Texte intégral
Q - Que se passera-t-il si Saddam Hussein n'a pas ordonné le démantèlement des missiles Al-Samoud 2 le 1er mars comme l'exige le chef des inspecteurs, Hans Blix ?
R - L'affaire des missiles est l'exemple même d'un processus pacifique de désarmement. Dans un premier temps, les inspecteurs de l'ONU ont reçu des Iraquiens des informations sur leurs missiles. Ils ont ensuite vérifié leur portée. Aujourd'hui, c'est la troisième phase, celle de la destruction. C'est un processus clair qui témoigne de la façon dont peut fonctionner un désarmement pacifique. A travers notre mémorandum commun (avec l'Allemagne et la Russie), c'est exactement ce à quoi nous voulons arriver : la définition de délais précis, programme après programme, dans le cadre de contrôles eux aussi clairement définis. Ce faisant, nous créons un modèle qui pourrait servir au règlement pacifique d'autres crises liées à la prolifération d'armes de destruction massive, en Corée du Nord par exemple. Si nous optons dès le départ pour une solution militaire, la tentation est grande de régler les autres crises de la même façon.
Q - Et si Saddam Hussein refuse de détruire ces missiles ?
R - Notre objectif est de désarmer l'Iraq dans la paix. Nous pouvons le faire ! Si nous ne réussissons pas, nous pouvons toujours recourir à d'autres moyens, y compris à la force. Mais agir dans la précipitation ne me semble pas la bonne solution. Il y aurait alors un étrange paradoxe : une résolution qui ouvre la porte à la guerre alors que les inspections montrent des résultats.
Nous, en revanche, basons notre jugement sur les rapports fournis par les inspecteurs. Ces derniers sont "l'oeil et le bras" de la communauté internationale. Si nous voulons progresser, dans une crise aussi complexe que celle-ci, nous devons faire en sorte que la communauté internationale soit unie. La légitimité que confère le droit international est à cet égard un élément central. Nous voyons aujourd'hui que l'agenda militaire des Etats-Unis ne correspond pas à l'agenda de la communauté internationale. Tout n'a pas encore été fait afin d'éviter une guerre.
Q - La possibilité de résoudre la crise de façon multilatérale existe-t-elle encore ? La France ne risque-t-elle pas de s'isoler et d'isoler les Nations unies ?
R - Les Nations unies ne doivent pas perdre de vue leur mission. Les Nations unies, ce sont 200 pays. Nous les avons tous écoutés, la très grande majorité partage le souhait d'une solution pacifique. La question est de savoir si les Nations unies s'en tiendront à leur résolution ou si elles approuveront une décision prise par un pays désireux d'accélérer une intervention militaire. Ne serait-il pas plus grave pour l'avenir de l'ONU de donner le sentiment que son seul dessein est de donner sa bénédiction aux décisions prises par une grande puissance ? Je suis convaincu que les Nations unies continueront d'être une nécessité, quelle que soit la décision que prendront les Etats-Unis. Qui d'autre que l'ONU pourrait s'occuper de la question des réfugiés, de la gestion des ressources naturelles de l'Iraq, d'un ordre de paix durable ?
Q - Mais Saddam Hussein n'a pris les Nations unies au sérieux que lorsque les Américains et les Britanniques ont brandi la menace d'une intervention militaire.
R - Trois facteurs décisifs ont conduit Saddam Hussein à coopérer. D'abord, la profonde détermination exprimée à travers la résolution 1441. A cet égard, il est de la plus grande importance que cette résolution ait été adoptée à l'unanimité et qu'elle ait montré la forte mobilisation d'une communauté internationale unie. La présence militaire est sans aucun doute le deuxième facteur, le troisième étant l'efficacité des inspections. Le délai de trois semaines pour la présentation des rapports a fait son effet, comme on peut le voir au comportement de Bagdad.
Q - La France semble revenir sur sa position quant à la question du veto. Au sein de la majorité, les voix se font entendre de ceux qui redoutent des tensions avec les Etats-Unis.
R - La position de la France est claire et nette. C'est une question de responsabilité. La France veut préserver sa liberté d'appréciation. C'est le privilège de tous les membres permanents du Conseil de sécurité. Il n'y a pas de divergences au sein de la majorité présidentielle. La classe politique est unanime. Le sentiment d'amitié éprouvé à l'égard des Etats-Unis est fort. Mais il n'y a à nos yeux aucun lien entre la relation transatlantique et la crise iraquienne. L'enjeu de la crise iraquienne est la capacité de la communauté internationale à gérer les crises : au fond, il y va de la vision que nous avons du futur ordre mondial. Nous sommes pour un ordre mondial basé sur le droit international et pour une responsabilité collective.
Q - La France a participé aux attaques aériennes en Serbie sans qu'une résolution des Nations unies en ait donné l'autorisation explicite. N'y a-t-il pas là deux poids, deux mesures ?
R - La communauté internationale a évolué. Depuis le 11 septembre, nous ne l'avons jamais vu aussi unie que sur cette question décisive de la prolifération. C'est là qu'est le paradoxe : prendre le risque maintenant de diviser durablement la communauté internationale.
Q - L'Europe est d'ores et déjà divisée sur la question de l'Iraq. Quelles en seront les conséquences pour l'avenir de l'Union européenne ?
