Interview de M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, à France 2 le 24 avril 2003, sur la réforme des retraites, notamment l'allongement de la durée des cotisations sociales, l'extension de la retraite par capitalisation et les garanties de retraite pour le SMIC.

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Texte intégral

OLIVIER MAZEROLLE
Bonsoir Monsieur FILLON.
FRANÇOIS FILLON
Bonsoir.
OLIVIER MAZEROLLE
Et bonsoir à vous tous qui nous rejoignez pour ce " 100 minutes " consacré aux retraites et à l'emploi, deux sujets qui provoquent souvent l'inquiétude des Français, qui aimeraient bien avoir des réponses à leurs questions. Alors ces réponses, nous espérons les obtenir de vous ce soir, Monsieur le Ministre, grâce aux questions que vont vous poser les journalistes du FIGARO et de FRANCE 2, et puis aussi grâce à la contradiction que vont vous apporter trois interlocuteurs, BERNARD THIBAULT, de la CGT, qui se trouve dans son bureau, GUILLAUME SARKOZY, qui est le vice-président du MEDEF et le président des INDUSTRIES TEXTILES, à son bureau également, et puis Ségolène ROYAL, députée socialiste des Deux-Sèvres et membre du gouvernement JOSPIN. Alors Monsieur le Ministre, cette feuille de route sur la réforme des retraites, c'est le président de la République qui vous l'a fixée, de manière assez solennelle d'ailleurs, le 31 décembre dernier, lorsqu'il a adressé ses vux aux Français, on l'écoute.
JACQUES CHIRAC - 31 DECEMBRE 2002
La réforme des retraites, qui concerne tout le monde, et qui seule permettra de garantir à chaque Français une bonne retraite. C'est une chance pour tous, et ce serait un grand péril de ne pas la faire.
OLIVIER MAZEROLLE
" Grand péril de ne pas la faire ", mais danger politique aussi à la faire, et sur l'échelle de Richter du risque politique, vous la situez où, cette réforme des retraites ?
FRANÇOIS FILLON
Vous savez, moi je n'ai pas peur, parce que quand on fait son devoir on n'a pas peur. Et s'agissant des retraites, on a tellement attendu, il y a aujourd'hui un tel risque qui pèse sur les régimes de retraites, que je n'ai pas le temps d'avoir peur. Je n'ai que le temps de me concentrer sur le désamorçage d'une bombe qui menace toutes les générations futures.
OLIVIER MAZEROLLE
Une bombe quand même. Alors vous êtes l'un des ministres les plus importants du gouvernement RAFFARIN, et pourtant les Français ne vous connaissent pas beaucoup, et quand même, vous avez été benjamin de l'Assemblée nationale, ministre d'Edouard BALLADUR aux Postes et aux Télécommunications, aujourd'hui numéro trois du gouvernement RAFFARIN, mais c'est vrai que vous n'êtes pas un homme de coup d'éclat, par tempérament ?
FRANÇOIS FILLON
Oui, moi je suis un homme de l'Ouest. Vous savez, dans l'Ouest, on est modéré, on aime bien la discrétion, on n'aime pas les excès. Et puis je crois, OLIVIER MAZEROLLE, que l'excès de médiatisation et la culture de l'instant est en train de tuer la démocratie beaucoup plus sûrement que tous les extrémismes.
OLIVIER MAZEROLLE
Alors on va essayer de ne pas faire d'excès ce soir, mais vous pouvez sortir de vos gonds, quand même, ça vous arrive ?
FRANÇOIS FILLON
Ça m'arrive, mais je vais essayer de ne pas le faire ce soir, car je ne vois pas de raison de le faire.
OLIVIER MAZEROLLE
Alors jusqu'il y a peu de temps, vous avez été compagnon de route de Philippe SEGUIN, et vous vous souvenez sans doute, il y a dix ans, il avait fait sensation lorsqu'il avait parlé d'un Munich social en France au prétexte, disait-il, qu'on y fabrique des générations d'exclus faute d'une politique de l'emploi. Est-ce que vous avez le sentiment aujourd'hui, vous, qui avez été à ses côtés, de mener une politique de l'emploi ?
FRANÇOIS FILLON
Oui, j'ai le sentiment de mener une politique de l'emploi, qui est une politique de l'emploi qui vise à essayer de faire profiter la France du moindre souffle de croissance. L'emploi, dans un pays aujourd'hui soumis à la concurrence internationale, est très lié naturellement à la situation dans le monde, et pour nous, à la situation en Europe. Toute la question, c'est comme un bateau : il faut qu'il soit le plus léger possible pour prendre le premier souffle de vent. Et mon travail, c'est au fond d'alléger le bateau pour qu'il soit le plus rapide possible.
OLIVIER MAZEROLLE
Alors justement, la guerre en Irak vient de se terminer, est-ce que ce souffle va être suffisant en France pour que l'on évite les sombres pronostics des 10 % de chômeurs à la fin de l'année ?
FRANÇOIS FILLON
Je crois que le chômage, qui a commencé à augmenter pratiquement au printemps 2001, c'est-à-dire depuis deux ans, va continuer de monter jusqu'à l'été. Je pense qu'il va se stabiliser à l'automne et que nous aurons une baisse du chômage en 2004, parce qu'en 2004 toutes les raisons d'une relance économique sont rassemblées. On a
OLIVIER MAZEROLLE
Quand vous dites baisse du chômage en 2004, ça veut dire moins de chômeurs à la fin de l'année qu'il n'y en avait au début de l'année ?
FRANÇOIS FILLON
Absolument, ça veut dire qu'on inverse la courbe, parce que
OLIVIER MAZEROLLE
Alors attendez, c'est précis, ma question, c'est : il y en aura moins à la fin de l'année qu'au début de l'année ?
FRANÇOIS FILLON
On inverse la courbe, on commence à redescendre.
OLIVIER MAZEROLLE
D'accord.
FRANÇOIS FILLON
On commence à redescendre, c'est-à-dire qu'on commence à créer plus d'emplois et à absorber plus d'actifs nouveaux sur le marché du travail. Mais pourquoi ? Parce que d'une part, comme vous l'avez dit, les incertitudes internationales sont en train de se dissiper, ensuite parce que l'assainissement du secteur des nouvelles technologies et des télécommunications, qui a été à la fois la locomotive de la croissance ces dernières années et puis la cause de la crise que nous traversons, est en train aussi de s'achever, et enfin parce que les mesures structurelles que le gouvernement a prises vont commencer à donner des effets. Je prends un exemple : les allègements de charges, qui constituent un des éléments essentiels de la politique que nous voulons mener. Les allègements de charges n'auront pas d'effet avant le 1er juillet prochain, ils ne commencent à entrer en vigueur qu'au 1er juillet prochain.
OLIVIER MAZEROLLE
Alors on va parler de tout ça, mais premier chapitre de cette soirée : les retraites, le moment de vérité. Il faut dire que partout en Europe on en parle, de ces retraites, et qu'il y a maintenant plus de dix ans qu'on en parle, en Europe et en France, récit de Farida SETITI (ph).
/// reportage ///
OLIVIER MAZEROLLE
Monsieur FILLON, tout de même, quand vous revoyez Alain JUPPE à la tribune de l'Assemblée nationale, ces députés qui l'acclament, qui l'applaudissent, et puis finalement qui l'abandonnent en rase campagne à un pays qui dit non, vous n'avez pas la crainte de revivre le même film ?
FRANÇOIS FILLON
Je crois qu'on n'est pas du tout en 95, il y a une grande différence. En 95, on avait encore un peu de temps devant nous. Maintenant on en a plus. Les déficits du régime général, c'est pour dans deux ou trois ans. C'est-à-dire que si on ne réforme pas maintenant, et quand je dis maintenant c'est avant la fin de cette année, les régimes de retraites, alors on ne pourra plus sauver le régime par répartition, et on ira vers une catastrophe sociale de très, très grande ampleur. C'est pour ça que je crois que les Français ont changé d'attitude à l'égard de cette question des retraites, parce qu'ils sentent bien que maintenant le danger est imminent.
OLIVIER MAZEROLLE
Alors JEAN DE BELOT, directeur de la rédaction du FIGARO, a beaucoup de questions à vous poser sur justement la fermeté des politiques par rapport aux réformes à engager, JEAN DE BELOT.
JEAN DE BELOT, DIRECTEUR DE LA REDACTION DU FIGARO
Monsieur le Ministre, bonsoir, bonsoir Olivier.
