Texte intégral
A. Hausser-. Vous allez défendre tout à l'heure, à l'Assemblée, une proposition de loi pour les personnes qui ont commencé à travailler à l'âge de 14 ou 15 ans et qui totalisent 40 annuités. Cela veut donc dire qu'elles n'ont pas atteint les 60 ans et vous voudriez qu'elles bénéficient du taux plein de leur retraite. Mais je voudrais qu'on parle d'abord de l'interview de J. Chirac, hier soir, qui dit que la France votera "non" à toute nouvelle résolution sur l'Irak. Le monde politique est unanime pour saluer cette intervention. C'est également votre cas ?
- "Je suis personnellement fier de la France, de son attitude dans ce débat douloureux et difficile. Le président de la République, qui a annoncé qu'on dirait "non" jusqu'au bout, y compris avec le droit de veto, est conforme dans ce sens à ce que souhaite la majorité des Françaises et des Français et la représentation nationale. Je me félicite donc de cette position. J'ai d'ailleurs eu l'occasion de le dire, dans le débat qui s'est tenu à l'Assemblée sur le problème de l'Irak."
Pensez-vous qu'il faut mettre fin au régime de S. Hussein ou qu'il faut simplement désarmer l'Irak ?
- "Que S. Hussein soit un dictateur sanglant et qu'il mérite d'être condamné, c'est évident et nous l'avons fait sans ambiguïté. Mais la question qui est posée est celle du désarmement de l'Irak. Et la preuve a été faite que par les inspections, on pouvait résoudre et régler ce problème. Alors pourquoi déclencher une guerre, cyniquement, avec une morgue inacceptable, avec toutes les conséquences humaines et dramatiques que cela suppose, y compris avec le bouleversement du monde qui peut s'opérer à cette occasion ?"
Parce que, pour vous, les Américains poursuivent d'autres desseins ?
- "Bien entendu, les Américains poursuivent plusieurs desseins géostratégiques, dont celui d'être maître du monde d'une part, et d'être maître de cette région, notamment dans le Moyen-Orient."
Pouvons-nous empêcher les Etats-Unis de poursuivre ce dessein ?
- "S'il y a une mobilisation mondiale, à l'image de ce qui s'est passé dans beaucoup de capitales du monde, le 15 février dernier, avec une majorité des peuples et des nations qui dit aux Américains "stop", je pense qu'on est capables d'empêcher ce déclenchement de la guerre et d'empêcher qu'on aille plus loin dans ce remodelage pour des intérêts particuliers, ceux de l'impérialisme américain."
Vous y croyez encore ?
- "Jusqu'au bout, tant que la guerre n'aura pas été déclenchée, la paix peut gagner, parce que la guerre, c'est la guerre entre les hommes, alors que la paix, c'est "la guerre des idées", disait V. Hugo. Il faut donc continuer à se rassembler pour que la paix triomphe."
Est-ce que d'après vous, J. Chirac devrait aller à New York, s'exprimer à la tribune de l'ONU ?
- "Tout doit être mis en oeuvre, y compris aller à New York, et peut-être plus loin encore, parler avec tous les représentants des peuples et des Etats qui disent "non" à la guerre, pour empêcher que les Américains poursuivent leur but inhumain qu'est la guerre en Irak."
C'est lui-même qui aurait dû prendre son bâton de pèlerin, et non pas le ministre des Affaires étrangères ?
- "Tout est ouvert et je souhaite personnellement que le président de la République, comme d'ailleurs d'autres chefs d'Etat au plus niveau, se rendent à l'ONU, pour dire au Conseil de sécurité qu'il ne faut pas faire la guerre."
Nous allons parler de la proposition de loi que vous soumettez à l'Assemblée. Ce n'est pas la première fois, mais vous revenez à la charge. Il s'agirait donc de donner la retraite à taux plein aux travailleurs qui sont entrés dans la vie active dès l'âge de 14 ou 15 ans et qui ont totalisé 40 annuités. Cela veut dire que ce sont des gens qui ont 55 ou 56 ans. C'est une disposition qui sera sans doute intégrée dans la réforme des retraites, pourquoi revenir à la charge maintenant ?
