Interview de Mme Nicole Ameline, ministre déléguée à la parité et à l'égalité professionnelle, à LCI le 20 décembre 2002, sur les 25 mesures proposées pour l'égalité professionnelle entre hommes et femmes.

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Média : La Chaîne Info - Télévision

Texte intégral

A. Hausser -. Hier, vous avez réuni une table ronde, avec les partenaires sociaux pour l'égalité professionnelle. Il en sort 25 propositions, dont la création d'un label "égalité", c'est-à-dire que l'on va noter les entreprises qui pratiquent non pas la parité, mais l'égalité ?
- "Il s'agit, effectivement, de tout faire, pour que la mixité professionnelle, l'égalité dans l'entreprise deviennent un atout pour l'entreprise mais aussi pour l'économie tout entière. Dans cet esprit, nous avons, effectivement, d'abord choisi de favoriser le dialogue social - c'est très important - et de partir sur quelques mesures extrêmement concrètes, pragmatiques qui vont véritablement faire avancer les choses."
Donnez-nous quelques exemples parmi ces 25 mesures.
- "Il y a d'abord, en amont, la volonté de favoriser tout ce qui peut-être la mixité des emplois. On s'aperçoit aujourd'hui que les jeunes femmes se retrouvent dans 6 des 31 filières professionnelles. C'est inadmissible, ce n'est pas acceptable, d'autant que le marché de l'emploi aura besoin des femmes d'ici quelques années. Il faut très vite anticiper cette évolution et favoriser la mixité des emplois dans l'entreprise. il faut tout faire pour retrouver ce principe "à travail égal, salaire égal", qui n'est pas tout à fait respecté aujourd'hui."
Il y a 25 % d'écart.
- "Absolument. Et faire en sorte que les femmes puissent avoir accès à la promotion au sein de l'entreprise, aux responsabilités."
Je vous interromps parce que tout cela, ce sont des voeux pieux et moi qui n'ai plus tout à fait 20 ans, j'ai l'impression que tout est toujours à refaire et que rien n'a changé depuis l'époque de F. Giroud.
- "Vous avez tout à fait raison : depuis 20 ans, les choses n'ont pas beaucoup évolué. On a consacré en droit ce principe, mais dans les faits, nous avons constaté que le fossé se creusait, que les écarts restaient importants. Deux choses changent aujourd'hui : d'abord, la volonté politique d'aboutir, mais surtout..."
Mais on ne la voit pas vraiment !
- "Elle existe réellement. D'abord, parce qu'un ministère est créé pour cela, ensuite, parce que le Premier ministre a systématiquement annoncé, voulu, exprimé, le souhait que les femmes puissent être à leur place dans la société moderne. Cela passe d'abord par cette reconnaissance dans l'entreprise. Pourquoi les choses n'ont-elles pas avancé ? C'est largement dû au fait que la contrainte législative ne suffit pas. Toute la nouveauté de ce Gouvernement, c'est d'avoir choisi le dialogue, de faire avancer les choses avec les entreprises et non pas contre elles."
Mais la contrainte législative a bien suffi en politique, elle a marqué un bond.
- "C'est vrai, vous avez tout à fait raison, mais en politique, les choses sont différentes. Avec les entreprises, il fallait passer par cette appropriation par les acteurs sociaux d'un thème, qui, aujourd'hui, n'avait pas intégré le coeur des entreprises. L'égalité professionnelle est un idéal proclamé mais depuis des mois, nous avons convaincu l'ensemble des entreprises qu'elles avaient tout intérêt à jouer cette carte. Ce label "égalité", ce label social fait en sorte que les entreprises qui ont choisi cette modernité, fondée sur une dynamique nouvelle, homme-femme, seront reconnues, et surtout, en interne, comme en externe, auront une image positive.
Un label "égalité", cela veut dire qu'une entreprise décide de recruter autant d'hommes que de femmes ? Autant de femmes cadres que d'hommes cadres ?
