Déclaration de Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés, sur la recherche clinique hospitalière, notamment les programmes de recherche (PHRC), leur financement pour 2000 2001, Paris le 21 juin 2000.

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Circonstance : Présentation du programme hospitalier de recherche clinique (PHRC) et financement des innovations techniques à Paris le 21 juin 2000

Texte intégral

Mesdames, Messieurs, chers amis,
Je souhaite aujourd'hui vous parler de la politique que développe le Ministère de la Santé en matière de progrès médical, dans le souci constant d'assurer à nos concitoyens l'accès aux soins innovants qui ont fait la preuve de leur efficacité.
Ces innovations sont le fruit des progrès de la recherche médicale et elles aboutissent à une rénovation des pratiques de soins. Recherche médicale et soins innovants sont étroitement liés et constituent les deux éléments qui fondent la politique de progrès médical que Martine AUBRY et moi-même développons.
J'aimerais tout d'abord vous expliquer comment le Ministère de la Santé a, il y a quelques années seulement, appréhendé les problèmes posés par la recherche, puis plus récemment quelles conclusions il en a tiré.
Je souhaite en premier lieu rappeler qu'au sein de la recherche médicale, la reconnaissance de la Recherche clinique hospitalière est récente et date de 1992.
Vous savez que la recherche médicale est indispensable au progrès de la santé publique : elle seule permet de générer des concepts et des outils nouveaux, autorisant les innovations dans les domaines des méthodes diagnostiques et thérapeutiques.
Je rappellerai ici que les cancers et les maladies cardiaques sont les deux premières causes de mortalité dans notre pays, et que les maladies neurologiques sont les premières causes de handicap durable chez l'adulte. Dans ces 3 domaines, exemplaires parmi d'autres, des progrès restent nécessaires, malgré des acquis incontestables.
Je dois cependant faire remarquer que la recherche médicale est en réalité un vaste domaine que l'on peut décrire comme un spectre d'activités allant de l'amont vers l'aval. En amont se situe la recherche fondamentale ou cognitive : c'est là que naissent les connaissances nouvelles aboutissant aux concepts et aux outils, qui doivent ensuite être transférés vers l'aval. En aval se situe les équipes soignantes impliquées dans la démarche de recherche clinique : elles doivent appréhender ces concepts et outils venus de l'amont, les valider sur l'homme malade, et les intégrer progressivement dans leur pratique de soins avant, dernière étape de ce processus, de promouvoir leur diffusion à l'ensemble du système de soins.
Vous aurez compris que la recherche médicale est l'affaire de plusieurs acteurs, situés à chacun des endroits de ce spectre, qui dans l'idéal doivent travailler de façon non cloisonnée. La Recherche clinique est une des missions essentielles des équipes hospitalo-universitaires qui, au sein de l'Hôpital public, concentre les soins lourds et innovants et les valident avant diffusion plus large.
En France, la recherche d'amont cognitive est - historiquement et à juste titre - l'affaire des équipes dites " académiques " c'est-à-dire certains laboratoires universitaires et ceux des EPST (CNRS et surtout INSERM qui à travers plus de 300 unités est largement implanté dans les CHU). Ces différentes équipes " académiques " sont sous la tutelle financière du Ministère de l'Education nationale et de la Recherche.
Pour compléter la description de ce paysage de la recherche médicale je dois mentionner également les équipes de recherche industrielles qui développent, à partir des données de la recherche " académique ", des molécules nouvelles à activité thérapeutique, ainsi que des dispositifs médicaux ou des techniques d'imagerie innovants.
Pour des raisons historiques, ces industries ont accusé en France un retard dans leur investissement de recherche, à la différence d' autres pays. Par contre, le niveau de la recherche en Sciences du vivant, notamment dans le vaste domaine de la biologie cellulaire, a depuis les années 70 placé les unités INSERM et CNRS à un niveau très compétitif au plan international. Parallèlement le constat a été fait par le Ministère de la Santé, au début des années 90 d'un développement insuffisant de la Recherche clinique d'aval telle qu'elle a été définie plus haut, au regard du développement de la recherche biomédicale d'amont.
Cela s'est traduit par la circulaire de Bernard Kouchner en novembre 92 qui a mis en place le premier programme de financement de la Recherche clinique prélevé sur la dotation budgétaire hospitalière : programme baptisé " PHRC 93 " (PHRC pour Programme Hospitalier de Recherche Clinique). En autorisant des financements provenant de la dotation hospitalière, cette circulaire cherchait à inciter les équipes hospitalo-universitaires, dont c'est une des missions premières, à inscrire leurs activités de soins dans une perspective de recherche.