FRANÇOIS FILLON
Bonsoir.
JEAN DE BELOT
Vous le disiez tout à l'heure, on a trop attendu dans ce pays pour mener cette réforme essentielle, et vous-même depuis plusieurs mois, et le gouvernement, avez laissé sortir des éléments, des bribes, des données, est-ce que ce soir vous avez l'intention de nous dire la totalité de ce que vous avez en projet pour mener cette réforme essentielle et que vous décrivez comme ultra urgente pour le pays ?
FRANÇOIS FILLON
Oui, je crois que maintenant le moment est venu de décider. Mais avant de décider sur un sujet aussi difficile, qui concerne chaque Français, il n'y a pas un Français qui n'est pas concerné par le dossier des retraites, et après les douze années de tergiversations qui viennent d'être résumées, je pense qu'on pouvait prendre quelques mois pour discuter avec les partenaires sociaux, et faire en sorte que les Français, progressivement, entrent dans une meilleure compréhension de ce dossier. Et maintenant, c'est le moment des décisions qui est venu.
JEAN DE BELOT
Alors c'est le moment des décisions, les Français ont compris, ils ont compris notamment qu'ils allaient devoir travailler plus. Premier point, on va égaliser en 2008 la durée de cotisation des fonctionnaires sur celle des salariés du privé ? C'est ferme, c'est décidé, vous ne reviendrez pas là-dessus ?
FRANÇOIS FILLON
Oui, mais je crois qu'il ne faut pas simplifier les choses à une ou deux mesures. On va faire la réforme des retraites la plus importante depuis 1945, parce que c'est la première qui va concerner tous les Français, tous les régimes, qui va fixer des principes pour l'ensemble des régimes, et qui va mettre en place des mécanismes pour adapter progressivement ces régimes aux conditions économiques et sociales. Et le choix que nous avons fait, c'est un vrai choix politique, c'est un vrai choix de société, et je crois que les partenaires sociaux d'ailleurs peuvent se réjouir d'avoir contribué à construire ce choix, c'est le choix de maintenir un système de retraites par répartition. Et pour maintenir un système de retraites par répartition, où au fond chacun paie pour les autres, il faut que les conditions de l'équité soient réunies. On ne peut pas avoir un système par répartition qui fonctionne avec une catégorie de Français qui sont à 37,5 ans et une autre à 40 ans, donc nous allons conduire tous les régimes à 40 ans d'ici 2008.
JEAN DE BELOT
Donc ce point-là est acquis. Mais pour garantir l'équilibre financier que vous visez, qui est l'un des objectifs clés de votre réforme à l'horizon 2010 et même 2020, il va falloir que l'ensemble des Français, pour le coup, fonctionnaires et salariés du privé, cotisent davantage, 41, 42 ans ? Plus ?
FRANÇOIS FILLON
Le choix que nous avons fait, c'est le choix de maintenir le plus haut niveau de retraites possible, donc de ne pas continuer à laisser se dégrader le montant des pensions. Et comme nous pensons qu'on ne peut pas augmenter, en tous cas aujourd'hui, le montant des cotisations de retraites, parce qu'on ne peut pas augmenter les prélèvements obligatoires, nous avons choisi d'allonger la durée de cotisation. Et allonger la durée de cotisation, c'est d'autant plus judicieux que la vie s'allonge et qu'il est naturel qu'on partage les gains d'espérance de vie entre le travail et la retraite. Sinon, on pourrait imaginer un jour que le temps de retraite serait pratiquement aussi long que le temps de travail. Donc à partir de 2008, quand tout le monde sera à 40 ans, nous mettrons en marche un dispositif qui visera à maintenir cet équilibre entre temps de retraite et temps de travail. Aujourd'hui on passe à peu près un tiers du temps de sa vie à la retraite et deux tiers au travail. Si on applique cette formule, qui sera dans la loi que nous allons proposer, alors on augmentera progressivement la durée de cotisation pour passer à 41 ans en 2012.
JEAN DE BELOT
41 ans en 2012, et en 2020 ?
FRANÇOIS FILLON
Et on continue, et en 2020 on arrive à 41 ans trois quarts, on s'approche de 42 ans.
JEAN DE BELOT
42 ans. Et cette durée-là de cotisation paraît suffisante à ce moment-là pour garantir l'équilibre financier de l'ensemble des régimes ? Je rappelle les chiffres en un instant, on sera à ce moment-là, selon les études qui fondent l'analyse du gouvernement, à un déficit d'environ 50 milliards d'euros. Quel est l'objectif de la réforme que vous menez ? C'est de garantir vous avez écrit que vous vouliez garantir l'équilibre en 2020
FRANÇOIS FILLON
Absolument.
JEAN DE BELOT
Ce sera suffisant avec 42 ans de cotisation ?
FRANÇOIS FILLON
Absolument. Il faut bien voir qu'on ne peut pas non plus augmenter la durée de cotisation au-delà du raisonnable. Il y a un équilibre à trouver entre le temps de retraite et le temps de travail. Et donc l'équilibre financier de la réforme est assuré à l'horizon 2020 par les mesures que nous prenons pour le régime général, ces mesures représentent environ six milliards d'économie, sur les 15 milliards qu'il faut trouver. Puis, nous allons prendre un certain nombre de mesures qui sont des mesures de justice, qui vont occasionner entre à peu près un milliard de dépenses supplémentaires. Donc on a trouvé cinq milliards, sur les 15 milliards nécessaires, pour l'équilibre du régime général. Les dix milliards restants, nous allons les trouver par un transfert de cotisations de l'assurance chômage vers les retraites, au fur et à mesure que la situation de l'emploi va s'améliorer dans notre pays. Et je rassure tout de suite les Français, indépendamment de la situation économique, que nous espérons naturellement meilleure, la situation de l'emploi va mécaniquement s'améliorer parce que nous entrons dans une période où 800 000 personnes, 300 000 de plus chaque année, vont partir à la retraite, et qu'à l'inverse, en raison d'un taux de natalité qui est trop faible, un faible nombre d'actifs vont entrer sur le marché du travail.
OLIVIER MAZEROLLE
Par conséquent, vous êtes formel, il n'y aura pas nécessité d'augmenter les prélèvements obligatoires au global, c'est-à-dire les salariés qui cotisent pour le chômage cotiseront peut-être davantage pour les retraites, mais
FRANÇOIS FILLON
Et moins pour le chômage.
OLIVIER MAZEROLLE
En proportion moins pour le chômage ?
FRANÇOIS FILLON
Le Conseil d'orientation des retraites, dans lequel il y a tous les partenaires sociaux et qui a fait tous les travaux sur lesquels nous nous sommes appuyés pour construire cette réforme, estime qu'à l'horizon 2020 l'excédent de l'assurance chômage sera de l'ordre de 15 milliards. On a besoin d'en transférer dix vers les retraites pour financer
JEAN DE BELOT
Mais pour l'instant, dans le plan tel qu'il est connu, on ne garantit pas encore l'équilibre financier du système de l'ensemble des régimes, et notamment des régimes spéciaux, à l'année 2020. Il faudra tout de même trouver d'autres ressources
FRANÇOIS FILLON
Alors vous parlez du régime général
JEAN DE BELOT
D'autres éléments de l'équilibre.
FRANÇOIS FILLON
parlez du régime général, l'équilibre est assuré, comme je viens de le présenter, ceci
OLIVIER MAZEROLLE
En général, c'est le privé.
FRANÇOIS FILLON
Alors après il y a les régimes publics. Dans les régimes de la fonction publique, fonction publique d'Etat, fonction publique territoriale, fonction publique hospitalière, les mesures que nous allons prendre, et que nous aurons l'occasion de détailler tout au long de cette émission, représentent un peu plus de la moitié de l'effort financier nécessaire, qui est de l'ordre de 28 milliards. Donc il faudra, s'agissant des régimes publics, trouver environ 13 milliards supplémentaires, qui sera financé par les employeurs, c'est-à-dire par l'Etat s'agissant des fonctionnaires de l'Etat
OLIVIER MAZEROLLE
Donc les contribuables.
FRANÇOIS FILLON
Par les collectivités territoriales, et par
JEAN DE BELOT
Donc notamment les contribuables et les acteurs privés.
FRANÇOIS FILLON
Mais il faut bien que vous compreniez qu'il n'y a pas
OLIVIER MAZEROLLE
L'Etat c'est les contribuables, Monsieur le Ministre, on est d'accord ?
