Texte intégral
Nous avons participé aujourd'hui à la première session du Conseil Affaires générales Relations extérieures. Comme vous le savez, cette nouvelle dénomination a été adoptée à Séville et elle est destinée à mieux distinguer dans l'ordre du jour les points horizontaux des sujets Relations extérieures et ceci au nom de deux objectifs : d'abord mieux préparer les travaux du Conseil européen, et deuxièmement permettre au Conseil des ministres des Affaires étrangères de mieux exercer son rôle de coordination. Nous avons préparé le Conseil européen de Bruxelles des 24-25 octobre dont l'ordre du jour comportera trois points principaux : l'élargissement, Kaliningrad et les travaux de la Convention avec un rapport du président Giscard d'Estaing.
Sur l'élargissement, l'enjeu est bien de régler à Bruxelles tous les points encore en suspens entre les Quinze afin de présenter aux pays candidats dès le 28 octobre une position de l'Union en vue du marathon final qui doit aboutir en décembre à Copenhague. Le débat a porté pour l'essentiel sur deux éléments : les questions institutionnelles liées à l'élargissement, en particulier le calcul du seuil de la majorité qualifiée et le nombre des députés européens. Sur ces points, l'approche de la Présidence nous convient comme à une majorité de délégations.
Autre élément : la compensation budgétaire, qui pourrait être versée aux pays candidats de 2004 à 2006, pour éviter qu'ils ne voient leur situation budgétaire se dégrader par rapport au volume des aides de pré-adhésion. J'ai souligné, pour ma part au nom de la France, trois points. Premier point, la compensation budgétaire fait naturellement partie des éléments finaux de la négociation. Deuxième point, toute compensation devra s'effectuer par les dépenses, comme le propose la Présidence et non par les recettes. Troisième point, les pistes proposées par la Présidence pour accroître les versements au profit des nouveaux membres, via les fonds structurels notamment, méritent d'être examinées.
Deuxième grand point : Kaliningrad. L'enjeu est bien de préparer les négociations entre l'Union européenne et la Russie et, en particulier, sur le futur régime de transit en tenant compte du cadre de Schengen et de la situation de la Lituanie dans la perspective du Sommet Union européenne/Russie du 11 novembre. Vous connaissez les grands principes avec lesquels il faut compter sur cette question délicate : le principe de libre circulation, le respect de Schengen et le principe de souveraineté des futurs nouveaux Etats membres. J'ai fait valoir la nécessité de prendre acte, dans les lignes directrices de l'Union, des ouvertures réelles consenties par la Russie, et d'accepter d'engager des réflexions sur des solutions imaginatives : accepter, premièrement, d'examiner l'option des trains. Deuxièmement, ne pas rejeter l'objectif à long terme de libre circulation entre la Russie et l'Union, dès lors que toutes les conditions seraient réunies.
Troisième grand point : la Convention. Le vice-président de la Convention, M. Giuliano Amato, a présenté les travaux en cours. Vous savez que la France s'engage et se prépare avec détermination à cette grande échéance.
Nous avons également traité des suites des inondations. Il y a là un triple enjeu : de solidarité avec les pays qui connaissent ce type de catastrophe, de rapidité de la réponse qui peut être apportée dans ce cas-là, et enfin de responsabilité financière. Il faut se situer dans le cadre de l'épure européenne. Nous avions accepté au Gymnich d'Elseneur le principe de créer un nouveau fonds européen de solidarité pour les catastrophes naturelles. Son champ d'intervention doit concerner des catastrophes de grande ampleur. C'est la position française et je veillerai naturellement à ce qu'il puisse inclure des événements tels que les cyclones dans les départements d'Outre-mer.
L'actualité internationale a été abordée au déjeuner, avec tout d'abord la situation au Proche-Orient. Nous avons adopté des conclusions qui s'appuient sur les résultats de la réunion du Quartette qui s'est tenue le 17 septembre à New York ; nous avons rappelé la nécessité de mettre en oeuvre la feuille de route telle qu'elle a été déterminée par la Présidence danoise avec trois étapes qui doivent pouvoir conduire à la création d'un Etat palestinien et à un règlement définitif du conflit. Tout en condamnant la reprise des attentats en Israël et en notant le début de retrait des forces israéliennes de la Moqatta, le Conseil a appelé les deux parties à la retenue, au plein respect de la résolution 1435 et à la reprise du dialogue.
