Déclaration de M. Dominique Galouzeau de Villepin, ministre des affaires étrangères, de la coopération et de la francophonie, lors de la conférence de presse conjointe avec M. Louis Michel, ministre belge des affaires étrangères, sur la détermination française sur la poursuite du désarmement de l'Irak et sur l'architecture institutionnelle de l'Union européenne, Bruxelles le 21 janvier 2003.

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Circonstance : Session plénière de la Convention européenne à Bruxelles (Belgique), le 21 janvier 2003

Texte intégral

J'ai évidemment été très heureux de pouvoir longuement parler ce matin avec mon ami Louis Michel. C'était une occasion pour nos deux pays de marquer leur convergence sur ce dossier iraquien qui nous préoccupe tant. C'était aussi une occasion de marquer clairement notre volonté d'essayer d'avancer vers une position commune de l'Europe, essayer tout au moins de dégager des principes forts qui doivent mobiliser nos diplomaties, marquer la primauté du Conseil de sécurité, marquer notre souci de respecter les grands principes, le droit, la morale, la solidarité, la justice, sur la scène internationale. Je crois que nous pouvons, tous ensemble, avec le concours des quatre pays membres de l'Union européenne qui sont aujourd'hui présents au Conseil de sécurité, essayer d'entraîner l'Europe dans cette position commune et faire en sorte que nous puissions mieux affirmer, mieux défendre la voix de l'Europe aujourd'hui sur la scène internationale.

Q - L'Europe est-elle prête à négocier une sortie pour Saddam Hussein qui permettrait d'éviter une guerre ?
R - Aujourd'hui la solution, et elle est inscrite dans la résolution 1441 du Conseil de sécurité, c'est d'avancer dans la voie d'une coopération, d'une coopération active, et c'est ce que nous demandons aux Iraquiens. Nous insistons pour que l'Iraq véritablement puisse faire ce qu'il doit faire aujourd'hui pour donner toutes les chances à la paix. Nous pensons que c'est possible. Les inspecteurs sur le terrain travaillent. Plus de 300 inspections par mois sont d'ores et déjà organisées et permettent d'avancer dans des conditions satisfaisantes. Nous voulons faire plus. Le prochain rapport qui sera présenté au Conseil de sécurité le 27 janvier sera l'occasion de faire un point. C'est un rapport d'étape. Il faudra tirer toutes les leçons de la situation, essayer d'améliorer, d'approfondir, de faire des propositions pour aller plus loin.
La France, vous le savez, a saisi l'ensemble des membres du Conseil de sécurité pour leur demander de donner toutes les informations qui étaient disponibles, demander à ce que les moyens en hommes et en matériel soient donnés aux inspecteurs. Il y a là à la fois le bras et l'oeil de la communauté internationale pour faire avancer la politique de coopération qui est la nôtre aujourd'hui.

Q - Outre la coopération, ma question portait sur la négociation de la fin de règne de Saddam Hussein...
R - Restons à l'objectif qui a été fixé par la communauté internationale. Concentrons-nous sur un objectif clair qui est celui de toute la communauté internationale : désarmer l'Iraq. C'est bien là l'ambition du Conseil de sécurité, c'est là l'ambition des Nations unies et nous devons rester clairement fixés sur cette ambition.

Q - Si les Etats-Unis ne veulent pas une si grande préservation ...
R - Nous l'avons dit, nous ne pouvons soutenir une action unilatérale. Le président Chirac l'a dit très clairement. La position de la France est une position qui donne tout son poids à la sécurité collective. Nous soutenons l'action du Conseil de sécurité. Nous ne voyons aucune justification aujourd'hui à un recours à la force dans le contexte actuel puisque les inspecteurs peuvent travailler et que la coopération permet d'avancer. C'est bien là aujourd'hui la clef. La force ne peut être qu'un dernier recours. Le président de la République, Jacques Chirac, l'a dit très clairement.

Q - Est-ce qu'on peut envisager une position commune de l'Europe sur l'Iraq, par exemple au prochain CAG des 27/28 janvier ?
R - Nous y travaillons. Nous allons unir nos efforts pour avancer dans ce sens. J'ai eu hier des contacts nombreux avec les autres membres européens présents au Conseil de sécurité. C'est un travail continu, c'est un travail soutenu. Nous considérons que la diplomatie est une diplomatie d'action et c'est dans ce sens que nous sommes mobilisés, donc nous voulons croire que c'est possible et en tout cas, c'est important pour l'Europe. C'est important que l'Europe puisse s'exprimer sur un conflit aussi important d'une seule voix, c'est important que l'Europe puisse s'entendre sur les principes qu'elle veut voir défendre sur la scène internationale : le principe du droit et de la morale est ce qui nous unit. Nous parlons suffisamment des valeurs qui sont les nôtres, et il faut être capable de les porter vers l'extérieur, capable de les incarner, capable de nous mobiliser pour les défendre. Il y a là un enjeu privilégié pour l'Europe. L'Europe a un rôle particulier sur la scène internationale compte tenu de son histoire, compte tenu de sa vocation, compte tenu de la diversité des héritages qui sont les nôtres mais en même temps de ce qui fait notre communauté, notre communauté de valeurs si profonde.

