : Il y a plus de 40 ans.
Marine LE PEN : Vous voyez, c'était un précurseur !
Patrick COHEN : Oui mais alors, je comprends à travers vos propos que vous êtes pas absolument opposée à une révision de la loi de 1905.
Marine LE PEN : Je suis totalement opposée.
Patrick COHEN : Mais alors si ce n'est plus financé par les Etats et si ce n'est pas financé par les collectivités.
Marine LE PEN : C'est financé par les fidèles.
Patrick COHEN : Par les fidèles uniquement.
Marine LE PEN : Oui, je vois pas ce qu'il y a d'heurtant là-dedans. Ca me paraît ce qu'il y a de plus sain et de plus représentatif.
Patrick COHEN : On va changer de religion si vous le permettez. Hier soir, le Président de CRIEF, Roger CUKIERMAN, lors du dîner annuel des institutions juives de France a dénoncé un regain d'antisémitisme et à ce propos, il a parlé d'une alliance " rouge, vert, brun qui donne des frissons ", alors le rouge c'est l'extrême gauche, le vert c'est les écolos et José BOVE et le brun c'est vous en sa bouche. Votre réaction ?
Marine LE PEN : Il se trompe, que voulez-vous que je vous dise, il se trompe et je crois qu'il trompe la communauté juive parce que je veux pas faire de monomanie mais il se trompe de cause. La cause de l'augmentation des actes antisémites depuis un certain nombre de mois, ce n'est pas le transport du conflit israélo-palestinien sur notre sol, la cause c'est justement l'immigration totalement anarchique dans ce pays, et l'absence de contrôle de l'Islam radical. C'est cela en réalité la vérité et je crois que Monsieur CUKIERMAN devrait la donner parce que là, il va plutôt dans le sens du gouvernement, ça me paraît être une position plus politique qu'une position réaliste.
Patrick COHEN : Et quand Bruno GOLLNISCH au nom du Front National publie un communiqué de soutien à un éditeur négationniste Jean PLANTIN, qui vient de subir une nouvelle condamnation pour avoir continué à diffuser des ouvrages qui présentent comme un mythe ou un mensonge l'extermination des juifs par le régime nazi, c'est pas une manifestation douteuse ?
Marine LE PEN : Bruno GOLLNISCH défend la liberté d'expression, il l'a toujours défendue et je crois qu'il n'est pas le seul puisque aujourd'hui il y a un débat qui s'instaure pour savoir si réellement la loi consistant à limiter la liberté d'expression va dans le bon sens.
Patrick COHEN : Où ça un débat ?
Marine LE PEN :
Ecoutez, je me souviens plus du nom de l'auteur qui vient de faire un livre sur ce sujet là, pour solliciter justement la suppression des lois qui visent à limiter la liberté d'expression.
Patrick COHEN : Et comme le dit GOLLNISCH, vous pensez que contester l'existence de chambres à gaz, ça relève de la critique historique ?
Marine LE PEN : Vous savez quoi, ce qui serait vraiment très sympathique Monsieur COHEN, c'est que vous invitiez Monsieur GOLLNISCH !
Patrick COHEN : Non, non, attendez, c'est un communiqué du Front National signé de Bruno GOLLNISCH qui engage le Front National !
Marine LE PEN : Et il viendrait avec beaucoup de plaisir répondre à vos questions !
Patrick COHEN : On y pensera. Il est venu en mai dernier. Non mais attendez, c'est un communiqué qui engage le Front National. Est-ce que la contestation de l'existence des chambres à gaz relève de la critique historique ?
Marine LE PEN : Ecoutez !
Patrick COHEN : Ecoutez, je pose la question Madame !
Marine LE PEN : Monsieur COHEN.
Patrick COHEN : Ecoutez, je note que vous ne voulez pas répondre si vous voulez !
