Déclaration de M. Alain Lambert, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire, sur le projet de loi portant règlement définitif du budget de 2001, notamment sur l'apurement des comptes de la gestion budgétaire du précédent gouvernement, Paris le 1er octobre 2002.

Prononcé le 1er octobre 2002

Intervenant(s) : 
  • Alain Lambert - Ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire

Circonstance : Présentation du projet de loi de règlement du budget 2001 à l'Assemblée nationale le 1er octobre 2002

Texte intégral

Monsieur le Président,
Monsieur le Président de la Commission des finances
Monsieur le Rapporteur général
Mesdames et Messieurs les députés,

Nous sommes réunis aujourd'hui pour examiner le projet de loi portant règlement définitif du budget de 2001. Je suis donc conduit à soumettre à votre approbation un texte de loi apurant les comptes d'une gestion budgétaire que l'actuel gouvernement n'a pas conduite.
Cet exercice, il est vrai, vise d'abord à prendre acte d'une situation comptable,afin de respecter les procédures prévues par l'ordonnance organique de 1959 relative aux lois de finances et par la loi organique du 2 août 2001, dite LOLF. Dans cet esprit, la loi de règlement constate les résultats budgétaires définitifs de l'année, procède aux mesures classiques d'ajustement des crédits, apure les traditionnelles remises de dettes aux pays étrangers ainsi que les pertes et profits en trésorerie et, enfin, statue sur les gestions de fait.
L'examen d'un projet de loi de règlement n'est pas seulement un exercice formel de constatation. La loi de règlement, est aussi un moment de vérité, celui où l'on apprécie réellement la qualité d'une gestion et d'une politique des finances publiques.
Tout d'abord, la loi de règlement permet de s'assurer de la sincérité des évaluations de la loi de finances initiale et des lois de finances rectificative qui l'ont modifiée. Elle passe de l'exercice de la prévision à celui de l'exécution, à laquelle j'attache un prix tout particulier.
Ensuite, la loi de règlement permet de débattre des comptes patrimoniaux de l'Etat, à la différence des autres exercices budgétaires.
Enfin, lorsque nous aurons généralisé les indicateurs de performance, dans le cadre de l'application de la LOLF, la loi de règlement sera le moment clé pour apprécier la gestion des ministères ; c'est à cette occasion que le Parlement pourra apprécier, ex post, si les indicateurs de résultat affichés dans le projet de loi de finances ont bien été respectés.
Certes, la LOLF n'est pas encore intégralement applicable, puisque les dispositions de ce texte entrent progressivement en vigueur entre le 1er janvier 2002 et le 1er janvier 2005.
Néanmoins, deux dispositions de la LOLF relatives au calendrier d'examen du projet de loi de règlement sont d'ores et déjà en vigueur. La première : le projet de loi doit désormais être déposé avant le 30 juin de l'année suivante. La seconde : chaque assemblée du Parlement doit désormais examiner ce texte avant de débattre du projet de loi de finances de l'année à venir.
Ainsi, ce projet de loi de règlement a été déposé sur le bureau de votre Assemblée le 26 juin dernier : les délais impartis par la LOLF ont donc été respectés.
Par ailleurs, nous débattons de ce projet de loi avant d'examiner le PLF 2003, dans deux semaines.
Malgré un ordre du jour parlementaire très chargé, nous avons pu ensemble satisfaire aux prescriptions de la LOLF et je m'en réjouis, car ces délais ne sont pas purement formels. Ils doivent permettre au Parlement de statuer de manière plus éclairée sur le PLF 2003, en prenant en compte les enseignements de la gestion 2001. Certes, l'Etat a encore des délais supérieurs à ceux des entreprises privées ; mais les progrès sont considérables, depuis quelques années. Je vous rappelle qu'alors le Parlement statuait parfois sur la gestion d'un exercice plus d'un an après son achèvement.
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Or, cette gestion 2001 est emblématique de l'intérêt qui peut s'attacher à la loi de règlement. Toutes les difficultés budgétaires qu'a révélées l'audit des finances publiques pour l'année 2002, toutes ces difficultés qui ont rendu plus difficile la construction du budget 2003, toutes ces difficultés étaient en effet en gestation en 2001.
Je me bornerai à quelques grandes constatations, car le rapport de votre rapporteur général décrit parfaitement l'ensemble de cette gestion 2001. Avec ce rapport et celui de la Cour des comptes, l'information du Parlement me semble complètement exhaustive.
