Texte intégral
Q - Pour la première fois l'Algérie est présente. Ce pays n'avait jamais participé auparavant à un sommet franco-africain. Est-ce que c'est un changement de politique ?
R - Nous sommes très heureux que l'Algérie soit des nôtres cette fois-ci. Cela a été d'ailleurs très bien perçu par l'ensemble des ministres présents pour cette conférence ministérielle qui a lieu, vous le savez, régulièrement entre les conférences au sommet France-Afrique en tant que telles. D'autre part, l'Algérie, il faut le rappeler, est là en tant que présidente en exercice de l'OUA. Elle est donc là à un double titre : Algérie et présidente, et cela a permis à M. Ahmed Attaf d'intervenir et de dire des choses tout à fait intéressantes et utiles sur le rôle de l'OUA dans la prévention et le traitement des crises.
Q - Est-ce que cela veut dire aussi qu'il y a un petit changement de la politique d'Alger ?
R - Je constate comme vous qu'ils sont là et que c'est une première, sans doute à l'occasion de cette présidence de l'OUA.
Q - La Libye et le Soudan n'avaient pas été conviés au dernier sommet, mais cette fois-ci ils sont là. Pourquoi cette fois-ci ?
R - L'évolution de la situation de ces pays au regard de la communauté internationale, notamment à travers les positions du Conseil de sécurité, a permis de les inviter, tout simplement. Et donc, nous les avons invités et, là encore, cela correspondait à un souhait général, encore fallait-il que les conditions soient réunies. Tout ce qui permet à cette rencontre France-Afrique d'être complète est une bonne chose, parce que nous pouvons travailler plus utilement.
Q - Cela veut donc dire qu'en Libye et au Soudan quelque chose a changé ?
R - Oui, quelque chose. Je ne dit pas tout, mais il y a eu des changements dont ont pris acte notamment les membres du Conseil de sécurité, à propos de la Libye, puisque les sanctions ont finalement été suspendues. C'est donc parce qu'il y a eu un élément nouveau que nous en avons tiré les conséquences.
Q - Depuis le dernier sommet franco-africain, on constate que les conflits en Afrique se poursuivent à part la Sierra Leone, et rien encore n'a été réglé. Comment expliquez-vous que rien n'ait pu être fait jusqu'à maintenant ?
R - On ne peut pas du tout dire que rien n'a été fait. On peut constater que, malheureusement, en dépit des efforts multiples et de nombreux sommets, dont les sommets Afrique-France, il y a de nombreux conflits qui perdurent. Mais je ne crois pas que personne n'ait jamais imaginé qu'avec un seul sommet les conflits allaient s'arrêter en Afrique. On sait très bien que les conflits en Afrique ont des causes multiples, malheureusement profondes et enracinées, qui tiennent à l'économie, au sous-développement, aux structures politiques, au manque de démocratie, aux structures ethniques, qui tiennent à beaucoup de facteurs.
Tous ceux qui ne se désintéressent pas de l'Afrique et qui refusent de baisser les bras, tous ceux qui refusent le fatalisme, et la France est en tête de ceux qui continuent à se sentir très engagés par rapport à l'Afrique, recherchent inlassablement des solutions. Les rencontres France-Afrique sont une des grandes occasions, et c'est pour cela que lors de la dernière conférence au sommet, mais encore aujourd'hui dans la réunion ministérielle, nous travaillons en priorité sur les questions de la sécurité. Sur toute la gamme : prévention des conflits, traitement des conflits, l'après-conflit, rôle de l'OUA, organisations régionales, comme la CDAO, comme l'IGAD, comme la SADEC. Nous travaillons aussi sur les initiatives thème par thème, comme par exemple ce qui a été fait contre les mines antipersonnel - ça, c'est une initiative mondiale, mais cela s'applique malheureusement, terriblement, à l'Afrique - les initiatives contre les armes de petit calibre. Donc, il faut faire le maximum de choses pour essayer d'éviter que ces conflits naissent. Malheureusement, lorsqu'ils se produisent, il faut alors essayer de les contenir, de les conduire à des solutions et, quand il y a des solutions, essayer de les stabiliser. C'est tout l'effort que nous faisons. Et la contribution de la France à la recherche de ces différentes solutions est, je crois, très largement saluée.
