Texte intégral
P. Ganz.- Réunion des ministres européens de l'Economie et des Finances aujourd'hui et demain à Bruxelles, sur fond de menace, de plus en plus précise, de guerre en Irak. Parlons d'abord de ce dossier irakien. Après l'affirmation nette de D. de Villepin, disant qu'il n'y aura pas de seconde résolution à l'ONU légitimant le recours à la force, va-t-on, selon vous, vers un veto français au Conseil de sécurité ?
- "Je crois qu'il faut bien lire ce qu'a dit notre ministre des Affaires étrangères hier. Il a quand même rappelé, avec solennité que, l'objectif commun avec les Etats-Unis et les démocraties occidentales, demeure le désarmement effectif et complet, et j'y ajouterai même durable de l'Irak. Deuxièmement, D. de Villepin, a précisé qu'il y aurait obligation, en tout état de cause, si les inspections ont déjà fait progresser le désarmement, il y aurait obligation pour l'Irak, désormais - sans d'ailleurs qu'il y ait de délai fixé à cela, ce qui veut dire que cela pourrait se faire dans des délais plus rapprochés que prévu -, de donner des preuves concrètes de sa coopération."
Les Américains sont sur une position plus intransigeante, est-ce que pour vous, la probabilité d'un vote à l'ONU, et donc, peut-être, d'un veto français, est plus forte qu'il y a une semaine ?
- "Ce que l'on peut dire, c'est que dès lors que les inspecteurs constatent des progrès significatifs, dès lors que la France, notamment, indique bien qu'elle ne veut pas non plus baisser les bras et qu'il s'agit bien de faire céder S. Hussein, on peut penser que les Etats-Unis auront du mal à obtenir une majorité pour une résolution qui engagerait les Etats-Unis dans une intervention militaire immédiate. Donc, on ne peut pas aujourd'hui préjuger de savoir si la question du veto se posera ou pas. Ce que je crois, c'est qu'il faut vraiment que la France montre bien sa détermination mais rappelle tout de même, que l'on n'a pas exploité toutes les possibilités d'une méthode différente qui, au lieu de recourir immédiatement à l'intervention militaire, conjugue la pression militaire et des inspections renforcées pour arriver à l'objectif recherché."
Concernant l'effet qu'a ce débat que vous résumez ici, par exemple sur le groupe UMP que vous présidez, est-ce que vous craignez, au fur et à mesure que la menace de guerre se fait plus précise, que les tensions soient plus fortes au sein de votre groupe ?
- "Je ne le crois pas. Je pense, malgré tout, que la démarche française, qui est en quelque sorte un peu un rendez-vous avec l'avenir, en disant : on ne pourra pas éradiquer toutes les sources de violence à travers des interventions militaires répétées, il faut bien trouver des méthodes d'action qui n'excluent pas la menace de la force, mais qui, avant d'y recourir, utilisent tous les autres moyens. Donc, cette position est fondée et elle recueille un large assentiment."
Il y a quand même certains députés de l'UMP qui sont sur une position beaucoup plus critique par rapport à cette fermeté française.
- "Ce qui est vrai, c'est que, même si cette position française recueille un large assentiment, certains d'entre nous sont très sensibles aux risques de voir se produire une cassure excessive avec les autres démocraties et avec les Etats-Unis. Parce que, nous sommes bien conscients que, quelle que soit l'issue de cette affaire, intervention militaire américaine ou pas, unilatérale ou pas, il faudra bien construire ensemble la paix. C'est donc vrai qu'un certain nombre de députés UMP insistent beaucoup sur la nécessité de poursuivre les explications, le dialogue avec Washington. Et aussi réaffirmer notre volonté de mettre fin à cet armement irakien, et à la mise sous surveillance d'une dictature dont nous savons bien tous les méfaits. Il y a donc chez certains, effectivement, un accent porté sur la volonté de ne pas donner aux Américains le sentiment qu'on serait totalement éloignés de leurs préoccupations et de leurs objectifs."
Toujours sur la relation entre l'Europe et les Etats-Unis, il y a le rapport entre l'euro et le dollar. L'euro, hier, valait 1,10 dollar. Est-il trop haut économiquement parlant ?
- "Incontestablement, un euro trop fort, ce sont des exportations vers tous les pays qui utilisent le dollar qui deviennent difficiles pour nos entreprises. Il y a là, en effet, un risque indirect..."
Cela peut avoir un effet sur la croissance ?
- "...de voir la France et l'Europe financer indirectement une partie des opérations militaires. Je crois qu'il faut être clair. Cela n'est pas tout à fait acceptable."
