Texte intégral
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Monsieur le Directeur Général,
Mesdames et Messieurs,
Voici arrivé le terme de vos travaux. Au nom de mon gouvernement, je tiens à vous adresser mes vifs remerciements pour avoir répondu à l'invitation des autorités françaises et pour avoir accepté de rechercher en commun une démarche nouvelle dans la prise en compte des problèmes liés à l'eau. L'eau va constituer, dans les prochaines années, un enjeu majeur pour nos populations : cela a été dit et affirmé à plusieurs reprises à la tribune de cette conférence. Les données sociales, techniques, économiques qui s'attachent à la gestion de cette ressource essentielle à la vie vont peser de plus en plus dans les prises de décisions et nos politiques nationales devront largement en tenir compte.
Nos relations de voisinage ou de coopération vont être appelées aussi à se renforcer en s'attachant à s'organiser autour d'une vision cohérente des problèmes de l'eau. Le concept d'une gestion de l'eau s'inscrivant dans une démarche de développement durable a ouvert, de ce point de vue, de nouvelles perspectives.
L'ambition clairement affirmée, dans son titre même, par votre conférence, était de donner corps à cette démarche. Elle a largement atteint les objectifs qu'elle s'était assignés.
La communauté internationale va disposer d'une déclaration finale accompagnée d'un plan d'action qui formalise les objectifs partagés par plus de 80 États. Cette vision commune est d'autant plus significative et exemplaire qu'elle a été, jusque dans sa phase finale, menée dans la concertation avec les tenants de ce qu'il convient de dénommer la " société civile ".
Cette " société civile " sera appelée, -c'est ma conviction-, à jouer un rôle de plus en plus déterminant dans la gestion de l'eau. En effet, la ressource en eau appelle inéluctablement une approche partenariale. Le bien collectif qu'elle représente, et les valeurs sociales qui s'y attachent, demandent tôt ou tard l'adhésion de l'usager ou du consommateur, groupés autour de leurs instances représentatives. Les associations internationales et les organisations non gouvernementales ont d'ores et déjà très largement contribué à l'enrichissement du débat public. Je voudrais en particulier mentionner ici la part déterminante qu'elles ont jouée pour faire prendre en considération la dimension écologique de la gestion des milieux aquatiques. L'intégration du concept du développement durable dans les politiques de l'eau leur doit beaucoup.
Je suis heureux de constater qu'une large place a été faite aux représentants de cette " société civile " et qu'elle a su profiter largement de la parole qui lui a été offerte au cours de cette conférence. Les principes dégagés ensemble et les perspectives qui viennent d'être tracées s'en trouveront, j'en suis sûr, confortés.
Chacun de ces principes a sa logique et sa spécificité. Toutefois, plusieurs d'entre eux me paraissent plus particulièrement novateurs, surtout si l'on tient compte de l'échelle internationale à laquelle ils viennent d'être aujourd'hui affirmés.
Le premier de ces principes est de considérer qu'une bonne gestion de la ressource en eau s'inscrit dans une logique hydrographique, même si pour telle ou telle raison de cohérence d'action publique, un cadre de nature administrative s'impose. L'important reste de privilégier le niveau du bassin hydrographique, tout simplement parce que l'eau ne connaît pas les limites tracées par l'homme, pas plus qu'elle ne connaît les frontières reconnues par les États.
Affirmer cette primauté du bassin hydrographique sur la logique administrative, c'est mettre en avant un cadre de concertation, de programmation et de décision, adapté à la réalité locale, c'est-à-dire en relation étroite avec les besoins des usagers. C'est aussi offrir, au niveau international, de meilleures chances à l'émergence de coopérations nouvelles là où malheureusement elles n'ont pu encore être mises en place.
Une politique de l'eau devra à la fois être la plus proche possible des usagers -c'est-à-dire déconcentrée-, mais aussi savoir associer à sa définition, voire à sa mise en oeuvre, la société civile, en particulier les usagers et plus précisément les femmes : tel est le deuxième principe. Cette participation active à la politique de l'eau n'est pas seulement le gage d'une bonne adéquation des décisions aux besoins réels. Elle a surtout pour effet de traduire, dans la réalité quotidienne, la pratique d'une solidarité entre les différents usagers. Dans le domaine de l'eau, il est rare de pouvoir déterminer a priori, sauf dans les situations de grave pénurie, la primauté d'un usage à privilégier par rapport à un autre.
Le consommateur domestique peut exiger pour ses besoins propres la même quantité d'eau que l'agriculteur est en droit de revendiquer pour assurer ses cultures. Lequel doit, en cas de nécessité, être privilégié par rapport à l'autre ? En participant chacun à l'élaboration d'une politique de l'eau qui les concerne, ils ont la faculté d'être associés à un projet commun, et par conséquent sont incités à en partager les ambitions, et à en assumer solidairement les contraintes.