Sur l'Iraq, Peter Hain et moi-même avons précisé et présenté la situation telle qu'aujourd'hui elle se présente au Conseil de sécurité. Vous savez que la question reste de savoir si nous travaillons sur la base d'une résolution ou de deux résolutions comme le souhaite la France. J'ai donc expliqué quelle était la position française en deux étapes, avec le souhait d'une première résolution qui marque le consensus du Conseil de sécurité, de la communauté internationale, qui puisse adresser un message clair et ferme à l'Iraq, mais qui n'inclut pas à ce stade de décision concernant l'emploi de la force. Ce n'est que dans un deuxième temps, si l'Iraq ne satisfait pas à ses obligations qu'il appartiendra au Conseil d'examiner l'ensemble des options. Au même moment, vous le savez, vont se dérouler, en parallèle, à Vienne les entretiens entre Hans Blix et la délégation iraquienne. Il y a donc un aller-retour permanent, une information permanente du Conseil de sécurité, de discussions qui sont menées actuellement ou qui vont se dérouler à Vienne, sous la direction de Hans Blix.
Sur la situation en Côte d'Ivoire, j'ai fait un point lors du déjeuner. Mes collègues ont adressé leurs remerciements aux autorités françaises pour l'évacuation de leurs ressortissants de Bouaké et de Korhogo. Par ailleurs, vous savez qu'il y a deux grandes conclusions qui ont été tirées à Accra : d'une part, la création d'un groupe de contact des pays africains qui pourraient se charger d'une médiation en relation avec les mutins, d'autre part, la décision de créer une force de paix, une force d'interposition. J'ai indiqué évidemment qu'il appartenait à l'Union européenne d'examiner la contribution qu'elle pourrait apporter aux demandes faites ou qui pourraient être faites par les pays africains.
En ce qui concerne le Zimbabwe, l'enjeu, vous le connaissez, c'est de maintenir les sanctions qui ont été décidées lors des précédents "Conseils Affaires générales" et en même temps ne pas rompre le dialogue avec la Communauté de développement de l'Afrique australe (SADC), dialogue qui a été engagé aujourd'hui et doit se poursuivre bien évidemment.
En ce qui concerne la politique européenne de sécurité et de défense, MM. Solana et Papandréou ont présenté l'état des discussions sur "Berlin Plus", qui reste bloqué, malgré les dernières tentatives de compromis conduites auprès des Grecs et des Turcs. Néanmoins, la discussion et le dialogue continuent ; il est important pour nous de progresser sur ce dossier, compte tenu des prochaines échéances.
Sur la Cour pénale internationale, l'enjeu, c'est bien évidemment que les différents pays européens ne se prononcent pas en ordre dispersé face aux demandes et sollicitations américaines. Il était important de pouvoir définir des critères communs qui pourraient s'appliquer à la négociation que certains pays pourraient être amenés à engager avec les Etats-Unis. Des principes directeurs ont été adoptés qui permettront, comme nous le souhaitions, de préserver l'unité des Quinze, de ne pas porter atteinte au statut de la Cour et de ne pas compromettre ses objectifs et en particulier de lutter dans tous les cas de figures contre l'impunité. Troisième élément, ces principes directeurs permettront de tenir compte autant que possible des préoccupations américaines et de répondre donc aux inquiétudes qui se sont fait jour aux Etats-Unis.
Cet après-midi nous allons être amenés à aborder encore un certain nombre de sujets, tout d'abord le Commerce et Développement. Il s'agit à ce stade d'un débat sur la communication de la Commission, avant une discussion de fond en novembre. Nous sommes évidemment très attentifs à la question des subventions à l'exportation et à celle de la réforme de la Politique agricole commune.
Deuxième sujet qui sera abordé : la Suisse, avec un point des relations avec l'Union et l'adoption de conclusions qui invitent notamment nos amis suisses à se montrer plus coopératifs dans les négociations sur la fiscalité de l'épargne.
Troisième point, c'est l'initiative pour les nouveaux voisins, un échange de vues sur une Europe élargie ("wider Europe"). Enfin, les Balkans occidentaux avec l'adoption par l'ensemble des membres, d'un appel au peuple bosnien dans la perspective des élections du 5 octobre et la nomination du diplomate belge, Alexis Brouhns, au poste de représentant spécial de l'Union européenne en Macédoine, en remplacement de notre compatriote Alain Leroy, dont l'excellent travail est reconnu par tous.
Dans les sujets divers, j'en mentionnerai deux pour l'essentiel : le litige transatlantique sur l'acier avec l'approbation de la stratégie de négociation proposée par la Commission, poursuite de l'action engagée à l'organisation mondiale du commerce, pression bilatérale sur les Etats-Unis sans que des contre-mesures soient à ce stade envisagées. Deuxième point, ce sont les suites du Sommet mondial sur le développement durable, avec l'adoption de conclusions qui incluent, grâce à l'action conjointe de la France et de l'Allemagne, la perspective de création, à partir du programme des Nations unies pour l'environnement, d'une organisation mondiale de l'environnement. Vous savez que c'est une initiative française que le président de la République a proposée à Johannesbourg.