FRANÇOIS FILLON
Bien sûr, bien sûr, ce sont les contribuables. Il faut bien que vous compreniez qu'il n'y a pas une réforme des retraites en Europe qui ait permis, simplement par des mesures d'économie ou d'allongement de durée, de régler l'ensemble du problème financier sans qu'à un moment donné il y ait des augmentations de cotisations. Nous, ce que nous voulons, c'est que ces augmentations de cotisations se fassent à prélèvement obligatoire constant, et même, si possible, à prélèvement obligatoire en baisse. Et c'est pour ça que nous mettons un peu, au fond, un marché aussi dans les mains des entreprises, car pour réussir cette réforme, il faut non seulement allonger la durée de cotisation, mais il faut que les gens travaillent effectivement jusqu'à l'âge légal, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui, nous sommes le pays d'Europe qui a le taux d'activité des plus de 50 ans le plus faible. Et donc il faut
JEAN DE BELOT
Donc il faut précisément sur ce point-là que vous disiez ce soir clairement aux Français que pour maintenir le niveau de leurs retraites, il va falloir qu'ils acceptent dans les années à venir de travailler plus longtemps, et peut-être davantage y compris sur la durée hebdomadaire, que par rapport aux pays voisins qui ont réussi leur réforme, la France travaille insuffisamment. Vous êtes prêt à leur dire ?
FRANÇOIS FILLON
Je crois que d'une manière générale, la grande faute de ces dernières années ça a été de faire croire aux Français qu'alors que l'environnement changeait de manière radicale, à la fois pour des raison démographiques, parce que le pays vieillit, 12 millions de retraités aujourd'hui, plus de 20 millions de retraités en 2040 avec un nombre d'actifs qui, lui, va légèrement diminuer, et puis l'environnement international, la mondialisation, la redistribution des cartes, on a expliqué aux Français qu'on allait pouvoir garder notre modèle social en travaillant moins. Alors que tous les autres pays européens, nous sommes 15 en Europe aujourd'hui, sur les 15 pays il y en a 14 qui ont choisi d'allonger la durée de cotisation, d'inciter les gens à travailler plus longtemps. Naturellement, c'est la voie qu'il faut choisir.
JEAN DE BELOT
Vous avez fait la réforme largement en négociation, en contact avec les syndicats. Quand en 93 Edouard BALLADUR avait fait la réforme du privé, il l'avait faite par la loi directement. La réforme va aboutir évidemment à aligner les régimes de la fonction publique, et les régimes spécifiques de la fonction publique, sur le régime privé, est-ce que vous ne craignez pas que si jamais les syndicats poussent trop loin leurs demandes, une réaction du corps privé, on entend de plus en plus auprès des salariés privés, dans le métro, les gens qui disent : cette fois-ci il faut absolument que les fonctionnaires fassent leur réforme et y consentent, sans quoi une partie inattendue du pays pourrait se révolter contre cette fonction publique qui finalement finit par coûter très cher ?
FRANÇOIS FILLON
C'est une autre faute qu'ont commise les gouvernements, et en particulier le gouvernement de Lionel JOSPIN, en n'engageant pas cette réforme, parce qu'ils ont contribué à dresser les fonctionnaires et les salariés du secteur privé, alors que nous, nous cherchons au contraire à les réconcilier, à les rassembler, en leur proposant des règles communes. Naturellement, il y a une progressivité qui est nécessaire pour mettre en uvre ces mesures, parce qu'elles sont difficiles. Les salariés du secteur privé ont eu dix ans pour digérer la réforme dont vous parliez tout à l'heure. Nous, nous proposons de faire la réforme, s'agissant du secteur public, au moins sur la durée de cotisation, en cinq ans. C'est évidemment un effort considérable que nous demandons aux fonctionnaires, et je crois que cet effort, venant de la part de fonctionnaires qui ont le sens de l'intérêt général, qui portent le drapeau du service public, est un effort que les Français comprennent.
JEAN DE BELOT
Mais qu'ils vont perdre, avec la réforme, mais qu'ils vont perdre.
OLIVIER MAZEROLLE
On va revenir sur la fonction publique tout à l'heure, mais Monsieur le Ministre, encore une question sur le financement : il y a le fonds de réserve pour les retraites qui avait été créé par Lionel JOSPIN, le gouvernement n'en parle pas beaucoup, il existe encore, ce fonds de réserve ?
FRANÇOIS FILLON
Le fonds de réserve, non seulement on peut en parler, mais il n'était pas installé quand on est arrivé, je l'ai installé. Il a un président, il a un conseil d'administration, il a déjà été doté d'un certain nombre de ressources, et nous allons dans la loi prévoir des ressources pour le fonds de réserve ; en priorité, ce sont les ressources de la privatisation des entreprises publiques qui iront vers le fonds de réserve, qui est un instrument qui permet de lisser un certain nombre de difficultés entre 2020 et 2040, mais qui ne peut pas permettre à lui seul de régler les problèmes de retraites.
OLIVIER MAZEROLLE
Merci, JEAN DE BELOT. Jean-Pierre RAFFARIN explique souvent qu'il fait confiance aux Français parce qu'ils peuvent comprendre la vérité, mais enfin le sondage que nous avons fait réaliser pour LE FIGARO et pour FRANCE 2 par IPSOS, montre que tout de même les Français sont réticents devant un certain nombre de mesures. ALAIN DUHAMEL a lu ce sondage, et ça l'amène à vous poser un certain nombre de questions. Bonsoir Alain, voilà, allez-y, installez-vous, et démarrez.
ALAIN DUHAMEL
Bonsoir Monsieur FILLON.
FRANÇOIS FILLON
Bonsoir Monsieur DUHAMEL.
ALAIN DUHAMEL
D'abord, une question préalable : qui est-ce qui décide sur ces histoires de retraites ? C'est le gouvernement, c'est les syndicats, ou c'est la majorité politique ? C'est la majorité politique ou la majorité sociale ?
FRANÇOIS FILLON
C'est le Parlement qui décide, parce que c'est un sujet qui concerne l'ensemble de la société française, qui concerne naturellement les salariés au premier chef, mais qui ne concerne pas que les salariés, qui concerne tous les Français. Et donc c'est le Parlement qui décide, c'est lui seul qui a la légitimité pour décider. Mais en même temps, vous voyez bien que c'est un sujet qui a une incidence sociale tellement importante qu'il ne peut pas faire l'objet de décisions qui n'aient pas été, d'une manière ou d'une autre, concertées avec les organisations syndicales.
ALAIN DUHAMEL
Alors Olivier le disait à l'instant, une des dimensions essentielles dans ce débat, dans la préparation de cette réforme qui est difficile de toute façon, ce sont les réactions de l'opinion, c'est la dimension de l'opinion. Alors s'agissant de la mesure la plus spectaculaire que vous annoncez, c'est-à-dire celle de l'alignement des durées de cotisation des fonctionnaires, aujourd'hui 37,5 ans, sur les 40 ans des salariés du secteur privé, les Français, globalement, sont nettement pour, 70 %. Seulement, ce qui est beaucoup plus embêtant pour vous, c'est que les fonctionnaires eux-mêmes, qui sont ceux qui, après tout, sont concernés, qui sont ceux qu'il faut convaincre, il n'y en a que 47 % qui sont d'accord. Alors qu'est-ce que vous leur donnez comme arguments pour votre potion ?
FRANÇOIS FILLON
D'abord, je trouve que c'est déjà beaucoup qu'il y ait 47 % de fonctionnaires qui disent clairement dans un sondage, quand ils sont interrogés, qu'ils sont d'accord pour réaliser un effort qui est un effort important. Encore une fois, c'est un effort qui est plus important en termes de parce qu'il est plus raccourci dans le temps, que celui qui a été demandé en son temps au secteur privé. Ce que je leur dis, moi je les connais bien, je travaille avec eux depuis vingt ans, dans les collectivités locales comme dans l'Etat. La plupart des fonctionnaires ont le sens de l'intérêt général, et ils ont une grande inquiétude sur l'avenir du service public. Et moi je leur dis qu'on ne peut pas porter le drapeau du service public si en même temps on bénéficie de ce qui est considéré par le reste de la population comme d'avantages, comme de privilèges, comme, au fond, d'injustices. Et je crois que le fondement de cette réforme, c'est que, pour sauver le système par répartition, nous allons demander à tous les Français un effort juste et réparti.