Cet appel au partage a sa contrepartie, celui du coût à assumer. Très globalement, une politique de l'eau consiste à être capable de répondre de. manière permanente à des besoins toujours croissants face à une disponibilité qui est, elle, aléatoire, variable et parfois fugace.
Cette recherche souvent difficile d'une adéquation entre les besoins et les ressources présente un coût. Ce coût a longtemps été assumé par l'État, dans le cadre d'une solidarité nationale, par la voie de l'impôt.
L'une des orientations que vous avez retenues est de considérer que cette démarche ne peut plus être exclusive et qu'il convient de favoriser des solutions nouvelles.
Les principes connue celui de " pollueur-payeur " ou d'" utilisateur-payeur " ont été mis en avant. Leur intérêt ne se résume pas à l'avantage en termes de ressources financières nouvelles qu'ils représentent. Ils ont également un caractère incitatif et peuvent parvenir à modifier le comportement des usagers.
Ce faisant, et c'était là le but recherché, ce sont les éléments fondateurs d'une théorie économique de l'eau que vous avez ainsi confirmés. De la sorte, vous avez renoncé à une vieille croyance, trop longtemps répandue, celle considérant que, don du ciel, l'eau ne pouvait être que gratuite. Cette approche économique ne doit cependant pas être confondue avec une vision commerciale.
L'eau n'est pas, en effet, un produit comme les autres. Elle ne peut entrer dans une pure logique de marché régulé seulement par le jeu de l'offre et de la demande. Un équilibre est à trouver en fonction des capacités contributives de chaque catégorie d'usagers, du coût économique et aussi social de sa participation à l'action commune, et des options politiques qu'il appartient à chaque Etat de retenir, au titre de ce qu'il considère comme ses intérêts prioritaires.
En faisant entrer l'eau dans le champ économique, vous avez souligné très logiquement la nécessité de développer la connaissance, la formation et l'information. Les principes que vous avez arrêtés dans ces secteurs sont assurément porteurs d'avenir.
Une constatation surprenante, mais bien réelle, a été faite : il existe une méconnaissance relative, en particulier dans les pays confrontés à des risques de pénurie, de leur propre disponibilité en eau. Au moment où chacun s'accorde à reconnaître un avenir difficile dans le domaine de l'eau, pour certains pays il y a là un effort tout à fait important à accomplir.
De la même manière s'impose une action de formation des hommes. Les métiers de l'eau, dans tous les secteurs de qualification, apparaissent peu développés au regard des besoins et au regard des exigences d'une gestion beaucoup plus patrimoniale que par le passé de la ressource en eau.
Je considère, pour ma part, que ce thème de la formation, de la connaissance, des transferts de technologie, devra être considérablement renforcé et devra occuper une place beaucoup plus large dans nos champs de coopération, en particulier entre le Nord et le Sud. Ces thèmes devront être plus présents dans nos domaines de coopération, trop exclusivement réservés jusqu'à présent à des investissements particulièrement lourds. Il est clair qu'il faudra élargir notre coopération au développement des capacités institutionnelles et humaines. Le gouvernement français s'est engagé dans cette voie : 13 millions de francs étaient consacrés à ce type d'intervention en 1994. C'est plus de 92 millions de francs qui y sont aujourd'hui affectés.
Ces champs d'action doivent aussi être renforcés dans le cadre de la coopération décentralisée, et je salue ici les missions exemplaires assumées par les organisations non gouvernementales qui ont inscrit, depuis longtemps, le thème de l'eau dans leur programme prioritaire.
Il convient enfin de marquer l'intérêt essentiel qui s'attache aux actions d'information, de sensibilisation et généralement d'éducation. Les comportements de consommation excessive doivent évoluer comme sont à rechercher les techniques d'économie d'eau dans les secteurs industriels et surtout dans les secteurs agricoles.
En conclusion, je voudrais vous dire ma conviction que ces principes et orientations, tels qu'ils sont repris dans la déclaration finale, marquent un progrès décisif.
La volonté de plus de 80 pays, réunis à Paris à l'UNESCO, s'est manifestée clairement. Les résultats de cette conférence seront présentés à la Commission du Développement Durable, qui sera appelée à les prendre en considération.
J'adresse à chacune et à chacun d'entre vous mes remerciements personnels. Je remercie, en votre nom, notre secrétariat général et l'ensemble des personnes qui se sont attachées au succès de cette conférence.
(Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 12 juin 2001)
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Monsieur le Directeur Général,
Mesdames et Messieurs,
Voici arrivé le terme de vos travaux. Au nom de mon gouvernement, je tiens à vous adresser mes vifs remerciements pour avoir répondu à l'invitation des autorités françaises et pour avoir accepté de rechercher en commun une démarche nouvelle dans la prise en compte des problèmes liés à l'eau. L'eau va constituer, dans les prochaines années, un enjeu majeur pour nos populations : cela a été dit et affirmé à plusieurs reprises à la tribune de cette conférence. Les données sociales, techniques, économiques qui s'attachent à la gestion de cette ressource essentielle à la vie vont peser de plus en plus dans les prises de décisions et nos politiques nationales devront largement en tenir compte.
Nos relations de voisinage ou de coopération vont être appelées aussi à se renforcer en s'attachant à s'organiser autour d'une vision cohérente des problèmes de l'eau. Le concept d'une gestion de l'eau s'inscrivant dans une démarche de développement durable a ouvert, de ce point de vue, de nouvelles perspectives.
L'ambition clairement affirmée, dans son titre même, par votre conférence, était de donner corps à cette démarche. Elle a largement atteint les objectifs qu'elle s'était assignés.
La communauté internationale va disposer d'une déclaration finale accompagnée d'un plan d'action qui formalise les objectifs partagés par plus de 80 États. Cette vision commune est d'autant plus significative et exemplaire qu'elle a été, jusque dans sa phase finale, menée dans la concertation avec les tenants de ce qu'il convient de dénommer la " société civile ".
Cette " société civile " sera appelée, -c'est ma conviction-, à jouer un rôle de plus en plus déterminant dans la gestion de l'eau. En effet, la ressource en eau appelle inéluctablement une approche partenariale. Le bien collectif qu'elle représente, et les valeurs sociales qui s'y attachent, demandent tôt ou tard l'adhésion de l'usager ou du consommateur, groupés autour de leurs instances représentatives. Les associations internationales et les organisations non gouvernementales ont d'ores et déjà très largement contribué à l'enrichissement du débat public. Je voudrais en particulier mentionner ici la part déterminante qu'elles ont jouée pour faire prendre en considération la dimension écologique de la gestion des milieux aquatiques. L'intégration du concept du développement durable dans les politiques de l'eau leur doit beaucoup.
Je suis heureux de constater qu'une large place a été faite aux représentants de cette " société civile " et qu'elle a su profiter largement de la parole qui lui a été offerte au cours de cette conférence. Les principes dégagés ensemble et les perspectives qui viennent d'être tracées s'en trouveront, j'en suis sûr, confortés.
Chacun de ces principes a sa logique et sa spécificité. Toutefois, plusieurs d'entre eux me paraissent plus particulièrement novateurs, surtout si l'on tient compte de l'échelle internationale à laquelle ils viennent d'être aujourd'hui affirmés.
Le premier de ces principes est de considérer qu'une bonne gestion de la ressource en eau s'inscrit dans une logique hydrographique, même si pour telle ou telle raison de cohérence d'action publique, un cadre de nature administrative s'impose. L'important reste de privilégier le niveau du bassin hydrographique, tout simplement parce que l'eau ne connaît pas les limites tracées par l'homme, pas plus qu'elle ne connaît les frontières reconnues par les États.
Affirmer cette primauté du bassin hydrographique sur la logique administrative, c'est mettre en avant un cadre de concertation, de programmation et de décision, adapté à la réalité locale, c'est-à-dire en relation étroite avec les besoins des usagers. C'est aussi offrir, au niveau international, de meilleures chances à l'émergence de coopérations nouvelles là où malheureusement elles n'ont pu encore être mises en place.
Une politique de l'eau devra à la fois être la plus proche possible des usagers -c'est-à-dire déconcentrée-, mais aussi savoir associer à sa définition, voire à sa mise en oeuvre, la société civile, en particulier les usagers et plus précisément les femmes : tel est le deuxième principe. Cette participation active à la politique de l'eau n'est pas seulement le gage d'une bonne adéquation des décisions aux besoins réels. Elle a surtout pour effet de traduire, dans la réalité quotidienne, la pratique d'une solidarité entre les différents usagers. Dans le domaine de l'eau, il est rare de pouvoir déterminer a priori, sauf dans les situations de grave pénurie, la primauté d'un usage à privilégier par rapport à un autre.
Le consommateur domestique peut exiger pour ses besoins propres la même quantité d'eau que l'agriculteur est en droit de revendiquer pour assurer ses cultures. Lequel doit, en cas de nécessité, être privilégié par rapport à l'autre ? En participant chacun à l'élaboration d'une politique de l'eau qui les concerne, ils ont la faculté d'être associés à un projet commun, et par conséquent sont incités à en partager les ambitions, et à en assumer solidairement les contraintes.