Marine LE PEN : Mais non mais c'est pas le problème, nous avons toujours été contre les atteintes à la liberté d'expression, c'est une position, aux Etats-Unis, il n'y a absolument aucune limite à la liberté d'expression, ça n'est pas pour ça une pays totalitaire, enfin pas encore. C'est une philosophie, c'est un principe de base, on peut être pour, on peut être contre, on peut en discuter, le problème n'est pas là, ne tirez pas systématiquement, si vous voulez, d'un principe qui est un principe de liberté que nous défendons, la défense de tel ou tel, c'est absurde ! C'est absurde.
Pierre-Luc SEGUILLON : Je reviens un instant sur l'Islam, est ce que votre refus de voir un jour la Turquie entrer dans l'Union européenne est lié au caractère musulman de la Turquie ?
Marine LE PEN : Non, il est lié à tout un tas d'excellentes raisons qui tiennent dans le fait que la Turquie n'est pas un pays européen ni historiquement, ni géographiquement, ni culturellement et que leur population très importante évidemment déséquilibrerait de manière considérable les rapports de force avec les Américains, il y a tout un tas de raisons mais il est vrai aussi que la population turque est une population très largement musulmane, il s'agit pas du tout là d'ailleurs de faire le procès de l'Islam mais c'est un des fondements, un des piliers de leur société, ce qui n'est pas le cas de la majorité des pays européens. Mais, voilà c'est pour beaucoup, beaucoup, beaucoup de raisons qui sont, à mon avis, des raisons très justes.
Patrick COHEN : On aborde en quelques questions à présent le dossier qui va dominer l'actualité sociale de ces prochaines semaines et sans doute de ces prochains mois, celui des retraites. Alors là aussi vous semblez tenir un discours assez proche de celui du gouvernement et du patronat d'une certaine manière, je le rappelais en introduction, Jean-Marie LE PEN disait il y a trois jours lors de ses vux à la presse, il faut d'abord travailler plus, plus tôt et plus tard et engager aussi une politique plus nataliste. Je résume bien votre position ?
Marine LE PEN : Ecoutez, il y a pas 50 possibilités, le problème de l'équilibre du régime de retraite, il tient à 2 éléments, il faut qu'il y ait une croissance démographique et il faut qu'il y ait une croissance économique. Nous n'avons ni l'un ni l'autre, mais c'était prévisible. Mais c'était prévisible ! Et lorsque le patronat vient dire qu'il faut travailler plus, je ne suis pas sûre qu'il soit animé particulièrement de bonnes intentions, qu'il commence d'abord par agir peut être auprès des entreprises qui éjectent les salariés à 50 ou à 55 ans parce qu'ils considèrent qu'ils ne sont plus bons à rien, en empêchant d'ailleurs de ce fait une transmission des valeurs, une transmission pardon, du savoir qui est extrêmement importante. Bon les retraites, on savait, on travaille de moins en moins, on travaille de plus en plus tard, on fait de moins en moins d'enfants, il y a des périodes de chômage de plus en plus importantes, de plus en plus longues, on vit de plus en plus vieux, tout ça on le savait depuis 30 ans dont la faillite de ce système, et bien était connue depuis 20 ans. On a joué là encore, les gouvernements de droite et de gauche, à encore quelques minutes Monsieur le bourreau et on repoussait, on repoussait, on repoussait. La retraite à 60 ans, les 35 heures, c'est un chèque en bois qu'on a fait aux salariés, et c'est un chèque en bois qu'on a fait aussi aux fonctionnaires, parce qu'on les a attirés dans le service public avec c'est vrai beaucoup de, comment dire, d'intérêts supplémentaires au secteur privé mais on leur a mentit parce qu'on ne pourra pas leur verser cette retraite et moi je trouve ça absolument scandaleux et je voudrais qu'enfin les salariés se rendent compte sur qui porte la responsabilité de ce qui aurait dû être fait et ce qui n'a pas été fait.
Pierre-Luc SEGUILLON : Donc vous applaudissez Jean-Pierre RAFFARIN de faire maintenant !
