Déclaration de M. Jean-François Mattéi, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, sur les attentes de l'année européenne des personnes handicapées et le rôle de la France au cours de cette année, Rennes le 3 février 2003.

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Circonstance : Ouverture de l'année européenne des personnes handicapées à Rennes le 3 février 2003

Texte intégral

Mesdames, Messieurs les Ministres,
Monsieur le Président du Conseil Régional,
Monsieur le Président du Conseil Général,
Monsieur le Maire,
Mesdames, Messieurs les Présidents,
Mesdames, Messieurs les élus,
Mesdames, Messieurs,
Le Conseil de l'Union Européenne a voulu que cette année 2003 soit l'Année Européenne des personnes handicapées.
L'Année Européenne a été officiellement ouverte à Athènes, il y a une semaine. La France y était représentée par Mme Marie-Thérèse Boisseau, Secrétaire d'Etat aux personnes handicapées ainsi que par une délégation composée notamment de Monsieur Jean-Luc Simon, Président du comité français pour l'année européenne et de Monsieur Jean-Marie Schléret, président du comité consultatif des personnes handicapées. Je les salue et les remercie pour tout le travail déjà accompli.
Aujourd'hui, j'ai le grand honneur d'introduire cette journée qui marque l'ouverture pour la France de l'Année Européenne des personnes handicapées.
C'est aussi un grand plaisir de vous retrouver, ici, à Rennes, comme l'a voulu le Comité français pour l'année européenne, que je remercie doublement.
Merci d'avoir choisi la Bretagne parce que la Bretagne témoigne à la fois d'un fort attachement à l'Europe et d'une immense capacité d'initiative dans l'action sociale.
Votre attachement à l'Europe va à l'essentiel de la construction européenne, puisqu'il s'enracine dans les valeurs d'humanisme et de solidarité qui caractérisent votre région.
Ces valeurs, vous les faites vivre à travers une vie associative très dense et des collectivités locales dynamiques, toujours portées à inventer une action sociale plus proche et plus intelligente.
Merci aussi d'avoir choisi Rennes. J'y vois le choix éminemment symbolique d'une ville, remarquée par son effort d'accessibilité aux personnes handicapées, dans les transports et les équipements collectifs et par sa capacité de mobilisation comme l'a démontré son engagement lors du dernier Téléthon.
Monsieur le Maire, je vous remercie de m'accueillir dans votre ville. Marie Thérèse, merci de m'accueillir dans ta région .
Et qu'il me soit encore permis de rendre hommage à l'action de Pierre Mehaignerie, européen convaincu et décentralisateur tenace, qui a fait du département d'Ille-et-Vilaine, une collectivité réputée pour son dynamisme et son aptitude à l'expérimentation.
Pour introduire cette journée, j'ai souhaité vous proposer deux axes de réflexion:
1/ Que pouvons nous attendre de cette année européenne des personnes handicapées ?
2/ Quel rôle peut jouer la France au cours de cette Année Européenne ?
Que pouvons nous attendre de cette Année Européenne ?
L'Année Européenne c'est avant tout une occasion exceptionnelle qui est donnée aux personnes handicapées d'être sur le devant de la scène, de faire entendre leur voix, de faire valoir leurs intérêts dans l'ensemble de l'espace européen et auprès des opinions publiques de tous les pays qui composent cet espace.
La Commission a fixé quatre objectifs à cette Année Européenne :
- garantir une meilleure protection des personnes
- améliorer la coopération entre toutes les parties concernées
- promouvoir une représentation positive des personnes handicapées
- sensibiliser l'ensemble de la société aux question liées au handicap
Vous avez choisi d'y consacrer ce premier forum de façon très concrète, en nous invitant à mieux " grandir ensemble, travailler ensemble, et vivre ensemble ".