Certes, optiquement, cette exécution 2001 ne paraît pas exagérément défavorable. Le déficit budgétaire s'est élevé à 32 Mds et les déficits publics au sens de Maastricht ont été de 1,4% du PIB. De tels chiffres sont évidemment moins mauvais que ceux de la gestion 2002, révélés par l'audit. Je rappellerai, à cet égard, le montant des déficits que nous avons trouvés en arrivant aux affaires : 44,6 milliards d'euros de déficit budgétaire prévisionnel 2002 ; 2,6% du PIB de déficit prévisionnel pour l'ensemble de la sphère des administrations publiques.
Mais l'exécution 2001 marque une inflexion de tendance ; elle porte en germe les chiffres qu'a révélés l'audit.
Le déficit des administrations publiques, au sens de Maastricht, s'est tout d'abord dégradé en 2001, pour la première fois depuis 1993. Certes, la dégradation a été modeste : 1,4 % du PIB pour les déficits publics en 2001 contre 1,3 % en 2000 ; néanmoins, l'inflexion est là : pour la première fois depuis 8 ans, le déficit public a cessé de s'améliorer en 2001.
Le déficit du budget de l'Etat, pour sa part, s'est dégradé de 10% par rapport à celui constaté en exécution 2000.
Plus grave encore, l'excédent primaire, c'est-à-dire le solde des dépenses et des recettes avant paiement des charges de la dette a nettement reculé, à hauteur de 2 Mds, par rapport à la gestion 2000.
En clair, si le précédent gouvernement n'avait pas bénéficié en 2001, comme d'ailleurs les années précédentes, de l'impact de la baisse des taux d'intérêt intervenue ces dernières années, le déficit budgétaire se serait plus nettement dégradé encore en 2001. Cette remarque prend tout son sens alors que la diffusion de la baisse des taux sur l'ensemble de l'encours de la dette est derrière nous.
Je voudrais insister tout particulièrement sur ce point. En cinq ans, de 1997 à 2001, la charge de la dette n'a augmenté que de 1,1 milliard d'euros. Elle est passée de 35,5 milliards en exécution 1997 à 36,6 milliards en exécution 2001. Autant dire qu'elle est restée, chaque année, quasiment stable. Comparons avec le PLF 2003, où la charge de la dette augmente de 1,4 milliard d'euros par rapport à la LFI 2002. Le poids des déficits accumulés et la charge d'intérêts qui l'accompagne amputent plus nos marges de manoeuvre en une seule année que lors des cinq gestions consécutives 1997-2001.
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Ainsi, nous trouvons dans l'exécution 2001, en gestation, l'ensemble des facteurs qui vont peser lourdement sur les déficits publics en 2002. Toutefois, ils n'apparaissent pas encore pleinement dans les comptes 2001, pour deux motifs.
Le premier : le retournement conjoncturel du milieu de l'année, qui a ensuite été amplifié par les attentats du 11 septembre, n'a eu qu'un impact très limité sur les recettes 2001 : celles-ci ont plus été influencées par la conjoncture 2000 que par la conjoncture 2001. J'ai souligné ce phénomène de décalage devant votre Commission des finances dans ma présentation du PLF 2003.
Le second : les dépenses 2001 n'ont pas réellement été affectées par les engagements de la fin de la législature précédente. C'est sur la gestion 2002 que ces engagements vont massivement peser, comme l'a souligné l'audit des finances publiques.
Ce point est parfaitement illustré par la progression des crédits reportés sur la gestion suivante, c'est-à-dire la gestion 2002. Ce phénomène des reports de crédits mérite qu'on s'y arrête un instant, même s'il paraît très technique. Sous la précédente législature, les crédits non dépensés en fin d'année et reportés sur l'exercice suivant n'ont cessé de s'accroître. Fin 2001, ils ont atteint le montant impressionnant de 14,1 milliards d'euros pour le budget général. Les ouvertures importantes du Collectif de fin d'année 2001 qui, évidemment, sont un facteur de dérive pour l'exécution 2002, y ont contribué. Nous devrons, progressivement, résorber cette masse de crédits, qui menace la correcte exécution des budgets tels que les vote le Parlement. La LOLF, d'ailleurs, nous y invite, puisqu'elle limite le montant des crédits qui peut être reporté d'un exercice à l'autre.
Les dépenses ont, en apparence, été " tenues " en 2001. La norme de dépenses en volume a, en effet, été respectée. Elle ne doit pas masquer que, pour la première fois en 2001 depuis 3 ans, les dépenses ont progressé de plus de 2%, le chiffre exact étant de 2,8%. Le respect de la norme en volume n'a été acquis que par une hausse des prix supérieure aux prévisions initiales.
Les dépenses de l'Etat connaissent une très forte inertie : je l'ai souligné à plusieurs reprises devant vous. Le précédent gouvernement a, progressivement, mis en place les facteurs causes de ces dérives, encore embryonnaires en 2001 mais patentes en 2002. Ces facteurs sont bien connus : la progression vive de l'emploi public, la mise en place des emplois jeunes, la CMU, la réforme de l'aide médicale d'Etat, par exemple. Toutes ces dépenses sont progressivement montées en puissance, sans être correctement budgétisées en loi de finances 2002. Nous avons dû les intégrer dans le collectif de cet été.