En dotant ces équipes de moyens financiers propres, l'objectif était de leur permettre de nouer les relations indispensables avec les partenaires de la recherche d'amont, qu'il s'agisse des équipes académiques ou industrielles citées plus haut. Ces financements ont permis en particulier d'assurer la méthodologie des " essais cliniques " permettant la validation de nouvelles méthodes diagnostiques ou thérapeutiques. J'insiste sur le fait que la méthodologie de ces essais est celle de toute recherche : une question doit être posée, les outils pour y répondre doivent être définis, les résultats doivent être publiés au niveau international.
C'est pourquoi on peut dire qu'à partir du PHRC 93, le paysage de la recherche médicale français s'est complété, puisqu'en plus des financements institutionnels de recherche assurés par le budget de l'Etat, sont apparus les financements de la recherche clinique hospitalière provenant de l'Assurance-maladie (240 MF sur trois ans).
En confiant à sa Direction des Hôpitaux la gestion du PHRC 93, le Ministère de la Santé donnait à l'époque un signal politique clair, non seulement aux équipes de l'Hôpital public sous sa tutelle, mais aussi aux partenaires de la recherche institutionnelle qui à l'époque s'étaient montrés surpris, sinon réticents, à l'arrivée de ce " nouvel intrus " : on ne pouvait continuer d'exiger simultanément de l'Hôpital public qu'il assure le progrès médical et qu'il reste dans des limites budgétaires contraignantes, sans lui donner les moyens de définir une stratégie de recherche conforme à ses axes prioritaires d'établissement.
Puis la politique de gestion des PHRC a subi quelques fluctuations à partir de 1993 :
d'une façon générale, les financements PHRC donnent aux équipes sélectionnées après appel d'offres les sommes nécessaires pour conduire une recherche sur une durée moyenne de 3 ans.
Dans sa conception originelle, élaborée en 1992, le PHRC 93 était délibérément géré sur un mode de " délégation " : il fût demandé aux CHU de mettre en place des structures baptisées " Délégation à la Recherche Clinique ", émanant de la communauté hospitalo-universitaire et de l'Administration de l'Hôpital. Cette structure, dite DRC, associant des représentants des unités INSERM et CNRS implantées sur le site, ainsi que des autres établissements de soins présentes dans la zone naturelle d'influence du CHU, c'est-à-dire les centres de lutte contre le cancer et les hôpitaux généraux. L'ouverture aux autres établissements de soins associés aux CHU étant considérée comme garante du développement d'études " multricentriques ", indispensable à la Recherche clinique.
Les DRC furent habilitées à sélectionner les projets d'un CHU dans sa région, cohérents avec ses axes prioritaires. C'est pourquoi dans le PHRC 93, les DRC se virent attribuer les financements des projets de recherche considérés par elles comme les plus porteurs.
Cette disposition introduisit à l'Hôpital public une nouvelle culture, celle d'une cogestion entre administration et personnel hospitalo-universitaire afin de dégager au sein des activités de soins une perspective de recherche et de l'établir en partenariat avec les autres opérateurs de la recherche biomédicale. L'objectif était ici de mettre fin à la classique " dichotomie " qui prévalait jusqu'alors : " le soin est l'affaire de l'hôpital, la recherche est l'affaire de l'université et des unités INSERM et CNRS ".
Cependant de 1994 à 1996, le changement d'équipe gouvernementale modifia cette politique d'attribution. En effet, le rôle des DRC passa au second plan, les équipes retenues pour un financement étant dès lors directement sélectionnées par un comité placé auprès de la Direction de Hôpitaux du Ministère.
Une conséquence de cette " recentralisation " à Paris fût de favoriser la présence au niveau du comité d'expertise d'un nombre significatif d'hospitalo-universitaires inscrits par ailleurs au profil d' unités INSERM et donc de réorienter une partie des financements vers des études proches de la recherche cognitive (dont l'intérêt n'est évidemment pas à contester, mais qui relèvent d'autres sources de financement).
Début 97, le dossier PHRC était fermé. : l'équipe sortante réfléchissait à une intégration progressive des financements PHRC dans la dotation de l'INSERM.
