Déclaration de M. François Huwart, secrétaire d'Etat au commerce extérieur, sur les positions françaises et comunautaires en vue du prochain cycle de négociations de l'OMC et sur les différends commerciaux opposant l'UE aux Etats unis, Paris, le 7 septembre 1999.

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Circonstance : Réunion d'information et de dialogue sur le prochain cycle de négociation de l'OMC, à Paris, le 7 septembre 1999

Texte intégral

Je suis heureux de vous accueillir aujourd'hui pour cette réunion d'information et de dialogue sur les prochaines échéances de l'OMC.
Mike MOORE, que j'ai rencontré le 1er septembre, me rappelait qu'il ne reste que 13 semaines avant la réunion de SEATTLE. Ce n'est pas beaucoup, mais avec une nouvelle Commission, et un nouveau Directeur Général de l'OMC, nous sommes désormais équipés pour terminer efficacement le travail de préparation.
Jean-François STOLL reviendra dans un instant sur les échéances qui nous séparent encore de SEATTLE, et Béatrice MARRE vous dira comment, depuis la Délégation pour les affaires européennes de l'Assemblée Nationale, elle perçoit les enjeux du prochain cycle.
Pour ma part, je voudrais faire le point avec vous de l'état de la réflexion et - plus formellement - des positions françaises sur le prochain cycle, et vous dire quelles sont, à ce stade, nos principales interrogations.
1- Les positions françaises et européennes.
La position du Gouvernement a été présentée lors du débat parlementaire du 23 juin dernier. Nous en avons les principaux éléments à l'esprit, je n'y reviens pas dans le détail :
L'économie française n'a pas à craindre l'ouverture, au contraire. Les évolutions des dernières années ont fait la preuve de la solidité de nos entreprises à l'international. Poursuivre le travail d'ouverture de l'économie internationale, et l'accès aux marchés pour nos entreprises que cela permet, c'est un enjeu de croissance, d'emploi et de modernisation pour notre économie.
Mais le prochain cycle doit tout autant nous amener à fixer des règles du jeu, ou à tout le moins engager la discussion dans des domaines tels que l'investissement, la concurrence ou les marchés publics, et à articuler l'OMC avec les autres sujets de préoccupation internationale, qu'il s'agisse d'environnement, de normes sociales ou de sécurité alimentaire.
Dans le domaine agricole, la nouvelle PAC constitue la base de nos positions de négociation ; l'Europe devra mettre l'accent sur la défense de la multifonctionnalité et sur les objectifs offensifs que nous pouvons avoir en matière d'aide alimentaire, de protection des appellations d'origine, de monopoles d'exportation, ou d'utilisation des crédits exports ou de l'aide alimentaire à des fins commerciales ;
Nous défendrons l'exception culturelle.
Plus largement, nous adopterons une approche prudente s'agissant de la négociation sur les services, où nous avons des intérêts offensifs évidents, mais aussi des secteurs où la réglementation communautaire ne s'accommodera pas facilement d'une libéralisation incontrôlée. Naturellement il ne pourra être question de toucher à des services publics tels que ceux de l'éducation ou de la santé.
Ceci nous conduit à une conception de la négociation qui ne peut qu'être globale. Je vois trois raisons principales à cela :
C'est le moyen de trouver le bon équilibre entre régulation et ouverture ;
C'est une question de dynamique de négociation : si nous voulons aboutir, tous les pays membres doivent pouvoir trouver leur intérêt à un accord ;
Mais c'est aussi une condition nécessaire au déroulement du dialogue politique sur la négociation. Nous avons besoin d'un cycle global, si nous voulons un véritable débat collectif sur les engagements que nous devrons prendre à la fin du cycle.
2- La position communautaire reprend, assez largement, ces orientations françaises.
La France en a débattu avec nos collègues européens. Les textes de position auxquels nous sommes parvenus (conclusions du Conseil, du Conseil Affaires Générales, et fiches par sujet transmises au Secrétariat de l'OMC) correspondent assez largement à nos orientations, avec une réserve, s'agissant des normes sociales.
Vous constaterez en effet dans les documents qui vous ont été distribués, que la position communautaire sur les normes sociales n'a pas encore été clairement exprimée à Genève. C'est un reflet de la difficulté du débat à Bruxelles sur ce sujet, mais j'ai bon espoir que nous parvenions à un meilleur résultat dans les semaines qui viennent.