Voilà pour les principaux points de ce Conseil Affaires générales à cette heure.
Q - Sur la CPI, à quel prix avez-vous maintenu l'unité européenne, vous avez surtout démontré une capacité à céder aux demandes américaines...
R - Vous lirez le texte des conclusions. Sur les grands principes qui sont présentés, il y a clairement posées les règles auxquelles nous attachons beaucoup d'importance et en particulier le fait qu'il ne doit y avoir aucune impunité acceptée ; donc il y a là un cadre contraignant, respectueux de ce que sont les objectifs et les principes de la Cour pénale internationale qui s'appliquent à l'ensemble des Etats européens. Il est donc important que les accords qui pourraient être signés avec les Etats-Unis respectent bien ce cadre, ces principes fondamentaux qui sont ceux de la Cour pénale internationale.
Q - Monsieur le Ministre, justement, à ce propos, les ONG critiquent déjà le texte tel qu'il a été en tout cas présenté, disons qu'il n'est pas assez contraignant. Au cas où les Américains ne poursuivraient pas, il n'y a aucune possibilité finalement pour la Cour d'agir en dernier recours, alors que c'est justement l'objectif de cette Cour. Est-ce que cela ne vous gêne pas ? Qu'est-ce que vous répondez à ces critiques et est-ce que vous avez adopté les propositions telles qu'elles existent en l'état ?
R - Ces propositions sont effectivement adoptées, le texte a été adopté par chacun. Je crois qu'il maintient l'équation fondamentale pour nous des principes de la Cour pénale internationale et en particulier notre attachement au fait qu'aucune impunité ne peut être acceptée. A partir de là, nous estimons que les grands principes auxquels nous sommes attachés sont défendus.
Q - Que faire si les Etats-Unis refusent de poursuivre l'un de leurs citoyens ? Y a-t-il un recours qui est prévu dans le mécanisme ?
R - A ce stade, je ne suis pas en situation de répondre à votre question. Mais je crois véritablement que l'équation générale qui est présentée est la plus satisfaisante et permet à la fois de répondre aux préoccupations américaines et en même temps de maintenir les principes de la Cour pénale internationale.
Q - Sur le Moyen-Orient, Israël a du accepter par la force d'intervention des Etats-Unis et j'imagine de l'Union européenne, de se retirer d'une zone très très limitée, est-ce que vous ne craignez pas que le moindre incident pourrait amener l'armée israélienne à y retourner de nouveau ? Est-ce que la question des observateurs internationaux n'est pas aujourd'hui une question vitale pour le processus de paix lui-même ?
R - Nous avons fait lors de la discussion du déjeuner, un point détaillé sur la situation au Proche-Orient et souligné l'importance de garder l'initiative. Il est évident, compte tenu des tensions qui existent dans la région, que nous ne pouvons pas prendre le risque de maintenir une situation de si grande instabilité et il est à la fois important que dans le cadre du Quartette cette initiative soit maintenue et que nous puissions réfléchir parallèlement à d'autres idées qui pourraient soutenir l'importance d'un processus politique. Nous avons évoqué le principe de la Conférence internationale comme étant une des solutions possibles. Mais, en tout état de cause, il est important qu'Israël poursuive son désengagement, de façon à réduire les tensions sur place. Nous sommes bien conscients actuellement des risques afférents à la situation actuelle.
Q - Monsieur le Ministre, sur l'élargissement, comment justifiez-vous votre optimisme ? Avez-vous déjà en vue pour le Conseil européen de Bruxelles un accord sur les aides directes agricoles que les quatre grands Etats membres contributeurs nets ont refusé jusqu'à maintenant ? Est-ce que vous êtes d'accord sur le fait que les nouveaux Etats membres recevront plus d'argent la première année de leur adhésion que l'année qui précède l'adhésion ?
R - Nous continuons, bien évidemment, à évoquer ces questions avec les principaux pays concernés : ce sont des sujets que je continue d'évoquer avec mon collègue allemand en particulier et vous savez que nous aurons un certain nombre d'échéances au cours des prochains jours qui nous permettront d'aborder l'ensemble de ces sujets et en particulier les questions importantes que vous avez mentionnées.
Q - Sur Kaliningrad, est-ce que votre position de reconnaître à la Russie l'objectif à long terme d'une libre circulation est partagée ?