ALAIN DUHAMEL
Ça c'est l'argument noble. Ce n'est pas une critique, mais c'est l'argument noble. On peut imaginer, on pourrait imaginer en tous cas qu'il y en ait d'autres, s'adressant aux fonctionnaires, comme par exemple : qu'est-ce que vous leur proposez dans cette négociation comme compensations ?
OLIVIER MAZEROLLE
Mais ça, on va y revenir, Alain, là-dessus, sur les fonctionnaires, mais je voudrais vous dire quand même, Monsieur le Ministre, pourquoi pas 37,5 ans pour tout le monde ? C'est ce que vous dit Marc BLONDEL. Après tout, les Français travaillent rarement plus de 37,5 ans, donc pourquoi pas 37,5 ans vous faites le nivellement par le bas ?
FRANÇOIS FILLON
Parce que comme je le disais tout à l'heure, il va y avoir de plus en plus de retraités, de moins en moins d'actifs, une durée de vie qui s'allonge. Dans deux ans, les régimes de retraites sont dans le rouge. Et si on raccourcit la durée de cotisation, alors le système par répartition explosera, et je ne pense pas que ce soit le but que poursuivent les organisations syndicales, et surtout pas Marc BLONDEL.
ALAIN DUHAMEL
Alors comment se fait-il que Marc BLONDEL, qui suit ces questions depuis tellement longtemps, de tellement près, n'ait pas compris quelque chose d'aussi simple ?
FRANÇOIS FILLON
Marc BLONDEL a sûrement compris ce que nous voulons faire. Il est dans son rôle, nous sommes dans un débat qui n'est pas terminé, chacun essaie naturellement d'obtenir qu'un certain nombre de ses demandes soit pris en compte par le gouvernement. Moi je n'ai pas peur, j'ai confiance dans les partenaires sociaux, parce que je crois qu'ils sont conscients qu'il n'y a pas d'alternative à cette réforme. Et d'ailleurs, je n'ai pas vu, depuis six mois que nous débattons de ce sujet, je n'ai pas vu, je n'ai pas entendu de véritables alternatives aux propositions que nous faisons.
ALAIN DUHAMEL
Alors il y a une autre direction que vous indiquiez tout à l'heure, qui est évidemment une des orientations, qui est de convaincre les Français de prendre effectivement leur retraite plus tard qu'ils ne le font aujourd'hui. Quand on les interroge, dans le sondage, on s'aperçoit qu'en 99, quand on leur avait posé la question, ils disaient : moi je compte m'arrêter à 58 ans, et effectivement, ils s'arrêtaient à 57,5. Aujourd'hui ils répondent : à 60 ans. Il n'y en a que 21% qui acceptent l'idée de prendre leur retraite entre 61 et 65 ans. Alors ceux-là, il faut quand même bien que vous leur donniez des arguments de plus que l'intérêt général.
FRANÇOIS FILLON
Le premier argument que nous allons leur donner, c'est celui du sauvetage des régimes de retraites. Mais là
ALAIN DUHAMEL
Donc ça, ça va pour jusqu'à 60 ans.
FRANÇOIS FILLON
Ce que vous venez d'évoquer montre bien que l'opinion publique évolue aussi en fonction de la perception qu'on a de l'allongement de la durée de la vie. On n'avait pas le même regard sur la retraite il y a dix ans qu'aujourd'hui, parce que l'allongement de la durée de la vie c'est une notion que, pas à pas, petit à petit, on intègre dans ses raisonnements. Et quand nous proposerons d'aller au-delà de 40 ans, pour les salariés du secteur privé comme pour les autres, ce sera en 2012, et je pense qu'on aura à cette époque-là une autre image de l'allongement de la durée de la vie. Vous savez, on va rentrer dans une période où les compétences vont se faire rares, le nombre d'actifs diminuant, les compétences vont se faire rares dans notre pays. C'est un vrai gâchis que de laisser partir des gens qui à 60 ans sont en pleine forme, qui ont encore beaucoup de choses à apporter à la société, et qui souvent, au fond d'eux-mêmes, ne sont pas si satisfaits de cette coupure brutale entre la vie professionnelle et la vie de retraite.
ALAIN DUHAMEL
Alors encore une question. Les spécialistes considèrent qu'il y a, au fond, trois grandes manières d'essayer d'équilibrer le régime. L'une, c'est de demander aux gens de cotiser plus longtemps, l'autre, c'est d'augmenter de façon sensible les cotisations et la troisième, c'est de diminuer les pensions. Les Français, quand on les interroge dans ce sondage, disent : si vraiment il faut en passer par là, on aime encore mieux soit augmenter les cotisations, soit diminuer les pensions. Pas de chance, vous, vous dites justement : si, il faut allonger la durée des cotisations.
FRANÇOIS FILLON
Oui, j'ai lu des sondages un peu contradictoires sur ce sujet
ALAIN DUHAMEL
Non, non, mais je vous parle du nôtre.
FRANÇOIS FILLON
Et j'ai regardé le vôtre
ALAIN DUHAMEL
J'espère bien, oui.
FRANÇOIS FILLON
Et on peut le lire de plusieurs manières.
ALAIN DUHAMEL
Mais enfin lisez-le de la mienne, ce sera plus simple pour la discussion.
FRANÇOIS FILLON
Je trouve que l'addition de ceux qui veulent qu'on baisse les pensions et qu'on augmente les cotisations ne fait pas une majorité. Je crois qu'aujourd'hui les Français sont très attachés à maintenir un niveau de retraite acceptable. Et quant aux cotisations, tout dépend de la façon dont on leur pose la question, est-ce qu'on leur a dit de combien il fallait augmenter les cotisations ?
ALAIN DUHAMEL
On a dit : sensible.
FRANÇOIS FILLON
Voilà, alors ce n'est pas sensible, c'est : à l'horizon 2040, il faut augmenter les cotisations de 40 %. Aujourd'hui, les cotisations retraites, à la fois patronales et salariées
ALAIN DUHAMEL
Si on ne fait rien d'autre.
FRANÇOIS FILLON
C'est à peu près 168 euros, il faut en ajouter 138 de plus. Ça fait 6 % de pouvoir d'achat en moins pour les Français, et ça fait sept points d'augmentation du coût du travail, c'est évidemment insupportable.
OLIVIER MAZEROLLE
Alors il faut qu'on accélère, parce que sinon on va partir à la retraite à 90 ans, et donc on va se faire engueuler, et il vaut mieux accélérer un peu. Alors deuxième chapitre de la soirée : la retraite, mais à quel prix ? A quel prix, dans tous les sens du terme. Il y a des retraités qui sont très heureux en France, et qui participent d'ailleurs très activement à la vie économique du pays. Sébastien LEGUET (ph) et Sylvain DAUBAT (ph) sont allés à la rencontre de deux d'entre eux.
/// Reportage ///
OLIVIER MAZEROLLE
Privilégiés, dit ce monsieur, mais en même temps, c'est ce vers quoi les syndicats vous disent, il faut tendre, vers le bonheur, comme cela, des retraités. Et ils vous reprochent, les syndicats, de dire, non seulement vous voulez les faire cotiser plus longtemps, donc partir plus tard à la retraite, mais en même temps vous voulez en fait, parce qu'ils ne sont pas convaincus par le financement de votre plan, vous voulez appauvrir les retraités.
FRANÇOIS FILLON
Le bonheur, OLIVIER MAZEROLLE, il ne peut pas être seulement dans la retraite. Et il faut bien voir que, par rapport à la situation d'il y a vingt ans, aujourd'hui, c'est vrai, le niveau de vie des retraités a augmenté, les retraités ont un niveau de vie qui est égal, en moyenne, au niveau de vie des actifs. Mais dans le même temps, le niveau de vie des jeunes, lui, a baissé. Et aujourd'hui, on ne peut pas dire aux jeunes qui galèrent : non seulement vous galérez, mais en plus il va falloir que vous payiez pendant 30 ans une retraite confortable à vos parents, et vous, vous n'êtes pas sûrs de pouvoir avoir la même. Il y a un équilibre à trouver. Le temps de retraite, de toute façon, va s'allonger. Et donc, par rapport à ces jeunes retraités que vous venez de nous montrer, ils auront un temps plus long de disponible pour la retraite, il faut simplement qu'il y ait un équilibre acceptable entre le temps de retraite et le temps de travail.
