Déclaration de M. Bruno Mégret, président du Mouvement national républicain, sur l'avenir de son mouvement face aux mauvais résultats électoraux, sur ce qui le différencie du FN et de la droite, Paris le 17 novembre 2002.

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Circonstance : Conseil national du Mouvement national républicain à Paris le 17 novembre 2002

Texte intégral

Chers amis,

Nous voici réunis pour un Conseil national historique. Historique parce qu'il pourrait s'agir du dernier Conseil de notre jeune mouvement. Historique parce qu'il peut au contraire être l'occasion d'un nouveau départ. Oh, non pas un départ en fanfare. Non, mais simplement un refus de la fatalité, un refus de l'abandon, de la soumission et du désespoir.
Car la situation est grave. Nous avons subi une série de revers, de défaites, de coups bas qui pourraient, c'est vrai, nous être fatals. Le résultat décevant de la présidentielle, les scores catastrophiques des législatives, la lamentable affaire Brunerie, la perte de Vitrolles et le rejet de notre compte de campagne présidentielle, le tout égrené de démissions et de défections, ça fait beaucoup ! Beaucoup pour un mouvement, jeune comme le nôtre, qui n'avait pas encore réussi à prendre son envol.
Et nous sommes-là, au lendemain de cette tourmente, que dis-je, nous sommes-là, comme une armée qui vient de perdre une série de batailles. Il y a eu des morts, des blessés, les unités sont désorganisées, les communications perturbées, les cadres désorientés et le moral au plus bas.
Et bien, face à cette situation terrible, je voulais vous faire part de mes sentiments. Je suis toujours aux commandes, je n'ai pas baissé les bras. Avec les membres du futur Bureau national, nous sommes là pour faire face, pour assumer nos responsabilités. Et moi, j'assume les miennes. J'assume en tant que président la totalité de ce que nous avons accompli, en bien ou en mal. Oh, je suis comme la plupart d'entre vous, je subis tout cela comme un homme de chair et de sang, avec ses doutes, ses interrogations, ses moments de découragement, et aussi avec la peine, la tristesse et la colère, mais aussi avec la volonté de ne pas en rester là, de prendre sa revanche sur le destin. J'assume mes responsabilités et je suis en première ligne des coups que nous recevons. Ceux qui viennent de l'extérieur, les coups qui sont portés contre nous par un système qui veut nous abattre et, disons-le, par un système qui me vise tout particulièrement et qui veut me faire plier. Mais je fais face aussi aux coups qui nous viennent de l'intérieur. Ceux qui, proches de moi, m'ont abandonné sans crier gare, parfois même avec une petite phrase assassine, ceux qui, dans mon dos, me considèrent comme la cause de nos échecs, ou pire, m'accusent de trahison ou que sais-je encore.
Mais tout cela, c'est bien connu, c'est dans l'ordre des choses, tout cela c'est dans la nature humaine et ne doit pas nous surprendre.
Non, ce qui me peine le plus, au-delà des coups de nos adversaires, au-delà des abandons et des déceptions amicales, ce qui me bouleverse le plus, c'est de voir l'écrasante majorité des membres de notre mouvement restés fidèles dans la tempête et se trouver privés des succès auxquels ils avaient légitimement droit.
Quand je regarde en arrière et que je contemple les trois années écoulées, les mois et les mois de batailles quasi ininterrompues, ce qui me frappe, c'est la masse impressionnante de dévouement, de sacrifices, d'efforts, de générosité qui ont été dépensés par nos militants. Jamais, je crois, dans le monde d'aujourd'hui, dans notre pays égoïste et matérialiste de ce début de siècle, on n'aura autant donné, on se sera autant dépensé pour une cause collective. Et je suis bouleversé de voir combien cette somme d'énergie désintéressée s'est brisée sur les murs des citadelles ennemies et combien le dévouement et les sacrifices de nos militants n'ont pas été récompensés par les succès qu'ils méritaient.
Chers amis, nous faisons l'amère expérience de ce que la politique n'est pas la justice, de ce qu'elle n'est pas comme un examen. Il ne suffit pas d'être bon pour réussir et les méchants peuvent gagner.
