Texte intégral
F. Laborde-. Ce matin, nous allons parler des professeurs, de l'enseignement et évidemment de ce difficile recrutement des professeurs d'ici à 2010. D'abord, une question : deux universités - Paris VI, Jussieu, et une autre, Paris VII - vont, sans doute, appeler au boycottage des relations universitaires avec les universités israéliennes. Que pensez-vous de cet appel au boycottage ? Trouvez-vous que c'est une initiative légitime, bienvenue, malvenue, compréhensive ?
- "Les universités sont autonomes, elles ont le droit d'avoir un jugement et d'exprimer un sentiment. Mais franchement, je trouve qu'il y a là une confusion des genres. La politique des Etats et les relations entre les Etats ne doivent pas entrer en collision avec une autre vocation qui est celle de la science, du savoir, de l'échange des cultures, de l'échange des étudiants. Donc, pour ma part, je trouve que cette disposition est malvenue et qu'elle est injuste. De surcroît, elle va pénaliser des universités israéliennes qui, pour la plupart, ont des positions extrêmement modérées sur la situation au Moyen-Orient. Donc, finalement, on va faire du tort à ceux qui représentent très souvent au Proche-Orient, une voie modérée, une voie de la sagesse."
Est-ce que vous pensez que les universités françaises peuvent revenir sur ces décisions ?
- "Nous verrons. Je crois qu'il y a eu beaucoup de réactions comparables à la mienne. La plupart des gens qui sont des observateurs du monde universitaire, trouvent cette position étrange, abusive pour tout dire, et choquante. Donc, il est bien possible que les esprits évoluent."
Revenons maintenant à ce rapport qui vous a été remis la semaine dernière à propos de l'évolution démographique de la population professorale. Entre 2005 et 2010, il faudra recruter 360 000 professeurs en cinq ans ! Un nombre absolument considérable ! Où va-t-on les trouver ? D'abord, allez-vous tous les recruter ?
- "D'abord, ce qu'indique ce rapport, ce sont les départs à la retraite. Il indique un chiffre global de professeurs qui aujourd'hui enseignent et qui en 2010 auront quitté la fonction parce qu'ils seront à la retraite. Cela ne veut pas dire pour autant que le système soit figé et que chaque fois que quelqu'un part à la retraite on le remplace par un nouveau recruté."
Dans l'entourage, à Bercy, du côté du ministère de l'Economie et des Finances, on dit, au fond, qu'on n'est pas obligé de remplacer les 360 000 départs à la retraite, et que si l'on remplace 1 pour 2 départs, cela fera le compte...
- "Je ne sais pas s'il faut aller si loin. En tous les cas, je ne crois pas que ce soit possible. Ce qui est certain, c'est que le Gouvernement pense, pas seulement Bercy, qu'il faut faire baisser la charge de la fonction publique , et évidemment comme l'Education nationale est le plus gros employeur, de loin, en termes de fonction publique, évidemment, on se tourne toujours vers lui. Il n'est pas possible de ne pas remplacer les professeurs qui partent à la retraite, bien entendu. Ce serait impossible et ce ne serait pas souhaitable pour les générations qui viennent. Mais certainement, des adaptation en revanche peuvent se faire. On peut, peut-être, diminuer un certain nombre d'horaires, on peut réorganiser des services, on peut faire évoluer aussi tout simplement les structures pédagogiques sur le territoire. On peut certainement bouger à la marge. Mais il faudra recruter beaucoup."
Avant de revenir à ce recrutement, pouvez-vous nous dire quelques chiffres que le public ne connaît pas forcément : combien d'heures à peu près, en moyenne, un élève passe-t-il à l'école primaire, au collège ou au lycée ?
- "Beaucoup, parce que plus on monte et plus il en fait. En gros, un élève du primaire passe 24, 25 heures à l'école, selon ce qu'il fait ; un élève du collège dépasse les 27 heures ; et au lycée, on dépasse les 30 heures très souvent. Donc, plus on monte, plus on est présents dans les établissements scolaires, alors qu'on pouvait penser que c'est peut-être l'inverse qui serait souhaitable, puisque plus l'élève devient autonome, plus il est capable de travailler par lui-même par ailleurs, plus on pourrait penser souhaitable qu'il puisse sortir de l'établissement. On pourrait peut-être imaginer une organisation de l'offre pédagogique, des enseignements, un peu différente."
Si on baissait, par exemple, le nombre d'heures de présence au lycée, on aurait évidemment besoin de moins de professeurs ?
- "Si on organisait différemment les enseignements au lycée, si on allégeait le nombre d'heures, en particulier, bien évidemment, on gagnerait en nombre d'heures d'enseignement et donc en enseignants."
Sur quelles matières pourrait-on alléger le nombre d'heures ? C'est trop tôt ?