Marine LE PEN : De dire quoi ? De dire qu'on a le droit, de faire une consultation nationale ? Ca Monsieur SEGUILLON, c'est la 5ème ou la 8ème ou la 10ème consultation nationale ?
Pierre-Luc SEGUILLON : Il a pas parlé de consultation, il a parlé d'un texte de loi d'ici à l'été.
Marine LE PEN : D'ici à l'été. Et bien nous verrons ce qu'il y a dans ce texte de loi. Est-ce qu'il va y avoir des mesures incitatives à la natalité ? Je suis pas du tout sûre. Absolument pas sûre.
Gérard COURTOIS : En tout cas sur les points importants que vous mentionnez, travailler plus.
Marine LE PEN : Oui mais, de toute façon il y a pas 50 possibilités. Moi je veux bien mais il faudrait vraiment.
Gérard COURTOIS : Encore faut-il que ce soit accepté par les Français !
Marine LE PEN : Non mais il y a pas 50 possibilités, il a pas d'autres moyens que celui là !
Gérard COURTOIS : Encore faut-il que ce soit accepté par les Français. A chaque fois que la question leur est posée d'une manière ou d'une autre.
Marine LE PEN : Et si déjà on pensait à mettre en place la liberté ! La liberté ! Vous savez la liberté individuelle en France ne cesse de se restreindre comme peau de chagrin. On a expliqué, souvenez-vous.
Gérard COURTOIS : Sur le domaine des retraites, ça veut dire quoi ?
Marine LE PEN : Mais sur la durée. On empêche les gens de travailler quand ils le veulent. On leur dit, ben non, là, ah ben vous êtes à la limite, au revoir. Et s'ils veulent travailler plus pour gagner plus !
Pierre-Luc SEGUILLON : Vous avez le sentiment qu'une grand majorité des français veulent travailler jusqu'à 70 ans ?
Marine LE PEN : Mais il y en a probablement ! Mais si des gens faisaient ça, vous trouvez pas ça totalement aberrant, la situation ubuesque dans laquelle on se trouve ?
Pierre-Luc SEGUILLON : Non mais attendez, ce qu'il faut dire c'est que quand les gouvernements proposent des réformes, on a le sentiment que l'opinion va plutôt en sens inverse de ce que vous dites !
Marine LE PEN : On a limité la retraite à 60 ans, d'accord ? En disant oui c'est une solidarité nationale, il faut aider les jeunes, leur libérer des emplois parce qu'il y a des périodes de chômage, aujourd'hui.
Gérard COURTOIS : Il faut revenir là-dessus ?
Marine LE PEN : Aujourd'hui on vient nous dire, ah mais on va se retrouver avec trop d'emplois parce que la génération du baby boom va arriver à la retraite, alors il va falloir faire venir des immigrés. Mais vous croyez pas qu'il y a un problème tout de même ?
Gérard COURTOIS : Mais est ce qu'il faut revenir sur l'âge légal de départ à la retraite ?
Marine LE PEN : Probablement. Il faudra probablement, c'est triste à dire, à la limite les Français pourraient éventuellement consultés sur ce sujet mais je vois pas tellement d'autre possibilité que celle là, si ce n'est augmenter les cotisations ou baisser les retraites mais au moins la liberté, le principe de liberté, que je ne vois pas moi, un professeur qui manifestement est brillant et adoré de ses élèves dans le Vaucluse, être mis d'office à la retraite alors que lui, il veut rester pour travailler et tout le monde veut qu'il reste pour travailler. C'est ça le pays des libertés ? Je ne le crois pas.
Patrick COHEN : Il y a un autre texte de loi qui va arriver très vite en discussion et d'abord sans doute au Conseil des Ministres de mercredi prochain, c'est celui de la réforme des modes de scrutin pour les régionales et les Européennes, vous avez déjà dit souvent tout le mal que vous en pensiez, j'imagine que c'est toujours le cas. Vous avez quand même l'ambition de conquérir, de gagner une ou plusieurs régions en 2004 ?