Et bien, de tout cela je voulais vous féliciter, vous remercier. De tout cela, je voulais que vous félicitiez et que vous remerciiez les militants qui vous ont entourés pendant tous ces mois.
Dîtes leur bien que leur geste, leur engagement, même s'il n'a pas à ce jour débouché, demeure malgré tout une réalité féconde. Car elle est le signe que notre pays n'est pas encore mort, elle est comme une démonstration que nous nous sommes fait à nous-mêmes que le peuple français est encore vivant, qu'il est encore capable de grands gestes, qu'il est encore en mesure de susciter en son sein des mouvements généreux et désintéressés.
Alors, cela dit, chers amis, nous voici à la croisée des chemins. Ou nous arrêtons tout, ou nous continuons en adaptant, bien sûr, notre action à la situation que nous connaissons aujourd'hui. Ou nous rentrons chez nous, ou nous continuons le combat. Ou nous reconnaissons avoir définitivement perdu la guerre, ou nous considérons que la défaite n'est pas définitive.
Oh je reconnais qu'il est tentant de poser le sac, mais pour ma part, je le dis, il n'en est pas question. Moi, j'ai consacré ma vie à ce combat pour mes idées, pour notre peuple et notre civilisation et j'ai renoncé à faire carrière. Je ne vais donc pas aujourd'hui changer d'orientation, tout simplement parce que je ne vois pas de raison d'arrêter. Je ne vois que des raisons de poursuivre.
D'abord, et c'est une question d'honneur, je me sens lié par un engagement indéfectible à l'égard de tous ceux qui se sont engagés à mes côtés et qui nous restent fidèles. Et j'entends bien honorer cet engagement, j'entends bien que notre mouvement honore ses engagements. Ses engagements politiques, mais aussi ses engagements financiers. Beaucoup de nos amis nous ont prêté de l'argent, je veux qu'ils soient remboursés, sans doute pas dans les délais initialement prévus, mais qu'ils le soient coûte que coûte. Et puis, surtout, tenir nos engagements politiques car ils sont nombreux, je le sais, à vouloir continuer à se battre. A la base, ils sont plus nombreux qu'on le croit à ne pas baisser les bras. Et ceux-là, il est hors de question de les abandonner. D'autant que si nous allons si mal, en réalité, ce n'est pas le MNR mais la France qui va mal.
Et c'est précisément parce que la France va mal que le MNR doit continuer. Car, soyons clairs, les causes qui justifient notre engagement n'ont pas disparues, loin de là.
L'UMP, à l'évidence, ne va pas résoudre les grands problèmes auxquels sont confrontés nos compatriotes.
Et je pense d'abord à la question de la sécurité, qui est pourtant la priorité des priorités du gouvernement Raffarin.
Oh certes, il y a M. Sarkozy et ses sorties incessantes sur le terrain, devant les caméras de télévision. Oh certes, il y a le projet de loi sécuritaire qui a défrayé la chronique. Mais au-delà de ces moulinets médiatiques, qu'en est-il réellement ?
Bien sûr, tout ne va pas dans le mauvais sens. Interdire les rassemblements abusifs dans les cages d'escalier, proscrire la mendicité agressive, tout cela est très bien, mais disons que cela relève plus de la police municipale que du ministère de l'Intérieur !
Sarkozy ferait sans doute un bon adjudant de police municipale, mais fait-il pour autant un bon ministre de l'Intérieur ?
En tout cas, moi je constate qu'il ne s'attaque pas à la racine du mal. Il ne s'attaque pas à la politique pénale et au laxisme judiciaire. Or, si les voyous continuent de ne pas être poursuivis, de ne pas être sévèrement punis et de ne pas purger leur peine, on peut faire sortir les policiers autant qu'on veut, on ne réglera rien.
Et puis Sarkozy refuse de voir que l'une des principales causes de l'insécurité, c'est l'immigration. Dès lors, il ne pourra jamais rien résoudre.
A vrai dire, ne l'oublions pas, Raffarin est un spécialiste de la communication et à ce titre un champion du virtuel. Lui et Sarkozy ne luttent donc pas contre l'insécurité, mais, je les cite : " contre le sentiment d'insécurité ".
