Déclaration de M. François Fillon, ministre des afafires sociales, du travail et de la solidarité, sur la réforme des retraites, notamment le calendrier des négociations, la mise en place de la concertation avec les partenaires sociaux et les objectifs de la réforme, Paris le 27 février 2003.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Point de presse sur la réforme des retraites à Paris le 27 février 2003

Texte intégral


Mesdames,
Messieurs,
Je vous remercie d'être venus, nombreux, à ce point presse destiné à vous faire part de notre bilan et de nos analyses quant aux premières discussions sur la réforme des retraites avec les partenaires sociaux réunis au sein de la Commission nationale de la négociation collective.
Nous souhaitons en effet, Jean-Paul DELEVOYE et moi-même, rythmer à chaque fois que nécessaire cette réforme par une explication claire de son déroulé.
Il est en effet important que nos concitoyens soient informés de manière régulière sur une réforme qui les concerne directement. Nous estimons qu'il convient constamment de faire preuve de pédagogie et de transparence sur ce sujet. La méthode que je poursuis depuis le début de mon arrivée dans ce Ministère, une méthode nouvelle, est fondée sur ce souci permanent d'explication.
Ceux d'entre vous qui pensent aujourd'hui repartir de la rue de Grenelle avec le contenu tout ficelé de la réforme seront déçus.
Rien n'est encore tranché et rien ne le sera avant que ne s'achève l'intense discussion engagée avec les partenaires sociaux, discussion dont l'essentiel dépendra.
Le Gouvernement restera fidèle à sa méthode et au respect scrupuleux du calendrier qui ont été conçus dés l'origine pour suivre trois étapes : le débat, la concertation et la décision.
Le temps du débat a été ponctué par l'intervention du Premier ministre, le 3 février dernier, devant le Conseil économique et social.
Nous avons souhaité, M. Jean-Paul DELEVOYE et moi-même, intervenir dès le lendemain devant la commission des Affaires sociales de l'Assemblée nationale puis au Sénat, afin que le Parlement soit associé, en amont, à cette phase de débat.
Des rencontres avec les Conseils économiques et sociaux régionaux ont été organisées et continuent de se dérouler. Le sens de cette démarche est de donner largement la parole à des personnalités de tous horizons, et d'éviter un monopole parisien sur le débat.
Nous avons reçu, au mois de janvier et de février, l'ensemble des forces politiques représentées au Parlement, puis les organisations représentées au sein de la Commission nationale de la négociation collective, puis d'autres encore dont le rôle est important dans ce débat.
Je qualifierai ces discussions de sereines et consistantes. Chacun a présenté son point de vue de manière ouverte et dans l'ensemble constructive.
A ce stade, le bilan que nous en tirons est positif parce que nous avons enregistré des points de convergence importants mais aussi mieux caractérisé les difficultés à surmonter.
C'est le propre d'un bon démarrage du dialogue.
Cela ne veut pas dire que le Gouvernement ait arrêté son dispositif avant qu'il ait tiré les conclusions de la concertation et du dialogue.
Cette première phase du débat n'en est pas moins intéressante.
Le premier point de convergence, essentiel à mes yeux, est que chacun s'accorde sur la nécessité urgente d'une réforme pour sauvegarder notre système de retraite par répartition. Cela n'était pas forcément le cas il y a quelques mois.
Il y a bien un consensus sur l'objectif majeur de la réforme en faveur de la répartition.
