Interview de Mme. Nicole Notat, secrétaire générale de la CFDT, à RMC le 16 novembre 1999, sur la proposition du Medef de réunir les différentes organisations syndicales pour élaborer une "constitution sociale", la préparation de la loi sur les 35 heures et le statut des cadres.

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Philippe Lapousterle. Madame Notat, le patronat, hier soir réuni à Amiens, vous a lancé une invitation, à vous et aux cinq confédérations syndicales, pour des rencontres. Je les cite, "bilatérales pour élaborer une nouvelle constitution sociale". Avez-vous une réponse ce matin au Medef ?
Nicole Notat. Voilà un vaste programme. La réponse sera positive, bien évidemment, pour la discussion. Le Medef souhaite aujourd'hui discuter sur les conditions dans lesquelles à l'aube du 21ème siècle les partenaires sociaux sont à même d'exercer leurs responsabilités dans un contexte qui est nouveau. Maintenant, le Medef va avoir à faire la démonstration de sa réelle volonté à construire quelque chose de mieux adapté, de plus moderne, dans le monde d'aujourd'hui et dans celui de demain. Dans nos rangs il y a incontestablement un peu de perplexité sur cette proposition du Medef. Non que ce ne soit pas nécessaire. Les partenaires sociaux doivent mettent à plat les conditions dans lesquelles il convient d'articuler leurs responsabilités sur les besoins de l'entreprise d'un côté, les garanties individuelles et collectives des salariés dans un contexte qui bouge de l'autre côté. La mobilité des salariés, les nouvelles technologies, autant de réalités qui changent le contrat de travail, qui changent les conditions dans lesquelles les salariés sont à même d'exercer leur travail demain. Le Medef semble tout à la fois faire preuve d'irritation et de mauvaise humeur, quelles que soient les raisons, et en même temps mettre cette grande ambition, ce grand chantier sur la table. Il lui faut choisir, on ne peut pas faire un travail aussi ambitieux avec de l'irritation et de la mauvaise humeur au milieu.
Monsieur Blondel y voit un piège. Vous pensez que c'est un risque ?
Un piège ? Je ne vois pas dans quel piège nous pourrions tomber. Le risque est que nous n'arrivions pas à déboucher sur des choses très concrètes et très précises. Mais je ne veux pas aujourd'hui considérer qu'il n'y a pas possibilité de définir de nouveaux rapports sociaux, de définir de nouvelles relations entre les partenaires sociaux pour faire face aux responsabilités qui sont les nôtres aujourd'hui.
Vous êtes d'accord sur le principe ? Vous ne pensez pas que des conversations bilatérales ignorant l'Etat sont la solution ?
Non, je pense pour ma part que c'est normal. La France est un pays un peu original encore, car dans les autres pays les discussions entre le patronat et les syndicats se font de manière naturelle et régulière. L'Etat y est moins présent.
Il faut redéfinir les conditions dans lesquelles patronat et syndicats définissent leurs responsabilités, organisent leurs relations, avec un Etat qui aura lui-même à faire évoluer ses responsabilités. Parce qu'aujourd'hui l'Etat ne peut plus exercer les mêmes prérogatives qu'hier. Parce que la mondialisation, la réalité de l'Europe, changent les conditions d'exercice de son propre pouvoir.
Les 35 h pour les fonctionnaires et pour les cadres
Vous qui êtes une militante des 35 heures - je voudrais votre réponse sur deux points - est-ce qu'il faut que ce soit étendu aux entreprises publiques et est-ce qu'on pourra régler prochainement le problème particulier des cadres ?
Etendu aux entreprises oui, aux fonctions publiques oui. Il n'y a pas de raison. Ce serait un paradoxe que l'Etat fasse preuve d'autant de volonté, d'autant de détermination pour que ça devienne une réalité pour les salariés du privé et que les fonctionnaires regardent passer cette belle avancée sociale sans jamais en bénéficier. Donc il faut introduire dans les fonctions publiques, de manière adaptée, avec les réalités qui sont celles de la fonction publique, une réduction de la durée du travail, selon les mêmes problématiques.
Il n'est pas pressé apparemment.
Non, il n'est pas pressé, visiblement. Les discussions actuelles sont quand même en train de préciser les contours de ce que pourrait être une négociation sur ce sujet. Quant aux cadres, je crois que l'année 2000 marquera sans doute une étape décisive pour eux. Pour la première fois les cadres vont véritablement pouvoir se dire que la réduction de la durée du travail sera une réalité pour eux aussi. En tout cas, la loi en pose le principe de manière formelle. Ils ne sont pas exclus, ils doivent en bénéficier.
A l'exception...
Des très hauts cadres dirigeants, mais ce n'est pas la majorité des cadres salariés. La loi a compris que la meilleure manière de rendre effective la durée du travail des cadres, dans des situations de travail qui sont très diverses selon la nature de leur travail, selon le secteur dans lequel ils travaillent, c'est de faire du sur mesure au plus près des réalités.
Il y aura deux cas de figures si on exclue les cadres dirigeants. Ou bien les cadres ont les mêmes réalités de travail et d'organisation de leur temps de travail qu'un autre salarié, au quel cas ils sont soumis aux même règles législatives et légales. Ou bien ils ont des journées qui nécessitent d'être présent, disponible plus longtemps, ils ont des missions à l'extérieur. Ils ont des conditions de travail particulières, à ce moment là ils ont une annualisation, une possibilité de compter leur temps de travail en jours. Cela ne veut pas dire qu'ils sont taillables à merci et corps et âme sur la journée ou sur la semaine, car il y aura obligation d'accord. Nous avons donc des garde-fous à portée de main. Nous avons les moyens d'encadrer la réduction de la durée du travail dans les faits. Ce sera une grande avancée sociale pour les cadres.
(source http://www.cfdt.fr, le 20 novembre 1999)