Marine LE PEN : Oui, nous pensons que quels que soient le charcutage électoral et les tripatouillages que feront le gouvernement RAFFARIN, il n'évitera pas que le Front National augmente. Voilà, et puisse notamment conquérir une ou deux régions dont la région PACA mais je tiens à dire que ces modes de scrutin sont véritablement ignominieux puisqu'ils vont à l'encontre de la volonté du peuple français. On veut nous empêcher d'avoir, notamment aux européennes, un grand débat national alors que ce grand débat national va porter sur ce que va devenir la France et même sur son existence ou sur sa disparition. Moi je suis étonnée que Monsieur BAYROU tout de même, qui fait une grande coalition des mouvements pour lutter contre le mode de scrutin parce qu'il trouve que la démocratie est en danger, et bien le fasse mais sans surtout le Front National. Voilà encore quelqu'un qui est très ouvert, probablement il considère que la démocratie va à deux vitesses, il y a les citoyens, ceux qui doivent s'exprimer, ceux qui votent pour Monsieur BAYROU, et puis il y a les sous-citoyens, ceux qui ne peuvent pas s'exprimer, qui sont ceux qui votent LE PEN. Nous n'avons pas cette même conception de la démocratie, la démocratie c'est bon pour tout le monde.
Pierre-Luc SEGUILLON : La démocratie étant bonne pour tout le monde, vous ne trouvez pas que c'est une bonne idée que les Français, les électeurs soient plus proches de leurs futurs députés européens, s'ils sont élus par les régions ?
Marine LE PEN : C'est une plaisanterie ? Vous avez vu l'immensité de ces super-régions, vous croyez qu'ils vont être plus proches de leurs députés ?
Pierre-Luc SEGUILLON : Vous auriez voulu des régions plus petites ? Vous auriez voulu que ce soit les régions existantes ? Vous préférez la liste nationale ?
Marine LE PEN : Mais non mais je crois que c'est de l'utopie, c'est du mensonge. C'est du mensonge, en réalité ces super-régions sont créées pourquoi ? Elles sont créées pour correspondre aux länders allemands ou aux régions espagnoles ou italiennes, c'est à dire pour créer l'Europe des régions que l'on veut avec la disparition des nations, c'est ça le but. Mais les députés sont des députés français au Parlement européen, c'est pas les députés du Nord-Pas de Calais, Picardie ou le député d'Ile de France ou le député PACA au Parlement européen, c'est le député français, il est là pour défendre l'intérêt de la France et hélas à part ceux du Front National, beaucoup l'ont oublié.
Patrick COHEN : Alors on va parler, il nous reste une dizaine de minutes pour parler du Front National.
Pierre-Luc SEGUILLON : Attendez, j'ai quand même une précision à vous demander sur les régions. Vous allez avoir sept ou huit grandes régions, si on voit la répartition, Jean-Marie LE PEN ira dans le sud-est, vous-même dans la région Ile de France, Karl LANG dans le Nord.
Marine LE PEN : Mais vous faites partie de la commission d'investiture du Front National, c'est incroyable !
Pierre-Luc SEGUILLON : Je suis avec intérêt ce qui se passe au Front National !
Marine LE PEN : Ecoutez, d'abord nous allons lutter contre ce mode de scrutin jusqu'au dernier moment et nous pensons que rien n'est inéluctable et que nous pouvons éventuellement empêcher que ce mode de scrutin passe. Voilà, alors on va pas commencer à investir untel ou untel à partir du moment où on ne sait même pas à quelle sauce nous allons être mangés si je peux me permettre de m'exprimer ainsi.
Pierre-Luc SEGUILLON : J'entends bien mais si c'était cette sauce là, vous iriez dans la région Ile de France ?