Au-delà de ce préalable fondamental, nous avons pu progresser sur cinq points de convergence :
premièrement, chacun s'accorde sur la nécessité d'aborder la difficile question de la pénibilité et la grande majorité de nos interlocuteurs ont souhaité qu'elle soit traitée dans le cadre d'une négociation de branche. Nous savons d'ores et déjà que la loi devra renvoyer à cette négociation par branche. Nous retrouvons ici l'importance du dialogue social dans toutes ses dimensions ;
deuxièmement, l'urgence de prendre à bras le corps la question du travail des salariés de plus de 50 ans est admise par tous. Cela paraît évident aujourd'hui mais la prise de conscience est récente. La loi devra donc prévoir la mise en place d'un plan pour la remontée du taux d'activité des seniors et la reconnaissance de leur apport au monde du travail ;
troisièmement, l'idée d'une réforme continue et progressive a été majoritairement bien perçue, à la fois par les organisations syndicales et patronales. Personne n'évoque un " big bang " ou un " grand soir " des retraites, tout le monde s'accorde sur la nécessité de prévoir d'autres rendez-vous pour gérer en continu l'avenir de la répartition ;
quatrièmement, la nécessité de donner davantage de transparence aux mécanismes régissant les transferts de compensation démographique entre les différents régimes est mise en avant par tout le monde.
Cinquièmement, les retraites et pensions actuellement liquidées ne seront pas en cause.
Nous estimons en outre que la déclaration intersyndicale du 6 janvier dernier présente des aspects positifs. Je note que les organisations syndicales n'ont pas souhaité dans ce texte ignorer la réalité des régimes et plaider pour une remise en cause sans contrepartie de l'ensemble de la réforme Balladur.
Je me permets de vous faire remarquer que les principes énoncés par cette déclaration ont été repris, pour une large part, par le Premier ministre lui-même dans son intervention devant le CES du 3 février 2003.
Bien évidemment, il y a des différences d'approche entre les partenaires sociaux, et des positions contradictoires avec la volonté de réforme du Gouvernement. C'est tout l'objet de nos discussions que de les mettre sur la table pour les clarifier.
Première difficulté : beaucoup formulent le souhait que la réforme comprenne un certain nombre de mesures pour améliorer tel ou tel dispositif. Effectivement, notre système de retraite est source d'insatisfactions importantes. Beaucoup de retraités estiment que leur pension est insuffisante. Beaucoup de salariés souhaiteraient partir plus tôt à la retraite, pour des raisons d'ailleurs différentes.
Il y a certainement des améliorations à étudier avec attention.
Mais lorsque nous faisons l'addition de ces demandes, force est de constater qu'elles ne font qu'accroître le montant de l'impasse financière à l'horizon 2020, alors que l'objectif de la réforme est précisément de sauver la répartition en trouvant des solutions au déséquilibre financier.
Je pourrais citer l'exemple du départ avant 60 ans des salariés disposant de 40 années de cotisations, qui -sans autre condition- aggrave dès 2004 le besoin de financement de 13,6 milliards d'euros par an. Le gouvernement est prêt à rechercher un compromis raisonnable sur ce point avec les partenaires sociaux pour tenir compte des carrières exceptionnellement longues.
Sur aucun point, le gouvernement n'est fermé a priori. Mais il est de son devoir de rappeler que les améliorations qui se justifieraient ici ou là devront nécessairement être compensées par des efforts. Nous devons en permanence garder à l'esprit notre objectif : sauver le système par répartition.
Seconde difficulté : il y a une certaine tendance à mettre l'accent sur un seul des paramètres, à savoir le taux de cotisations : or, l'enjeu de la réforme est bien de ne pas laisser aux actifs de demain une charge trop lourde. Si nous leur laissons une charge trop importante, ils seraient en situation de remettre en cause le contrat entre les générations. Ce seraient précisément les retraites de ceux qui ont refusé de réformer le système qui seraient remises en cause. On ne peut pas armer de cette façon un conflit entre générations et ignorer la nécessité d'une vraie solidarité.
Il faut rappeler que de tous les pays européens, la France est celui où le poids des cotisations sociales est déjà le plus élevé. Nous devons d'autant plus veiller à ne pas " charger la barque " en particulier au moment où la conjoncture économique est difficile.