En juin 1997, la politique d'attribution des financements du PHRC fut redéfinie, le Ministère de la Santé se donnant un double objectif :
- redéléguer au plan régional, en restaurant une capacité d'intervention des établissements à travers leur DRC afin de développer la recherche selon les axes définis par l'établissement,
- dans le même temps inciter au plan national la définition de programmes dans des domaines prioritaires en santé publique, et caractérisés par un niveau insuffisant de recherche clinique.
Pour ces raisons la campagne " PHRC 97 " a accordé un " droit de tirage " aux DRC pour que , sur des contrats d'une durée moyenne de 3 ans, elles sélectionnent leurs thématiques porteuses. Ce PHRC 97 aura engagé environ 200 MF.
Par la suite la campagne " PHRC 98 ", a quand à elle incité directement certaines équipes à répondre à un appel dans les domaines de :
- la psychiatrie,
- la gériatrie,
- la toxicomanie,
- les soins palliatifs
- les études d'impact médico-économiques.
Dans ce cadre la sélection des dossiers présentés en réponse à l'appel à propositions a été faite par le Comité national de la Recherche clinique placé auprès de la Direction des Hôpitaux et refondu. Les contrats retenus dans le cadre du PHRC 98 bénéficient là encore d'une durée moyenne de 3 ans et ont engagé environs 200 MF.
Selon la même modalité, la campagne " PHRC 2000 " a incité (compte tenu des impulsions données depuis 1997 par le Ministère de la Recherche et de la Technologie dans le domaine des Sciences du vivant) dans les domaines de la thérapie cellulaire et génique, de la chirurgie robotique ainsi que sur la thématique des " accidents vasculaires cérébraux ", première cause de handicap dans notre pays.
Je tiens aussi à signaler que le PHRC 2000 a pour la première fois prévu au plan national une enveloppe de financement permettant de mieux structurer les DRC, en permettant le recrutement de techniciens de Recherche clinique et en favorisant - en partenariat avec l'INSERM - la mise en place de nouveaux Centres d'Investigations cliniques.
Au total le PHRC 97 aura permis un retour au pilotage par les DRC, c'est-à-dire à l'échelon d'un CHU dans sa région, ainsi qu' un pilotage national à travers les deux campagnes successives 98-2000, fléché sur des thématiques prioritaires de santé publique.
Dans le cadre du prochain PHRC, dit " 2001 " après l'extinction des contrats du PHRC 97, le retour à un pilotage par les DRC des CHU est envisagé.
Le total des financements engagés pour le PHRC 97 jusqu'à cette année 2000 avoisine les 500 MF (est de l'ordre de 1 million de francs pour l'ensemble des PHRC depuis 1993).
Vous le savez, tout financement contractuel de recherche repose sur une évaluation " à priori " et surtout " à posteriori ".
L'évaluation " a priori " revient à expertiser la capacité des équipes déposant une demande de contrat.
L'évaluation " a posteriori " est essentielle quant à la crédibilité d'une politique de recherche : elle assure que les fonds engagés ont été utilisés à ce à quoi ils étaient destinés. En matière de recherche cette évaluation " a posteriori " est finalement assez simple, et sauf exception, sans appel : car il s'agit d'évaluer les publications parues dans des revues de niveau international à comité de lecture anonyme. Il n'est pas inutile de rappeler que, en matière de recherche clinique comme dans tout autre recherche, l'indication de réussite est la publication des résultats obtenus.
La Recherche clinique est faite sur l'homme, c'est-à-dire sur des cohortes de patients, et implique un recul suffisant pour en apprécier les résultats. Ceci est notamment le cas des essais thérapeutiques. Il en résulte un nécessaire délai de plusieurs années, en général 4 à 5 pour que, à partir de la date de début de la recherche, une publication puisse être acceptée.
Pour ces raisons, seule à ce jour la campagne PHRC 93 a pu faire l'objet d'une évaluation globale des publications obtenues des équipes ayant bénéficié de financement. Cette évaluation conduite par la Direction des Hôpitaux est d'une extrême importance, c'est la première portant sur le dispositif de financement mis en place par le Ministère de la Santé. Elle permet de répondre à un certain degré d' "incrédulité " exprimé par des équipes de recherche " académiques " quant à cette disposition.
J'en ai moi-même présenté les résultats aux dernières Assises Nationales Hospitalo-universitaires et je vous livre ici les résultats les plus marquants :
- 80 % des projets sont allés jusqu'à leur terme,
- 14 % ont souffert d'un retard d'inclusion des patients prévus,
- 6 % ont été abandonnés.
Ces chiffres se comparent honorablement à ceux d' autres institutions de recherche.