R - Je crois que d'une manière générale, l'ensemble des membres du Conseil Affaires générales est bien conscient qu'il est important de prendre en compte cette donnée russe. Le problème, c'est de trouver le bon équilibre entre les préoccupations qui peuvent s'exprimer concernant ces questions de sécurité, la situation particulière de la Lituanie, voire de la Pologne, et bien évidemment, les demandes russes. Pour cela, nous estimons qu'il est important d'inscrire notre action et notre réflexion dans la durée, de prendre en compte les propositions russes, de ne pas fermer la porte à ces propositions et d'essayer de trouver les arrangements techniques qui soient les mieux adaptés à ces situations particulières. C'est donc le sens de notre attitude sur les trains et nous pensons qu'il y a là une marge de réflexion qui peut encore être développée.
Q - Votre position est partagée ou est-ce que vous êtes en minorité ?
R - Non. Je peux dire qu'à ce stade rien n'est figé et nous continuons donc d'en parler. Je crois qu'il y a une conscience commune de la nécessité d'arriver à une situation qui puisse permettre de répondre à la fois aux problèmes des uns et à ceux des autres.
Q - Sur la Cour pénale internationale, est-ce que vous avez le sentiment que ces principes directeurs sont acceptables par la Grande-Bretagne et par l'Italie et d'autre part, qu'ils sont acceptables pour les Etats-Unis ?
R - Je ne veux pas préjuger de la réaction des uns et des autres au cours des prochains jours. Ce que je peux dire c'est que dans le cadre de la discussion qui s'est déroulée aujourd'hui, il y a l'adoption de ces principes directeurs. D'ailleurs personne n'a soulevé ni contesté ces principes qui constituent à ce stade une équation permettant à la fois de préserver les principes de la Cour pénale et de prendre en compte les demandes formulées par les Américains.
Q - Monsieur le Ministre, concernant la Côte d'Ivoire, est-ce que c'est une rébellion ou une mutinerie ? Quelle est la position de la France, est-ce qu'elle va intervenir, faire jouer l'accord de 1961, et de quelle manière ?
R - Nous avons dit clairement dans quel cadre nous avons répondu et nous répondons aux demandes qui sont formulées aujourd'hui par la Côte d'Ivoire. C'est dans le cadre des accords de coopération qui existent entre nos deux pays et nous ne nous sommes pas prononcés parce qu'il y a aujourd'hui encore beaucoup d'incertitude sur la situation réelle dans le pays, beaucoup d'éléments qui se mêlent, des facteurs à la fois internes, des éléments régionaux qui peuvent peser sans pour autant qu'on puisse impliquer la responsabilité particulière d'un Etat. Mais bien évidemment, le soutien de la France au gouvernement démocratiquement élu de Laurent Gbagbo, notre soutien aux initiatives régionales est là. C'est le sens de l'appui que nous avons donné à la réunion d'Accra, pour bien marquer quels sont les choix et la position de la France. Donc nous sommes clairement décidés à soutenir et à défendre l'unité et la souveraineté de la Côte d'Ivoire.
Q - Donc, à terme, vous envisagez d'intervenir militairement éventuellement ?
R - Non. Nous n'avons, à aucun moment dit cela. Ce que je dis, c'est que nous apportons notre soutien aujourd'hui, nous répondons aux demandes de la Côte d'Ivoire et vous savez qu'il s'agit d'un soutien en équipement, en matériel, en rations alimentaires, et pour le moment ce sont les demandes qui ont été formulées par la Côte d'Ivoire. De la même façon, en liaison avec le Sommet d'Accra, la formulation de la proposition de créer une force de paix est une initiative que nous soutenons et nous sommes évidemment prêts à envisager un soutien de façon à faire en sorte que cette force puisse se constituer dans les meilleures conditions.
Q - Sur la Convention, M. Hain semble regretter que les représentants des Etats membres interviennent peu lors des travaux. M. Moscovici, qui a été confirmé par le président Chirac, intervient peu. Quand est-ce que les positions françaises seront présentées ?
R - Je crois que le reproche que vous formulez est le vôtre, je ne l'ai pas entendu exprimé de cette façon par Peter Hain...
Q - Vous ne participez pas aux travaux de la Convention...
R - Je vous dis que je ne crois pas que ce reproche ait été formulé ainsi, tel que vous l'indiquez ou le sous-entendez par Peter Hain. Bien évidemment nous attachons la plus grande importance à la Convention et croyez-moi les positions françaises s'expriment, s'exprimeront et seront claires au cours des prochaines semaines où le débat sera amené à s'intensifier à la Convention.
Q - Pour vous, quelle sera la place du projet de constitution que présentera Valéry Giscard d'Estaing en juin 2003 pour la CIG ? Ce sera une des bases, la base ou le projet à prendre ou à laisser ? Comment voyez-vous ce qui va sortir des travaux de la Convention ?
