Déclaration de Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie, sur l'action gouvernementale en faveur de la nouvelle dynamique concurentielle du secteur énergétique en France et en Europe, orientée sur trois axes : la constitution d'un marché unique de l'énergie au niveau européen, la réforme d'EDF et GDF, la mise en place d'une loi d'orientation sur les énergies définissant les choix pour les trente prochaines années, Paris le 22 janvier 2003.

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Circonstance : 6ème conférence Energie à Paris, le 22 janvier 2003

Texte intégral

Mesdames, Messieurs,
C'est avec un grand plaisir que je me trouve aujourd'hui avec vous à l'occasion de la sixième CEO conférence sur l'Energie au cours de la quelle vous avez esquissé les contours d'une nouvelle dynamique concurrentielle de votre secteur en France et en Europe.
Cette journée est tout particulièrement d'actualité, non seulement, quelques semaines seulement après la publication de la loi relative aux marchés énergétiques et au service public de l'énergie et surtout à l'issue de cette journée tellement symbolique pour l'Europe.
Les objectifs que nous poursuivons dans le domaine de l'énergie sont clairs. Il s'agit de doter notre pays d'une énergie compétitive, respectueuse de l'environnement, accessible à tous et qui préserve notre indépendance nationale.
Mais le monde est complexe, et les défis que nous avons à relever sont nombreux :
- l'environnement d'abord, avec une sensibilité devenue aiguë vis-à-vis de toutes les formes de pollution ; je pense à la pollution atmosphérique et à l'effet de serre, mais aussi à la dramatique actualité des pollutions maritimes.
- les évolutions géostratégiques ensuite ; à cet égard, la situation qui prévaut aujourd'hui au Venezuela, les incertitudes en Irak, avec les tensions qu'elles entraînent sur les marchés pétroliers éclairent l'actualité du concept de sécurité d'approvisionnement ;
- La mondialisation économique enfin, qui renforce la nécessité de disposer d'une énergie compétitive pour présenter aux entrepreneurs du monde entier et aux investisseurs un territoire attractif.
Pour y répondre, le gouvernement articule son action autour de trois axes principaux :
-d'abord parce que nous avons résolument rejoint la dynamique européenne de libéralisation des marchés, tout en préservant nos spécificités françaises ;
-ensuite parce nous allons adapter deux des acteurs majeurs de l'Energie EDF et GDF à cette nouvelle donne européenne;
- enfin car nous allons mettre en perspective notre réflexion ; le Débat national sur les énergies est l'occasion, d'ici le mois de juin prochain, de porter les enjeux énergétiques devant l'opinion publique ; et nous présenterons au Parlement, avant la fin de cette année, une loi d'orientation sur les énergies définissant nos choix pour les trente prochaines années.
1) Le gouvernement s'est donc résolument engagé dans la constitution d'un véritable marché unique de l'énergie au niveau européen.
J'insiste sur le mot marché unique Européen car il n'est pas ici question de superposer quinze ou demain de trente marchés libéralisés. Ce que nous construisons, c'est un véritable espace énergétique européen.
A l'origine de la Communauté européenne, avec la CECA, le secteur de l'énergie ne saurait faire exception aux principes de l'Union européenne : la concurrence y est nécessaire et utile car elle est synonyme de baisse des prix, et donc d'amélioration de la compétitivité de l'économie et de bénéfice pour le consommateur.
La loi promulguée le 3 janvier 2003, relative aux marchés énergétiques et au service public de l'énergie, a mis fin au retard de la France dans la transposition de la directive de 1998 sur le gaz. Je vous rappelle que ce retard a entraîné une condamnation de la France par la Cours de Justice des Communautés Européennes.
Cette loi nous permet à la fois de tenir nos engagements européens, d'ouvrir à la concurrence par la loi un marché qui l'était d'ailleurs déjà dans les faits et d'assurer la coexistence équilibrée entre concurrence et service public.
Par ailleurs, la nouvelle commission de régulation de l'énergie prendra le relais de l'ancienne commission de régulation de l'électricité pour veiller au respect des règles de concurrence ; cette commission fonctionnera dans le domaine du gaz de la même manière que vous l'avez connue pour le seul domaine électrique.
La dynamique de libéralisation est donc lancée; sa prochaine étape repose sur l'adoption du 2ème paquet de directives communautaires, sur lequel le parlement Européen doit bientôt se prononcer en deuxième lecture, probablement au cours de la session plénière de février.
Cette étape, nous l'avons préparée avec le compromis du 25 novembre sur lequel nous avons rallié nos partenaires européens. Notre démarche est pragmatique : l'ouverture progressive et maîtrisée des marchés se fera en 2004 pour les professionnels, et sera évaluée avec un bilan en 2006 ; à la lumière de ce bilan, nous déciderons de l'ouverture et de ses modalités, aux particuliers, pour le 1er juillet 2007.
Les préoccupations de service public constituent un élément de premier plan dans les projets de nouvelles directives.
Elles permettent aux Etats membres, dans le cadre de la subsidiarité, d'imposer certaines obligations aux opérateurs intervenant dans les secteurs de l'électricité et du gaz. Ce sont, par exemple, la sécurité des approvisionnements, le droit et l'égalité d'accès à l'énergie, la protection des consommateurs vulnérables ou la cohésion sociale et territoriale. Pour l'essentiel, il est à souligner que cet acquis est à mettre à l'actif de la France.
2) Deuxième axe de notre politique : nous doter de structures adaptées à ce nouvel environnement. Nous devons réformer EDF et GDF, naturellement avec le management.
Nos entreprises publiques EDF et GDF exercent désormais leur activité dans un secteur concurrentiel. Deux réformes sont indispensables.