Alors, je le sais, on me dira qu'ils doivent tout de même être actifs et positifs puisqu'ils ont déchaîné la colère de la gauche qui dénonce le tout sécuritaire et l'Etat policier. Mais tout ceci n'est pas probant car, si Sarkozy fait peur à la gauche, c'est vrai, le problème, c'est qu'il ne fait pas peur aux voyous. On le voit tous les jours, il n'y a pas une nuit, pas un week-end où les jeunes ne défient les forces de l'ordre comme à Strasbourg ou dans tant d'autres villes.
D'ailleurs, ces jeunes, comme leurs aînés, auraient tort d'en avoir peur, car en matière d'immigration, l'UMP s'est carrément alignée sur la gauche. On l'a vu de façon spectaculaire lors de l'occupation de la basilique de Saint-Denis. Non seulement une délégation de clandestins a été reçue au ministère de l'Intérieur, mais les consignes sont données aux préfets de manifester " plus d'humanité et de compréhension à leur égard ". Comme si ces clandestins n'étaient pas des délinquants qui bafouent la loi. Et pendant ce temps-là, bien sûr, les Français, eux, n'ont droit à aucun traitement de faveur. Les artisans persécutés par le fisc ne bénéficient, eux, d'aucune compréhension particulière.
Et le gouvernement va d'ailleurs beaucoup plus loin dans la préférence étrangère puisqu'il veut instaurer un contrat d'intégration pour les 100 000 nouveaux immigrés non-clandestins arrivant chaque année dans notre pays. Or ce contrat est totalement léonin puisque les droits sont pour les étrangers et les devoirs pour les Français.
Ce contrat prévoit par exemple la possibilité de recevoir gratuitement des cours de français et d'éducation civique et d'avoir accès à la formation professionnelle. En contrepartie, ils bénéficieront de la création d'une autorité indépendante chargée de lutter contre toutes les formes de discrimination. Comme le dit lui-même Raffarin : " un combat sans relâche contre les mille et une discriminations de la vie quotidienne ". Autrement dit, avec Raffarin et le contrat d'intégration, c'est la carotte pour les immigrés et le bâton pour les Français.
Et je ne parle pas du droit de vote des étrangers, qui a été relancé dernièrement non pas par l'extrême gauche, mais par certains députés UMP.
Alors bien sûr, on me répondra que Raffarin a refusé. Quelle audace. Quel courage ! Il a refusé aux immigrés ce que la gauche elle-même avait renoncé à demander. Et quand je dis "refusé", je suis encore trop bon, car il a plutôt reporté cette réforme, considérant qu'elle doit être, je cite : "une conclusion", et qu'elle ne peut donc pas intervenir avant la fin de la législature. Mais quand Raffarin dit ça, il est sincère, ce n'est pas pour lui une façon d'enterrer le projet. Car dans son livre Pour une nouvelle gouvernance, il liait le droit de vote des étrangers à la décentralisation. On croit rêver !
Le résultat de tout cela, c'est que la France, je ne parle pas de la France socialiste d'hier, non je parle de la France d'aujourd'hui, celle de Chirac, la France est aujourd'hui le pays d'Europe le plus laxiste en matière d'immigration. Plus laxiste que l'Autriche, le Danemark et les Pays-Bas, qui entreprennent de renvoyer dans leur pays d'origine les immigrés qui ne maîtrisent pas la langue nationale et se montrent incapables de s'assimiler et de trouver un emploi. Plus laxiste que l'Italie qui interdit maintenant l'entrée de son territoire aux immigrés ne disposant pas préalablement d'un contrat de travail. Plus laxiste que le Portugal qui renverra dans leur pays les immigrés précédemment régularisés et qui ne disposeraient pas d'un contrat de travail. Plus laxiste donc que tous les gouvernements européens de droite. Mais également plus laxiste que l'ensemble des gouvernements européens de gauche. Plus laxiste que l'Allemagne qui veut contingenter à 50 000 personnes par an l'immigration légale, la moitié de ce qui arrive en France. Plus laxiste que la Grande-Bretagne qui envisage aussi d'instaurer une carte verte inspirée de la carte américaine et qui condamne au départ les immigrants qui ne disposeraient pas d'un emploi stable.
