Déclaration de M. Jean-François Lamour, ministre des sports, sur la valeur éducative et sociale du sport et le dopage, Paris le 9 janvier 2003.

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Circonstance : Table ronde des ministres de l'éducation physique et du sport de l'UNESCO à Paris le 9 janvier 2003

Texte intégral

Monsieur le Directeur Général,
Mes Chers Collègues,
Mesdames, Messieurs,
Permettez-moi, tout d'abord, Monsieur le Directeur Général, de vous adresser mes vifs remerciements pour avoir bien voulu m'inviter à cette tribune.
Je me réjouis de pouvoir me retrouver avec vous afin de vous faire part de la pertinence, à mes yeux, d'une réflexion sur le sport au niveau international.
En effet, il y a un mois, j'achevais, au travers des Etats généraux du sport, une large consultation nationale, organisée conjointement avec le Comité national olympique et sportif français, qui a permis de tracer les grandes lignes du développement du sport français dans les années qui viennent. Ces débats ont mis en exergue la nécessaire dimension internationale et européenne du développement du sport.
Votre mobilisation témoigne de l'importance accordée au sport par un très grand nombre de gouvernements.
Votre présence illustre au-delà de nos différences culturelles et politiques, la dimension éthique ainsi que la fonction éducative et sociale du sport que nous partageons tous.
L'organisation sous l'égide de l'UNESCO, de ces deux journées de réflexion, prouve combien, dans chacun de nos pays, le sport fait l'objet de débats et de préoccupations croissantes nous conviant désormais à effectuer une démarche commune en la matière.
Les promoteurs des Jeux Olympiques modernes, et je tiens à saluer la présence du Docteur Jacques ROGGE, Président du CIO, il y a maintenant plus d'un siècle, proposaient de rassembler la jeunesse du monde entier autour du sport pour une fête universelle.
Le sport est aujourd'hui à la croisée des chemins, nous devons collectivement nous pencher sur son avenir en tenant compte des espérances mais aussi des inquiétudes qu'il peut susciter.
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La pratique du sport a beaucoup évolué. Autrefois réservée souvent à une élite, elle est devenue un phénomène de société s'adressant à tous. Les dimensions éducatives, économiques et sociétables du sport sont aujourd'hui incontestables.
Le sport est ainsi devenu un fait social majeur. École de l'effort, et de la persévérance, le sport permet la découverte de la solidarité. Il est également un apprentissage de valeurs, dont les fondements sont actuellement menacés par certaines dérives.
En portant au plus haut les valeurs du sport, nos athlètes sont devenus de véritables références pour la jeunesse, mais également pour la société tout entière.
Des moments privilégiés de communication que le sport sait créer, il ressort qu'il devient l'affaire de tous. Il prend alors véritablement une dimension éducative et sociale de premier plan.
Grâce à ses valeurs, le sport est également une passerelle entre les salles de classe et le secteur éducatif informel. Il est une école de vie, un apprentissage spontané du lien social. Je me félicite à ce titre que les Etats membres de l'Union Européenne aient répondu favorablement à l'initiative prise par la Commission, de faire de 2004, " l'année européenne de l'Education par le Sport ". Nous reviendrons certainement sur ce thème à l'occasion de la première table ronde, mais mon souhait, à un an des Jeux Olympiques d'Athènes, serait de voir ce message porté à l'échelle universelle.
Je voudrais insister sur les valeurs du sport individuelles de courage et de dépassement de soi, mais également sur les valeurs collectives de solidarités, de respect de l'autre, autant de principes qui consolident la cohésion sociale d'un pays, d'une nation.
C'est en ce sens que le sport est progressivement devenu un véritable instrument d'insertion. Mon propos ici n'est pas de dire que le sport à vocation à résoudre tous les problèmes du quotidien. Néanmoins, parce qu'il exprime une volonté d'être ensemble, il peut contribuer au renforcement de l'harmonie et de la cohésion sociale. Quand les valeurs éducatives, sociales du sport sont présentes, violence et agressivité peuvent reculer. C'est pourquoi, je suis particulièrement sensible au renouveau des activités sportives dans les pays qui ont connu le drame de la guerre comme l'Afghanistan.