OLIVIER MAZEROLLE
Alors vous nous avez dit : allongement de la durée de cotisation jusqu'à 42 ans en 2020, on va voir par quelles méthodes, quelles mesures concrètes vous estimez pouvoir y arriver. Agnès MOLINIER, qui dirige le service économique et social à FRANCE 2, bonsoir Agnès, le ministre est à vous.
AGNES MOLINIER
Bonsoir Monsieur FILLON.
FRANÇOIS FILLON
Bonsoir.
AGNES MOLINIER
Alors vous avez dit très précisément qu'on cotisera tous 41 ans en 2012, je ne me trompe pas ? Mais les salariés du privé ont déjà subi une augmentation de cotisation : avant 94, ils n'étaient qu'à 37,5 ans. Comment vous allez faire passer la pilule ? Ils auront un petit bonus, ils auront quand même quelque chose ?
FRANÇOIS FILLON
Alors d'abord, ils auront cette garantie, qui aujourd'hui n'existe pas, nous allons stopper la dégradation de ce qu'on appelle le taux de remplacement, et faire en sorte que les retraites soient garanties. Mais surtout, cette augmentation de la durée de cotisation, nous allons l'inscrire dans la loi avec des conditions. Notre idée, c'est une formule qui permet de répartir équitablement les gains d'espérance de vie entre la retraite et le travail, à condition qu'un certain nombre de conditions soient remplies. La première de ces conditions, c'est que les entreprises fassent tous les efforts nécessaires pour que les salariés puissent aller jusqu'au bout de leur durée légale de travail. Ça n'est pas du tout le cas aujourd'hui, et donc il faut que les entreprises se retroussent les manches, on va les aider à le faire, mais c'est d'abord leur responsabilité, pour qu'on puisse aller jusqu'à 60 ans, au moins, dans l'entreprise. Si on arrivait déjà à atteindre cet objectif, on pourrait repousser de plusieurs années le problème que nous avons à régler aujourd'hui. La deuxième
AGNES MOLINIER
C'est dans un cas sur deux que c'est l'entreprise qui fait que le salarié part à 58 ans
FRANÇOIS FILLON
Absolument, absolument
OLIVIER MAZEROLLE
Ça, on va reparler de tout ça dans le détail, mais, les salariés qui veulent partir à 60 ans.
FRANÇOIS FILLON
La deuxième condition, c'est que le taux de chômage baisse bien, comme le prévoient l'ensemble des rapports des experts, lié à la démographie. Et nous avons prévu des rendez-vous tous les cinq ans, qui seront des rendez-vous obligatoires, fixés dans la loi, on n'aura pas le choix, on sera obligé d'aller à ces rendez-vous, on les abordera avec un éclairage donné par le Conseil d'orientation des retraites, dans lequel il y a l'ensemble des partenaires sociaux, et une commission de garantie des retraites, qui sera composée de quelques personnalités indépendantes, fera, au regard de la réalité des chiffres de l'INSEE sur l'allongement de la durée de la vie, de la réalité en matière de chômage, fera les suggestions nécessaires au gouvernement pour ajuster cet allongement de durée de cotisation.
OLIVIER MAZEROLLE
Elle vous a parlé de bonus. Il y aura un bonus si on travaille plus longtemps ?
FRANÇOIS FILLON
Ça c'est un deuxième sujet, c'est un autre sujet. On va permettre à ceux qui vont au-delà de 60 ans, qui vont au-delà de la durée légale de cotisation, d'améliorer leur retraite, ce qui n'est pas possible aujourd'hui. Nous allons proposer dans la loi ce qu'on appelle une surcote, un bonus, si vous voulez, de 3 % par an pendant cinq ans, donc de 60 à 65 ans, pour simplifier les choses, qui existe d'ailleurs dans beaucoup d'autres pays, et qui permettront effectivement à ceux qui veulent rester plus longtemps pour avoir une meilleure retraite de le faire.
AGNES MOLINIER
Vous avez parlé tout à l'heure de garantir les niveaux de retraites. Alors aujourd'hui trois retraités sur dix touchent 80 % seulement du SMIC, c'est le minimum légal avec la retraite complémentaire. C'est beaucoup ; est-ce que vous ne pensez pas que ça va se dégrader ? Comment vous allez garantir un niveau de retraite ? Pourquoi vous ne leur donnez pas le SMIC, à ces gens-là ?
FRANÇOIS FILLON
Ce qu'il faut dire d'abord, c'est que le niveau des retraites, comme je l'ai dit tout à l'heure, le niveau moyen des retraites est égal au niveau moyen des revenus des actifs. Ce n'était pas comme ça il y a vingt ans, il y a eu un vrai rattrapage dans ce domaine. Et ça va continuer, c'est-à-dire que les retraites, revalorisées au moins de l'augmentation des prix, et si possible lorsqu'il y a une croissance forte avec un petit bonus sur la croissance, vont continuer d'augmenter. Le COR estime que le Conseil d'orientation des retraites, que les retraites vont augmenter de près de 40 % d'ici 2040, simplement en suivant cette évolution. Nous, nous allons maintenir, nous allons nous engager sur, pour tous les Français en moyenne, les deux tiers du revenu de référence. Et pour ceux qui ont des très petites retraites, pour ceux qui ont par exemple fait toute leur carrière au SMIC, au moins les trois quarts du SMIC, c'est-à-dire 75 % du SMIC. C'est un coup d'arrêt porté à la dégradation du taux de remplacement qui a été engagée depuis plusieurs années.
AGNES MOLINIER
C'est-à-dire la situation actuelle ? C'est la situation actuelle, au minimum
FRANÇOIS FILLON
C'est la situation actuelle, mais il faut bien voir que cette situation-là ne va pas durer. La question qu'il faut se poser, c'est savoir ce qui se passe si on ne fait pas de réforme. Si on ne fait pas de réforme
AGNES MOLINIER
Vous ne voulez pas aller dans le sens de
FRANÇOIS FILLON
Non mais, si on ne fait pas de réforme, ce n'est pas de quelques points que vont baisser les retraites, c'est de 50 %. Et c'est ça la question qui est le plus
AGNES MOLINIER
Non mais, en même temps, en face, certains vous demandent, comme la CFDT, de faire clairement pour ces gens-là un minimum, un revenu minimum au SMIC.
FRANÇOIS FILLON
L'engagement que je prends ce soir, je le dis à la CFDT comme aux autres organisations syndicales, c'est 75 % du SMIC pour une carrière au SMIC, et pour la moyenne des Français, les deux tiers du revenu de remplacement. Mais je crois qu'il faut bien que les Français comprennent qu'il y a deux choses différentes : le taux de remplacement et l'évolution des retraites. Parce que le taux de remplacement est une manière d'approcher les choses qui varie de manière considérable en fonction de la croissance. Quand la croissance monte très fort, le taux de remplacement baisse ; quand la croissance est faible, le taux de remplacement monte. Ce qui est important pour les retraités, c'est d'avoir une retraite qui augmente, c'est d'avoir une retraite, un pouvoir d'achat qui est maintenu, et c'est ce que nous voulons faire, et c'est ce qui n'est pas assuré aujourd'hui.
AGNES MOLINIER
Mais il a déjà moins il a plus baissé, puisqu'il a été indexé sur les prix, non plus sur les salaires.
FRANÇOIS FILLON
Pas le pouvoir d'achat, pas le pouvoir d'achat, pas par rapport aux prix.
AGNES MOLINIER
Les pensions. Autre sujet qui fâche : les gens qui ont déjà cotisé 40 ans mais qui ne peuvent pas partir parce qu'ils n'ont pas 60 ans, vous allez les laisser partir ? C'est injuste.
FRANÇOIS FILLON
C'est évidemment une injustice, et nous voudrions permettre à ceux qui ont commencé à travailler très tôt, parce que c'est ça au fond la question, il y en aura sans doute beaucoup moins à l'avenir parce qu'on commence sa carrière professionnelle plus tard, nous voulons permettre à tous ceux qui ont commencé à travailler à 14 et à 15 ans, nous voulons qu'ils puissent partir à 58 ans, c'est la proposition que nous allons faire. C'est une proposition qui est coûteuse, parce qu'il y a aujourd'hui beaucoup de gens qui sont dans cette situation, mais nous allons le faire, nous allons l'inscrire dans la loi.