Grandir ensemble. - Pédiatre, et plus particulièrement pédiatre, je ne peux qu'être extrêmement sensible à l'accent que vous voulez mettre sur l'accueil de l'enfant handicapé et sur l'intégration scolaire. J'ai consacré ma vie professionnelle à l'annonce du handicap, au soutien des parents lors de la naissance d'un enfant handicapé et au suivi médical des enfants et de leurs familles. Je sais qu'il reste beaucoup à faire pour que les parents trouvent des professionnels et des institutions capables de les épauler à ce moment-là. Je suis personnellement convaincu que l'intégration doit commencer très tôt, dès la crèche, et je sais que beaucoup de communes, de CAF, d'associations y contribuent. Je laisse à Luc FERRY, Ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche, qui aura à conclure votre table ronde, le soin de dire quels sont les efforts que son ministère entend développer pour réussir l'intégration scolaire à l'école, au collège, au lycée et à l'université.
Travailler ensemble . Les personnes handicapées aspirent à vivre du revenu de leur travail. Mais trop souvent, elles ne le peuvent pas, faute de qualification, d'aménagement de postes de travail, d'accompagnement dans l'emploi et plus simplement faute que soit reconnu leur capacité à travailler différemment.
La seconde table ronde devrait permettre d'affirmer combien l'accès au travail, qu'il s'agisse du travail en milieu ordinaire ou du travail en milieu protégé, est une voie essentielle d'intégration qui suppose la participation de l'ensemble des acteurs de la vie économique et sociale. Je souhaite que cette table ronde permette aussi de développer la réflexion sur les passerelles nécessaires, entre la formation et l'emploi, entre le milieu protégé et le milieu ordinaire. Et je remercie Nicole Ameline d'avoir bien voulu représenter Monsieur Fillon, ministre des affaires sociales, du travail, et de la solidarité.
Vivre ensemble . - Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer, sera présent à Rennes, cet après-midi. Je l'en remercie très sincèrement.
Le handicap est multiple et la vie quotidienne des personnes handicapées se heurte à quantités d'obstacles auxquels on ne pense pas toujours. Les témoignages affluent sur les bureaux des Ministres, des parlementaires et des maires pour s'étonner, qui d'un oubli, qui d'une attitude, aux conséquences incalculables. Pour que l'accessibilité devienne réalité, il nous faut conjuguer vigilance, imagination et civisme. Vigilance pour que la ville, le service public, la culture, deviennent effectivement accessibles . Imagination pour que les loisirs, les transports, les sports soient partagés (comme ici, Loisirs Pluriels le fait avec talent). Civisme pour que progresse la compréhension mutuelle. Les témoignages de votre troisième table ronde devraient nous ouvrir des perspectives nouvelles concernant notamment les loisirs ou les transports.
Sur tous ces points, vous aurez à l'esprit les enseignements que l'on peut tirer de nos partenaires européens.
o L'Europe doit nous permettre de partager ce que les pays qui la composent ont de meilleur. Partager le meilleur de chacun !
La place des personnes handicapées dans chacun des Etats membres est bien différente.
La France est en bonne place en Europe pour le budget qu'elle consacre aux personnes handicapées. Et pourtant les lacunes sont criantes dans beaucoup de domaines. Il faut d'avantage, il faut faire mieux.
La Suède nous donne l'exemple de ce qui est possible pour favoriser la vie à domicile. Madame Caumont, que je salue, et à qui Madame Boisseau a rendu visite en Suède, il y a peu de temps, apportera à cet égard un témoignage éloquent.
L'Allemagne nous donne l'exemple de ce qui pourrait être fait pour l'emploi ou pour l'accessibilité.
L'Italie a sans doute pris une bonne longueur d'avance dans l'intégration scolaire des enfants handicapés notamment grâce au relais de la demande des parents par les enseignants eux-mêmes.
D'autres pays pourraient également être donnés en exemple, sur tel ou tel point.
Il est clair que nous avons beaucoup à apprendre les uns des autres.
