Déclaration de M. Lionel Jospin, Premier ministre, sur les relations entre la France et la Chine, le développement des échanges économiques et culturels, les droits de l'homme et l'engagement de la Chine à signer le pacte des Nations Unies sur les droits économiques et sociaux, Paris le 6 avril 1998.

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Circonstance : Visite du Premier ministre de la République populaire de Chine à Paris le 6 avril 1998

Texte intégral

Monsieur le Premier Ministre, Madame,
Messieurs les ministres, Monsieur l'Ambassadeur, chers amis,
Permettez-moi de vous dire tout d'abord combien mon épouse et moi-même nous nous réjouissons de vous recevoir ce soir au Palais des Affaires Etrangères. S'y ajoute l'honneur de vous accueillir à Paris quelques semaines après votre élection au poste de Premier Ministre de la République Populaire de Chine. Soyez assuré que mes compatriotes sont particulièrement sensibles au choix que vous avez ainsi fait de vous rendre en France pour votre premier déplacement à l'étranger à titre bilatéral.
J'y vois la manifestation vivante de la relation d'amitié séculaire qui lie nos deux pays. C'est dans ce même esprit que je me réjouis de l'invitation que vous m'avez adressée de faire, à mon tour, une visite officielle en Chine à l'automne prochain. Je l'honorerai avec beaucoup de plaisir.
Vous arrivez de Londres, où vient de se clore le deuxième sommet euro-asiatique, auquel a participé le Président de la République, sommet qui a marqué une étape majeure dans l'approfondissement du dialogue entre les deux continents. C'est là un motif de grande satisfaction pour la France et la Chine qui ont contribué, de manière décisive, à le promouvoir,
Nos deux pays y ont défendu l'importance d'un monde nouveau, fondé sur la multipolarité. La construction d'une Europe moderne, solidaire et élargie et l'affirmation croissante sur la scène mondiale d'une Chine qui fonde son nouvel essor économique et social sur une plus grande ouverture au monde, ont pour corollaire un rééquilibrage des relations internationales.
Il s'agit d'une occasion historique à saisir pour bâtir, entre ces nouveaux pôles, une relation confiante et fructueuse, qui s'étende à tous les domaines, qu'il s'agisse des questions politiques, de la coopération économique évidemment, mais aussi des problèmes de société : emploi, développement, environnement, science, technologie, santé publique, culture. A l'aube du XXIème siècle, une grande aventure s'amorce et nos deux pays entendent y jouer un rôle déterminant en ouvrant la voie et en donnant l'exemple.

Monsieur le Premier Ministre,
Cette ambition commune est d'autant plus imposante que la crise financière asiatique pourrait conduire certains à s'installer dans un mouvement de repli en attendant des jours meilleurs. Je tiens à ce propos à saluer la politique sage et responsable que vous avez inspirée au cours des derniers mois pour limiter la propagation des tensions dans la région. La Chine est désormais partie prenante à la stabilité monétaire et financière internationale.
Tout au long de cette crise, l'attitude de la Chine a eu d'autant plus de poids, Monsieur le Premier Ministre, qu'elle s'appuyait sur une politique affirmée de relance des réformes. Votre gouvernement a voulu donner l'exemple et libérer l'administration de certaines pesanteurs bureaucratiques qui peuvent entraver le développement du marché et l'épanouissement de la société civile. Je salue également votre volonté de bâtir un secteur industriel public performant, de moderniser vos infrastructures, de doter la population la plus nombreuse du monde de ressources agricoles diversifiées et de logements rénovés, en favorisant l'accès à la propriété.
Pour faire de tels choix, il faut une profonde confiance dans la vitalité de la Chine, dans sa volonté de progrès et d'ouverture vers l'extérieur, dans sa capacité à évoluer. L'entretien qui a précédé ce dîner m'a permis de mesurer la force de votre engagement au service de votre pays, et votre détermination à approfondir la coopération entre nos deux états.
Dans cette perspective, le développement de nos échanges économiques reste un impératif ; ce ne sont pas les très nombreux chefs d'entreprise présents ce soir qui me démentiront. Des progrès sensibles ont été enregistrés ces dernières années. Mais il convient toutefois de passer à la vitesse supérieure. Les priorités ont été bien identifiées : aéronautique et spatial, énergie, agriculture, services financiers, transports terrestres. La compétitivité de nos entreprises, leur capacité à transférer leurs technologies dans le cadre d'un partenariat stratégique à long terme sont également bien connues de votre administration. La France, qui n'a jamais redouté la concurrence, est très désireuse de travailler avec la Chine pour l'accompagner dans son développement. Je sais que les entreprises françaises qui ont choisi de s'implanter dans votre pays y bénéficient d'une attention toujours bienveillante de la part de voue administration. Pour notre part, nous souhaitons vivement que la Chine trouve dans les meilleurs délais la place qui lui revient au sein de l'Organisation mondiale du commerce.

Monsieur le Premier Ministre,

Je tiens également à vous dire combien nous importe le développement de nos échanges culturels, qu'illustrera la semaine prochaine la venue, pour la première fois, du ballet de l'Opéra de Paris à Pékin. Je veux aussi souligner toute l'importance que nous attachons à l'enseignement du français en Chine et du chinois en France, gages de la nécessaire pluralité linguistique. J'espère que mon prochain déplacement en Chine contribuera à une relance de notre coopération dans ce domaine essentiel.
Je voudrais enfin, Monsieur le Premier Ministre, saluer l'attitude ouverte de votre gouvernement pour promouvoir l'Etat de droit en Chine. J'ai eu l'occasion il y a quelques semaines de dire devant la commission des Droits de l'Homme des Nations Unies, réunie à Genève, la place centrale que le peuple français accorde aux droits de l'homme. Cette exigence, nous nous l'appliquons d'abord à nous mêmes. C'est ainsi que mon Gouvernement s'est engagé à ratifier les textes internationaux relatifs aux droits de l'homme auxquels la France n'est pas encore partie et que nous venons de modifier notre législation sur l'accueil et le séjour des étrangers en France. Dans le monde, nous voulons avant tout convaincre. Le meilleur moyen d'y parvenir reste la coopération.
La France se réjouit donc de voir progresser le dialogue constructif qu'elle a voulu promouvoir, parmi les premiers, et qu'elle entend approfondir encore avec vous, dans le respect mutuel. La communauté internationale a pris note avec une grande satisfaction du choix de votre pays de signer et bientôt ratifier le pacte des Nations-Unies sur les droits économiques et sociaux, et cette année, je l'espère, le pacte sur les droits civils et politiques. Elle a relevé, comme je l'ai fait moi-même, et comme vous venez d'en donner la preuve encore récemment, la volonté indéniable de votre gouvernement de poursuivre dans cette voie.
Cette évocation rapide des nombreuses tâches qui nous attendent confirme, Monsieur le Premier Ministre, Madame, que notre partenariat est bien vivant et s'étend effectivement à tous les domaines. Très sensible à l'attention que vous avez marquée à l'endroit de mon pays, je vous assure, Monsieur le Premier Ministre, de l'engagement résolu du Gouvernement français dans l'ambitieuse entreprise que nous voulons mener ensemble, à la mesure de la charge que vous assumez avec courage et détermination.
Je lève mon verre à votre santé, à celle de votre épouse, Madame Lao An, aux ministres et aux membres éminents de la délégation qui vous accompagne, au succès et à la prospérité de nos deux pays. "Kan Peï ! "
(Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 12 juin 2001)