R - Nous sommes à ce stade évidemment en train de réfléchir à ces différents aspects et le moment venu, nous serons amenés à expliciter les positions et les propositions françaises. Je crois pouvoir dire que vous n'aurez pas longtemps à attendre
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 4 octobre 2002)
Sur l'élargissement, l'enjeu est bien de régler à Bruxelles tous les points encore en suspens entre les Quinze afin de présenter aux pays candidats dès le 28 octobre une position de l'Union en vue du marathon final qui doit aboutir en décembre à Copenhague. Le débat a porté pour l'essentiel sur deux éléments : les questions institutionnelles liées à l'élargissement, en particulier le calcul du seuil de la majorité qualifiée et le nombre des députés européens. Sur ces points, l'approche de la Présidence nous convient comme à une majorité de délégations.
Autre élément : la compensation budgétaire, qui pourrait être versée aux pays candidats de 2004 à 2006, pour éviter qu'ils ne voient leur situation budgétaire se dégrader par rapport au volume des aides de pré-adhésion. J'ai souligné, pour ma part au nom de la France, trois points. Premier point, la compensation budgétaire fait naturellement partie des éléments finaux de la négociation. Deuxième point, toute compensation devra s'effectuer par les dépenses, comme le propose la Présidence et non par les recettes. Troisième point, les pistes proposées par la Présidence pour accroître les versements au profit des nouveaux membres, via les fonds structurels notamment, méritent d'être examinées.
Deuxième grand point : Kaliningrad. L'enjeu est bien de préparer les négociations entre l'Union européenne et la Russie et, en particulier, sur le futur régime de transit en tenant compte du cadre de Schengen et de la situation de la Lituanie dans la perspective du Sommet Union européenne/Russie du 11 novembre. Vous connaissez les grands principes avec lesquels il faut compter sur cette question délicate : le principe de libre circulation, le respect de Schengen et le principe de souveraineté des futurs nouveaux Etats membres. J'ai fait valoir la nécessité de prendre acte, dans les lignes directrices de l'Union, des ouvertures réelles consenties par la Russie, et d'accepter d'engager des réflexions sur des solutions imaginatives : accepter, premièrement, d'examiner l'option des trains. Deuxièmement, ne pas rejeter l'objectif à long terme de libre circulation entre la Russie et l'Union, dès lors que toutes les conditions seraient réunies.
Troisième grand point : la Convention. Le vice-président de la Convention, M. Giuliano Amato, a présenté les travaux en cours. Vous savez que la France s'engage et se prépare avec détermination à cette grande échéance.
Nous avons également traité des suites des inondations. Il y a là un triple enjeu : de solidarité avec les pays qui connaissent ce type de catastrophe, de rapidité de la réponse qui peut être apportée dans ce cas-là, et enfin de responsabilité financière. Il faut se situer dans le cadre de l'épure européenne. Nous avions accepté au Gymnich d'Elseneur le principe de créer un nouveau fonds européen de solidarité pour les catastrophes naturelles. Son champ d'intervention doit concerner des catastrophes de grande ampleur. C'est la position française et je veillerai naturellement à ce qu'il puisse inclure des événements tels que les cyclones dans les départements d'Outre-mer.
L'actualité internationale a été abordée au déjeuner, avec tout d'abord la situation au Proche-Orient. Nous avons adopté des conclusions qui s'appuient sur les résultats de la réunion du Quartette qui s'est tenue le 17 septembre à New York ; nous avons rappelé la nécessité de mettre en oeuvre la feuille de route telle qu'elle a été déterminée par la Présidence danoise avec trois étapes qui doivent pouvoir conduire à la création d'un Etat palestinien et à un règlement définitif du conflit. Tout en condamnant la reprise des attentats en Israël et en notant le début de retrait des forces israéliennes de la Moqatta, le Conseil a appelé les deux parties à la retenue, au plein respect de la résolution 1435 et à la reprise du dialogue.
Sur l'Iraq, Peter Hain et moi-même avons précisé et présenté la situation telle qu'aujourd'hui elle se présente au Conseil de sécurité. Vous savez que la question reste de savoir si nous travaillons sur la base d'une résolution ou de deux résolutions comme le souhaite la France. J'ai donc expliqué quelle était la position française en deux étapes, avec le souhait d'une première résolution qui marque le consensus du Conseil de sécurité, de la communauté internationale, qui puisse adresser un message clair et ferme à l'Iraq, mais qui n'inclut pas à ce stade de décision concernant l'emploi de la force. Ce n'est que dans un deuxième temps, si l'Iraq ne satisfait pas à ses obligations qu'il appartiendra au Conseil d'examiner l'ensemble des options. Au même moment, vous le savez, vont se dérouler, en parallèle, à Vienne les entretiens entre Hans Blix et la délégation iraquienne. Il y a donc un aller-retour permanent, une information permanente du Conseil de sécurité, de discussions qui sont menées actuellement ou qui vont se dérouler à Vienne, sous la direction de Hans Blix.