Parmi les publications obtenues pour les projets terminés, 70 % ont figuré dans des revues de niveau international.
Parmi les résultats publiés, certains méritent d'être mis en exergue car on en mesure dès aujourd'hui l'utilité pour les malades :
- la stimulation électrique comme traitement innovant de la maladie de Parkinson,
- l'apport de l'autogreffe de moelle dans le traitement de certaines hémopathies malignes,
- l'apport des implants cochléaires dans le traitement de certaines surdités,
- la thrombolyse dans les accidents vasculaires cérébraux
J'aimerais conclure en vous disant que le PHRC a jeté les bases d' une politique plus ambitieuse de progrès médical.
Mais je tiens à redire : les acteurs en charge de la recherche cognitive d'amont, et de leur transfert, conditionnent l'avenir de la Recherche clinique hospitalière d'aval. Sans le travail des équipes INSERM et CNRS, des laboratoires universitaires, des industries biomédicales, la Recherche clinique ne peut exister.
Pour autant les équipes soignantes hospitalières, doivent compléter ce spectre d'activités. C'est la responsabilité du Ministère de la Santé de structurer cette part de recherche avec pour finalité la rénovation des pratiques de soins. Rénover les pratiques de soins, cela revient à innover puis abandonner des pratiques obsolètes.
Il était parfaitement prévisible que la Recherche clinique, qu'elle soit financée par le PHRC ou par d'autres sources, et quelque soit son pays d'origine, finisse par générer de nouvelles procédures diagnostiques et thérapeutiques. Ceci est particulièrement vrai depuis 2 décennies, période pendant laquelle l'accumulation de données nouvelles venues de la recherche cognitive est particulièrement impressionnante.
Le problème qui se pose désormais est d'intégrer dans les budgets hospitaliers ces procédures nouvelles diagnostiques et thérapeutiques, dès lors qu'elles ont été validées par les étapes de la Recherche clinique : si elles sont un progrès, il y a " obligation de moyen ", mais dans des conditions optimales d'utilisation.
Dès lors qu'une innovation est validée, nous nous trouvons en aval de la recherche clinique et les autorités sanitaires doivent dès que possible connaître :
- le nombre de malades relevant de l'indication,
- le nombre d'équipes capables de l'appliquer compte tenu de leur savoir faire et de la logistique de l'établissement de soins,
- l'impact économique prévisible d'une diffusion élargie de cette innovation au sein du système de soins.
C'est pourquoi avec Martine AUBRY j'ai décidé la mise en place d'un financement de ces innovations diagnostiques et thérapeutiques selon un processus par étapes. Dans une première étape, j'ai demandé à des équipes expertes dans le domaine de répondre aux questions posées ci-dessus, équipes qui reçoivent les financements nécessaires sur un contrat de 2 ans. Par exemple :
- 12 millions de francs auront été en 99 et 2000 accordés à 4 équipes référentes françaises dans le domaine de la stimulation électrique dans la maladie de Parkinson : les résultats de l'étude médico-économique menée par ces 4 équipes sont attendus à l'automne 2000, permettant alors d'organiser une diffusion plus large, en la chiffrant précisément, au sein de notre système de soins.
- En 2000 et 2001, - 60 millions de francs sont consacrés selon les mêmes modalités à la définition des besoins en termes de défibrillateurs cardiaques implantables pour prévenir certaines morts subites par trouble du rythme.- 60 millions de francs en cancérologie : pour les techniques de radiothérapie du cancer de la prostate, les traitements par anticorps monoclonaux du cancer du sein et des hémopathies malignes. Ces thématiques ont été retenues après consultation des CHU et des centres de lutte contre le cancer, ainsi que des Sociétés Savantes concernées.
Le principe de ce dispositif est acquis, son extension à d'autres champs d'innovation est actuellement à l'étude avec l'objectif d'assurer une égalité d'accès aux soins innovants. Pour y parvenir, et compte tenu de l'impact budgétaire de ces innovations, il m'a paru indispensable d'appliquer une méthode raisonnée pour décider du degré de diffusion médicalement justifié au sein de notre système de soins, à la fois dans les établissement sous dotation globale et, dès que possible c'est-à-dire dans des conditions bien définies, en ville avec remboursement selon la procédure TIPS.
Vous aurez compris que le Ministère de la Santé identifie désormais une enveloppe " progrès médical " résultant de l'addition des actions PHRC qui doivent être poursuivies et du financement des innovations générées par la Recherche clinique.
( Source http://www.sante.gouv.fr, le 4 juillet 2000)