- "Nous sommes en train de faire une hypothèse, je réponds à votre question, je ne dis pas qu'il faille que nous diminuions le nombre d'heures."
Un autre chiffre : aujourd'hui, compte tenu du nombre d'élèves, du nombre de professeurs, on a un moyenne de combien d'élèves par professeur, si l'on fait une division ?
- "Le taux d'encadrement est très bon en France puisqu'en gros, nous avons 1 professeur pour 11,8 élèves. C'est pratiquement le meilleur taux au monde."
Quand vous dites cela, vous imaginez bien que tout le monde sursaute, car 1 professeur pour 11,8 élèves, c'est un cas de figure totalement virtuel qui n'existe dans aucune école, aucun collège, nulle part en France...
- "Oui, parce que le calcul lui-même était un peu absurde. Il consiste à dire : voici combien j'ai d'élèves, voici combien j'ai de professeurs et à faire une division. Evidemment, ce n'est pas très juste, c'est beaucoup plus compliqué que cela, car cela dépend des disciplines, des matières. Il y a des matières où on est très nombreux, d'autres où on est très peu nombreux, il y a des options... Le système est extrêmement complexe et fait, qu'en fait, très souvent, dans la plupart des cas, dans la plupart des enseignements, on a des classes plus chargées que cela. Enfin, il reste que, notre taux d'encadrement est très très bon, et peut-être justement que cette observation interroge notre manière d'organiser les enseignements. Peut-être que nous pourrions les organiser de meilleure façon, de sorte de mieux utiliser la ressource de nos enseignants."
Il fut un temps, pas si lointain, où quelques chiffres plus ou moins secrets étaient sortis du ministère. On dit qu'il y avait beaucoup de professeurs, pas dans la nature, mais qui n'étaient pas en cours, pas devant les élèves, parce qu'ils allaient se former ailleurs, parce qu'ils étaient en formation professionnelle, parce qu'ils étaient en délégation syndicale. Ce chiffre tournait autour de 40 000 enseignants, chiffre, je crois, cité par C. Allègre en son temps. Vous confirmez ?
- "Un rapport sénatorial d'il y a trois ans, avait parlé d'une trentaine de milliers de professeurs. Mais il faut voir que beaucoup...
C'est énorme quand même, franchement ?
- "C'est beaucoup. Et certainement que beaucoup d'entre eux pourraient revenir devant des élèves, c'est souhaitable. Je pense qu'il faut que nous fassions en sorte que la plupart d'entre eux reviennent devant des élèves. Mais il faut rappeler aussi que, beaucoup d'entre eux rendent des services qui nous sont demandés par des associations, qui concourent à l'action culturelle, à l'action pédagogique, qui rendent aussi des services à la nation dans l'acte d'enseigner et de faire savoir. Il faut peut-être avoir un avis nuancé. Mais nous avons l'intention, L. Ferry et moi-même, de faire en sorte que beaucoup de ces professeurs reviennent dans les fonctions d'enseignant."
Revenons à ces 360 000 départs et à ces recrutements, entre 300 et 360 000. C'est forcément des jeunes qui sont dans les écoles aujourd'hui ? Il va y avoir une sorte d'appel d'air et tous les étudiants vont se précipiter ?
- "En tous les cas, ce que nous savons c'est qu'aux alentours de 2007-2008, il faudra que, un étudiant sur quatre, enfin un diplômé bac + 3 sur quatre, devienne professeur. Pour que nous puissions répondre à nos besoins."
C'est un espoir formidable pour tous ceux qui vont se présenter aux portes de l'université.
- "Oui, cela montre que le métier de l'enseignement est un métier d'avenir et qu'il faut que les étudiants y viennent, évidemment. Mais cela exige aussi que nous les mobilisions beaucoup."
Est-ce que cela suffira-t-il ? Ou bien, irez-vous peut-être chercher dans d'autres couches de la population, des gens qui veulent se réorienter professionnellement, qui ont envie de faire d'autres expériences et qui pourraient se former pour répondre à la demande ?
- "Je crois que c'est souhaitable en tout cas, et que ce sera sans doute nécessaire d'ailleurs. Je pense que c'est souhaitable parce que tous les gens formés et qui ont d'autres expériences et qui veulent concourir à l'action éducative seront les bienvenus. Nous recrutons aussi déjà, parfois, des gens venus de pays européens. Je rappelle que nous recrutons aussi des professeurs de mathématiques qui viennent du Maghreb. Nous recrutons des instituteurs de maternelle qui sont des mamans qui ont trois enfants, car nous trouvons que c'est une très bonne expérience. Nous sommes capables de diversifier le recrutement, nous savons le faire."
Donc, il va y avoir des concours qui seront ouverts presque à tous ?