- "Sous l'ancien gouvernement, sous l'ancienne majorité, j'ai personnellement défendu, avec mon groupe, cette proposition. Elle a été rejetée à l'époque, soit disant parce que ce n'était pas le moment. Il y avait la mise en place du COR [Conseil d'orientation pour les retraites], en particulier. Aujourd'hui, on me dit encore que ce n'est pas opportun parce qu'il y a le débat sur les retraites. Mais quand est-ce que c'est le bon moment ?! Ce qui est sûr, c'est qu'il y a des salariés dans notre pays, qui sont au nombre de 800.000 environ, qui ont commencé à travailler à l'âge de 14, 15 ou 16 ans, dans des conditions souvent très dures d'exploitation - on faisait 48 heures dans des professions comme la sidérurgie, le textile ou le bâtiment -, qui sont usés jusqu'à la corde, qui ont 55 ou 56 ans, qui sont parfois pris dans des plans de licenciement - je pense à ceux de Metaleurop -, et puis qui n'ont pas le droit à la retraite, alors qu'ils ont cotisé 40, 41, 42, voire 43 ans - j'en ai rencontré ! C'est essentiellement le monde ouvrier qui est concerné."
Il y a une disposition, qui s'appelle le CASA, non ?
- "Il y a une disposition qui ne concerne que 35.000 personnes en France et qui ne correspond pas à cette demande et à ce besoin. Comment ne pas accepter une mesure que tout le monde trouve légitime, y compris la Commission des affaires sociales ? Même Madame Comparini, de l'UDF, vient de déposer une loi allant dans le même sens. Donc, tout le monde est d'accord mais il faut passer à l'acte. C'est un peu comme en amour, la déclaration d'amour ne suffit pas, il faut passer à l'acte ! Alors, qu'on passe à l'acte, c'est ce que je demande ce matin à l'Assemblée."
Mais l'acte, c'est peut-être la réforme globale ?
- "La réforme globale, d'accord, mais qu'est-ce qui empêche le législateur de décider aujourd'hui, qu'effectivement, quand on a travaillé et cotisé 40 ans, dans des conditions pénibles, alors que ce sont ceux qui pendant les Trente glorieuses ont remonté la France, ne puissent pas bénéficier d'une reconnaissance, d'une dignité, d'avoir le droit d'être en retraite normalement ? Cela devrait faire consensus. Ensuite, que cela soit intégré dans les deux ou trois mois qui viennent dans l'ensemble du projet de réforme des retraites, bien entendu ! Mais qu'on l'acte officiellement du point de vue législatif."
Mais le jour où la réforme globale des retraites arrivera sur le bureau des députés, vous serez contre ?
- "Si elle est bonne, je serai pour. Si on revient aux 37,5 annuités, si on maintient le droit à la retraite à 60 ans, si on donne 75 % des revenus aux salariés, si on ne prend plus les 25 mais les 10 meilleures années, je serai pour ! Donc, je me bats pour un bon contenu des retraites. Il y a le "dialogue social", comme on dit, il y a les manifestations, la mobilisation, et je souhaite qu'elles soient vives et importantes, parce qu'on pourrait nous faire des mauvais coups, si le Medef impose son empreinte sur les choix gouvernementaux. Et c'est le grand risque."
La durée de cotisation, pour vous, ne peut pas être allongée ?
- "Surtout pas, je suis pour qu'on revienne à 37,5 ans. D'ailleurs, réfléchissons un peu ensemble : aujourd'hui, les jeunes trouvent du travail à 25, 26 ou 27 ans ; vont-ils travailler jusqu'à 65 ou 70 ans ?"
Une question sur le congrès du Parti communiste, qui va se tenir début avril. On découvre les tendances au PC et les militants ont été consultés pour la constitution de la direction. Il y a eu une faible mobilisation et une faible majorité pour la direction actuelle.
- "Disons qu'il y a eu une forte secousse, un grand coup de semonce. Les communistes ont dit ce qu'ils avaient envie de dire, ont contesté les choix récents de la direction. Il faut le prendre en compte et il ne faut surtout pas sombrer dans l'organisation de tendances. Ce qui pourrait être un risque."
Comment l'éviter ?
- "Les communistes ont quand même une culture d'unité. Qu'on respecte la diversité, je crois que c'est un acquis. Mais qu'on veille à ce que, ensemble, dans la préparation de ce congrès, non pas à trouver des compromis un peu bâtards mais à réfléchir à un contenu, pour faire un vrai Parti communiste des temps modernes ; que tous ensembles, rassemblés, tous les communistes puissent mener le combat pour la justice sociale, pour la paix, pour les libertés, contre la droite dans ce pays, me paraissent être des axes essentiels pour préparer demain un avenir meilleur et un nouvel espoir pour notre peuple."