Dans la pratique du sport, le plaisir du jeu et l'épanouissement personnel sont indissociables du respect de la règle, du respect d'autrui. Le sport est non seulement une école de la tolérance mais également de la citoyenneté et finalement de la démocratie.
J'ai eu l'occasion de réaffirmer que - à mes yeux - ce qui fonde l'intérêt à agir des Etats en faveur du développement du sport c'est précisément sa valeur éducative et sociale. C'est aussi la raison pour laquelle j'appelle à un mode d'organisation du sport solidaire dont la cellule essentielle est l'association de pratiquants. C'est au sein de cette structure associative que l'apprentissage de la vie sociale, du sens des responsabilités et du respect des autres s'effectue le plus efficacement. Je voudrais ici - devant cette instance internationale - rendre hommage aux millions de bénévoles qui nous offrent le visage du sport que nous aimons.
Cette influence positive que le sport peut ainsi avoir sur nos sociétés modernes ne saurait être mise en danger par certaines dérives, notamment le dopage.
Permettez-moi d'abord de vous livrer mon sentiment sur une idée reçue.
Le dopage n'est pas une dérive du sport, il est aux antipodes de ses valeurs, il en est la négation. Comme l'a récemment souligné le Président de la République, Jacques CHIRAC, le dopage est l'anti-sport. Il salit ses valeurs et ses vertus. Le dopage, c'est le mensonge et la tricherie, vis-à-vis de soi-même, vis-à-vis des autres. C'est également faire courir des risques inadmissibles aux sportifs, car tôt ou tard il menace la santé et bien souvent la vie de celles et de ceux qui s'y perdent.
Admettre que le dopage est une dérive du sport reviendrait implicitement à admettre que le sport pourrait trouver seul, intrinsèquement, les remèdes à ses propres maux. Il n'en est rien.
Sans déflorer le contenu de la seconde table ronde et, n'en déplaise aux défenseurs du " laisser-faire, laisser-aller ", le dopage est également une question d'éducation et de santé publique, qui justifie une intervention déterminée des Etats en collaboration avec le mouvement sportif.
Cependant, les législations ou les initiatives des mouvements sportifs rencontrent des difficultés à appréhender ce phénomène au seul niveau national. Aussi, la lutte contre le dopage n'a de sens que si elle est menée à une vaste échelle géographique, qu'elle soit régionale ou internationale.
De même, les contrôles, comme les sanctions doivent placer tous les sportifs sur un pied d'égalité quelle que soit leur discipline, leur nationalité ou leur lieu d'exercice. Les règles doivent être simples, connues de tous et harmonisées. La chaîne du contrôle de la sanction doit être la plus courte possible.
Le code mondial antidopage constitue à cet égard un instrument qui offre une perspective d'avenir intéressante, à condition qu'il puisse être juridiquement applicable.
Parce que ce sujet, et nous partageons tous cette conviction, est d'importance, il justifie la mise en place d'un instrument juridique international incontestable. Mon sentiment est que le dopage ne pourra être combattu efficacement que par une véritable responsabilisation des acteurs du sport, et en premier lieu des Etats ; ils devront exprimer leur volonté commune de faire converger leur politique antidopage au niveau international.
La France entend d'ailleurs jouer un rôle moteur dans l'élaboration et la mise en place du Code mondial antidopage.
J'ai la conviction que cette réunion sous l'égide de l'UNESCO permettra d'avancer dans cette voie. Au-delà, elle permettra de débattre des conditions de mise en oeuvre d'un code concerté de façon large et consensuelle avec les Etats et le mouvement sportif. Seule l'expression d'une volonté commune partagée par de nombreux Etats permettra une action crédible et efficace de lutte contre le dopage.
Je remercie l'UNESCO et son Directeur Général de leur contribution à cette étape politique importante pour notre réflexion.
Je vous remercie.
(Source http://www.jeunesse-sports.gouv.fr, le 13 janvier 2003)