AGNES MOLINIER
Ça veut dire que vous tiendrez
OLIVIER MAZEROLLE
40 ans de cotisation, on peut partir à la retraite, quel que soit l'âge ? On est bien d'accord, c'est bien ce qu'on a entendu ?
FRANÇOIS FILLON
On a commencé à travailler à 14 et 15 ans, 14 et 15 ans, ceux qui ont commencé à travailler à 14 et 15 ans, qui ont eu au moins 40 ans de cotisation, pourront partir à 58 ans.
AGNES MOLINIER
A 58 ans.
OLIVIER MAZEROLLE
Et ceux qui ont commencé à 16 ans ?
FRANÇOIS FILLON
Ceux qui ont commencé à 16 ans, ça n'est pas aujourd'hui possible, ça n'est pas aujourd'hui financièrement possible, compte tenu des équilibres du régime général.
OLIVIER MAZEROLLE
Donc eux, ils vont travailler 44 ans pour pouvoir partir à la retraite, quand celui qui sera parti un an plus tôt ne travaillera que 40 ans ?
FRANÇOIS FILLON
C'est un régime par répartition, Monsieur MAZEROLLE, et c'est la solidarité qui fait fonctionner ce régime. Il n'y a pas de remède miracle, il n'y a pas de ressources qui permettent de régler de manière artificielle les problèmes de retraites. Il y a les cotisations qu'on met dans le régime.
AGNES MOLINIER
Et pour aller au-delà, pour ces personnes-là qui travaillent souvent dans des métiers très difficiles, dans le bâtiment notamment, on ne peut pas aller plus loin, tenir compte de la pénibilité, par exemple ?
FRANÇOIS FILLON
Alors on souhaite pouvoir tenir compte de la pénibilité. Je voudrais vous faire remarquer qu'aucun pays européen n'a réussi à mettre en uvre une législation globale en matière de pénibilité. Nous, ce que nous proposons, et nous allons le proposer dans la loi, c'est que les branches professionnelles puissent ouvrir des négociations pour décider branche par branche quels sont les métiers pénibles, et mettre en uvre les politiques qui permettront à ceux qui travaillent dans ces métiers pénibles de partir plus tôt. Et il y aurait une certaine logique à ce que les entreprises qui emploient beaucoup de personnes dans des métiers pénibles financent un peu plus les régimes de retraites pour permettre aux gens de partir plus tôt.
OLIVIER MAZEROLLE
Monsieur le Ministre, par exemple dans le métier de l'automobile, on peut dire que pratiquement le départ à 55 ans, de fait, est acquis. Alors vous le remettez en cause, comment ça va se passer, ça ?
FRANÇOIS FILLON
Vous voulez dire à qui, Monsieur MAZEROLLE ?
OLIVIER MAZEROLLE
C'est-à-dire que, de fait, ça se passe comme ça.
FRANÇOIS FILLON
Oui, mais c'est justement ce qui n'est plus possible.
OLIVIER MAZEROLLE
Ça n'est plus possible ?
FRANÇOIS FILLON
Ça n'est plus possible
OLIVIER MAZEROLLE
Mais c'est un métier pénible, pourtant.
FRANÇOIS FILLON
Nous allons supprimer progressivement le recours aux préretraites, nous allons le d'abord nous allons supprimer une bonne partie du financement de l'Etat en matière de préretraites, et nous allons réduire le champ des préretraites à des conditions très particulières : les métiers pénibles, justement, et puis des secteurs qui sont en grande difficulté sociale, car il y aura évidemment encore des mutations qui obligeront à mettre en uvre ces dispositifs. Mais il faut voir qu'aujourd'hui on a pris l'habitude de se débarrasser des gens à 52, 53, 54 ans, comme si au fond ils n'avaient plus rien à apporter à l'entreprise ou à la société. C'est un gâchis pour la France, en termes de capacités de production, en termes de capacités d'innovation, et c'est un gâchis qui ne sera plus supportable lorsque la démographie va faire que le nombre des actifs sera beaucoup moins important.
OLIVIER MAZEROLLE
Merci, Agnès MOLINIER. ALAIN DUHAMEL, le sondage IPSOS sur les préretraites.
ALAIN DUHAMEL
Justement, j'enchaîne sur cette question, celle des préretraites parce qu'on a évidemment interrogé les Français sur ce point. Vous venez d'expliquer que vous voudriez en réduire le nombre et les Français, quand on leur demande leur avis, qui après tout est quand même aussi intéressant dans l'affaire, il y en a 60 % contre 33 %, donc c'est une majorité claire
FRANÇOIS FILLON
J'ai bien lu ça, Monsieur DUHAMEL.
ALAIN DUHAMEL
Oui, qui répondent qu'ils ne comprennent pas comment on peut vouloir diminuer le nombre des préretraites alors que le chômage est en train d'augmenter et que quand le chômage augmente, ce sont justement les gens âgés qui sont les premiers mis en cause.
OLIVIER MAZEROLLE
Justement, est-ce que c'est plus avantageux de mettre les gens au chômage plutôt que ?
FRANÇOIS FILLON
D'abord, il faut se placer dans une perspective qui est une perspective de diminution du chômage, que j'évoquais tout à l'heure, on ne fait pas une réforme des retraites pour 20 ou 30 ans en la calant sur la situation économique de l'instant. On la fait sur des prévisions qui sont des prévisions sur 20 ou 30 ans. Deuxièmement, les Français
ALAIN DUHAMEL
Mais qui sont optimistes, qui sont des prévisions optimistes.
FRANÇOIS FILLON
Non, qui sont des prévisions raisonnables car les données démographiques, elles sont connues, le nombre de naissances, on les connaît et le nombre de départs à la retraite, on les connaît. Mais
ALAIN DUHAMEL
D'accord. Mais, la croissance, on ne la connaît pas.
FRANÇOIS FILLON
Non. C'est pour cela que j'ai dit tout à l'heure que même avec une croissance faible, les données démographiques entraînaient à partir de 2006 une baisse du chômage. Mais je comprends que les Français soient dans cette situation parce que depuis des années, c'est la pratique et puis, depuis des années, on leur explique qu'on va pouvoir conserver notre modèle social en travaillant moins. La vérité, c'est que ce n'est pas possible
ALAIN DUHAMEL
D'où, vous leur dites, on peut le conserver, mais en travaillant nettement plus.
FRANÇOIS FILLON
Pour conserver notre modèle social, et moi, je suis un conservateur, je veux qu'on conserve notre modèle social parce que je pense que c'est un des meilleurs du monde, mais pour le conserver aujourd'hui, il va falloir travailler plus. Et je crois qu'il y a beaucoup de Français qui comprennent ce raisonnement et qui comprennent surtout qu'à 55 ans, avec une durée de vie qui s'allonge, qui va s'allonger encore de six ans d'ici 2040, on n'est pas fini, on a encore beaucoup de choses à donner.
ALAIN DUHAMEL
Il y a un autre sujet qui intéresse visiblement les gens aussi et dont on parle forcément beaucoup, c'est celui de l'éventualité d'ajouter au régime de répartition, qui est le régime actuel, un régime de capitalisation, c'est-à-dire de l'épargne salariale individuelle. Alors Jacques CHIRAC, pendant sa campagne présidentielle, s'était engagé là-dessus, vous maintenez ?
FRANÇOIS FILLON
Nous allons le faire. Dans le texte que je présenterai au Parlement, il y aura un volet qui permettra de rendre plus accessible aux Français, et en particulier aux Français modestes, la capitalisation, c'est-à-dire le complément d'épargne retraite avec deux dispositifs : Un dispositif qui consisterait au fond à étendre un peu la PREFON, qui existe pour les fonctionnaires, à tout le monde, peut-être avec des avantages fiscaux qui seront un peu moins coûteux pour l'Etat. Et deuxièmement, une extension d'une excellente mesure qui avait été prise par le gouvernement de Lionel JOSPIN, les plans d'épargne en entreprise, les plans FABIUS qu'on voudrait allonger pour permettre d'en faire aussi des outils d'épargne retraite.
OLIVIER MAZEROLLE
Nous parlons maintenant de la Fonction publique. Qu'est-ce que c'est qu'être fonctionnaire en France aujourd'hui ? Récit de Martin GOUESSE.
/// Reportage sur l'état de la Fonction publique en France ///
OLIVIER MAZEROLLE
Ils considèrent même qu'ils sont un peu les boucs émissaires et trouvent l'addition très salée avec, en plus, la publication d'un rapport qui ne leur a pas plu. Gérard LECLERC a des questions à vous poser à cet égard.