Q - Quel est le rôle joué par la Grande-Bretagne dans l'infléchissement de la position américaine, selon vous ?
R - Il ne m'appartient pas de juger de cela. Nous travaillons tous ensemble aujourd'hui pour faire en sorte que les choses puissent avancer dans le sens de la coopération. Nous sommes mobilisés, nous voulons croire que la guerre peut être évitée.

Q - Monsieur de Villepin, nous sommes quatre Européens au Conseil de sécurité, quelle est la position des trois autres ?
R - C'est quelque chose que nous déterminerons au cours des prochains jours. Notre sentiment est qu'aujourd'hui tout le monde, parmi les Européens, souhaite que la voie du Conseil de sécurité puisse être privilégiée, que le Conseil de sécurité puisse s'exprimer et c'est bien ce qui a été fixé dans le cadre de la résolution 1441 : en cas d'impasse, si nous devions être confrontés à une situation où la coopération n'était plus possible, sur la base d'un rapport des inspecteurs, le Conseil de sécurité devrait se réunir à nouveau. Il y a là, je crois, à la fois la voie de la légitimité, la voie de la responsabilité, et certainement aussi, et il faut toujours s'en souvenir sur ce dossier, la voie de l'efficacité. Nous serons efficaces si nous sommes unis. La communauté internationale tout entière a été capable unanimement d'adopter une position sur cette question. Nous devons préserver les chances de cette unanimité. C'est la condition même de notre efficacité sur la scène internationale.

Q - La patience de la communauté internationale est-elle intacte ?
R - Notre détermination est intacte. N'oublions jamais qu'il n'y a pas d'un côté ceux qui veulent agir et de l'autre ceux qui voudraient attendre. Nous sommes tous mobilisés pour agir et c'est bien cela qui compte aujourd'hui.

Q - Un mot sur la contribution de MM. Chirac et Schroeder sur l'architecture institutionnelle de l'Europe ?
R - Avec la proposition commune du chancelier Schroeder et du président Chirac il y a un choix très marqué, très fort, un engagement très fort de la France. Un choix très raisonné, fidèle à l'inspiration, à la double inspiration, de l'Europe, celle des Etats et celle des peuples. A partir de là il y a aussi un acte de foi dans cette Europe. C'est que l'Europe ce n'est pas un jeu à somme nulle. Nous voulons plus d'Europe, plus d'Europe sur la scène internationale, plus de capacité des Européens à agir ensemble. Et pour cela nous proposons un schéma institutionnel qui permet de renforcer la Commission, de renforcer le Conseil européen et de renforcer le Parlement. A partir de là, je crois qu'il y a effectivement le souci de permettre à l'Europe de jouer tout son rôle sur la scène internationale, de jouer tout son rôle vis-à-vis des peuples et des Etats membres. C'est l'ambition du projet germano-français.

Q - Voulez-vous aussi plus de place pour les petits pays ?
R - Bien évidemment, je l'ai dit ce matin : l'égalité entre les Etats est un principe sacré auquel nous sommes très profondément attachés et c'est dans cet esprit que nous voulons travailler.

Q - Est-ce une proposition ou un diktat ?
R - C'est une contribution, dans un esprit d'ouverture. Bien évidemment dans le cadre de la Convention c'est un débat auquel chacun apporte sa contribution. Je l'ai dit ce matin : chacun doit faire un pas vers l'autre. C'est l'esprit de la Convention : nous devons être fidèles à la règle, au cadre fixés par le président Valéry Giscard d'Estaing : chacun doit faire un pas vers l'autre. Voilà ce qui, dans le fond, pourrait être la devise de l'Europe, de l'Europe pour demain.

Q - Oui, mais M. Chirac n'est pas membre de la Convention...
R - Non, mais le ministre français l'est.

Q - Votre contribution est révisable ?
R - La Convention c'est un travail et un débat communs. Nous sommes là pour faire avancer les choses, pour nous écouter les uns les autres. La France et l'Allemagne ont fait une proposition, une contribution à ce débat commun. Nous allons en débattre évidemment au cours des prochaines semaines. L'idée c'est d'arriver au meilleur schéma, à la meilleure proposition pour l'Europe. C'est pour cela que nous allons essayer de nous battre et d'avancer.

(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 23 janvier 2003)