On voit bien à travers tous ces exemples combien l'UMP est une formation centriste qui ne cherche pas à restaurer un débat droite-gauche, mais qui veut étouffer la gauche, la désarmer en occupant son terrain et en reprenant ses projets. N'est-ce pas l'ancien secrétaire d'Etat à l'intégration, l'ineffable Kofi Yamgnane qui déplorait il y a peu sur France 3 que la gauche soit actuellement " doublée sur sa droite " ?
Dès lors, c'est clair, l'UMP abandonne le champ de la droite, renonce à répondre aux aspirations de ses électeurs et ne va donc rien résoudre des problèmes de fond qui précipitent le déclin de notre pays.
Quant au Front National, on a pu constater à quel point il est bien l'impasse qu'on avait dit. Quoi de plus extraordinaire, vu de son point de vue, que de voir le Pen au deuxième tour contre un candidat du système ? Et que fait-il de cette opportunité historique ? Rien ! Entre les deux tours, rien n'est fait pour rassurer, pour rassembler, pour s'affirmer comme capable de diriger notre pays. Et au lendemain du deuxième tour, qu'y-a-t-il de changé pour la France et les Français ? Rien ! Tout continue comme avant, la surdiabolisation en plus, la déception de surcroît et un FN qui retombe à 11%. Qu'a-t-il fait au demeurant pour transformer ces événements exceptionnels en un nouveau départ, pour créer une nouvelle dynamique, un rassemblement plus vaste ? Qu'a-t-il fait pour laisser croire aux Français que la prochaine fois serait la bonne ? Rien. Ils vont aux élections comme on va à une compétition sportive. Pour faire un score. Après on rentre chez soi en attendant la prochaine épreuve.
Mais les Français, dans tout cela, pour eux rien ne change, et plus ça va, plus on les détourne de la politique.
Alors, tout cela montre clairement qu'il y a toujours la nécessité d'oeuvrer à l'émergence d'une grande force de droite capable de combattre le système et d'assurer le renouveau de notre pays.
Et ce n'est pas parce que nous avons échoué dans cette tentative au cours des trois années passées que nous devons considérer que c'est impossible pour les cinq années qui viennent.
Aussi je vous invite à poursuivre. Oh non pas comme avant, bien sûr, il nous faut tirer les enseignements de ce que nous venons de subir. Et de ce point de vue, beaucoup a été dit dans les régions, dans les départements, à travers les questionnaires. Sans doute des erreurs ont-elles été commises, de tous ordres et à tous niveaux. Rien n'a été parfait, ni sur le plan de la tactique, de la stratégie, des finances ou de l'organisation. Sans doute aurait-on pu faire différemment sur le plan de la communication. Peut-être le Président aurait-il dû être autrement. C'est possible et tout peut être envisagé et discuté.
Mais je voudrais pour ce qui me concerne aller à ce qui me paraît l'essentiel. A ce qui me semble être la cause centrale de toutes nos difficultés. Je veux parler de cette ambiguïté majeure qui brouille complètement l'image du MNR, à savoir que notre mouvement, mouvement autonome, a été fondé lors du congrès d'un autre parti, le Congrès de Marignane qui était, rappelons-le, un congrès du FN.
Il s'agissait alors de rénover le FN de l'intérieur, et c'est parce que nous n'avons pas pu mener à son terme cette démarche que nous avons dû créer le MNR à côté du FN, dans une entreprise en quelque sorte de rénovation extérieure.
Le résultat, chacun l'a éprouvé, c'est que nous avons été perçus comme un Front national bis et dans ces conditions, il n'est pas étonnant que notre mouvement ait rencontré des difficultés à percer électoralement. A l'ombre du FN qui conservait sa notoriété, son ancienneté et sa légitimité.