GERARD LECLERC
Monsieur le Ministre, bonsoir. Comme le président de la République ou le Premier ministre, j'imagine que vous êtes attaché à l'idée de contrat. Or, les fonctionnaires, quand ils se sont engagés, ils savaient que dans un premier temps au moins, ils gagneraient moins que dans le privé, mais qu'ils auraient une bonne retraite. Or, cette bonne retraite va sans doute être mise à mal par une accumulation de mesures : il y a l'allongement de la durée de cotisation, mais il y a aussi des baisses de pension par toute une série de dispositions, système de décote, on en parlera tout à l'heure, les modes de calcul de pension, de revalorisation. Au total, ils vont travailler plus longtemps et ils vont toucher moins. Est-ce que ça ne fait pas beaucoup ? Est-ce que quelque part, il n'y a pas une remise en cause du contrat ?
FRANÇOIS FILLON
Le contrat, il doit s'apprécier dans un environnement global. Les fonctionnaires, ils vivent au milieu des Français, je disais tout à l'heure qu'ils avaient le sens de l'intérêt général, ils ne peuvent pas accepter, et le pays ne peut pas accepter que durablement, on soit amené à maintenir des différences aussi grandes. La répartition suppose la justice, et la justice suppose que les conditions globales à terme, en 2020, de la retraite soient les mêmes pour tout le monde. Au fond, les Français aspirent à cette égalité, qu'avec la même durée de cotisation, qu'avec le même salaire, on ait la même retraite. Et je pense que dans leur for intérieur, les fonctionnaires comprennent qu'il n'y pas de moyen d'échapper à cette évolution.
OLIVIER MAZEROLLE
Vous voulez dire qu'ils doivent aller d'autant plus vite qu'ils ont retardé le wagon en 95 ?
FRANÇOIS FILLON
Ce n'est pas aux fonctionnaires que je jetterais la pierre, c'est au fond aux gouvernements, y compris celui auquel j'ai appartenu, qui n'ont pas su ou n'ont pas pu faire les réformes à temps. C'est vrai qu'aujourd'hui, on demande aux fonctionnaires un effort qui est plus important parce que le temps presse. Mais, c'est tout l'avenir des régimes de retraites qui est en cause.
GERARD LECLERC
Vous avez dit à plusieurs reprises qu'il ne fallait pas opposer le public et le privé. Mais dans les faits, vous avez dissocié la réforme du public, c'est Jean-Paul DELEVOYE qui l'a annoncée avant même que vous n'annonciez celle du privé, et puis aujourd'hui, on apprend qu'un fonctionnaire sur deux, sans doute, ne serait pas remplacé quand il partira à la retraite. Est-ce qu'ils n'ont pas une raison de se sentir stigmatisés ?
FRANÇOIS FILLON
D'abord, sur ce sujet, je vous le dis tout de suite, c'est une formule stupide, pas la vôtre, mais celle qui a été employée, il n'est pas question de raisonner de cette manière. On est en train de
GERARD LECLERC
Sur les départs en retraite, vous voulez dire.
FRANÇOIS FILLON
Sur les départs en retraite. On est en train d'essayer de faire une réforme de l'Etat avec notamment un effort de décentralisation important, et c'est au regard de cette réforme de l'Etat qu'il faudra adapter les effectifs de fonctionnaires. Donc, cette idée qu'on ne remplace pas un fonctionnaire sur deux est une idée qui est absurde. Maintenant, s'agissant
GERARD LECLERC
Pourquoi pas une réforme globale ? Pourquoi avoir séparé le public du privé ?
FRANÇOIS FILLON
C'est une réforme globale, il y aura un seul projet de loi. Les principes seront les mêmes pour tout le monde. Il était naturel que le ministre de la Fonction publique, Jean-Paul DELEVOYE, puisse discuter des questions qui concernent plus spécifiquement les fonctionnaires avec les organisations syndicales de fonctionnaires. Mais ensuite, une fois que ces discussions ont eu lieu, c'est dans le cadre de la discussion avec les confédérations, puis ce sera dans le cadre d'un projet de loi globale que cette réforme sera mise en uvre. Donc, c'est la même réforme pour tout le monde. C'est pour ça que je dis que c'est la réforme la plus importante depuis 1945, c'est parce que c'est la première qui va fixer des principes généraux qui s'appliquent à l'ensemble des régimes.
GERARD LECLERC
L'une des nouveautés, c'est la fameuse décote, c'est-à-dire un abattement de 3 % de la pension par année manquante par rapport à 40 ans. Or, les fonctionnaires travaillent en moyenne, notamment puisqu'il y a beaucoup de femmes, 32 ans. Donc 32 ans, ça fait 8 ans de moins, 8 ans multipliés par 3, ça ferait une baisse de pension de 24 %. C'est beaucoup, non ?
FRANÇOIS FILLON
Si on raisonne avec la même durée de travail dans le cadre de la réforme que nous sommes en train de proposer, évidemment, ça ne fonctionne pas. L'objectif du gouvernement, ce n'est pas de faire baisser les pensions, c'est d'amener les Français, les fonctionnaires comme les autres à travailler un peu plus longtemps. Donc, devant l'exemple que vous venez de citer, pour avoir la même retraite, il faudra que le fonctionnaire en question travaille 2,5 ans de plus à l'horizon de 2009. Pourquoi une décote ? Parce qu'elle existe aussi pour le secteur privé
OLIVIER MAZEROLLE
Oui, elle est salée d'ailleurs dans le privé, 10 %, vous allez ?
FRANÇOIS FILLON
Elle est beaucoup plus élevée. Et d'ailleurs, c'est notre objectif, c'est de faire
GERARD LECLERC
C'est de faire 10 % aussi ?
FRANÇOIS FILLON
Non, non, pas du tout. C'est de faire se rapprocher progressivement, parce que là encore, il ne faut pas bouleverser les projets de ceux qui sont proches du départ à la retraite, c'est de faire converger les décotes pour arriver à l'horizon 2020 au même niveau de décote pour tout le monde, c'est-à-dire à un niveau qu'on appelle " actuariellement " neutre, c'est-à-dire en fait l'équivalent d'une année. Vous ne cotisez pas une année, vous avez une année de moins, vous avez l'équivalent au prorata d'une année de moins dans votre retraite. Ce serait pour le secteur privé évidemment une avancée très importante puisque aujourd'hui, la décote est très élevée. Et ce serait juste que les fonctionnaires, comme les autres, soient traités comme tous les Français s'agissant du montant de leurs retraites.
GERARD LECLERC
Le problème se pose en particulier pour les femmes qui, notamment parce qu'il y a eu des maternités ou parce qu'elles travaillent en temps partiel, donc ont moins de durée de cotisation, ça va se poser également pour ceux qu'on appelle les services actifs, par exemple, les infirmières ou les policiers qui peuvent partir à la retraite à 55 ans. Est-ce que vous prévoyez des possibilités de validité ou de rachat d'annuités pour pouvoir justement rattraper le retard ?
FRANÇOIS FILLON
Bien sûr. Il y a beaucoup de cas de métiers, de métiers dans la Fonction publique
GERARD LECLERC
Pour l'instant, ce n'est pas clair, ça n'a pas été
FRANÇOIS FILLON
Je vais vous le dire maintenant. Il y a beaucoup de métiers dans la Fonction publique, ce sont des métiers très particuliers où on ne pourra pas appliquer intégralement les principes généraux que j'évoquais tout à l'heure. C'est le cas, par exemple, des infirmières. Et nous allons proposer aux infirmières des dispositions spécifiques qui permettront de tenir compte de la difficulté de leur métier. C'est le cas aussi des aides-soignantes, les aides-soignantes, aujourd'hui, ont 30 % de prime dans leurs salaires alors même qu'elles n'ont pas des salaires élevés, nous allons engager une discussion avec les représentants de ces catégories de personnels pour intégrer leurs primes dans le salaire.
GERARD LECLERC
Un mot sur les primes justement, les primes, elles ne seront pas intégrées directement dans la pension, mais elles seront prises en compte dans une caisse de retraite complémentaire. En deux mots, est-ce que vous pouvez garantir la viabilité de ce système ? Et deuxièmement, comment vous allez faire à partir du moment où les primes sont très différentes d'une profession à une autre ? Certains, comme les territoriaux, n'en ont pas, d'autres, les hauts fonctionnaires, ça représente jusqu'à 40 % du salaire.