A l'évidence force est de constater que les allégements fiscaux du précédent gouvernement ont été financés par des plus-values conjoncturelles et non par la maîtrise structurelle des dépenses. Je vous rappelle qu'entre 1997 et 2002, les baisses d'impôts et de charges ont représenté 2,5 points de PIB, alors que les efforts d'économies ne portaient que sur 1,1 point de PIB. L'écart entre les deux est cette dégradation structurelle du déficit que nous affrontons aujourd'hui. Elle a temporairement été masquée par d'importantes rentrées fiscales spontanées et par des prélèvements croissants au titre des recettes non fiscales. Mais, dès 2001, ces deux facteurs n'empêchent plus la dérive.
Je déplore en outre que ces baisses d'impôts et de charges n'aient pas été aussi utiles à l'économie qu'ils auraient pu l'être, puisqu'une partie substantielle a compensé le passage aux 35 heures, qui a amputé la production nationale.
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Cette gestion 2001 est donc très loin d'être satisfaisante. La continuité de l'Etat requiert, toutefois, que nous apurions les comptes.
J'en arrive ainsi à la partie normative de ce projet. En effet, il vous est aujourd'hui à la fois demandé de constater des résultats et d'approuver des modifications de crédits.
Ces modifications concernent des mesures traditionnelles de régularisation sur des chapitres assortis de crédits évaluatifs. Je vous les présenterai très brièvement, en convertissant systématiquement les montants en euros. Je vous signale néanmoins que vous allez voter, sur des montants exprimés en francs, puisque c'est dans notre ancienne monnaie qu'a été exécuté le budget 2001.
Pour le budget général, sont proposées des ouvertures de 1,1 milliard et des annulations de crédits devenus sans emploi de 1,6 milliard. Au titre des comptes spéciaux, des crédits complémentaires sont demandés pour un montant 5,9 milliards , dont 5,5 milliards relatifs aux avances à l'Agence centrale des organismes d'intervention dans le secteur agricole au titre des besoins temporaires de préfinancement des dépenses communautaires. Par ailleurs, une autorisation de découvert de 9,7 milliards est demandée sur le compte " Opérations avec le F.M.I. ", doté pour mémoire en loi de finances initiale.
Ces sommes sont importantes ; toutefois, les opérations ainsi financées sont classiques et, même, totalement mécaniques. S'agissant, par exemple, des avances aux organismes d'intervention agricole, il s'agit seulement d'une opération temporaire : les fonds en question ont fait l'objet d'un remboursement par l'Union européenne.
Par ailleurs, divers apurements vous sont proposés.
Il s'agit, d'abord, d'approuver les traditionnelles mesures de remises de dettes aux pays étrangers, pour 0,1 milliard , conformément aux résolutions de la CNUCED et aux engagements pris par la France lors des sommets internationaux. J'indique, à ce propos, que ces remises de dettes n'ont aucune incidence budgétaire. En revanche, elles pèsent sur notre besoin de financement, au sens de Maastricht, puisqu'elles diminuent nos créances et, donc, notre patrimoine financier.
Le second apurement proposé porte sur la constatation d'une perte en trésorerie sur devises, liée à des fonds détenus par l'Ambassade de France sur un compte ouvert dans une banque à Sarajevo qui a fait faillite.
Quelques mots, enfin, sur la gestion de fait, objet de l'article 13 du projet de loi.
Il s'agit de reconnaître l'utilité publique de dépenses comprises dans la gestion de fait d'une association, l'Association pour la recherche à l'école des hautes études en sciences sociales. Ces dépenses se montent à 0,3 million d'euros.
Les fonds attribués à cette association ont été utilisés pour financer des dépenses qui auraient dû incomber au ministère de l'Éducation nationale lui-même.
La Cour des comptes a donc constaté l'existence d'une gestion de fait. En la reconnaissant d'utilité publique, vous éviterez aux personnels concernés d'être personnellement redevables des fonds. Cette orientation me paraît tout à fait souhaitable, puisque ces personnels n'ont pas agi dans leur intérêt propre.
Telles sont, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs les députés, les grandes lignes de ce projet de loi de règlement.
En vous demandant de les approuver, je vous propose de prendre acte de la situation comptable qui vous est présentée et de statuer définitivement sur des procédures arrivées maintenant à leur terme. Pour la bonne marche de l'Etat, je vous demande d'adopter ce projet de loi de règlement.

(Source http://www.minefi.gouv.fr, le 4 octobre 2002)