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 11 mars 2003)
- "Je suis personnellement fier de la France, de son attitude dans ce débat douloureux et difficile. Le président de la République, qui a annoncé qu'on dirait "non" jusqu'au bout, y compris avec le droit de veto, est conforme dans ce sens à ce que souhaite la majorité des Françaises et des Français et la représentation nationale. Je me félicite donc de cette position. J'ai d'ailleurs eu l'occasion de le dire, dans le débat qui s'est tenu à l'Assemblée sur le problème de l'Irak."
Pensez-vous qu'il faut mettre fin au régime de S. Hussein ou qu'il faut simplement désarmer l'Irak ?
- "Que S. Hussein soit un dictateur sanglant et qu'il mérite d'être condamné, c'est évident et nous l'avons fait sans ambiguïté. Mais la question qui est posée est celle du désarmement de l'Irak. Et la preuve a été faite que par les inspections, on pouvait résoudre et régler ce problème. Alors pourquoi déclencher une guerre, cyniquement, avec une morgue inacceptable, avec toutes les conséquences humaines et dramatiques que cela suppose, y compris avec le bouleversement du monde qui peut s'opérer à cette occasion ?"
Parce que, pour vous, les Américains poursuivent d'autres desseins ?
- "Bien entendu, les Américains poursuivent plusieurs desseins géostratégiques, dont celui d'être maître du monde d'une part, et d'être maître de cette région, notamment dans le Moyen-Orient."
Pouvons-nous empêcher les Etats-Unis de poursuivre ce dessein ?
- "S'il y a une mobilisation mondiale, à l'image de ce qui s'est passé dans beaucoup de capitales du monde, le 15 février dernier, avec une majorité des peuples et des nations qui dit aux Américains "stop", je pense qu'on est capables d'empêcher ce déclenchement de la guerre et d'empêcher qu'on aille plus loin dans ce remodelage pour des intérêts particuliers, ceux de l'impérialisme américain."
Vous y croyez encore ?
- "Jusqu'au bout, tant que la guerre n'aura pas été déclenchée, la paix peut gagner, parce que la guerre, c'est la guerre entre les hommes, alors que la paix, c'est "la guerre des idées", disait V. Hugo. Il faut donc continuer à se rassembler pour que la paix triomphe."
Est-ce que d'après vous, J. Chirac devrait aller à New York, s'exprimer à la tribune de l'ONU ?
- "Tout doit être mis en oeuvre, y compris aller à New York, et peut-être plus loin encore, parler avec tous les représentants des peuples et des Etats qui disent "non" à la guerre, pour empêcher que les Américains poursuivent leur but inhumain qu'est la guerre en Irak."
C'est lui-même qui aurait dû prendre son bâton de pèlerin, et non pas le ministre des Affaires étrangères ?
- "Tout est ouvert et je souhaite personnellement que le président de la République, comme d'ailleurs d'autres chefs d'Etat au plus niveau, se rendent à l'ONU, pour dire au Conseil de sécurité qu'il ne faut pas faire la guerre."
Nous allons parler de la proposition de loi que vous soumettez à l'Assemblée. Ce n'est pas la première fois, mais vous revenez à la charge. Il s'agirait donc de donner la retraite à taux plein aux travailleurs qui sont entrés dans la vie active dès l'âge de 14 ou 15 ans et qui ont totalisé 40 annuités. Cela veut dire que ce sont des gens qui ont 55 ou 56 ans. C'est une disposition qui sera sans doute intégrée dans la réforme des retraites, pourquoi revenir à la charge maintenant ?