Le déficit cette année dépassera les 3 % autorisés, peut-être même atteindra-t-il, selon le quotidien économique Les Echos, 3,4 %. Cela vous paraît possible ?
- "Bien sûr qu'avec une croissance à 1,5 ou un peu plus d'1,5, il est bien évident que les ressources se raréfient, et que l'on arrive à augmenter le déficit. Il faut quand même ajouter deux choses : la première, c'est que nous avons quand même un effort militaire en cours. Et ça, on l'oublie un peu trop en Europe. La France, courageusement, a voulu augmenter son effort de défense. Deuxièmement, ce qui importe pour nous, c'est de montrer à nos amis européens et à la Commission, que nous engageons des réformes de structure - réforme de l'Etat, etc. - qui porteront leurs fruits. Au fond, je serais tenté de dire : il faut que la France démontre que, dès que la croissance sera de retour, effectivement, courageusement, nous affecterons une large partie des ressources de la croissance retrouvée à la réduction du déficit."
Qu'est-ce que cela veut dire ? Des économies dans la gestion de la France ? Où est-ce qu'on peut faire des économies sur le budget de l'Etat ?
- "Bien sûr, il faut que nous soyons intraitables pour passer au crible toutes les dépenses de fonctionnement."
Mais quel type de dépenses faudrait-il peut-être alléger ?
- "Nous savons bien, notamment, que lorsqu'on transfère un certain nombre de compétences aux collectivités locales - il faudra être très clair et précis -, L'Etat, à ce moment-là, doit redéployer ses effectifs, transférer un certain nombre de ses effectifs aux collectifs locales, qui, avec une gestion de proximité, pourront moderniser la gestion. Il ne s'agit pas de supprimer des emplois, mais il s'agit, à terme, d'avoir le même service et même un service de meilleure qualité, avec des postes de travail moins nombreux."
Mais cependant, est-ce que l'année qui vient va être une année où les Français vont se serrer la ceinture, où les réductions d'impôts annoncées vont être un peu retardées ?
- "Je crois qu'il ne faut pas perdre l'espoir de ces allégements bien ciblés des prélèvements, pour permettre à ceux qui créent de la richesse, qui investissent, de le faire. Simplement, il faudra, en effet, expliquer que cet effort, cette politique devra prendre un peu plus de temps, et qu'elle devra être engagée, évidemment, par des économies dans la gestion de la sphère publique, de manière à ce qu'on n'augmente pas trop non plus un endettement qui, maintenant, doit être surveillé de très près."
(Source : Premier ministre, Service d'information du gouvernement, le 7 mars 2003)
- "Je crois qu'il faut bien lire ce qu'a dit notre ministre des Affaires étrangères hier. Il a quand même rappelé, avec solennité que, l'objectif commun avec les Etats-Unis et les démocraties occidentales, demeure le désarmement effectif et complet, et j'y ajouterai même durable de l'Irak. Deuxièmement, D. de Villepin, a précisé qu'il y aurait obligation, en tout état de cause, si les inspections ont déjà fait progresser le désarmement, il y aurait obligation pour l'Irak, désormais - sans d'ailleurs qu'il y ait de délai fixé à cela, ce qui veut dire que cela pourrait se faire dans des délais plus rapprochés que prévu -, de donner des preuves concrètes de sa coopération."
Les Américains sont sur une position plus intransigeante, est-ce que pour vous, la probabilité d'un vote à l'ONU, et donc, peut-être, d'un veto français, est plus forte qu'il y a une semaine ?
- "Ce que l'on peut dire, c'est que dès lors que les inspecteurs constatent des progrès significatifs, dès lors que la France, notamment, indique bien qu'elle ne veut pas non plus baisser les bras et qu'il s'agit bien de faire céder S. Hussein, on peut penser que les Etats-Unis auront du mal à obtenir une majorité pour une résolution qui engagerait les Etats-Unis dans une intervention militaire immédiate. Donc, on ne peut pas aujourd'hui préjuger de savoir si la question du veto se posera ou pas. Ce que je crois, c'est qu'il faut vraiment que la France montre bien sa détermination mais rappelle tout de même, que l'on n'a pas exploité toutes les possibilités d'une méthode différente qui, au lieu de recourir immédiatement à l'intervention militaire, conjugue la pression militaire et des inspections renforcées pour arriver à l'objectif recherché."
Concernant l'effet qu'a ce débat que vous résumez ici, par exemple sur le groupe UMP que vous présidez, est-ce que vous craignez, au fur et à mesure que la menace de guerre se fait plus précise, que les tensions soient plus fortes au sein de votre groupe ?