La question principale aujourd'hui, c'est celle de l'Afrique des Grands Lacs, naturellement. Donc, c'est ce grand conflit qui implique à des degrés divers cinq, six, sept pays, qui tourne autour de la République démocratique du Congo, mais qui touche également d'autres pays. Là-dessus, nous travaillons sur la base de l'accord de Lusaka.
Q - Justement, est-ce que cet accord n'est pas dépassé aujourd'hui ? Est-ce qu'il n'y a pas d'autres initiatives en vue ?
R - Dépassé par quoi ? Ce que l'on peut dire, c'est qu'il n'est pas encore appliqué, c'est-à-dire qu'il a été signé par certains mais pas par tous, certains qui ont signé ne semblent pas vouloir l'appliquer complètement. Mais c'est un début, il faut bien avoir quelque chose sur quoi s'appuyer. Le fait que les protagonistes aient signé cet accord de Lusaka montre qu'eux-mêmes voient bien qu'ils ne peuvent pas éternellement rester sur un terrain purement militaire, purement guerrier, et qu'il y a une lassitude des populations, des combattants, qu'il y a un épuisement financier et qu'aucun d'entre eux ne l'emportera clairement sur ce plan.
D'autres pays du monde, d'autres régions du monde ont fait ce type d'expérience et sont arrivés à ce type de constat, mais il faut aller plus loin : il ne faut pas simplement essayer de contenir le conflit, il faut essayer de traiter les causes du conflit. Ce qui voudrait dire que tous les pays concernés doivent, et devront à un moment donné, s'engager à retirer leurs troupes de pays voisins, quand il y en a, à contrôler les mouvements à leurs frontières, à ne pas abriter chez eux des guérillas qui ne sont là que pour déstabiliser le voisin et qui sont entretenues parce que cela permet ainsi de contrebalancer d'autres offensives. C'est tout cet engrenage qu'il faut démonter en réalité. Cela suppose des Etats qui aient des compétences, qui soient capables d'exercer leur autorité sur l'ensemble de leur territoire. Et l'Afrique a un grand besoin d'Etats qui soient de vrais Etats, qui soient des Etats de droit, des Etats démocratiques, des Etats modernes, sinon les accords qui sont signés entre des chefs politiques changeants ou des chefs de bandes armées ne sont jamais appliqués.
Alors nous partons de la situation telle qu'elle est et nous essayons - avec un mélange d'esprit concret et en même temps une vraie vision de l'avenir - de surmonter ces tragédies. Et l'accord de Lusaka, jusqu'à nouvel ordre, il n'y a pas de meilleur point d'appui. Il faut simplement lui donner un contenu, lui donner une vraie densité. Il faut combiner les pressions sur tous les acteurs. Il faut avoir une action régionale, il faut avoir une action de toute l'Afrique, il faut avoir une action des Nations unies. Nous avons évidemment soutenu la résolution qui a été votée dans ce cadre que nous avons mis à la disposition des observateurs, c'est un début. Nous contribuons financièrement à la mise en place de la commission militaire, dans l'esprit du cessez-le-feu.
Donc, nous faisons tout ce que nous pouvons, mais cela ne suffit pas. Il faut continuer et les participants à cette réunion étaient d'accord pour reconnaître que c'est leur problème numéro un.
Q - Pour terminer : la Côte d'Ivoire. La France est-elle inquiète ?
R - Par rapport aux élections présidentielles futures, nous avons à observer une stricte neutralité. C'est une affaire ivoirienne. En ce qui concerne les relations inter-ethniques ou les tensions sociales, mais qui ont également une dimension de ce type, nous sommes inquiets. nous sommes préoccupés. Et nous attendons des autorités ivoiriennes, mais aussi d'autres pays - puisque ces problèmes sont souvent liés et se limitent rarement à un seul pays - de vraies mesures d'apaisement, qui permettraient de dissiper l'inquiétude que commencent à ressentir les amis de la Côte d'Ivoire et les amis de l'Afrique de l'Ouest, de faire en sorte qu'il n'y ait pas d'engrenage, et qu'aussi bien sur le terrain des relations sociales qu'en ce qui concerne la préparations des échéances politiques électorales, les choses se passent bien./.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 09 décembre 1999)
R - Nous sommes très heureux que l'Algérie soit des nôtres cette fois-ci. Cela a été d'ailleurs très bien perçu par l'ensemble des ministres présents pour cette conférence ministérielle qui a lieu, vous le savez, régulièrement entre les conférences au sommet France-Afrique en tant que telles. D'autre part, l'Algérie, il faut le rappeler, est là en tant que présidente en exercice de l'OUA. Elle est donc là à un double titre : Algérie et présidente, et cela a permis à M. Ahmed Attaf d'intervenir et de dire des choses tout à fait intéressantes et utiles sur le rôle de l'OUA dans la prévention et le traitement des crises.
