Déclaration de M. Renaud Muselier, secrétaire d'Etat aux affaires étrangères, sur la prévention et l'interdiction des armements chimiques, à La Haye le 29 avril 2003.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Première conférence des Etats parties à la convention d'interdiction des armes chimiques, à La Haye le 29 avril 2003

Texte intégral

Monsieur le Président de la Conférence d'examen,
Monsieur le Président du Conseil exécutif,
Monsieur le Directeur général du Secrétariat technique,
Monsieur le Président du Groupe préparatoire à la Conférence d'examen,
Excellences, Mesdames et Messieurs,
Cette première Conférence d'examen de la Convention d'interdiction des armes chimiques constitue un événement majeur dans la vie de cet instrument multilatéral de désarmement. Il est unique à bien des égards. Cette conférence donne l'occasion de dresser un bilan des premières années d'application de ce texte, mais également de tracer quelques perpectives pour l'avenir.
Je remercie le représentant de la Présidence, intervenu au nom des Quinze et des pays associés pour présenter les vues de l'Union européenne.
Ce qui est vrai dans la vie d'un homme peut être transposé, toutes choses égales par ailleurs, à l'existence d'une Convention. Celle-ci naît, se développe et doit savoir se remettre en question, comme la Convention nous en fait l'obligation.
Quelles sont aujourd'hui les attentes de la France ?
Nous sommes réunis pour évaluer les forces et les faiblesses de l'application d'un document international dont l'objectif fondamental est le désarmement chimique. Mon pays fut à l'initiative de deux conférences déterminantes dans la vie de la Convention qui se sont tenues à Paris, celle de relance des négociations de Genève, en 1989, et celle de signature de la Convention, en 1993.
D'une manière générale, nous estimons que les progrès que nous avons accomplis depuis la signature de la Convention sont encore modestes à l'échelle de la tâche restant à réaliser.
Nous pensons que notre sécurité, dans le domaine chimique, doit reposer sur un traité international vérifiable et ambitieux.
Pour notre part, nous faisons le choix du multilatéralisme. Il faut trouver les pistes créatives qui nous permettront d'accroître l'efficacité de la Convention, dans les deux domaines suivants : le désarmement et la prévention de la prolifération chimique.
I - Dans le domaine du désarmement, il faut saluer les efforts des Etats membres - avec l'aide d'abord du Secrétariat préparatoire, puis de l'Organisation - depuis 1997. Mais nous en sommes encore à une phase préliminaire du désarmement chimique :
- Tout d'abord, les arsenaux chimiques les plus importants commencent à peine à être détruits. Nous n'en sommes qu'à un chiffre de destruction d'environ 10 % des stocks déclarés en dépit d'un calendrier exigeant ;
- Ensuite, nous devons réfléchir rapidement à un système, tout aussi efficace mais moins onéreux de vérification de la destruction.
- Enfin, il est probable que l'inventaire dont l'OIAC dispose sur les dépôts d'armes chimiques existants soient encore à compléter. Attention, nous devons veiller à une transparence accrue. La seule marque actuelle est la sincérité et la volonté politique des Etats parties d'accepter de fournir régulièrement des données exhaustives.
II - A nos yeux, la vraie question est la suivante : y a-t-il une alternative au désarmement chimique multilatéral organisé et vérifiable ? Nous ne le pensons pas.
Aucune des autres voies explorées n'est prometteuse de plus de stabilité et de plus de sécurité. L'arme de destruction massive qu'est l'arme chimique a toujours été conçue comme une arme d'emploi et non comme une arme de dissuasion.
Aujourd'hui, le choix est simple : ou nous appliquons la Convention dans toute son intégralité, ou elle deviendra très rapidement obsolète. Ce serait la fin de l'OIAC et de fait du désarmement multilatéral. Nous avons donc le devoir d'entretenir la dynamique du désarmement chimique multilatéral.
III - Quelles peuvent être les pistes de notre action ?
J'en vois trois. Je les soumets à votre réflexion.
- La première touche à l'universalité de la Convention. La France a pris sa part dans la période récente à l'assistance que l'OIAC propose aux pays sur le point d'adhérer à la Convention. Certains ont besoin d'un appui dans le domaine législatif. Il faut aller au-delà dans cette recherche de l'universalité. Il nous faut travailler ensemble pour que les zones d'ombre dans la mise en oeuvre de cette Convention soient réduites au minimum. Je pense au Proche et au Moyen-Orient ainsi qu'à d'autres zones de crises. Nous pouvons aujourd'hui travailler à l'instauration d'une dynamique positive.
- La deuxième piste est liée aux attentes de mon pays en matière de prévention d'une prolifération dans le domaine des Produits chimiques organiques définis (PCOD). La France souhaite que l'Organisation trouve dans ce domaine les instruments adaptés, équitables, mais aussi réellement dissuasifs, comme la Convention le suggère. Les inspections appropriées devraient être multipliées.
- La troisième piste concerne l'outil de l'inspection par mise en demeure. Cet instrument n'a jamais été employé. C'est pourtant dans l'architecture de la Convention une disposition décisive. Elle ne viserait pas à mettre à l'index tel ou tel pays mais elle contrebalancerait le libre-arbitre qui accompagne le mécanisme d'établissement des déclarations initiales. La France, qui fait le choix du multilatéralisme, ne va certainement pas en faire un autre en matière chimique.
La législation nationale française dans ce domaine est prête. Certains partenaires, plus en avance encore, mènent déjà des exercices nationaux d'application de l'inspection par mise en demeure. Mon pays est disposé à participer à la réflexion politique que doit mener la communauté internationale sur ce sujet.
Instrument de désarmement, la Convention d'interdiction des Armes chimiques est aussi un instrument important de non-prolifération. La prolifération des armes de destruction massive et de leurs vecteurs constitue une menace grave pour la paix et la sécurité internationales. Ce danger est accru par le risque d'acquisition par des groupes terroristes. Nous devons contribuer à une politique active pour contrer cette prolifération. La France estime qu'il convient de renforcer le rôle du Conseil de sécurité vis-à-vis des crises de prolifération et de lui donner les moyens d'agir face à ce qui constitue une menace pour la paix et la sécurité internationales.
C'est pourquoi mon pays a proposé de tenir, en marge de la prochaine Assemblée générale des Nations unies, un Sommet du Conseil de sécurité consacré à cette question. Il dressera un bilan de la politique de non-prolifération et lui donnera une nouvelle impulsion pour l'avenir.
Un mot pour conclure sur l'OIAC, sur l'Organisation elle-même. Une transparence accrue en matière de budget s'est amorcée avec la 7ème Conférence des Etats parties, l'objectif étant une Organisation redynamisée au budget assaini. Nous remercions le Directeur général pour son efficacité. L'Organisation a tout à gagner à l'extension de la transparence aux domaines des déclarations initiales et des déclarations annuelles.
C'est un point fondamental sur lequel mon pays s'associe tout à fait aux suggestions faites par écrit par certains Etats membres.
Monsieur le Président,
La Convention chimique est à la croisée des chemins. Elle est dans le domaine du désarmement et de la non-prolifération un texte-phare, sinon le seul instrument international opérationnel, aussi universel.
Voilà des objectifs clairs. Travaillons tous ensemble pendant ces deux semaines pour faire de cette première Conférence un réel succès.
En dynamisant le désarmement chimique multilatéral, nous contribuons aujourd'hui à renforcer la paix et la sécurité internationales de demain.
Je vous remercie, Monsieur le Président
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 2 mai 2003)