- "Presque à tous... il faut avoir évidemment les diplômes qui correspondent ! En particulier bac + 3 pour rentrer dans les concours de professeurs certifiés. Mais, en effet, à part cette condition-là, tout le monde est le bienvenu, tout le monde peut concourir à l'acte éducatif."
(Source :premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 7 janvier 2003)
- "Les universités sont autonomes, elles ont le droit d'avoir un jugement et d'exprimer un sentiment. Mais franchement, je trouve qu'il y a là une confusion des genres. La politique des Etats et les relations entre les Etats ne doivent pas entrer en collision avec une autre vocation qui est celle de la science, du savoir, de l'échange des cultures, de l'échange des étudiants. Donc, pour ma part, je trouve que cette disposition est malvenue et qu'elle est injuste. De surcroît, elle va pénaliser des universités israéliennes qui, pour la plupart, ont des positions extrêmement modérées sur la situation au Moyen-Orient. Donc, finalement, on va faire du tort à ceux qui représentent très souvent au Proche-Orient, une voie modérée, une voie de la sagesse."
Est-ce que vous pensez que les universités françaises peuvent revenir sur ces décisions ?
- "Nous verrons. Je crois qu'il y a eu beaucoup de réactions comparables à la mienne. La plupart des gens qui sont des observateurs du monde universitaire, trouvent cette position étrange, abusive pour tout dire, et choquante. Donc, il est bien possible que les esprits évoluent."
Revenons maintenant à ce rapport qui vous a été remis la semaine dernière à propos de l'évolution démographique de la population professorale. Entre 2005 et 2010, il faudra recruter 360 000 professeurs en cinq ans ! Un nombre absolument considérable ! Où va-t-on les trouver ? D'abord, allez-vous tous les recruter ?
- "D'abord, ce qu'indique ce rapport, ce sont les départs à la retraite. Il indique un chiffre global de professeurs qui aujourd'hui enseignent et qui en 2010 auront quitté la fonction parce qu'ils seront à la retraite. Cela ne veut pas dire pour autant que le système soit figé et que chaque fois que quelqu'un part à la retraite on le remplace par un nouveau recruté."
Dans l'entourage, à Bercy, du côté du ministère de l'Economie et des Finances, on dit, au fond, qu'on n'est pas obligé de remplacer les 360 000 départs à la retraite, et que si l'on remplace 1 pour 2 départs, cela fera le compte...
- "Je ne sais pas s'il faut aller si loin. En tous les cas, je ne crois pas que ce soit possible. Ce qui est certain, c'est que le Gouvernement pense, pas seulement Bercy, qu'il faut faire baisser la charge de la fonction publique , et évidemment comme l'Education nationale est le plus gros employeur, de loin, en termes de fonction publique, évidemment, on se tourne toujours vers lui. Il n'est pas possible de ne pas remplacer les professeurs qui partent à la retraite, bien entendu. Ce serait impossible et ce ne serait pas souhaitable pour les générations qui viennent. Mais certainement, des adaptation en revanche peuvent se faire. On peut, peut-être, diminuer un certain nombre d'horaires, on peut réorganiser des services, on peut faire évoluer aussi tout simplement les structures pédagogiques sur le territoire. On peut certainement bouger à la marge. Mais il faudra recruter beaucoup."
Avant de revenir à ce recrutement, pouvez-vous nous dire quelques chiffres que le public ne connaît pas forcément : combien d'heures à peu près, en moyenne, un élève passe-t-il à l'école primaire, au collège ou au lycée ?
- "Beaucoup, parce que plus on monte et plus il en fait. En gros, un élève du primaire passe 24, 25 heures à l'école, selon ce qu'il fait ; un élève du collège dépasse les 27 heures ; et au lycée, on dépasse les 30 heures très souvent. Donc, plus on monte, plus on est présents dans les établissements scolaires, alors qu'on pouvait penser que c'est peut-être l'inverse qui serait souhaitable, puisque plus l'élève devient autonome, plus il est capable de travailler par lui-même par ailleurs, plus on pourrait penser souhaitable qu'il puisse sortir de l'établissement. On pourrait peut-être imaginer une organisation de l'offre pédagogique, des enseignements, un peu différente."
Si on baissait, par exemple, le nombre d'heures de présence au lycée, on aurait évidemment besoin de moins de professeurs ?
- "Si on organisait différemment les enseignements au lycée, si on allégeait le nombre d'heures, en particulier, bien évidemment, on gagnerait en nombre d'heures d'enseignement et donc en enseignants."
Sur quelles matières pourrait-on alléger le nombre d'heures ? C'est trop tôt ?
- "Nous sommes en train de faire une hypothèse, je réponds à votre question, je ne dis pas qu'il faille que nous diminuions le nombre d'heures."
Un autre chiffre : aujourd'hui, compte tenu du nombre d'élèves, du nombre de professeurs, on a un moyenne de combien d'élèves par professeur, si l'on fait une division ?