Q - Est-ce que cela veut dire aussi qu'il y a un petit changement de la politique d'Alger ?
R - Je constate comme vous qu'ils sont là et que c'est une première, sans doute à l'occasion de cette présidence de l'OUA.
Q - La Libye et le Soudan n'avaient pas été conviés au dernier sommet, mais cette fois-ci ils sont là. Pourquoi cette fois-ci ?
R - L'évolution de la situation de ces pays au regard de la communauté internationale, notamment à travers les positions du Conseil de sécurité, a permis de les inviter, tout simplement. Et donc, nous les avons invités et, là encore, cela correspondait à un souhait général, encore fallait-il que les conditions soient réunies. Tout ce qui permet à cette rencontre France-Afrique d'être complète est une bonne chose, parce que nous pouvons travailler plus utilement.
Q - Cela veut donc dire qu'en Libye et au Soudan quelque chose a changé ?
R - Oui, quelque chose. Je ne dit pas tout, mais il y a eu des changements dont ont pris acte notamment les membres du Conseil de sécurité, à propos de la Libye, puisque les sanctions ont finalement été suspendues. C'est donc parce qu'il y a eu un élément nouveau que nous en avons tiré les conséquences.
Q - Depuis le dernier sommet franco-africain, on constate que les conflits en Afrique se poursuivent à part la Sierra Leone, et rien encore n'a été réglé. Comment expliquez-vous que rien n'ait pu être fait jusqu'à maintenant ?
R - On ne peut pas du tout dire que rien n'a été fait. On peut constater que, malheureusement, en dépit des efforts multiples et de nombreux sommets, dont les sommets Afrique-France, il y a de nombreux conflits qui perdurent. Mais je ne crois pas que personne n'ait jamais imaginé qu'avec un seul sommet les conflits allaient s'arrêter en Afrique. On sait très bien que les conflits en Afrique ont des causes multiples, malheureusement profondes et enracinées, qui tiennent à l'économie, au sous-développement, aux structures politiques, au manque de démocratie, aux structures ethniques, qui tiennent à beaucoup de facteurs.
Tous ceux qui ne se désintéressent pas de l'Afrique et qui refusent de baisser les bras, tous ceux qui refusent le fatalisme, et la France est en tête de ceux qui continuent à se sentir très engagés par rapport à l'Afrique, recherchent inlassablement des solutions. Les rencontres France-Afrique sont une des grandes occasions, et c'est pour cela que lors de la dernière conférence au sommet, mais encore aujourd'hui dans la réunion ministérielle, nous travaillons en priorité sur les questions de la sécurité. Sur toute la gamme : prévention des conflits, traitement des conflits, l'après-conflit, rôle de l'OUA, organisations régionales, comme la CDAO, comme l'IGAD, comme la SADEC. Nous travaillons aussi sur les initiatives thème par thème, comme par exemple ce qui a été fait contre les mines antipersonnel - ça, c'est une initiative mondiale, mais cela s'applique malheureusement, terriblement, à l'Afrique - les initiatives contre les armes de petit calibre. Donc, il faut faire le maximum de choses pour essayer d'éviter que ces conflits naissent. Malheureusement, lorsqu'ils se produisent, il faut alors essayer de les contenir, de les conduire à des solutions et, quand il y a des solutions, essayer de les stabiliser. C'est tout l'effort que nous faisons. Et la contribution de la France à la recherche de ces différentes solutions est, je crois, très largement saluée.
