Texte intégral
Pour la première fois de son histoire l'Organisation mondiale du commerce fait face à une urgence vitale. Vitale pour des millions de malades, vitale pour la crédibilité de l'organisation du commerce mondial. Le dernier rapport d'Onusida tire la sonnette d'alarme : 42 millions de personnes sont porteuses du virus du sida dans le monde et ce chiffre pourrait doubler d'ici à 2010 si rien n'est fait. C'est pourquoi, aujourd'hui, je m'adresse à tous les partenaires de la France à l'OMC : il n'est plus temps de se perdre dans des discussions techniques, nous devons aboutir tout de suite. Nous le pouvons. C'est une question morale qui se pose à nous. Une question morale qui attend une réponse politique.
En 2001, les pays développés ont pris un engagement politique très significatif. Ils ont en effet décidé de "trouver une solution" pour que les pays en développement qui ne peuvent fabriquer les médicaments y aient néanmoins accès à prix réduit.
L'accord de l'OMC sur la propriété intellectuelle autorise tous les membres de l'organisation, lorsqu'ils sont en situation de grave crise sanitaire, à fabriquer des médicaments si nécessaire contre la volonté du détenteur du brevet. Mais cette possibilité ne peut profiter aux pays qui n'ont pas de capacité de production pharmaceutique, ce qui est aujourd'hui le cas de la plupart des pays en développement. L'ampleur de la crise sanitaire ne nous laisse pas le choix : nous devons trouver la solution juridique avant la fin de l'année, comme nous nous sommes engagés à le faire à Doha.
Quelle que soit la solution technique retenue, l'objectif consiste à aller vite et à apporter une réponse aux malades qui attendent.
Alors autant choisir la solution la plus simple et la plus rapide :
- créons un mécanisme qui s'appliquera aux graves crises sanitaires résultant des grandes pandémies (sida, paludisme, tuberculose) et autres épidémies, comme nous l'avons décidé à Doha ;
- décidons d'ouvrir largement ce mécanisme à l'ensemble des pays en développement. La réalité s'imposera : les pays qui sont en grave crise sanitaire, en tout état de cause, pourront l'utiliser ;
- adoptons dans un premier temps un mécanisme juridique rapide à mettre en place, tout en nous fixant l'objectif de l'intégrer dans l'accord sur les brevets à brève échéance ;
- réfléchissons en outre aux moyens d'organiser au niveau mondial le financement des médicaments pour les pays les plus pauvres ainsi que la sécurité des circuits de distribution pour éviter le développement de marchés parallèles.
Existe-t-il des raisons moralement acceptables qui puissent retarder la signature d'un accord ? Je ne le crois pas. Je suis certain que nous partageons les mêmes objectifs. J'ai confiance en notre capacité politique au sein de l'OMC à faire face à nos responsabilités. Alors faisons le. Maintenant.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 2 janvier 2003)