- "Le taux d'encadrement est très bon en France puisqu'en gros, nous avons 1 professeur pour 11,8 élèves. C'est pratiquement le meilleur taux au monde."
Quand vous dites cela, vous imaginez bien que tout le monde sursaute, car 1 professeur pour 11,8 élèves, c'est un cas de figure totalement virtuel qui n'existe dans aucune école, aucun collège, nulle part en France...
- "Oui, parce que le calcul lui-même était un peu absurde. Il consiste à dire : voici combien j'ai d'élèves, voici combien j'ai de professeurs et à faire une division. Evidemment, ce n'est pas très juste, c'est beaucoup plus compliqué que cela, car cela dépend des disciplines, des matières. Il y a des matières où on est très nombreux, d'autres où on est très peu nombreux, il y a des options... Le système est extrêmement complexe et fait, qu'en fait, très souvent, dans la plupart des cas, dans la plupart des enseignements, on a des classes plus chargées que cela. Enfin, il reste que, notre taux d'encadrement est très très bon, et peut-être justement que cette observation interroge notre manière d'organiser les enseignements. Peut-être que nous pourrions les organiser de meilleure façon, de sorte de mieux utiliser la ressource de nos enseignants."
Il fut un temps, pas si lointain, où quelques chiffres plus ou moins secrets étaient sortis du ministère. On dit qu'il y avait beaucoup de professeurs, pas dans la nature, mais qui n'étaient pas en cours, pas devant les élèves, parce qu'ils allaient se former ailleurs, parce qu'ils étaient en formation professionnelle, parce qu'ils étaient en délégation syndicale. Ce chiffre tournait autour de 40 000 enseignants, chiffre, je crois, cité par C. Allègre en son temps. Vous confirmez ?
- "Un rapport sénatorial d'il y a trois ans, avait parlé d'une trentaine de milliers de professeurs. Mais il faut voir que beaucoup...
C'est énorme quand même, franchement ?
- "C'est beaucoup. Et certainement que beaucoup d'entre eux pourraient revenir devant des élèves, c'est souhaitable. Je pense qu'il faut que nous fassions en sorte que la plupart d'entre eux reviennent devant des élèves. Mais il faut rappeler aussi que, beaucoup d'entre eux rendent des services qui nous sont demandés par des associations, qui concourent à l'action culturelle, à l'action pédagogique, qui rendent aussi des services à la nation dans l'acte d'enseigner et de faire savoir. Il faut peut-être avoir un avis nuancé. Mais nous avons l'intention, L. Ferry et moi-même, de faire en sorte que beaucoup de ces professeurs reviennent dans les fonctions d'enseignant."
Revenons à ces 360 000 départs et à ces recrutements, entre 300 et 360 000. C'est forcément des jeunes qui sont dans les écoles aujourd'hui ? Il va y avoir une sorte d'appel d'air et tous les étudiants vont se précipiter ?
- "En tous les cas, ce que nous savons c'est qu'aux alentours de 2007-2008, il faudra que, un étudiant sur quatre, enfin un diplômé bac + 3 sur quatre, devienne professeur. Pour que nous puissions répondre à nos besoins."
C'est un espoir formidable pour tous ceux qui vont se présenter aux portes de l'université.
- "Oui, cela montre que le métier de l'enseignement est un métier d'avenir et qu'il faut que les étudiants y viennent, évidemment. Mais cela exige aussi que nous les mobilisions beaucoup."
Est-ce que cela suffira-t-il ? Ou bien, irez-vous peut-être chercher dans d'autres couches de la population, des gens qui veulent se réorienter professionnellement, qui ont envie de faire d'autres expériences et qui pourraient se former pour répondre à la demande ?
- "Je crois que c'est souhaitable en tout cas, et que ce sera sans doute nécessaire d'ailleurs. Je pense que c'est souhaitable parce que tous les gens formés et qui ont d'autres expériences et qui veulent concourir à l'action éducative seront les bienvenus. Nous recrutons aussi déjà, parfois, des gens venus de pays européens. Je rappelle que nous recrutons aussi des professeurs de mathématiques qui viennent du Maghreb. Nous recrutons des instituteurs de maternelle qui sont des mamans qui ont trois enfants, car nous trouvons que c'est une très bonne expérience. Nous sommes capables de diversifier le recrutement, nous savons le faire."
Donc, il va y avoir des concours qui seront ouverts presque à tous ?
- "Presque à tous... il faut avoir évidemment les diplômes qui correspondent ! En particulier bac + 3 pour rentrer dans les concours de professeurs certifiés. Mais, en effet, à part cette condition-là, tout le monde est le bienvenu, tout le monde peut concourir à l'acte éducatif."
(Source :premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 7 janvier 2003)