Marine LE PEN : Mais je ne sais pas. On m'a demandé si j'allais dans l'est, j'ai dit non j'irai pas dans l'Est parce que je me partage entre Paris et le Nord-Pas de Calais, j'irai là où l'intérêt du Front National. Là où ce sera utile pour le Front National et là où le Front National me demandera d'aller, voyez je suis obéissante !
Pierre-Luc SEGUILLON : Oui alors où est-ce utile pour le Front National ?
Marine LE PEN : Mais je ne sais pas. La discussion ne s'est pas encore portée là-dessus, nous, nous voyons les problèmes les uns après les autres.
Patrick COHEN : Alors le Front National et vous-même Marine LE PEN, je voudrais d'abord qu'on revienne sur ce que je citais en introduction, ce petit interview à VSD où vous expliquez ce qui résume d'une certaine manière votre positionnement ou la manière dont vous voulez apparaître, que le Front National ça n'était pas l'extrême droite, l'extrême droite dites-vous, ce sont des groupuscules comme unité radicale, ils ont des petits cerveaux, une tendance à l'accoutrement vert de gris, de grosses chaussures, détestent tout ce qui n'est pas blanc de peau, je n'ai rien à voir avec eux, bon. Vous leur disiez déjà quand vous les côtoyiez ceux là au Front National ?
Marine LE PEN : J'en ai pas côtoyé beaucoup.
Patrick COHEN : Huit au moins.
Marine LE PEN : Non j'en ai pas côtoyé beaucoup mais on s'est jamais beaucoup aimé, voyez donc ils vont pas être étonnés de cela mais je crois qu'effectivement l'extrême droite française, c'est ces groupuscules là, ils représentent 1 à 2%, ce qui est le score historique de l'extrême droite.
Patrick COHEN : Ils vous ont répondu là, parce qu'il y a eu communiqué tout à l'heure de Jeunesse identitaire, " Marine ton compas débloque, ces propos sont consternants, ils tranchent avec le courage politique que Jean-Marie LE PEN a toujours su démontrer dans les circonstances difficiles dont celles de la dissolution d'Unité Radicale " puisque à l'époque LE PEN avait parlé de jeunes nationaux turbulents, il avait pas parlé d'extrême droite.
Marine LE PEN : Oui et alors ?
Patrick COHEN : Ben rien !
Marine LE PEN : Je suis censée verser une larme sur les Jeunesses Identitaires ?
Patrick COHEN : Non.
Marine LE PEN : Ah bon d'accord.
Patrick COHEN : C'était d'anciens compagnons du Front National pour vous !
Marine LE PEN : Mais écoutez, c'est leur truc mais pour moi, encore une fois, la démocratie est bonne pour tout le monde, c'est leur truc, c'est pas le mien, voilà, et c'est pas celui du Front National.
Patrick COHEN : Alors il est divers le Front National, il est personnalisé.
Marine LE PEN : Mais non mais ils sont pas au Front National eux !
Patrick COHEN : Non mais il y en a d'autres.
Marine LE PEN : Laissez les là où ils sont, ils sont bien, laissez les là où ils sont.
Gérard COURTOIS : Est-ce que c'est l'analyse que vous faites de l'entre-deux tour présidentiel qui vous conduit à prendre à ce point vos distances aussi.
Marine LE PEN : Je l'avais dit dans l'interview en question, on n'a jamais été ami, voilà, moi c'est pas mon truc mais encore une fois. Alors, ils le savent d'ailleurs, la question ne se pose pas, ce ne sont pas mes opinions politiques.
Gérard COURTOIS : Alors prenons le problème un tout petit peu plus largement, vous dites il faut désenclaver le Front National, ça veut dire quoi ? Le désenclaver par rapport à quoi ?