Aussi me paraît-il essentiel, pour continuer, de trouver le moyen de se démarquer clairement du FN. Et ce n'est pas simple. Car nous avons grosso modo les mêmes idées de fond que le Front national. Alors, comment faire ? Et bien, c'est à cette question que j'ai voulu répondre dans mon discours de Périgueux, discours qui, je le sais, a beaucoup agité certains. J'ai été, je dois le dire, profondément blessé par certaines accusations lancées sans nuances et sans réflexion. Comme si j'allais trahir mes idées. Comme si j'avais accompli tout ce que j'ai accompli, suivre le chemin qui a été le mien et surmonté toutes les épreuves qui ont été les nôtres pour tout balancer par-dessus bord, idées, convictions et valeurs.
Alors je le dis pour rassurer les âmes sensibles qui voient une trahison au moindre mot qu'ils jugeraient de travers : je n'ai pas renoncé à mes convictions, ni à mes valeurs. Je ne veux pas vendre le MNR à l'UMP. Je crois d'ailleurs avoir été clair là-dessus tout à l'heure. Et d'ailleurs s'il fallait apporter des preuves, je crois qu'elles sont là. S'il y a bien un homme politique en France qui déplaît au système et sur lequel celui-ci s'acharne, c'est bien moi. Et nous venons, au cours des dernières semaines, d'en avoir la démonstration exemplaire et funeste. Alors, quel est donc le sens du discours de Périgueux pour lequel je persiste et signe ?
Il s'agit justement de ne rien retirer à nos idées de fond et de se différencier par le positionnement en affirmant de façon plus claire que par le passé que nous ne sommes pas l'extrême droite. Voilà, c'est tout, mais c'est fondamental. Il n'y a d'ailleurs rien de nouveau, nous avons accepté la république, banni l'antisémitisme, nous nous sommes positionnés à droite. Il faut simplement le réaffirmer plus clairement en levant toute ambiguïté à cet égard, comme il y a pu en avoir par exemple du fait de la présence de membres d'Unité radicale dans nos rangs.
Pour le reste, nous devons continuer de nous battre avec vigueur contre l'immigration et l'insécurité. Ce qui ne veut pas dire d'ailleurs qu'il ne faut pas aussi nous différencier du FN par des adaptations de notre programme, comme par exemple sur l'Europe, ou par une meilleure prise en compte des questions économiques, sociales et écologiques.
Voilà, et que chacun se rassure. Quand on a adopté la république, certains redoutaient qu'on fasse campagne sur ce thème. On ne l'a pas fait, car il ne s'agissait que d'un positionnement. De la même façon, on ne va pas faire campagne sur le thème : " votez pour nous, nous ne sommes pas d'extrême-droite ", mais on le dira quand on nous attaquera, car si vous êtes boulanger et qu'on colle sur votre devanture une affiche : " ce pain est rassis ", et bien vous l'arrachez et vous dîtes : " mon pain n'est pas rassis ". Voilà, nous ne sommes pas d'extrême droite, un point c'est tout.
Et pour le reste, nous continuons dans la fidélité à ce que nous sommes car dans les temps difficiles qui sont les nôtres, il ne faut pas non plus tout changer et pratiquer l'auto flagellation permanente.
Je souligne d'ailleurs que l'essentiel de nos difficultés ne viennent pas de nous mais des circonstances particulièrement néfastes dans lesquelles nous nous sommes trouvés lors de chacun des scrutins passés. Cela avait d'ailleurs commencé aux européennes puisque lorsque le MNR a fait ses premiers pas électoraux, c'est à ce moment qu'a été lancée l'opération RPF Pasqua - Villiers, elle-même favorisée par l'explosion de la liste RPR avec la démission de Séguin. Alors que nous prenions notre envol, nous nous sommes retrouvés coincés entre un RPF poussé par les médias et un FN qui n'avait pas disparu.