- "Non, ce n'est pas une approche comptable des femmes dans l'entreprise. C'est plutôt une approche qualitative. C'est l'idée qui juge l'ensemble des responsables de l'entreprise. Ce sont les femmes qui seront concernées par cette évolution, parce qu'aujourd'hui, que se passe-t-il ? Elles cumulent leur vie personnelle, professionnelle, familiale, associative, politique... Et tout cela s'analyse en termes de cumul, pas de conciliation. On ne peut pas du tout reprocher aux femmes d'exercer des compétences, des responsabilités au sein des entreprises, elles ne le peuvent pas, le plus souvent, parce qu'elles sont tellement prisonnières de leurs contraintes que bien souvent, elles s'auto-résignent. Ce que nous voulons faire, c'est leur donner la capacité par des services innovants : mode de garde, des crèches en entreprises ou interentreprises, qui feront partie du projet, des propositions. Mais il y en a une autre qui est intéressante : quand on regarde la carrière des femmes, on s'aperçoit que les interruptions de carrière, par exemple, le congé parental, sont handicapantes. Lorsqu'elles reviennent dans l'entreprise, elles n'ont pas forcément, de ce fait, une meilleure valorisation de leurs compétences. Nous proposons, et les partenaires sociaux l'ont accepté, l'idée d'une formation valorisante qui permettra de revenir dans l'entreprise à l'issue d'un congé parental, avec une plus-value, une valeur ajoutée. Et donc, des perspectives nouvelles."
C'est-à-dire que l'on ajoute un congé formation au congé de maternité ?
- "Voilà. Cela fait partie de tout ce qui pourra concrètement, pragmatiquement permettre aux femmes d'être beaucoup plus à l'aise, confortables et surtout, sûres d'elles-mêmes. Et j'ajoute que la responsabilité sociale des entreprises, aujourd'hui, c'est précisément ce regard qualitatif sur la vie des femmes et des hommes au sein des entreprises."
Quels objectifs vous fixez-vous ?
-"Je me fixe quelques mois - puisque les partenaires sociaux qui ont accepté de donner le coup d'envoi du dialogue social à partir de l'égalité professionnelle et c'est déjà une première satisfaction - ; se revoir d'ici 6 mois pour faire le point de l'état d'avancement, avec des objectifs quantifiés et avec des avancées qualitatives, tels que des exemples que je citais."
Vous êtes membre de l'UMP ; son siège a été inauguré récemment par A. Juppé, J.-C. Gaudin, etc. Il n'y avait pas une femme à la tribune ; qu'est-ce que vous vous êtes dit ?
- "Les femmes doivent être à la tribune, partout, au niveau des partis politique comme dans..."
Vous avez dit à A. Juppé que c'était bien ? Vous avez fait une petite réflexion acide ?
- "A. Juppé sait très bien que la modernité en politique, comme en économie, se base aujourd'hui sur les femmes. Il le sait et je crois que les partis politiques, dans leur ensemble..."
Donc l'UMP est ringarde ?
- "Non, parce qu'il y a une femme - heureusement et je m'en réjouis, parce que c'est important, c'est un très bon exemple de ce qu'il faut faire - qui sera plus particulièrement chargée de toutes ces questions, car elles sont importantes. La parité est encore devant nous, elle n'est pas derrière nous, ce n'est pas réglé."
Il y aura encore une nouvelle secrétaire générale adjointe, c'est ça ?
- "Il y aura des femmes, de plus en plus, à l'UMP, comme ailleurs. C'est une nécessité politique et les partis politiques le savent. C'est une question de crédibilité pour eux, d'image et de modernité. C'est le sens de l'histoire et j'espère vraiment, et je le dis avec beaucoup de sincérité et de sérieux, que nous pourrons donner l'exemple dans notre majorité."
A gauche, le Parti socialiste avait quand même commencé à donner l'exemple.
- "Vous citiez F. Giroud, qui était aussi un bel exemple de première."
Vous étiez au séminaire gouvernemental et vous avez constaté que J.-P. Raffarin, relayant J. Chirac, a dit que finalement, la décentralisation serait adoptée par voie de congrès et pas par référendum. Vous pensez aussi que c'est une affaire de spécialistes ?
- "Non, la décentralisation n'est pas une affaire de spécialistes et je crois que le choix qui a été fait, d'un débat public, [est] formidable, parce que chez moi, en Basse-Normandie, il y avait 2 300 participants ; je suis allée en Auvergne, c'était un même succès. Cette très grande ouverture au débat a démontré qu'il s'agissait effectivement de l'affaire de tous et cela a très bien marché. Donc, aujourd'hui..."
Cela a si bien marché qu'il n'y a pas besoin de voter ?
- "Non, nous voterons, bien sûr. Mais il me semble que la démarche publique a été très opérationnelle. Aujourd'hui, il reste des problèmes de modalités financière et administrative qui peuvent, effectivement, se régler à un autre niveau."
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 20 décembre 2002)