-la première, le système de financement des retraites. EDF et GDF sont en effet aujourd'hui leur propre caisse de retraites. Le système de retraite d'EDF et GDF, mis en place il y a 50 ans dans une situation de monopole est aujourd'hui devenu assez, pour ne pas dire complètement, inadapté aux changements comptables et à l'ouverture du marché à la concurrence.
Les normes comptables : au plus tard en 2007, EDF et GDF seront contraints de provisionner dans leurs comptes 66 Milliards d'euros, ce qu'aucune entreprise n'est en mesure de supporter;
Il est par ailleurs indispensable de mettre ces deux entreprises en capacité d'assumer demain la charge des retraites de leurs agents quelle que soit l'évolution de leur part de marché qui pourrait être naturellement affectée par l'ouverture à la concurrence des marchés à 70% en 2004 et à 100% en 2007.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement avait demandé aux partenaires sociaux de négocier une réforme de ce système. Cette négociation patronat-syndicats a abouti à un accord signé par 3 organisations syndicales.
Conformément au droit social, Francis Mer et moi-même avons annoncé que le Gouvernement entendait appliquer cet accord.
Pour autant, nous n'entendons pas ignorer les résultats de la consultation organisée par les syndicats au sein des entreprises.
Nous sommes conscients des inquiétudes qui transparaissent à travers l'expression des actifs, sur l'ouverture du marché à la concurrence et sur les changements nécessaires pour y faire face.
Le Gouvernement a donc demandé aux partenaires sociaux et en particulier aux présidents d'EDF et GDF de poursuivre et de renforcer le dialogue avec leurs agents
sur les sujets sociaux bien sûr, mais aussi sur les perspectives, la prospective et les Projets de ces entreprises, qui doivent être ceux d'une grande ambition européenne.
-la deuxième réforme, c'est celle du statut d'établissement public d'EDF et GDF, qui reste un handicap qui pourrait empêcher rapidement ces entreprises de disposer des capitaux nécessaires à leur développement autrement que par un endettement potentiellement excessif. Il rend par ailleurs plus difficile la recherche de partenaires industriels en Europe - le statut exclusivement public étant parfois mal accepté.
L'évolution de la forme juridique de ces entreprises nous paraît donc nécessaire. Nous la mènerons en concertation avec leurs agents et leurs représentants, sans précipitation, mais avec détermination, dans le respect du statut des personnels.
3) Enfin, nous devons doter cette année la France d'une loi d'orientation sur les énergies, qui se nourrira des enseignements du vaste Débat national auquel nous invitons tous les Français à participer.
Comme le Président de la République s'y était engagé, le Premier Ministre m'a confié l'organisation d'un Grand Débat national sur les énergies.
Démarche unanimement saluée comme novatrice, ce Débat poursuit deux objectifs :
-répondre à une demande forte des Français qui s'estiment à 70% peu ou mal informés sur les questions énergétiques
-placer la consultation citoyenne en amont du processus de décision sur les choix de la politique énergétique pour les trois prochaines décennies.
Avec plusieurs rencontres à Paris et en régions, un site Internet et une campagne de communication spécifique, nous voulons toucher le maximum de Français.
Nous le faisons dans un climat dépassionné, avec des garanties d'impartialité et de sérénité : un Comité des sages, un Comité consultatif et un parlementaire en mission en sont les gardiens attentifs.
Au-delà de ce dispositif d'accompagnement, nous avons besoin de votre implication dans la démarche de confiance que nous avons engagée vis-à-vis de nos concitoyens.
J'ai l'intention d'écrire à toutes les entreprises du secteur de l'énergie de suspendre, pendant le déroulement du débat, leurs campagnes de publicité ayant trait à un choix énergétique particulier.
Je crois sincèrement que, plus que toute action publicitaire en faveur d'une énergie particulière, l'implication citoyenne de votre entreprise dans cette démarche donnerait un signe fort aux Français de notre détermination à tout faire pour engager ce Débat de la manière la plus transparente possible.
En revanche, nous souhaitons encourager les campagnes d'information pédagogiques sur toutes les énergies, qu'elles soient relatives à sa production, son transport ou sa consommation , du moment que les Français s'en trouveront mieux informés mais pas incités à consommer davantage.
Vous êtes déjà nombreux à avoir manifesté votre intérêt pour la signature de la charte de partenariat que je vous ai proposée le 8 janvier dernier : le label " Initiatives partenaires " sera ainsi attribué à toutes les initiatives d'information et de pédagogie que vous pourrez prendre, sous toutes les formes : colloques, expositions, projections, débats, visites, émission spéciales ou autres.
Notre objectif à tous doit être de faire entrer dans les six prochains mois le sujet de l'énergie dans le quotidien et les conversations des Français, car il s'agit non d'un sujet technique mais d'un véritable sujet de société. C'est une chance quasi " historique " qui vous est donnée de faire parler de vos métiers, de vos technologies, et de toucher l'ensemble de vos vrais clients, qui sont les consommateurs, particuliers et entreprises.
L'enthousiasme des premières réunions de travail, du Comité des " Sages " et du Comité Consultatif du Débat National, auquel la plupart d'entre vous participent, me rend très optimiste sur les perspectives de réussite de ce Débat.
Nous savons tous que cette réflexion collective est essentielle : les enjeux de l'énergie sont majeurs pour la vie quotidienne des Français et pour l'avenir des générations futures. Et nous avons le devoir, la responsabilité, de penser aux générations futures.
Je sais pouvoir compter sur vous pour mesurer l'ampleur de ces défis, de ces enjeux et avec nous mobiliser les Français.
Je vous remercie.
(Source http://www.industrie.gouv.fr, le 4 février 2003)