- "Sous l'ancien gouvernement, sous l'ancienne majorité, j'ai personnellement défendu, avec mon groupe, cette proposition. Elle a été rejetée à l'époque, soit disant parce que ce n'était pas le moment. Il y avait la mise en place du COR [Conseil d'orientation pour les retraites], en particulier. Aujourd'hui, on me dit encore que ce n'est pas opportun parce qu'il y a le débat sur les retraites. Mais quand est-ce que c'est le bon moment ?! Ce qui est sûr, c'est qu'il y a des salariés dans notre pays, qui sont au nombre de 800.000 environ, qui ont commencé à travailler à l'âge de 14, 15 ou 16 ans, dans des conditions souvent très dures d'exploitation - on faisait 48 heures dans des professions comme la sidérurgie, le textile ou le bâtiment -, qui sont usés jusqu'à la corde, qui ont 55 ou 56 ans, qui sont parfois pris dans des plans de licenciement - je pense à ceux de Metaleurop -, et puis qui n'ont pas le droit à la retraite, alors qu'ils ont cotisé 40, 41, 42, voire 43 ans - j'en ai rencontré ! C'est essentiellement le monde ouvrier qui est concerné."
Il y a une disposition, qui s'appelle le CASA, non ?
- "Il y a une disposition qui ne concerne que 35.000 personnes en France et qui ne correspond pas à cette demande et à ce besoin. Comment ne pas accepter une mesure que tout le monde trouve légitime, y compris la Commission des affaires sociales ? Même Madame Comparini, de l'UDF, vient de déposer une loi allant dans le même sens. Donc, tout le monde est d'accord mais il faut passer à l'acte. C'est un peu comme en amour, la déclaration d'amour ne suffit pas, il faut passer à l'acte ! Alors, qu'on passe à l'acte, c'est ce que je demande ce matin à l'Assemblée."
Mais l'acte, c'est peut-être la réforme globale ?
- "La réforme globale, d'accord, mais qu'est-ce qui empêche le législateur de décider aujourd'hui, qu'effectivement, quand on a travaillé et cotisé 40 ans, dans des conditions pénibles, alors que ce sont ceux qui pendant les Trente glorieuses ont remonté la France, ne puissent pas bénéficier d'une reconnaissance, d'une dignité, d'avoir le droit d'être en retraite normalement ? Cela devrait faire consensus. Ensuite, que cela soit intégré dans les deux ou trois mois qui viennent dans l'ensemble du projet de réforme des retraites, bien entendu ! Mais qu'on l'acte officiellement du point de vue législatif."
Mais le jour où la réforme globale des retraites arrivera sur le bureau des députés, vous serez contre ?
- "Si elle est bonne, je serai pour. Si on revient aux 37,5 annuités, si on maintient le droit à la retraite à 60 ans, si on donne 75 % des revenus aux salariés, si on ne prend plus les 25 mais les 10 meilleures années, je serai pour ! Donc, je me bats pour un bon contenu des retraites. Il y a le "dialogue social", comme on dit, il y a les manifestations, la mobilisation, et je souhaite qu'elles soient vives et importantes, parce qu'on pourrait nous faire des mauvais coups, si le Medef impose son empreinte sur les choix gouvernementaux. Et c'est le grand risque."
La durée de cotisation, pour vous, ne peut pas être allongée ?
- "Surtout pas, je suis pour qu'on revienne à 37,5 ans. D'ailleurs, réfléchissons un peu ensemble : aujourd'hui, les jeunes trouvent du travail à 25, 26 ou 27 ans ; vont-ils travailler jusqu'à 65 ou 70 ans ?"
Une question sur le congrès du Parti communiste, qui va se tenir début avril. On découvre les tendances au PC et les militants ont été consultés pour la constitution de la direction. Il y a eu une faible mobilisation et une faible majorité pour la direction actuelle.
- "Disons qu'il y a eu une forte secousse, un grand coup de semonce. Les communistes ont dit ce qu'ils avaient envie de dire, ont contesté les choix récents de la direction. Il faut le prendre en compte et il ne faut surtout pas sombrer dans l'organisation de tendances. Ce qui pourrait être un risque."
Comment l'éviter ?
- "Les communistes ont quand même une culture d'unité. Qu'on respecte la diversité, je crois que c'est un acquis. Mais qu'on veille à ce que, ensemble, dans la préparation de ce congrès, non pas à trouver des compromis un peu bâtards mais à réfléchir à un contenu, pour faire un vrai Parti communiste des temps modernes ; que tous ensembles, rassemblés, tous les communistes puissent mener le combat pour la justice sociale, pour la paix, pour les libertés, contre la droite dans ce pays, me paraissent être des axes essentiels pour préparer demain un avenir meilleur et un nouvel espoir pour notre peuple."
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 11 mars 2003)