Sur la situation en Côte d'Ivoire, j'ai fait un point lors du déjeuner. Mes collègues ont adressé leurs remerciements aux autorités françaises pour l'évacuation de leurs ressortissants de Bouaké et de Korhogo. Par ailleurs, vous savez qu'il y a deux grandes conclusions qui ont été tirées à Accra : d'une part, la création d'un groupe de contact des pays africains qui pourraient se charger d'une médiation en relation avec les mutins, d'autre part, la décision de créer une force de paix, une force d'interposition. J'ai indiqué évidemment qu'il appartenait à l'Union européenne d'examiner la contribution qu'elle pourrait apporter aux demandes faites ou qui pourraient être faites par les pays africains.
En ce qui concerne le Zimbabwe, l'enjeu, vous le connaissez, c'est de maintenir les sanctions qui ont été décidées lors des précédents "Conseils Affaires générales" et en même temps ne pas rompre le dialogue avec la Communauté de développement de l'Afrique australe (SADC), dialogue qui a été engagé aujourd'hui et doit se poursuivre bien évidemment.
En ce qui concerne la politique européenne de sécurité et de défense, MM. Solana et Papandréou ont présenté l'état des discussions sur "Berlin Plus", qui reste bloqué, malgré les dernières tentatives de compromis conduites auprès des Grecs et des Turcs. Néanmoins, la discussion et le dialogue continuent ; il est important pour nous de progresser sur ce dossier, compte tenu des prochaines échéances.
Sur la Cour pénale internationale, l'enjeu, c'est bien évidemment que les différents pays européens ne se prononcent pas en ordre dispersé face aux demandes et sollicitations américaines. Il était important de pouvoir définir des critères communs qui pourraient s'appliquer à la négociation que certains pays pourraient être amenés à engager avec les Etats-Unis. Des principes directeurs ont été adoptés qui permettront, comme nous le souhaitions, de préserver l'unité des Quinze, de ne pas porter atteinte au statut de la Cour et de ne pas compromettre ses objectifs et en particulier de lutter dans tous les cas de figures contre l'impunité. Troisième élément, ces principes directeurs permettront de tenir compte autant que possible des préoccupations américaines et de répondre donc aux inquiétudes qui se sont fait jour aux Etats-Unis.
Cet après-midi nous allons être amenés à aborder encore un certain nombre de sujets, tout d'abord le Commerce et Développement. Il s'agit à ce stade d'un débat sur la communication de la Commission, avant une discussion de fond en novembre. Nous sommes évidemment très attentifs à la question des subventions à l'exportation et à celle de la réforme de la Politique agricole commune.
Deuxième sujet qui sera abordé : la Suisse, avec un point des relations avec l'Union et l'adoption de conclusions qui invitent notamment nos amis suisses à se montrer plus coopératifs dans les négociations sur la fiscalité de l'épargne.
Troisième point, c'est l'initiative pour les nouveaux voisins, un échange de vues sur une Europe élargie ("wider Europe"). Enfin, les Balkans occidentaux avec l'adoption par l'ensemble des membres, d'un appel au peuple bosnien dans la perspective des élections du 5 octobre et la nomination du diplomate belge, Alexis Brouhns, au poste de représentant spécial de l'Union européenne en Macédoine, en remplacement de notre compatriote Alain Leroy, dont l'excellent travail est reconnu par tous.
Dans les sujets divers, j'en mentionnerai deux pour l'essentiel : le litige transatlantique sur l'acier avec l'approbation de la stratégie de négociation proposée par la Commission, poursuite de l'action engagée à l'organisation mondiale du commerce, pression bilatérale sur les Etats-Unis sans que des contre-mesures soient à ce stade envisagées. Deuxième point, ce sont les suites du Sommet mondial sur le développement durable, avec l'adoption de conclusions qui incluent, grâce à l'action conjointe de la France et de l'Allemagne, la perspective de création, à partir du programme des Nations unies pour l'environnement, d'une organisation mondiale de l'environnement. Vous savez que c'est une initiative française que le président de la République a proposée à Johannesbourg.
Voilà pour les principaux points de ce Conseil Affaires générales à cette heure.