Il est clair que nous devons tirer tout le parti possible des échanges que permettent les initiatives communautaires. Je sais que vous y êtes engagés, à Rennes même où le mois dernier, des enseignants de trois pays se sont rencontrés pour échanger leurs meilleures pratiques relatives à l'accueil des enfants handicapés à l'école.
o L'Europe doit également nous permettre de partager et d'approfondir des valeurs communes . La Charte des droits fondamentaux reconnaît et respecte le droit des personnes handicapées et contient des mesures visant à assurer leur autonomie, leur intégration sociale et professionnelle et leur participation à la vie de la communauté.
L'Année Européenne est précisément l'Année de la participation comme veut l'exprimer le slogan retenu par la Commission Européenne " TOUS A BORD ".
o En définitive, cette Année Européenne, j'en suis sûr, va nous aider à changer de regard, pour considérer qu'un enfant handicapé n'est pas d'abord un enfant différent, pour reconnaître qu'un adulte handicapé est d'abord un citoyen à part entière, pour donner tout son sens à la non-discrimination. Elle va nous aider pour agir dans les petites choses de la vie quotidienne et garantir les grands principes de la République. Les grands principes s'appliquent aussi dans les petites choses.
Quel rôle doit jouer la France ?
Nous attendons beaucoup de l'Année Européenne. Nous voulons aussi lui donner beaucoup.
Nous avons l'ambition, pour notre pays, de prendre une part exemplaire dans la dynamique communautaire.
Nous souhaitons jouer un rôle moteur dans la construction d'une Europe plus sociale, plus solidaire, plus attentive à ceux que le destin a été tenté un instant de laisser au bord du chemin.
· Le Président de la République , vous le savez, a fait de la question du handicap l'un des trois chantiers de son quinquennat, avec la lutte contre le cancer et la sécurité routière qui, je le souligne, concernent également le ministère de la santé, de la famille et des personnes handicapées.
Cette impulsion présidentielle a trouvé ses premières expressions concrètes dans la création d'un secrétariat d'Etat puis dans la décision du Premier Ministre qui a déclaré le handicap " grande cause nationale " en 2003, sur la proposition du comité d'entente des associations de personnes handicapées.
Pour ma part, en qualité de Ministre de la santé, mais aussi de la famille et des personnes handicapées, j'entends assumer pleinement mon rôle de chef d'orchestre de ce grand chantier présidentiel, qui engage toute l'action publique : emploi, transports, éducation, tourisme, loisirs, sport, culture
Au titre de la santé, mon ministère sera le carrefour des politiques de prévention et d'accompagnement des politiques en direction des personnes handicapées.
Garant de la santé publique, je veux faire de la prévention un axe fort de l'action de l'Etat.
Je déposerai dans ce sens un projet de loi d'orientation en santé publique en juin prochain. Prévenir le handicap, c'est éviter les blessés de la route, c'est enrayer les comportements à risque, c'est prévenir et vaincre les maladies génétiques.
J'entends aussi développer la recherche, y compris sur l'autisme encore mal connu, et la formation des professionnels de santé, appelés de plus en plus à travailler en réseau pour garantir des prises en charge de qualité
.Au titre des personnes handicapées, Marie-Thérèse BOISSEAU et moi-même avons conjugué nos efforts pour permettre, dès les budgets 2003, des avancées significatives au regard des attentes fortes qui sont les vôtres tant pour la vie à domicile que pour l'accueil en établissement.
Nous avons aussi manifesté notre détermination conjointe pour gommer, sans attendre, le plus grand nombre " d'aspérités " que nous regrettons dans nos dispositifs publics et avancer sur la voie de la simplification chaque fois que c'est possible.
Dans le domaine du développement des services pour les enfants et les adultes handicapés, nous voulons poursuivre le rattrapage nécessaire, tangible dès 2003, pour faire en sorte que cesse la situation inadmissible de l'absence de places ou d'accompagnement adapté.
Et vous savez tous combien Marie-Thérèse BOISSEAU, élue de cette région, se consacre à sa tâche non seulement avec compétence mais aussi avec conviction et même avec passion, multipliant les déplacements et les contacts, veillant au travail interministériel et encourageant les collectivités locales ainsi que les associations.