Marine LE PEN : Et bien ça veut dire que nous avons été pendant des années, par une diabolisation assez bien construite il faut bien dire, on nous a coupé de la classe politique, de la classe de la société civile, d'un certain nombre de populations, des fonctionnaires, des patrons, on nous a coupé de beaucoup de gens. Et le 21 avril ce désenclavement a commencé ne serait-ce que parce que neuf millions de français ont, soit au premier, soit au deuxième, voté pour Jean-Marie LE PEN, voilà. Par conséquent, ce désenclavement il faut le travailler, il faut qu'à nouveau nous puissions discuter avec la société civile, discuter avec les fonctionnaires, les patrons, et beaucoup d'autres catégories de français.
Pierre-Luc SEGUILLON : Mais quand vous dites on vous a coupé, est-ce qu'en réalité vous ne vous êtes pas coupés aussi ou plus exactement, est-ce que certaines attitudes, certains propos de Jean-Marie LE PEN n'ont pas contribué à couper le Front National du reste du monde politique qui était qualifié de bande des 4, de nomenclature, et est-ce que l'évolution avec Marine LE PEN, ce serait précisément ce désenclavement par rapport à ce qu'a fait votre père ?
Marine LE PEN : Non parce que le désenclavement c'est Jean-Marie LE PEN qui l'a initié par sa candidature, par ce premier tour où il a pu s'exprimer tel qu'il était et par un certain nombre de malentendus qu'il a réussi à lever avec une partie des français et qui résultait encore une fois de cette diabolisation. On nous a présenté, mais écoutez moi je me reconnaissais absolument pas là-dedans et personne du Front National ne se reconnaissait dans cette caricature. Bon, c'était une sorte de construction d'un fantasme, voilà, et moi je pense que le fantasme ne résiste pas à la réalité. Les neuf millions d'électeurs du Front National sont cette réalité.
Patrick COHEN : Neuf millions ?
Marine LE PEN : Ben oui mais il y a 30 % de gens qui ont voté au premier tour et pas au second, qui ont été remplacés par 30 % de nouveaux plus 600.000, alors ce sont des calculs savants, c'est pas moi qui les ai fait, ce sont des instituts spécialisées dans ce domaine.
Patrick COHEN : Est-ce qu'il faut aménager le programme du Front National et si oui, dans quel sens ?
Marine LE PEN : Il faut, ce que nous allons faire d'ailleurs, ça va être les pistes du prochain congrès, il faut prouver aux français notre capacité à gouverner. Et c'est la raison pour laquelle d'ailleurs, probablement va être à nouveau mis en place un shadow cabinet, enfin en tout cas un gouvernement fantôme, sur le type.
Patrick COHEN : Il existait déjà sous une forme de pré-gouvernement.
Marine LE PEN : Mais il a très peu marché, enfin il a très peu marché, il a été un peu arrêté dans son élan à cause de la crise. Mais en réalité, le principe consistant à spécialiser un certain nombre de nos dirigeants ou de nos cadres pour pouvoir répondre, en fonction, presque en parallèle avec chaque ministère, nous permettra de prouver aux français que nous avons tout à fait la capacité de gouverner, voilà. Et il faut que nous rassemblions le plus grand nombre de français et ce sera à mon avis, facilité par le fait qu'aujourd'hui nous sommes les seuls défendre un certain nombre de fondamentaux, nous serons les seuls à défendre l'Europe des nations, le respect de la souveraineté, de l'indépendance, nous serons les seuls à proposer un véritable programme pour régler le problème de l'émigration, nous serons les seuls à défendre les services publics parce que nous sommes les seuls à ne pas avoir accepté cette Europe qui contient intrinsèquement leur destruction.
Patrick COHEN : Sur la modification du programme ? Oui ?
Marine LE PEN : Mais peut être nous serons amenés à discuter de modifications du programme au sein du Front National mais je ne suis qu'un des membres du Front National.
Gérard COURTOIS : Juste un mot, pour être efficace, un tel gouvernement fantôme doit il être coordonné et y-a-t-il une personnalité au Front National qui s'impose pour le faire ?