Q - Sur la CPI, à quel prix avez-vous maintenu l'unité européenne, vous avez surtout démontré une capacité à céder aux demandes américaines...
R - Vous lirez le texte des conclusions. Sur les grands principes qui sont présentés, il y a clairement posées les règles auxquelles nous attachons beaucoup d'importance et en particulier le fait qu'il ne doit y avoir aucune impunité acceptée ; donc il y a là un cadre contraignant, respectueux de ce que sont les objectifs et les principes de la Cour pénale internationale qui s'appliquent à l'ensemble des Etats européens. Il est donc important que les accords qui pourraient être signés avec les Etats-Unis respectent bien ce cadre, ces principes fondamentaux qui sont ceux de la Cour pénale internationale.
Q - Monsieur le Ministre, justement, à ce propos, les ONG critiquent déjà le texte tel qu'il a été en tout cas présenté, disons qu'il n'est pas assez contraignant. Au cas où les Américains ne poursuivraient pas, il n'y a aucune possibilité finalement pour la Cour d'agir en dernier recours, alors que c'est justement l'objectif de cette Cour. Est-ce que cela ne vous gêne pas ? Qu'est-ce que vous répondez à ces critiques et est-ce que vous avez adopté les propositions telles qu'elles existent en l'état ?
R - Ces propositions sont effectivement adoptées, le texte a été adopté par chacun. Je crois qu'il maintient l'équation fondamentale pour nous des principes de la Cour pénale internationale et en particulier notre attachement au fait qu'aucune impunité ne peut être acceptée. A partir de là, nous estimons que les grands principes auxquels nous sommes attachés sont défendus.
Q - Que faire si les Etats-Unis refusent de poursuivre l'un de leurs citoyens ? Y a-t-il un recours qui est prévu dans le mécanisme ?
R - A ce stade, je ne suis pas en situation de répondre à votre question. Mais je crois véritablement que l'équation générale qui est présentée est la plus satisfaisante et permet à la fois de répondre aux préoccupations américaines et en même temps de maintenir les principes de la Cour pénale internationale.
Q - Sur le Moyen-Orient, Israël a du accepter par la force d'intervention des Etats-Unis et j'imagine de l'Union européenne, de se retirer d'une zone très très limitée, est-ce que vous ne craignez pas que le moindre incident pourrait amener l'armée israélienne à y retourner de nouveau ? Est-ce que la question des observateurs internationaux n'est pas aujourd'hui une question vitale pour le processus de paix lui-même ?
R - Nous avons fait lors de la discussion du déjeuner, un point détaillé sur la situation au Proche-Orient et souligné l'importance de garder l'initiative. Il est évident, compte tenu des tensions qui existent dans la région, que nous ne pouvons pas prendre le risque de maintenir une situation de si grande instabilité et il est à la fois important que dans le cadre du Quartette cette initiative soit maintenue et que nous puissions réfléchir parallèlement à d'autres idées qui pourraient soutenir l'importance d'un processus politique. Nous avons évoqué le principe de la Conférence internationale comme étant une des solutions possibles. Mais, en tout état de cause, il est important qu'Israël poursuive son désengagement, de façon à réduire les tensions sur place. Nous sommes bien conscients actuellement des risques afférents à la situation actuelle.
Q - Monsieur le Ministre, sur l'élargissement, comment justifiez-vous votre optimisme ? Avez-vous déjà en vue pour le Conseil européen de Bruxelles un accord sur les aides directes agricoles que les quatre grands Etats membres contributeurs nets ont refusé jusqu'à maintenant ? Est-ce que vous êtes d'accord sur le fait que les nouveaux Etats membres recevront plus d'argent la première année de leur adhésion que l'année qui précède l'adhésion ?
R - Nous continuons, bien évidemment, à évoquer ces questions avec les principaux pays concernés : ce sont des sujets que je continue d'évoquer avec mon collègue allemand en particulier et vous savez que nous aurons un certain nombre d'échéances au cours des prochains jours qui nous permettront d'aborder l'ensemble de ces sujets et en particulier les questions importantes que vous avez mentionnées.
Q - Sur Kaliningrad, est-ce que votre position de reconnaître à la Russie l'objectif à long terme d'une libre circulation est partagée ?
R - Je crois que d'une manière générale, l'ensemble des membres du Conseil Affaires générales est bien conscient qu'il est important de prendre en compte cette donnée russe. Le problème, c'est de trouver le bon équilibre entre les préoccupations qui peuvent s'exprimer concernant ces questions de sécurité, la situation particulière de la Lituanie, voire de la Pologne, et bien évidemment, les demandes russes. Pour cela, nous estimons qu'il est important d'inscrire notre action et notre réflexion dans la durée, de prendre en compte les propositions russes, de ne pas fermer la porte à ces propositions et d'essayer de trouver les arrangements techniques qui soient les mieux adaptés à ces situations particulières. C'est donc le sens de notre attitude sur les trains et nous pensons qu'il y a là une marge de réflexion qui peut encore être développée.