Quant à l'élection présidentielle, ce sont les quelques milliers de voix qui ont manqué à Jospin pour figurer au deuxième tour qui nous ont été fatals. C'est donc bien une circonstance étrangère à notre stratégie et à notre communication - les erreurs majeures de Jospin - qui est à l'origine de nos problèmes actuels. C'est l'effondrement de Jospin qui a provoqué, la dernière semaine avant le premier tour, un vote utile en faveur de Le Pen, ce qui nous a placé entre les deux tours dans l'obligation de donner un mot d'ordre qui, dans tous les cas, ne pouvait qu'être pénalisant et susciter des critiques. Et c'est la présence de Le Pen au second tour de la présidentielle qui a surtout provoqué notre laminage aux législatives. Un laminage qui a d'ailleurs été subi de la même façon par tous les partis de second rang. Que ce soient les Verts, le PC, l'extrême gauche, Chevènement, le MPF ou le RPF. C'est l'application de la théorie du chaos. Vous savez, un événement infime provoque par une succession de conséquences qui enchaînent un événement majeur. Un battement d'aile de papillon au Brésil provoque une tempête en Malaisie. Les quelques voix qui ont manqué à Jospin ont bouleversé la scène politique et ont provoqué la catastrophe pour notre mouvement.
Car je précise que la cause de nos déboires financiers, c'est le résultat des législatives. C'est la cause unique. Nos difficultés financières majeures ne viennent pas comme le distillent certains esprits mal intentionnés d'une mauvaise gestion, ils viennent du laminage des législatives. Si nos hypothèses électorales, au demeurant très modestes, s'étaient réalisées, nous n'aurions aujourd'hui aucun problème financier majeur, même avec le rejet du compte de campagne de l'élection présidentielle.
En effet, nous avions misé sur un nombre de voix minimum comparable à celui réalisé aux cantonales de 2001. Or, on fait traditionnellement toujours mieux aux législatives qu'aux cantonales et la participation y est supérieure. Cela paraissait donc un plancher très raisonnable. De même, nous comptions obtenir plus de 5 % dans 80 des 577 circonscriptions françaises? Et là encore, c'était raisonnable. Imaginer par exemple qu'à Marseille avec nos candidats enracinés, nous ne ferions pas les 5 %, c'était impensable. Et bien si nous avions réalisé ces scores minimums, non seulement nous n'aurions pas eu de dettes aux législatives, ce qui représente plus de la moitié de la dette actuelle, mais notre subvention aurait été double et, en deux ans, nous aurions effacé le reste de la dette même sans le remboursement du compte de campagne de la présidentielle.
Voilà. Et personne n'avait prévu ce laminage. Alors, je sais, certains nous disaient qu'il ne fallait pas présenter de candidats partout. Et bien, je tiens à répondre clairement : financièrement, cela n'aurait rien changé, cela aurait même été pire car les dettes auraient été plus faibles, mais les rentrées encore plus réduites. Et il vaut mieux 100 F de dettes et 50 F de recettes que 50 F de dettes et 0 F de recettes.
Voilà, à mes yeux, ce qu'il en est, et voilà pourquoi je vous propose de poursuivre dans la fidélité à la Charte de Marignane, dans l'esprit de ce que j'ai affirmé à Périgueux, avec la volonté de s'adapter à la réalité qui est la nôtre aujourd'hui, conscient que rien n'est fini et que tout demeure nécessaire.
Il faut donc que chacun d'entre vous se détermine : arrêter ou poursuivre.
Et si nous continuons, nous devons le faire en pansant nos blessures, en remplaçant les départs et en réduisant la voilure. Il ne sert à rien, dans les temps qui viennent, de se dépenser autant que nous l'avons fait par le passé. Nous devons donc nous mettre dans la situation d'une veille politique, d'une traversée du désert. Ce qui ne signifie pas l'arrêt de toute activité. Nous devons au contraire valoriser l'atout qui demeure le nôtre, celui de notre appareil, même s'il a été ici ou là affaibli, amputé ou décapité. C'est à partir des équipes que nous constituons qu'il faut continuer à assurer la permanence de notre engagement et de notre combat.
Il faut par ailleurs travailler plus que nous ne l'avons fait dans le passé en réseaux. Tout ne relève pas de l'électoralisme, tout ne peut pas être accompli par un parti politique. Et il est sain que d'autres organisations émergent pour occuper d'autres créneaux. Il ne faut pas s'en offusquer ou chercher à les gêner, même si l'on n'est pas d'accord avec tout ce qu'elles font ou tout ce qu'elles incarnent. La gauche sait parfaitement fonctionner de cette façon, nous devons dans la période de latence qui s'ouvre pour nous être capables d'en faire autant.
