Déclaration de Mme Nicole Ameline, ministre déléguée à la parité et à l'égalité professionnelle, sur l'information sexuelle, notamment vers les jeunes et les femmes, Paris le 30 janvier 2003.

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Circonstance : Séance pleinière du Conseil supérieur de l'information sexuelle, de la régulation des naissances et de l'éducation familiale à Paris le 30 janvier 2003

Texte intégral

Mesdames, Messieurs,
Permettez-moi de vous souhaiter la bienvenue, ici, à Brancion, où je suis très heureuse de pouvoir vous accueillir, pour cette assemblée plénière du CSIS.
Dans les années 70, l'information et l'éducation de la population sur les questions de la vie du couple, de la famille et de l'éducation des jeunes, la promotion de la formation des professionnels et des acteurs de terrain, la réflexion en matière de régulation des naissances et d'éducation familiale, ont été reconnues comme des sujets relevant de la responsabilité nationale.
L'enjeu individuel est de se connaître soi-même et de connaître l'autre.
L'enjeu sociétal est de permettre l'épanouissement personnel et l'harmonie de la vie collective.
L'enjeu démocratique est d'éclairer, dans la concertation et la consultation, la décision politique.
Ainsi, le Conseil supérieur de l'information sexuelle, de la régulation des naissances et de l'éducation familiale, dont la richesse des échanges tient à la diversité de sa composition, à l'éventail des sensibilités et à la pluralité des courants de pensée et de l'appartenance religieuse de ses membres, constitue un espace de débat privilégié entre les associations et les institutions.
Je veux remercier celles et ceux d'entre vous qui ont participé aux travaux dont j'ai reçu les rapports d'étape. J'en ai pris connaissance avec beaucoup d'intérêt.
La réflexion du groupe de Madame LAURANT sur l'évolution du rôle des lieux et organismes d'information et d'éducation à la sexualité, au regard des évolutions législatives, mais aussi sociales, est parfaitement complémentaire avec les travaux menés par la Direction générale de l'action sociale sur l'éducation à la vie et le conseil conjugal et familial.
L'importance des conseillères et conseillers conjugaux reste centrale. Leur travail est capital et doit être adapté aux évolutions récentes, tant juridiques que techniques, scientifiques ou sociales.
Le groupe de travail sur le conseil conjugal et familial propose notamment, dans son rapport d'étape, que soient révisés les contenus, le volume, l'organisation et la validation de la formation au conseil conjugal et familial et à l'éducation de la vie, pour tenir compte non seulement de ces évolutions récentes, mais aussi des besoins des nouveaux publics. C'est un sujet dont je sais que la DGAS s'est, d'ores et déjà, emparée.
Comme l'Observatoire de la Parité, le Conseil supérieur de l'égalité professionnelle et la Commission nationale de lutte contre les violences envers les femmes, le CSIS est une instance de concertation essentielle pour la construction de notre politique sociale.
Ces quatre instances sont les piliers de la réflexion pour l'action et ils forment le trait d'union ou le lien interactif nécessaires entre le Gouvernement et la société civile.
J'ai conscience que vos travaux ne sont pas tout à fait achevés et il me semble bon de vous laisser le temps de les mener à leur terme. J'entends néanmoins donner, d'ores et déjà, une impulsion nouvelle au CSIS, autour de deux axes qui guideront vos prochains travaux.
J'aimerais tout d'abord que la question de la vie sexuelle et affective des jeunes gens soit abordée sous un angle nouveau.
Certes, il y a déjà eu des rapports sur l'information sexuelle faite aux jeunes. Mais, s'il y a une population en permanente évolution, c'est bien celle qui est concernée par ce type d'éducation. La jeunesse est mouvement et c'est à nous de nous adapter à ses nouvelles exigences.
La loi de juillet 2001 définit le cadre à partir duquel je souhaite qu'un regard nouveau soit porté sur ce qui est fait, dans le domaine de l'éducation à la sexualité.
L'obligation qu'elle instaure de dispenser une éducation à la sexualité dans les écoles, les collèges et les lycées, marque bien la volonté de l'Etat de prendre en compte plus fortement cette question.