Q - Votre position est partagée ou est-ce que vous êtes en minorité ?
R - Non. Je peux dire qu'à ce stade rien n'est figé et nous continuons donc d'en parler. Je crois qu'il y a une conscience commune de la nécessité d'arriver à une situation qui puisse permettre de répondre à la fois aux problèmes des uns et à ceux des autres.
Q - Sur la Cour pénale internationale, est-ce que vous avez le sentiment que ces principes directeurs sont acceptables par la Grande-Bretagne et par l'Italie et d'autre part, qu'ils sont acceptables pour les Etats-Unis ?
R - Je ne veux pas préjuger de la réaction des uns et des autres au cours des prochains jours. Ce que je peux dire c'est que dans le cadre de la discussion qui s'est déroulée aujourd'hui, il y a l'adoption de ces principes directeurs. D'ailleurs personne n'a soulevé ni contesté ces principes qui constituent à ce stade une équation permettant à la fois de préserver les principes de la Cour pénale et de prendre en compte les demandes formulées par les Américains.
Q - Monsieur le Ministre, concernant la Côte d'Ivoire, est-ce que c'est une rébellion ou une mutinerie ? Quelle est la position de la France, est-ce qu'elle va intervenir, faire jouer l'accord de 1961, et de quelle manière ?
R - Nous avons dit clairement dans quel cadre nous avons répondu et nous répondons aux demandes qui sont formulées aujourd'hui par la Côte d'Ivoire. C'est dans le cadre des accords de coopération qui existent entre nos deux pays et nous ne nous sommes pas prononcés parce qu'il y a aujourd'hui encore beaucoup d'incertitude sur la situation réelle dans le pays, beaucoup d'éléments qui se mêlent, des facteurs à la fois internes, des éléments régionaux qui peuvent peser sans pour autant qu'on puisse impliquer la responsabilité particulière d'un Etat. Mais bien évidemment, le soutien de la France au gouvernement démocratiquement élu de Laurent Gbagbo, notre soutien aux initiatives régionales est là. C'est le sens de l'appui que nous avons donné à la réunion d'Accra, pour bien marquer quels sont les choix et la position de la France. Donc nous sommes clairement décidés à soutenir et à défendre l'unité et la souveraineté de la Côte d'Ivoire.
Q - Donc, à terme, vous envisagez d'intervenir militairement éventuellement ?
R - Non. Nous n'avons, à aucun moment dit cela. Ce que je dis, c'est que nous apportons notre soutien aujourd'hui, nous répondons aux demandes de la Côte d'Ivoire et vous savez qu'il s'agit d'un soutien en équipement, en matériel, en rations alimentaires, et pour le moment ce sont les demandes qui ont été formulées par la Côte d'Ivoire. De la même façon, en liaison avec le Sommet d'Accra, la formulation de la proposition de créer une force de paix est une initiative que nous soutenons et nous sommes évidemment prêts à envisager un soutien de façon à faire en sorte que cette force puisse se constituer dans les meilleures conditions.
Q - Sur la Convention, M. Hain semble regretter que les représentants des Etats membres interviennent peu lors des travaux. M. Moscovici, qui a été confirmé par le président Chirac, intervient peu. Quand est-ce que les positions françaises seront présentées ?
R - Je crois que le reproche que vous formulez est le vôtre, je ne l'ai pas entendu exprimé de cette façon par Peter Hain...
Q - Vous ne participez pas aux travaux de la Convention...
R - Je vous dis que je ne crois pas que ce reproche ait été formulé ainsi, tel que vous l'indiquez ou le sous-entendez par Peter Hain. Bien évidemment nous attachons la plus grande importance à la Convention et croyez-moi les positions françaises s'expriment, s'exprimeront et seront claires au cours des prochaines semaines où le débat sera amené à s'intensifier à la Convention.
Q - Pour vous, quelle sera la place du projet de constitution que présentera Valéry Giscard d'Estaing en juin 2003 pour la CIG ? Ce sera une des bases, la base ou le projet à prendre ou à laisser ? Comment voyez-vous ce qui va sortir des travaux de la Convention ?
R - Nous sommes à ce stade évidemment en train de réfléchir à ces différents aspects et le moment venu, nous serons amenés à expliciter les positions et les propositions françaises. Je crois pouvoir dire que vous n'aurez pas longtemps à attendre
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 4 octobre 2002)