- "Je ne le crois pas. Je pense, malgré tout, que la démarche française, qui est en quelque sorte un peu un rendez-vous avec l'avenir, en disant : on ne pourra pas éradiquer toutes les sources de violence à travers des interventions militaires répétées, il faut bien trouver des méthodes d'action qui n'excluent pas la menace de la force, mais qui, avant d'y recourir, utilisent tous les autres moyens. Donc, cette position est fondée et elle recueille un large assentiment."
Il y a quand même certains députés de l'UMP qui sont sur une position beaucoup plus critique par rapport à cette fermeté française.
- "Ce qui est vrai, c'est que, même si cette position française recueille un large assentiment, certains d'entre nous sont très sensibles aux risques de voir se produire une cassure excessive avec les autres démocraties et avec les Etats-Unis. Parce que, nous sommes bien conscients que, quelle que soit l'issue de cette affaire, intervention militaire américaine ou pas, unilatérale ou pas, il faudra bien construire ensemble la paix. C'est donc vrai qu'un certain nombre de députés UMP insistent beaucoup sur la nécessité de poursuivre les explications, le dialogue avec Washington. Et aussi réaffirmer notre volonté de mettre fin à cet armement irakien, et à la mise sous surveillance d'une dictature dont nous savons bien tous les méfaits. Il y a donc chez certains, effectivement, un accent porté sur la volonté de ne pas donner aux Américains le sentiment qu'on serait totalement éloignés de leurs préoccupations et de leurs objectifs."
Toujours sur la relation entre l'Europe et les Etats-Unis, il y a le rapport entre l'euro et le dollar. L'euro, hier, valait 1,10 dollar. Est-il trop haut économiquement parlant ?
- "Incontestablement, un euro trop fort, ce sont des exportations vers tous les pays qui utilisent le dollar qui deviennent difficiles pour nos entreprises. Il y a là, en effet, un risque indirect..."
Cela peut avoir un effet sur la croissance ?
- "...de voir la France et l'Europe financer indirectement une partie des opérations militaires. Je crois qu'il faut être clair. Cela n'est pas tout à fait acceptable."
Le déficit cette année dépassera les 3 % autorisés, peut-être même atteindra-t-il, selon le quotidien économique Les Echos, 3,4 %. Cela vous paraît possible ?
- "Bien sûr qu'avec une croissance à 1,5 ou un peu plus d'1,5, il est bien évident que les ressources se raréfient, et que l'on arrive à augmenter le déficit. Il faut quand même ajouter deux choses : la première, c'est que nous avons quand même un effort militaire en cours. Et ça, on l'oublie un peu trop en Europe. La France, courageusement, a voulu augmenter son effort de défense. Deuxièmement, ce qui importe pour nous, c'est de montrer à nos amis européens et à la Commission, que nous engageons des réformes de structure - réforme de l'Etat, etc. - qui porteront leurs fruits. Au fond, je serais tenté de dire : il faut que la France démontre que, dès que la croissance sera de retour, effectivement, courageusement, nous affecterons une large partie des ressources de la croissance retrouvée à la réduction du déficit."
Qu'est-ce que cela veut dire ? Des économies dans la gestion de la France ? Où est-ce qu'on peut faire des économies sur le budget de l'Etat ?
- "Bien sûr, il faut que nous soyons intraitables pour passer au crible toutes les dépenses de fonctionnement."
Mais quel type de dépenses faudrait-il peut-être alléger ?
- "Nous savons bien, notamment, que lorsqu'on transfère un certain nombre de compétences aux collectivités locales - il faudra être très clair et précis -, L'Etat, à ce moment-là, doit redéployer ses effectifs, transférer un certain nombre de ses effectifs aux collectifs locales, qui, avec une gestion de proximité, pourront moderniser la gestion. Il ne s'agit pas de supprimer des emplois, mais il s'agit, à terme, d'avoir le même service et même un service de meilleure qualité, avec des postes de travail moins nombreux."
Mais cependant, est-ce que l'année qui vient va être une année où les Français vont se serrer la ceinture, où les réductions d'impôts annoncées vont être un peu retardées ?
- "Je crois qu'il ne faut pas perdre l'espoir de ces allégements bien ciblés des prélèvements, pour permettre à ceux qui créent de la richesse, qui investissent, de le faire. Simplement, il faudra, en effet, expliquer que cet effort, cette politique devra prendre un peu plus de temps, et qu'elle devra être engagée, évidemment, par des économies dans la gestion de la sphère publique, de manière à ce qu'on n'augmente pas trop non plus un endettement qui, maintenant, doit être surveillé de très près."
(Source : Premier ministre, Service d'information du gouvernement, le 7 mars 2003)