La Commission, pour sa part, avait préparé, sous l'impulsion du précédent Commissaire, un document qui a été transmis (mais pas discuté) au Conseil des Ministres de l'Union Européenne. Ce document était plus éloigné de nos positions. Naturellement, la nouvelle Commission aura sa propre analyse à faire valoir.
C'est pour cela que nous avons, dans les prochaines semaines, du pain sur la planche pour conforter les positions communautaires sur ces différents sujets. Je me rend à Helsinki ce soir pour faire le point avec la Présidence. Je verrai le nouveau Commissaire d'ici la fin du mois. Je suis heureux que vous ayez accepté de participer aujourd'hui à ce tour de table, il fallait naturellement que nous ayons cette discussion avant que les choses ne se stabilisent à Bruxelles.
3- Mais il est clair que si nous avons du travail à faire pour concilier les positions entre les Etats membre, la discussion qui va suivre, avec les autres membres de l'OMC, sera sensiblement plus difficile.
Les Etats-Unis ne reprennent pas, ou ne reprennent que très partiellement nos arguments concernant le besoin de " régulation ", pour les raisons de contexte politique que vous connaissez, l'absence de " fast track " et l'agacement plus traditionnel que provoque aux Etats-Unis toutes les initiatives multilatérales. Les thèmes des normes sociales, de la sécurité alimentaire, de l'environnement, de l'investissement, de la concurrence, suscitent au mieux un intérêt poli, au pire un refus complet d'engager la discussion, comme dans le cas de la concurrence.
L'objectif américain, à ce stade, se résume donc à la vision d'un cycle court, voire de résultats dès SEATTLE, le court terme primant le reste, essentiellement sur l'accès au marché.
Je pense d'ailleurs que les Etats-Unis chercheront, dès la fin de la semaine, à l'occasion du sommet de l'APEC, à faire valoir cette vision minimaliste du prochain cycle, et notamment leur initiative de " libéralisation tarifaire accélérée ".
Sur la culture, le Canada, parce que ses intérêts ne sont pas tout à fait les nôtres, est fortement tenté par une approche très différente de celle de la France dans la négociation qui va s'ouvrir, en proposant la réunion d'un groupe de travail sur la culture à l'OMC, ce qui me paraît être une erreur tactique importante.
Les PVD, et en particulier les grands pays émergents, ne sont pas, c'est le moins que l'on puisse dire, demandeurs d'une nouvelle négociation.
Enfin, le fonctionnement du règlement des différends, et en particulier les sanctions que nos entreprises supportent du fait des panels " hormones " et " bananes ", risquent d'affecter fortement l'image de l'OMC dans l'opinion.
Dans le cas du différend sur la banane, les services de la Commission ont fait hier des propositions. Je constate, malheureusement, qu'ils ont peut-être tiré un peu vite, en n'envisageant qu'une solution tarifaire. Cela va créer des difficultés. Il faut à la fois que nous allions vite, pour permettre la levée des sanctions, mais aussi que nous trouvions le dispositif qui, tout en étant conforme à l'OMC, ne lèse ni les intérêts des producteurs de banane communautaires ni ceux des pays ACP. Je pense que ça n'est pas impossible.
Mais le différend sur la viande aux hormones, lui, va durer : nous n'aurons pas bouclé notre dossier scientifique avant le second semestre 2000. Nous devrons, par conséquent, tirer les conséquences d'une situation qui nous conduira à supporter, pour une période somme toute assez longue, les sanctions américaines, avec ce que cela entraîne de gêne pour les entreprises, et d'incompréhension de la part de l'opinion publique.
Des inquiétudes symétriques existent d'ailleurs de l'autre côté de l'Atlantique. Les Etats-Unis s'apprêtent à perdre un panel important, qui vise les subventions fiscales à l'exportation. La suppression de ce dispositif " F.S.C. " est nécessaire, et je ne doute pas que les conclusions définitives du panel nous donneront raison. Il y a là un bénéfice considérable pour nos entreprises. Mais on comprend que l'opinion américaine réagisse moins favorablement que la notre à ce nouveau développement.
Quel impact tout ceci doit-il avoir sur notre vision du prochain cycle ? C'est essentiellement cela la question que je souhaitais que nous nous posions aujourd'hui ensemble.
Je vous propose, par conséquent, de m'arrêter là.
(source http://www.finances.gouv.fr, le 16 novembre 1999)