Troisième difficulté : beaucoup d'interlocuteurs sont tentés par le recours pour résoudre l'impasse financière, à l'élargissement de l'assiette du financement : profits financiers des entreprises, valeur ajoutée, cotisation sur la consommation...
Sur ce point, je souhaite faire trois remarques.
La première est que la réforme Balladur, et la création du Fonds de solidarité vieillesse, a déjà opéré une distinction entre les avantages contributifs et les avantages non contributifs, qui sont aujourd'hui financés par une fraction de CSG.
La seconde, c'est que la répartition est par nature un système contributif. La retraite doit principalement être liée au salaire. S'il peut exister un débat -légitime- sur le financement de notre protection sociale, en matière de retraite, l'assiette salariale me paraît devoir être à la base du système.
La troisième, c'est que tout prélèvement doit être évalué par référence à un contexte économique et social d'ensemble. La solution du prélèvement est donc à mon sens une solution de dernier rang. En définitive, je préférerais à ce stade ne pas la privilégier.
La poursuite du dialogue devra tenter de résoudre ces contradictions. Après cette première phase, nous entrons en effet dans le temps de la concertation - certains préfèrent dire négociations ; je ne m'attarderai pas sur cette querelle de mots - Nous allons travailler ensemble pour rapprocher les points de vue et trouver les compromis indispensables, voilà l'essentiel !
Le temps de la concertation, c'est le mois de mars.
Le groupe confédéral que j'avais annoncé tient sa première réunion vendredi 28 février, c'est-à-dire demain.
Ce groupe rassemble des " spécialistes " du sujet retraites des confédérations. Il est co-présidé par nos deux directeurs de cabinet et se réunira sur une base au moins hebdomadaire.
Le groupe confédéral a deux objectifs :
- discuter de la méthode et définir les sujets nécessitant des approfondissements techniques, pouvant faire l'objet de groupes spécifiques qui se réuniront parallèlement au groupe confédéral ;
- discuter des principes communs de la réforme, s'appliquant à tous les régimes.
Une composition élargie est prévue, afin d'associer l'UNSA, la FSU et, de manière générale, les organisations représentées au Conseil d'orientation des retraites (FNSEA, UNAF, ...).
Le Gouvernement a réfléchi à un certain nombre de sujets pouvant faire l'objet d'un approfondissement ; mais il entend que la liste soit ouverte : il ne souhaite pas imposer cette liste aux partenaires sociaux.
J'attire votre attention sur le fait que les travaux de ce groupe reposent sur une certaine confidentialité. Il y va de l'efficacité de nos travaux.
C'est donc une phase particulièrement intense de discussions entre les partenaires sociaux et le gouvernement qui est ouverte dés demain. Le groupe confédéral et les sous-groupes techniques vont travailler d'arrache pied tout au long du mois de mars.
Puis viendra le troisième temps de notre calendrier, ce sera le mois d'avril.
Les propositions qui seront sur la table feront l'objet d'une concertation avec l'ensemble des organisations politiques, des organisations syndicales et patronales.
Nous serons ensuite en mesure d'adopter un projet de loi dans le courant du mois de mai, afin qu'il soit discuté en juin par le Parlement. L'engagement de mener à bien cette réforme avant le début de l'été sera ainsi tenu.
Evidemment, j'entends ici ou là que ce calendrier suscite des critiques et des commentaires ironiques.
Pour certains, il serait trop court. Mais ce serait oublier l'urgence de prendre des décisions, et oublier que l'on débat de la question des retraites en France depuis maintenant plus de dix ans.
Pour d'autres, il serait trop long. Mais ce serait vite oublier que ce Gouvernement a placé le dialogue social au cur de son action.
Ni trop long, ni trop court : je pense depuis le début que notre calendrier est tout simplement le bon.
Avant de répondre à vos questions, je vous propose dès aujourd'hui de nous revoir à l'occasion d'un nouveau point presse début avril.
Je vous remercie.


(Source http://www.social.gouv.fr, le 10 mars 2003)