Et je dis cela en pensant aussi à ceux qui nous ont quittés ou qui s'apprêtent à le faire. Certains vont cesser toute activité politique. D'autres veulent continuer à agir dans des organisations différentes. Qu'ils le fassent, et que nous puissions coexister sans querelle ni rancune !
Car bien sûr, les départs, les défections, les démissions ont été et sont encore l'un des aspects les plus douloureux de la crise que nous traversons. Et les démissions brutales de tel ou tel responsable ont fait plus de dégâts que tel ou tel discours, plus de dégâts que le rejet de notre compte ou la perte de Vitrolles.
Alors je pourrais bien sûr lancer l'anathème contre ceux qui nous quittent en pleine tempête, qui nous lâchent en pleine campagne de Vitrolles, qui, après avoir été solidaires et co-décideurs trouvent maintenant tout à critiquer.
Je ne le ferai pas, car je considère qu'il ne faut pas ajouter les querelles aux problèmes, et que les démissions, quelles qu'en soient les raisons, n'effacent pas des années de camaraderie et de combats en commun.
Nous sommes tous des hommes et des femmes libres, chacun prend ses responsabilités et suit la voie qui lui paraît bonne. Je ne jetterai donc pas l'anathème sur ceux qui nous quittent. A une condition, bien sûr, c'est que ceux qui quittent notre combat ne cherchent pas à empêcher ceux qui veulent continuer de le faire. Cela, ce serait ignoble et je ne l'accepterais pas.
Pour le reste, que les choses soient bien claires : car j'ai entendu, ici ou là, certains s'interroger sur les raisons qui motivent tel ou tel départ, n'en comprenant pas le sens. Et bien, il n'y a aucune raison occulte, tout est public, tout est sur la table. Les problèmes financiers, les déboires électoraux, le discours de Périgueux. En réalité d'ailleurs, dans les périodes difficiles comme celle que nous vivons, les problèmes personnels se surajoutent aux problèmes collectifs et expliquent largement beaucoup des décisions qui, autrement, paraissent absurdes ou décevantes.
Voilà, chers amis, où nous en sommes, et ce que je vous propose de faire. Nous allons maintenant en débattre. Je vous demande que ce débat soit à la hauteur de la situation tragique que nous connaissons. Je vous demande de ne pas salir notre mouvement par des querelles de bas étages, des accusations basses et mesquines. Je vous demande de ne pas vous comporter en chiffonniers. Les épreuves que nous traversons, seuls et attaqués de toutes parts par un système qui veut nous abattre, ces épreuves ont leur grandeur et sont lourdes de significations, tout à notre honneur. Je vous demande donc de ne pas souiller la noblesse du combat que nous menons pour notre survie par de l'aigreur, de la rancoeur ou de la bassesse.
Je demande à ceux qui veulent arrêter et partir de le faire dignement, sans chercher à régler des comptes, car nous sommes appelés à nous retrouver dans l'avenir.
Je demande à ceux qui veulent rester de ne pas accabler ceux qui s'en vont et de les respecter, là aussi, dans la dignité de leurs motivations.
Je demande à ceux qui ont des critiques à formuler de le faire sans hargne, en songeant que nous devons, par les temps qui courent, nous rassembler sur l'essentiel plutôt que nous disputer sur l'accessoire.
Montrons que le MNR est bien un mouvement d'exception capable, non seulement de traverser une tourmente qui aurait pulvérisé tout autre parti, mais surtout de poursuivre son combat avec panache.
Souvenez-vous que nous sommes des camarades de combat, que nous avons partagé pendant les trois années écoulées des moments intenses dont nous nous souviendrons toute notre vie et dont nous pouvons être fiers.
Alors, cet après-midi, pour le débat qui nous attend, l'heure n'est pas aux règlements de compte minables, l'heure est aux choix majeurs.
Chers amis, vous en êtes dignes, notre mouvement, notre combat, nos valeurs et notre projet en sont dignes. Et c'est pourquoi, je le sais, c'est ma conviction, tout demeure possible pour le MNR, mais surtout pour notre peuple, pour la France et pour l'Europe.

(source http://www.m-n-r.com, le 28 novembre 2002)