Marine LE PEN : Il a été tout à fait, parfaitement indiqué que c'est Bruno GOLLNISCH qui serait le Premier ministre fantôme si je puis m'exprimer ainsi.
Gérard COURTOIS : Il n'y a aucune incertitude sur ce point à vos yeux ? Vous l'avez qualifié d'un peu fermé.
Marine LE PEN : Oh non, vous savez c'est une conversation, moi j'ai eu l'occasion vingt fois de dire tout le bien que je pense de Bruno GOLLNISCH, c'est une conversation à bâton rompu. On parlait des caractères et j'expliquais que j'étais plus expansive et que lui était plus réservé, or moi je croyais que la réserve c'était une qualité en politique, d'ailleurs on me reproche assez souvent de ne pas en avoir assez. Le Front National est un parti uni et cohérent.
Pierre-Luc SEGUILLON : Oui.
Marine LE PEN : Oui mais c'est le seul aujourd'hui à être un parti uni et cohérent. Et il le restera croyez-moi.
Pierre-Luc SEGUILLON : Alors uni et cohérent autour d'un chef, le chef c'est Jean-Marie LE PEN mais est ce que la culture du Front National, uni et cohérent, et la culture d'un mouvement national, c'est pas d'avoir toujours un chef, et donc de discuter déjà de la succession du chef, autrement dit, est ce que la concurrence n'est pas déjà ouverte entre vous et Bruno GOLLNISCH ?
Marine LE PEN : Non, mais bien sûr que non écoutez, on a la chance d'avoir un président de mouvement qui est quelqu'un d'exceptionnel, tant sur le plan humain que sur le plan politique et nous le conserverons le plus longtemps possible et puis on verra après. Bon, on verra après. Voilà, je crois qu'il faut pas essayer de régler aujourd'hui une situation qui se déroulera dans 5, 6, 7 ans et moi j'espère qu'il sera Président de la République en 2007 alors vous voyez !
Pierre-Luc SEGUILLON : Qui ?
Marine LE PEN : Jean-Marie LE PEN !
Gérard COURTOIS : Il a quand même dit de vous, et apparemment il n'est pas le plus mal placé pour le dire, que vous aviez l'étoffe pour lui succéder ! Ce qui est quand même une indication assez forte, j'imagine, aux yeux de l'ensemble des membres du mouvement.
Marine LE PEN : Ca me touche beaucoup. Oui mais il a dit que c'était comme dans l'armée de Napoléon, chaque soldat avait un bâton de maréchal dans sa gibecière, voilà, ça veut dire que chaque personne au Front National a son rôle à jouer, que nous avons chacun des qualités, et je crois de très grandes qualités, il faut le faire savoir aux français, et puis. C'est le mérite après, vous savez ! C'est comme pour la nationalité française ! Mais çà s'hérite pas en revanche voilà. Ca peut se mériter mais çà s'hérite pas.
Patrick COHEN : Dernière question !
Pierre-Luc SEGUILLON : Quand vous voyez la décrue, la faiblesse d'un certain nombre de partis d'extrême droite ou de droite nationale comme en Autriche ou aux Pays Bas, après avoir participé au pouvoir, quelle leçon est ce que vous en tirez ?
Marine LE PEN : Nous en tirons une leçon tout à fait évidente, c'est qu'il faut que nous soyons un pôle de rassemblement à vocation gouvernementale mais un pôle majoritaire, voilà. Il faut que nous soyons le pôle majoritaire d'un rassemblement et ce qui est évidemment le contraire de ce qu'a fait HEIDER qui s'est cassé les dents mais le PC s'y est cassé les dents aussi en réalité dans cette affaire là.
Patrick COHEN : Merci Marine LE PEN pour ce premier Grand Jury.
Marine LE PEN : Je vous en prie.
Patrick COHEN : Le prochain invité, ce sera François HOLLANDE, le premier secrétaire du parti socialiste, à dimanche prochain, bonsoir à tous.

(source http://www.frontnational.com, le 27 janvier 2003)