Mais il faut sans doute veiller à en faire une meilleure application. Nous travaillons en concertation avec le ministère délégué à l'enseignement scolaire et je puis vous assurer que nous en faisons une priorité.
Nous uvrons à la promotion d'une éducation fondée sur le respect mutuel des deux sexes. Ce principe constitue un des axes de la convention pour la promotion de l'égalité des chances entre les filles et les garçons, les femmes et les hommes dans le système éducatif, signée avec les ministères en charge de l'éducation.
Il m'apparaît donc nécessaire de relancer les travaux du CSIS sur l'éducation sexuelle, de mener une réflexion renouvelée sur l'information relative à la sexualité des jeunes gens, sur la contraception, les IST ou encore l'IVG.
Trop d'IVG, en effet, sont encore recensées chez de jeunes, parfois très jeunes filles. Comment expliquer et plus encore justifier que l'information sur l'IVG ne soit dispensée qu'à partir du moment où la question de la grossesse se pose ? C'est, à l'évidence, trop tard.
Cette question touche deux niveaux de l'information et de l'éducation : Elle met en évidence que l'information sur la contraception et la sexualité est encore insuffisamment diffusée. Ne faut-il pas revoir notre façon d'aborder la question de la pilule d'urgence ? N'est-il pas essentiel que l'information sur l'IVG mette l'accent sur son caractère de " dernier recours " ? Ne faut-il pas que cette information sur la contraception abortive soit dispensée en amont, avant que le problème de la grossesse ou de l'accident ne se pose ? Ne faut-il pas, par exemple, lier davantage les informations sur la contraception préventive et la contraception abortive ?
S'ajoute à cela une préparation à la vie sexuelle qu'il faut adapter, en lien étroit avec la vie affective, en enseignant un vrai respect du corps de l'autre.
Ne faut-il pas revoir l'impact des outils employés, des supports utilisés pour diffuser cette information ? Faut-il les multiplier, les rendre plus accessibles, revoir leur facture même ? Pour répondre à ces questions et adapter les supports, nous avons besoin de votre expertise et de vos analyses.
Plus largement, l'éducation à la vie suppose d'aborder l'ensemble des questions liées à la santé des jeunes filles.
J'aime à parler, en cette matière, d'un " capital santé " des femmes qu'il importe de ne pas gaspiller et cela depuis le plus jeune âge. Cela implique une éducation au sens des responsabilités, qui doit faire partie des messages de notre école, aujourd'hui.
La prévention dans le domaine de la santé des femmes est un élément essentiel de la mission que m'ont confiée le Président de la République et la Premier Ministre et j'entends m'investir dans cette tâche.
Et puis, comment ne pas être émus par toutes les violences émergentes dans certains quartiers, notamment les violences sexuelles, qui témoignent avant tout d'une absence de respect de l'autre.
Les violences chez les jeunes sont souvent liées à une sexualité mal comprise, instrument de domination des garçons sur les filles. Il convient donc de réadapter le discours, tant pour les filles que pour les garçons, et peut-être aussi de réorienter ses vecteurs pour atteindre toutes les cibles de publics mieux identifiés. Ces violences qui ont cours surtout dans les quartiers difficiles, à l'école ou en dehors de l'école, posent le second problème qu'il me paraît essentiel d'aborder à présent dans vos groupes de travail, il s'agit de l'accès à cette information pour les personnes issues de l'immigration.
Je souhaiterais donc que l'on s'attache à étudier l'accès à l'information sexuelle des femmes issues de l'immigration qui peuvent se trouver éloignées des circuits habituels.
Les femmes sont malheureusement inégales, face à l'information à la sexualité.
Or, une politique d'intégration réussie ne peut faire l'économie de l'information sur la prévention sanitaire. Au-delà d'une certaine connaissance, il s'agit de conduire une pédagogie de la responsabilité qui commence par le respect de sa propre personne et la maîtrise de son corps et de sa sexualité.
Dans cette approche, il est capital que toutes les femmes puissent être au même niveau d'information, que les pesanteurs culturelles et sociales, ne jouent pas le rôle de filtre ou d'écran total entre ce que nous estimons être une information vitale et le public auquel est destinée cette information.