Au titre de la famille, j'ai le projet, avec Christian JACOB, Ministre délégué à la famille, de faire de la politique familiale, une politique active de soutien à tous les parents dans toutes les circonstances de la vie. L'accueil de la petite enfance, doit prendre en compte les enfants handicapés et je souhaite que les caisses d'allocations familiales y soient encore plus attentives.
Oui, le Ministère de la santé, de la famille et des personnes handicapés prendra toute sa part dans la construction de ce grand chantier présidentiel.
Oui, je suis conscient que nous aurons un rôle décisif. Je souhaite que nous soyons aussi exemplaires, tant dans la mobilisation de ses services centraux et déconcentrés, sous l'autorité des préfets et des directeurs d'ARH, de DRASS et de DDASS que dans le respect de diverses obligations, comme celle de l'emploi en son sein de fonctionnaires handicapés. Ainsi, mardi dernier, un plan triennal pour l'emploi des personnes handicapées au ministère a-t-il été présenté aux partenaires sociaux lors d'un comité paritaire.
Mais l'ambition présidentielle ne se limite pas à ces axes d'actions. Comme vous le savez, le Président a souhaité que soit déposé d'ici la fin juin 2003 un projet de loi pour accroître l'égalité des chances des personnes handicapées. L'ensemble du Gouvernement y travaille, les associations d'élus ont été sollicitées et le CNCPH y est associé. Nous nous inspirerons des autres pays européens qui ont entrepris de rénover leur législation. Et nous avons l'ambition d'un projet de loi qui serve de référence et manifeste la convergence des politiques nationales autour de l'idée de pleine intégration.
Ce projet de loi traduira notre volonté de faire de l'accès au droit commun le fondement de nos politiques publiques en direction des personnes handicapées. Nous savons que pour y parvenir, il nous faudra bien souvent concevoir des dispositifs adaptés ou temporaires, qui prennent en compte le handicap. Et nous savons qu'il nous faudra surtout créer les conditions d'une personnalisation de l'accompagnement des enfants et des adultes handicapées.
Je voudrais vous proposer trois illustrations pratiques qui pourraient traduire ces principes dans une nouvelle organisation:
Tout d'abord, il nous faut rénover et rassembler les moyens d'évaluation et d'orientation des personnes handicapées, sous la forme de Maisons du handicap. Si nous avons recours à ce mot de " maison ", c'est pour dire que nous voulons tisser un réseau de proximité, clarifiant les rôles respectifs des uns et des autres. Une maison visible, accessible, accueillante conçue avec vous. Il reste encore à en définir précisément les plans et en quelque sorte les locataires, à la faveur notamment du débat sur la décentralisation.
Il s'agira ensuite de définir avec les personnes handicapées et leurs familles, un projet de vie personnalisé, qui s'appuie sur leurs capacités et leurs potentialités. Les établissements médico-sociaux ont d'ores et déjà progressé dans ce sens. L'Education nationale y a recours pour les projets d'intégration scolaire et l'AGEFIPH pour l'insertion professionnelle. C'est encore plus en amont qu'il convient désormais de procéder ainsi lors de l'accueil et de l'évaluation des besoins de la personne handicapée. Les associations ont beaucoup à nous apprendre sur ce point.
Enfin, pour gagner le pari de la pleine intégration dans la société, il nous faut prendre le parti d'un accompagnement à la carte, qui respecte les choix des personnes handicapées. Reconnaissons-le, notre système français a jusqu'à présent privilégié les réponses institutionnelles, alors que les aspirations nouvelles sont tournées vers l'autonomie personnelle. Celle-ci suppose de pouvoir être accompagné, assisté ou tout simplement écouté. Un nouveau métier se dessine qu'il nous faut conforter en assurant la formation nécessaire et développer l'offre de services correspondante.
Mesdames, Messieurs, je vous remercie de votre attention. Je vous remercie de votre mobilisation. Je vous souhaite une très bonne journée et une très bonne Année Européenne des personnes handicapées.

(Source http://www.sante.gouv.fr, le 6 février 2003)