Interviews de M. Renaud Muselier, secrétaire d'Etat aux affaires étrangères, à RMC Moyen-Orient et à la télévision "Al Jazira" à Doha le 15 décembre 2002, sur la crise irakienne et le déroulement des opérations d'inspection en Irak.

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Circonstance : Tournée de Renaud Muselier dans 5 pays du Golfe du 9 au 15 décembre 2002 : voyage au Qatar le 15

Média : Al Jazeera - Presse étrangère - RMC Moyeb Orient - Télévision

Texte intégral

(Interview à RMC Moyen-Orient à Doha, le 15 décembre 2002) :
Q - Vous êtes au terme de votre tournée dans le Golfe. Quel est l'état d'esprit de vos interlocuteurs sur la crise iraquienne ?
R - D'abord, je relève l'accueil particulièrement chaleureux qui m'a été réservé par l'ensemble des responsables politiques de cette partie du monde. Cinq pays en une semaine, les plus hautes autorités ont toutes véhiculé un message d'amitié par rapport à notre président Jacques Chirac. Ils se connaissent depuis longtemps, ils sont réellement très liés. Parallèlement à ça, un message de confiance par rapport à la France, de par son histoire, de par son passé, de par sa culture, de par nos relations presque millénaires, qui font en sorte que nous avons des relations très très proches, c'est une culture qui nous unit de façon très forte. Sur un plan politique immédiat, il est clair qu'il y a systématiquement un remerciement de la part des dirigeants politiques, nous exprimant leur gratitude par rapport à la position de la France, position qui a été suivie par l'ensemble des Nations dans le cadre de la résolution 1441 qui a été votée à l'unanimité du Conseil de sécurité. A partir de là, nous avons parlé des relations bilatérales, nous avons parlé des relations régionales, nous avons parlé de la présence de la France dans cette partie du monde.
Q - Dans tous les pays que vous avez visités, comment voyez-vous la présence de la France dans tous les domaines ?
R - La France est aimée, respectée et demandée. Ils ont été heureux et nous avons pu le constater dans leur témoignage, dans la qualité de leur accueil, que la France est un grand pays, c'est vrai que c'est le deuxième réseau diplomatique du monde, que la France est un pays puissant, c'est vrai que nous sommes au G8 et que nous sommes techniquement et technologiquement parmi les plus forts, c'est un grand pays parce que sur le plan politique, il pèse, il est écouté et ils savent que la France a toujours eu une politique d'équilibre, de stabilité. Et donc, je crois que c'est quelque chose qui ressort très clairement de tous les entretiens que j'ai eus au cours de ma tournée.

Q - Donc, je reviens à la première question, la question politique : quel est l'état d'esprit de vos interlocuteurs sur la crise iraquienne, surtout qu'ils ont remercié la France pour le rôle qu'elle a jouée ?
R - Ils sont très attachés à la résolution des Nations unies. Ils sont très attentifs à la non-unilatéralité. Ils sont très attentifs au respect d'équilibre, ils sont très attentifs à Saddam Hussein et au respect absolu de ses engagements. Il doit en faire ni plus ni moins et ils seront très demandeurs de l'influence de la France dans la résolution de la crise au Proche-Orient.
Q - Vous avez beaucoup communiqué sur la crise iraquienne. Est-ce que vous n'avez pas l'impression qu'on a oublié le Proche-Orient ?
R - Non, beaucoup de questions m'ont été posées, bien entendu, sur place par rapport à l'Iraq mais dans mes entretiens avec mes interlocuteurs, quels qu'ils soient, il a toujours été question du Proche-Orient. Il y a une très grande attente de la position politique et diplomatique de la France sur cette crise. Je leur ai rappelé que le 20 décembre, il y aura une réunion du Quartette, c'est-à-dire les Nations unies, l'Europe, les Etats-Unis et la Russie, qui fera une proposition qui doit être entérinée afin que nous puissions mettre en place ce que nous appelons "la feuille de route".
Q - Monsieur le Ministre, vous avez porté un message du président Jacques Chirac aux chefs d'Etat de pays du Golfe que vous avez visités, quel est le contenu de ce message ?
R - Vous savez que sur chacun de ces pays, il est différent parce que les relations personnelles ou bilatérales sont toujours différentes, mais sur la tonalité générale, c'est un message d'amitié entre les chefs d'Etat, c'est un rappel de la position de la France dans le cadre des Nations unies, de la nécessité d'uvrer tous ensemble contre le terrorisme, de la nécessité de travailler ensemble dans le cadre des Nations unies et de la nécessité de renforcer dans tous les domaines nos relations bilatérales.
Q - Non, vous êtes dans le Golfe, les troupes américaines sont sur place, quel est le sentiment du responsable du pays du Golfe sur la question iraquienne ?
R - Ils souhaitent que la résolution 1441 soit respectée et appliquée, ils demandent et ont demandé à Saddam Hussein, de tout faire pour respecter cette résolution et ils sont très attentifs à une démarche qui ne soit pas unilatérale, c'est systématiquement le même message.
Q - Merci Monsieur le Ministre.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 18 décembre 2002)
(Interview à Al Jazira à Doha, le 15 décembre 2002) :
Q - Monsieur le Ministre, quel jugement la France porte-t-elle concernant les opérations d'inspection qui se déroulent actuellement en Iraq ?
R - Ces inspections se font dans le cadre de la résolution 1441 qui a été votée à l'unanimité par le Conseil. Aujourd'hui, on a donc mis en place un calendrier et une méthode et, à nos yeux, compte tenu des informations que nous avons, ce calendrier et cette méthode sont respectés.
Q - Concernant le rapport iraquien sur son programme d'armement, est-ce que la France a déjà tiré des conclusions ?
R - Vous avez pu voir que c'est un gros rapport qui est dense, nous travaillons dessus et nous apporterons nos conclusions aux Nations unies.
Q - A qui va revenir le dernier mot pour dire que l'Iraq s'est débarrassé définitivement des armes de destruction de masse ?
R - Aux membres du Conseil de sécurité qui, au Conseil de sécurité, vont rapporter à l'équipe de M. Blix leur vision des choses ; on en tirera les conclusions nécessaires en comparant l'avis de chacun. Donc il s'agit d'un travail d'expertise sur le rapport, d'expertise sur le terrain et on verra où est la vérité.
Q - On se souvient du bras de force qui a eu lieu entre la France et les Etats-Unis avant l'adoption de la résolution 1441 du Conseil de sécurité. Est-ce qu'on peut dire actuellement que c'est du passé ?
R - La qualité de l'accueil des dirigeants ici prouve à quel point ils ont apprécié la position de la France. Là où il y a une enceinte, c'est-à-dire, dans le cas présent au Conseil de sécurité, il y a débat, il y a eu débat et on a trouvé une solution juste et équilibrée qui est organisée et respectée dans le monde entier.
Q - Si en définitive, le Conseil de sécurité va adopter une résolution qui donnera la permission de mener une guerre contre l'Iraq, quelle serait la position de la France ?
R - Ce qui est important pour nous, c'est la non-unilatéralité, c'est la chose qui est importante ainsi que le respect de la décision collective, il n'y a en aucun cas, une décision d'automatisme sur le recours à la force. La guerre n'est pas inéluctable, tant s'en faut, donc nous regardons les choses avec sérénité, confiance, sagesse en regardant où est la vérité et en échangeant dans les débats de façon à ce qu'on trouve la meilleure solution pour la paix dans cette partie du monde.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 18 décembre 2002)