La question principale aujourd'hui, c'est celle de l'Afrique des Grands Lacs, naturellement. Donc, c'est ce grand conflit qui implique à des degrés divers cinq, six, sept pays, qui tourne autour de la République démocratique du Congo, mais qui touche également d'autres pays. Là-dessus, nous travaillons sur la base de l'accord de Lusaka.
Q - Justement, est-ce que cet accord n'est pas dépassé aujourd'hui ? Est-ce qu'il n'y a pas d'autres initiatives en vue ?
R - Dépassé par quoi ? Ce que l'on peut dire, c'est qu'il n'est pas encore appliqué, c'est-à-dire qu'il a été signé par certains mais pas par tous, certains qui ont signé ne semblent pas vouloir l'appliquer complètement. Mais c'est un début, il faut bien avoir quelque chose sur quoi s'appuyer. Le fait que les protagonistes aient signé cet accord de Lusaka montre qu'eux-mêmes voient bien qu'ils ne peuvent pas éternellement rester sur un terrain purement militaire, purement guerrier, et qu'il y a une lassitude des populations, des combattants, qu'il y a un épuisement financier et qu'aucun d'entre eux ne l'emportera clairement sur ce plan.
D'autres pays du monde, d'autres régions du monde ont fait ce type d'expérience et sont arrivés à ce type de constat, mais il faut aller plus loin : il ne faut pas simplement essayer de contenir le conflit, il faut essayer de traiter les causes du conflit. Ce qui voudrait dire que tous les pays concernés doivent, et devront à un moment donné, s'engager à retirer leurs troupes de pays voisins, quand il y en a, à contrôler les mouvements à leurs frontières, à ne pas abriter chez eux des guérillas qui ne sont là que pour déstabiliser le voisin et qui sont entretenues parce que cela permet ainsi de contrebalancer d'autres offensives. C'est tout cet engrenage qu'il faut démonter en réalité. Cela suppose des Etats qui aient des compétences, qui soient capables d'exercer leur autorité sur l'ensemble de leur territoire. Et l'Afrique a un grand besoin d'Etats qui soient de vrais Etats, qui soient des Etats de droit, des Etats démocratiques, des Etats modernes, sinon les accords qui sont signés entre des chefs politiques changeants ou des chefs de bandes armées ne sont jamais appliqués.
Alors nous partons de la situation telle qu'elle est et nous essayons - avec un mélange d'esprit concret et en même temps une vraie vision de l'avenir - de surmonter ces tragédies. Et l'accord de Lusaka, jusqu'à nouvel ordre, il n'y a pas de meilleur point d'appui. Il faut simplement lui donner un contenu, lui donner une vraie densité. Il faut combiner les pressions sur tous les acteurs. Il faut avoir une action régionale, il faut avoir une action de toute l'Afrique, il faut avoir une action des Nations unies. Nous avons évidemment soutenu la résolution qui a été votée dans ce cadre que nous avons mis à la disposition des observateurs, c'est un début. Nous contribuons financièrement à la mise en place de la commission militaire, dans l'esprit du cessez-le-feu.
Donc, nous faisons tout ce que nous pouvons, mais cela ne suffit pas. Il faut continuer et les participants à cette réunion étaient d'accord pour reconnaître que c'est leur problème numéro un.
Q - Pour terminer : la Côte d'Ivoire. La France est-elle inquiète ?
R - Par rapport aux élections présidentielles futures, nous avons à observer une stricte neutralité. C'est une affaire ivoirienne. En ce qui concerne les relations inter-ethniques ou les tensions sociales, mais qui ont également une dimension de ce type, nous sommes inquiets. nous sommes préoccupés. Et nous attendons des autorités ivoiriennes, mais aussi d'autres pays - puisque ces problèmes sont souvent liés et se limitent rarement à un seul pays - de vraies mesures d'apaisement, qui permettraient de dissiper l'inquiétude que commencent à ressentir les amis de la Côte d'Ivoire et les amis de l'Afrique de l'Ouest, de faire en sorte qu'il n'y ait pas d'engrenage, et qu'aussi bien sur le terrain des relations sociales qu'en ce qui concerne la préparations des échéances politiques électorales, les choses se passent bien./.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 09 décembre 1999)