Cet appel au partage a sa contrepartie, celui du coût à assumer. Très globalement, une politique de l'eau consiste à être capable de répondre de. manière permanente à des besoins toujours croissants face à une disponibilité qui est, elle, aléatoire, variable et parfois fugace.
Cette recherche souvent difficile d'une adéquation entre les besoins et les ressources présente un coût. Ce coût a longtemps été assumé par l'État, dans le cadre d'une solidarité nationale, par la voie de l'impôt.
L'une des orientations que vous avez retenues est de considérer que cette démarche ne peut plus être exclusive et qu'il convient de favoriser des solutions nouvelles.
Les principes connue celui de " pollueur-payeur " ou d'" utilisateur-payeur " ont été mis en avant. Leur intérêt ne se résume pas à l'avantage en termes de ressources financières nouvelles qu'ils représentent. Ils ont également un caractère incitatif et peuvent parvenir à modifier le comportement des usagers.
Ce faisant, et c'était là le but recherché, ce sont les éléments fondateurs d'une théorie économique de l'eau que vous avez ainsi confirmés. De la sorte, vous avez renoncé à une vieille croyance, trop longtemps répandue, celle considérant que, don du ciel, l'eau ne pouvait être que gratuite. Cette approche économique ne doit cependant pas être confondue avec une vision commerciale.
L'eau n'est pas, en effet, un produit comme les autres. Elle ne peut entrer dans une pure logique de marché régulé seulement par le jeu de l'offre et de la demande. Un équilibre est à trouver en fonction des capacités contributives de chaque catégorie d'usagers, du coût économique et aussi social de sa participation à l'action commune, et des options politiques qu'il appartient à chaque Etat de retenir, au titre de ce qu'il considère comme ses intérêts prioritaires.
En faisant entrer l'eau dans le champ économique, vous avez souligné très logiquement la nécessité de développer la connaissance, la formation et l'information. Les principes que vous avez arrêtés dans ces secteurs sont assurément porteurs d'avenir.
Une constatation surprenante, mais bien réelle, a été faite : il existe une méconnaissance relative, en particulier dans les pays confrontés à des risques de pénurie, de leur propre disponibilité en eau. Au moment où chacun s'accorde à reconnaître un avenir difficile dans le domaine de l'eau, pour certains pays il y a là un effort tout à fait important à accomplir.
De la même manière s'impose une action de formation des hommes. Les métiers de l'eau, dans tous les secteurs de qualification, apparaissent peu développés au regard des besoins et au regard des exigences d'une gestion beaucoup plus patrimoniale que par le passé de la ressource en eau.
Je considère, pour ma part, que ce thème de la formation, de la connaissance, des transferts de technologie, devra être considérablement renforcé et devra occuper une place beaucoup plus large dans nos champs de coopération, en particulier entre le Nord et le Sud. Ces thèmes devront être plus présents dans nos domaines de coopération, trop exclusivement réservés jusqu'à présent à des investissements particulièrement lourds. Il est clair qu'il faudra élargir notre coopération au développement des capacités institutionnelles et humaines. Le gouvernement français s'est engagé dans cette voie : 13 millions de francs étaient consacrés à ce type d'intervention en 1994. C'est plus de 92 millions de francs qui y sont aujourd'hui affectés.
Ces champs d'action doivent aussi être renforcés dans le cadre de la coopération décentralisée, et je salue ici les missions exemplaires assumées par les organisations non gouvernementales qui ont inscrit, depuis longtemps, le thème de l'eau dans leur programme prioritaire.
Il convient enfin de marquer l'intérêt essentiel qui s'attache aux actions d'information, de sensibilisation et généralement d'éducation. Les comportements de consommation excessive doivent évoluer comme sont à rechercher les techniques d'économie d'eau dans les secteurs industriels et surtout dans les secteurs agricoles.
En conclusion, je voudrais vous dire ma conviction que ces principes et orientations, tels qu'ils sont repris dans la déclaration finale, marquent un progrès décisif.
La volonté de plus de 80 pays, réunis à Paris à l'UNESCO, s'est manifestée clairement. Les résultats de cette conférence seront présentés à la Commission du Développement Durable, qui sera appelée à les prendre en considération.
J'adresse à chacune et à chacun d'entre vous mes remerciements personnels. Je remercie, en votre nom, notre secrétariat général et l'ensemble des personnes qui se sont attachées au succès de cette conférence.
(Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 12 juin 2001)