R - Oui. Nous avons des divergences de vues. Nous devons réfléchir sérieusement à un "code de bonne conduite" afin de ne pas nous ridiculiser au travers d'initiatives qui nous divisent.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 5 mars 2003)
R - L'affaire des missiles est l'exemple même d'un processus pacifique de désarmement. Dans un premier temps, les inspecteurs de l'ONU ont reçu des Iraquiens des informations sur leurs missiles. Ils ont ensuite vérifié leur portée. Aujourd'hui, c'est la troisième phase, celle de la destruction. C'est un processus clair qui témoigne de la façon dont peut fonctionner un désarmement pacifique. A travers notre mémorandum commun (avec l'Allemagne et la Russie), c'est exactement ce à quoi nous voulons arriver : la définition de délais précis, programme après programme, dans le cadre de contrôles eux aussi clairement définis. Ce faisant, nous créons un modèle qui pourrait servir au règlement pacifique d'autres crises liées à la prolifération d'armes de destruction massive, en Corée du Nord par exemple. Si nous optons dès le départ pour une solution militaire, la tentation est grande de régler les autres crises de la même façon.
Q - Et si Saddam Hussein refuse de détruire ces missiles ?
R - Notre objectif est de désarmer l'Iraq dans la paix. Nous pouvons le faire ! Si nous ne réussissons pas, nous pouvons toujours recourir à d'autres moyens, y compris à la force. Mais agir dans la précipitation ne me semble pas la bonne solution. Il y aurait alors un étrange paradoxe : une résolution qui ouvre la porte à la guerre alors que les inspections montrent des résultats.
Nous, en revanche, basons notre jugement sur les rapports fournis par les inspecteurs. Ces derniers sont "l'oeil et le bras" de la communauté internationale. Si nous voulons progresser, dans une crise aussi complexe que celle-ci, nous devons faire en sorte que la communauté internationale soit unie. La légitimité que confère le droit international est à cet égard un élément central. Nous voyons aujourd'hui que l'agenda militaire des Etats-Unis ne correspond pas à l'agenda de la communauté internationale. Tout n'a pas encore été fait afin d'éviter une guerre.
Q - La possibilité de résoudre la crise de façon multilatérale existe-t-elle encore ? La France ne risque-t-elle pas de s'isoler et d'isoler les Nations unies ?
R - Les Nations unies ne doivent pas perdre de vue leur mission. Les Nations unies, ce sont 200 pays. Nous les avons tous écoutés, la très grande majorité partage le souhait d'une solution pacifique. La question est de savoir si les Nations unies s'en tiendront à leur résolution ou si elles approuveront une décision prise par un pays désireux d'accélérer une intervention militaire. Ne serait-il pas plus grave pour l'avenir de l'ONU de donner le sentiment que son seul dessein est de donner sa bénédiction aux décisions prises par une grande puissance ? Je suis convaincu que les Nations unies continueront d'être une nécessité, quelle que soit la décision que prendront les Etats-Unis. Qui d'autre que l'ONU pourrait s'occuper de la question des réfugiés, de la gestion des ressources naturelles de l'Iraq, d'un ordre de paix durable ?
Q - Mais Saddam Hussein n'a pris les Nations unies au sérieux que lorsque les Américains et les Britanniques ont brandi la menace d'une intervention militaire.
R - Trois facteurs décisifs ont conduit Saddam Hussein à coopérer. D'abord, la profonde détermination exprimée à travers la résolution 1441. A cet égard, il est de la plus grande importance que cette résolution ait été adoptée à l'unanimité et qu'elle ait montré la forte mobilisation d'une communauté internationale unie. La présence militaire est sans aucun doute le deuxième facteur, le troisième étant l'efficacité des inspections. Le délai de trois semaines pour la présentation des rapports a fait son effet, comme on peut le voir au comportement de Bagdad.
Q - La France semble revenir sur sa position quant à la question du veto. Au sein de la majorité, les voix se font entendre de ceux qui redoutent des tensions avec les Etats-Unis.
R - La position de la France est claire et nette. C'est une question de responsabilité. La France veut préserver sa liberté d'appréciation. C'est le privilège de tous les membres permanents du Conseil de sécurité. Il n'y a pas de divergences au sein de la majorité présidentielle. La classe politique est unanime. Le sentiment d'amitié éprouvé à l'égard des Etats-Unis est fort. Mais il n'y a à nos yeux aucun lien entre la relation transatlantique et la crise iraquienne. L'enjeu de la crise iraquienne est la capacité de la communauté internationale à gérer les crises : au fond, il y va de la vision que nous avons du futur ordre mondial. Nous sommes pour un ordre mondial basé sur le droit international et pour une responsabilité collective.
Q - La France a participé aux attaques aériennes en Serbie sans qu'une résolution des Nations unies en ait donné l'autorisation explicite. N'y a-t-il pas là deux poids, deux mesures ?
R - La communauté internationale a évolué. Depuis le 11 septembre, nous ne l'avons jamais vu aussi unie que sur cette question décisive de la prolifération. C'est là qu'est le paradoxe : prendre le risque maintenant de diviser durablement la communauté internationale.
Q - L'Europe est d'ores et déjà divisée sur la question de l'Iraq. Quelles en seront les conséquences pour l'avenir de l'Union européenne ?
R - Oui. Nous avons des divergences de vues. Nous devons réfléchir sérieusement à un "code de bonne conduite" afin de ne pas nous ridiculiser au travers d'initiatives qui nous divisent.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 5 mars 2003)