Dans la République en partage, nous ne pouvons accepter que certaines traditions culturelles véhiculent la soumission des femmes aux hommes. Cette approche, avec ses répercussions sur la sexualité, se transmet de générations en générations. L'information à la sexualité, sur la contraception et l'IVG pour les femmes issues de l'immigration et particulièrement les primo-arrivantes doit venir de l'extérieur de la communauté et son discours doit être adapté pour être entendu autant par les hommes que par les femmes.
Au-delà de l'obstacle que constitue la méconnaissance ou une maîtrise insuffisante de la langue française, le rapport au corps est appréhendé de manière différente et il est souvent délicat d'aborder ces sujets.
Les chiffres sur l'épidémie du SIDA sont accablants. Les statistiques font ressortir que les femmes venant d'Afrique subsaharienne sont particulièrement touchées par le virus.
Des campagnes destinées aux femmes issues de l'immigration ont été menées par l'Institut National de Prévention et d'Education pour la Santé, l'INPES. Elles se sont spécialement attachées à la propagation du VIH. Ne faut-il pas encore insister sur toutes les IST et mener une réflexion sur la transmission de ces infections, dont certaines sont au moins aussi graves que le SIDA et sur lesquelles pourtant l'information paraît encore insuffisante ?
Ces constats nous mènent naturellement à l'action que nous devons engager. Et je souhaite que celle-ci soit éclairée par une réflexion sur l'accès des femmes issues de l'immigration à l'information sexuelle. Qui d'autre que vous peut mener cette mission à bien ?
Pour ce qui est de l'action, je sais le travail des associations sur le terrain. Et je salue leur dévouement et leur dynamisme. Pour sous-tendre notre politique de prévention et d'information, je vous demande votre active participation.
Ma volonté est d'apporter une écoute plus personnalisée et surtout de dispenser une information toujours mieux adaptée aux femmes qui vivent, pour la plupart, dans des quartiers difficiles. Il s'agit non seulement de libérer un public féminin de tabous culturels trop lourds pour elles, mais de chercher et de trouver les voies et moyens pour que les garçons et les hommes soient, non seulement sensibilisés, mais aussi responsabilisés, dans leur approche de la sexualité.
Ces deux axes, la jeunesse et les femmes issues de l'immigration, représentent deux chantiers que je considère prioritaires dans l'information et l'éducation à la sexualité.
La jeunesse, car c'est elle qui fera le visage de la France de demain et il est essentiel que notre société fonde son avenir sur la protection de la santé et, au-delà de la sexualité, sur une vie harmonieuse entre les hommes et les femmes.
Les femmes de l'immigration, parce qu'elles vont éduquer les jeunes pour qui le pacte républicain d'une France généreuse sera le garant de leur intégration. Or, pour que l'intégration soit réussie, il faut que toutes les parties au pacte respectent leurs engagements. Que ces femmes puissent avoir accès à cette information est indispensable pour qu'elles transmettent ensuite à leurs enfants, garçons ou filles, les valeurs de l'égalité et de l'équilibre dans les relations hommes/femmes qui en découlent.
Et puis, j'aimerais qu'une place importante soit faite à l'écoute des personnes directement concernées par ces deux chantiers. On n'apprend jamais si bien qu'en étant sur le terrain. On n'agit jamais si bien qu'en répondant aux vrais besoins. Ce n'est pas moi qui vais l'apprendre aux associations que vous représentez. Je souhaite donc que la part faite au dialogue au plus près des territoires et des besoins locaux soit belle. L'analyse y gagnera en finesse et en justesse.
Je souhaite conforter le CSIS dans le rôle d'instance de réflexion, de proposition et d'évaluation dans le domaine de la sexualité et de l'information sexuelle.
Je compte réunir prochainement la commission permanente, qui aura pour mission de préciser le cadre et les modalités de l'activité des nouveaux groupes de travail.
J'ai conscience que la tâche est lourde, mais j'ai confiance dans votre capacité d'engagement et dans votre énergie au travail. Vous en avez maintes fois donné la preuve.
La mission qui vous est confiée est une mission d'importance. Elle est essentielle à l'action politique. Car c'est de la capacité de réflexion et de la force de proposition que résulte la pertinence et l'efficacité de l'action.

(source http://www.social.gouv.fr, le 10 février 2003)