FRANÇOIS FILLON
C'est une négociation qui est ouverte entre Jean-Paul DELEVOYE et les syndicats de fonctionnaires. C'est évidemment une avancée importante puisque ça consiste à prendre en compte des éléments de rémunération qui ne sont pas pris en compte aujourd'hui dans le calcul des retraites. La viabilité du système, elle est assurée puisque c'est un système complémentaire comme il en existe par ailleurs. Il sera abondé par le fonctionnaire avec ses primes et par l'employeur, en l'occurrence l'Etat lorsqu'il s'agit de l'Etat. Il y a des mécanismes qui sont à l'étude dans les discussions avec les organisations syndicales pour faire en sorte de tenir compte des différences de niveau de primes.
GERARD LECLERC
Votre réforme, elle concerne le privé, le public, mais pas les régimes spéciaux, pas la SNCF, pas la RATP. Est-ce que c'est le syndrome, la peur de ce qui est arrivé à Alain JUPPE ? C'est le président de la République qui vous a interdit de vous en occuper ?
FRANÇOIS FILLON
Je vous ai dit tout à l'heure que quand on fait son devoir, on n'a pas peur. Simplement, ces régimes spéciaux, ils ont des spécificités, naturellement, les principes généraux que nous allons inclure dans la loi sont destinés à s'appliquer à tout le monde. Mais pour les régimes spéciaux, qui représentent
5 % des personnes concernées par cette réforme, ce sera dans le cadre d'une négociation dans l'entreprise, d'ailleurs, ça a commencé à EDF, que les choses seront réglées.
OLIVIER MAZEROLLE
Enfin, l'entreprise, quand la SNCF est en déficit, c'est bien l'Etat qui compense.
FRANÇOIS FILLON
Il y a des évolutions qui sont prévues dans ces domaines et
OLIVIER MAZEROLLE
Bon. Vous ne voulez pas voir défiler les cheminots
FRANÇOIS FILLON
Et l'entreprise a vocation à conduire les négociations dans ce domaine.
OLIVIER MAZEROLLE
D'accord. Dans la Fonction publique, le calcul pour la référence du montant de la retraite, c'est les six derniers mois de salaire, on va en rester là ?
FRANÇOIS FILLON
C'est un élément de discussion avec les organisations syndicales. Ce qu'il faut bien voir, c'est qu'on demande un très gros effort, on l'a dit tout à l'heure, aux fonctionnaires des Fonctions publiques d'Etat comme des Fonctions publiques territoriales. Et par ailleurs, quand on veut juger de l'équité de la réforme, il y a aussi des contraintes dans la fonction publique, il y a des domaines où même en matière de retraites, les fonctionnaires sont moins bien traités que le régime général. Par exemple, il y a les primes qui ne sont pas intégrées, il y a les modalités de validation des trimestres dans un certain nombre de cas qui sont plus généreuses dans le secteur privé
GERARD LECLERC
Donc, il y aura des compensations ?
FRANÇOIS FILLON
Donc, il n'est pas anormal qu'il reste un certain nombre de différences parce que c'est les masses globales qu'il faut considérer pour avoir un sens de l'équilibre de la réforme.
OLIVIER MAZEROLLE
Monsieur le Ministre, il y a un homme qui, justement, en 95, défilait à la tête des cheminots, et puis, qui, depuis, est devenu secrétaire général de la CGT, il vous a écouté, il est à son bureau, à Montreuil, donc à la CGT, bonsoir, BERNARD THIBAULT. Vous avez entendu François FILLON, vous avez sans doute des choses à lui dire.
BERNARD THIBAULT
Bonsoir. Oui, j'aurais plein de choses à lui dire. Il a dit plusieurs choses sur lesquelles le débat contradictoire mériterait d'être poussé pour permettre à nos concitoyens d'avoir une opinion équilibrée sur les différents aspects. L'absence d'alternative ? Non. Je ne pense pas que le ministre puisse dire qu'il y ait une absence d'alternative, de propositions alternatives au projet gouvernemental qui nous est présenté. Nous avons passé plusieurs dizaines d'heures avec des conseillers respectifs pour échanger les points de vue, il y a des pistes alternatives, encore faut-il les accepter d'un point de vue politique. Alors qu'il y ait un refus du gouvernement d'envisager d'autres pistes pour assurer la pérennité de notre système de retraites, c'est une chose, mais c'est un choix politique, ce n'est pas l'absence d'alternatives aux solutions qui sont préconisées. Monsieur FILLON a voulu donner des assurances quant au niveau des retraites, je veux dire qu'il n'y a pas d'assurance dans les propositions qui nous sont présentées aujourd'hui quant au niveau des retraites à moyen terme. Au contraire. J'ai fait faire des calculs, je peux dire, et la CGT va diffuser un matériel grand public à 2 millions d'exemplaires pour que chacun ait tous les éléments d'appréciation sur les conséquences, que la baisse moyenne à terme pour les fonctionnaires va être de l'ordre de 20 % en termes de niveau de retraite. Et sur la période 93, avant disposition BALLADUR, à 2020, la baisse pour le privé sera de l'ordre de 30 %. C'est ça, l'enjeu. On n'est pas uniquement sur un débat économique, il y a une dimension économique au problème, mais on est sur un enjeu de société. On est sur un enjeu de société. Moi, je veux dire que tout mis bout à bout dans l'approche que semble confirmer, même si je comprends qu'il y a du mal à en assumer toutes les conséquences sociales de l'ensemble de cette réforme. Ça équivaut demain à être dans une société française où en quelque sorte, les grands-parents seraient obligés de continuer à travailler pour vivre du fait de retraites plus basses pendant que leurs petits-enfants resteront plus longtemps au chômage. Le débat français n'est pas un débat spécifiquement franco-français, vous avez fait état de mesures ou de débats, de tensions aussi dans beaucoup d'autres pays européens, il se trouve que cet après-midi, j'avais une rencontre avec des homologues syndicaux d'autres pays, d'autres continents, responsables syndicaux américains, allemands, japonais, italiens, anglais, français bien évidemment dans le cadre de la préparation d'une rencontre que nous avons d'ailleurs avec le chef de l'Etat, demain, sur notre appréciation de la situation économique et sociale à l'échelle mondiale. Et le message que nous allons devoir livrer demain, c'est que les politiques publiques sont très comparables les unes aux autres et que partout, effectivement, on cherche à faire des économies sur les prestations sociales, sur la retraite, sur la protection sociale, et Monsieur FILLON sait bien que nous allons avoir un deuxième ballon en quelque sorte avec un débat à venir sur la Sécurité sociale qui va reposer les mêmes principes. Donc, non, je crois qu'il y a des alternatives à celles qui sont proposées
OLIVIER MAZEROLLE
Lesquelles on a envie de vous dire que François FILLON puisse vous répondre, quelles alternatives ?
BERNARD THIBAULT
Premier aspect on a l'air de raisonner et je l'entends encore ou je crois le percevoir encore dans les propos du ministre, on a l'air de raisonner comme si l'allongement de l'espérance de vie était un drame, quoi que l'allongement de l'espérance de vie elle n'est pas identique pour tous. Et je veux dire que de ce point de vue là entre un ouvrier spécialisé il y a en moyenne nationale, ça cache des disparités, mais c'est une moyenne nationale, un ouvrier spécialisé continue d'avoir une espérance de vie inférieure de l'ordre de sept années à son directeur d'usine. En tient-on compte ou pas dans le calcul des droits à la retraite ? Pour l'instant c'est absent. L'infirmière a un métier particulièrement pénible, il faut le reconnaître, mais je pense aussi que le travailleur de l'automobile qui travaille en trois huit et à la chaîne à des cadences, il faut voir la réalité du travail dans les entreprises, est un métier aussi pénible qui est incompatible avec la perspective d'avoir un allongement de la durée de cotisation qui si on suit la mécanique, vous avez entendu automatique de durée de cotisation à l'avenir pour faire valoir ses droits à la retraite pourrait inciter ou obliger des salariés à travailler de plus en plus longtemps encore une fois dans une période où l'emploi aujourd'hui est de manière très inégalement réparti. SI nous n'avions pas un taux de chômage comme aujourd'hui
OLIVIER MAZEROLLE
François FILLON vous répond là dessus et ensuite vous reprenez la parole.
BERNARD THIBAULT
Volontiers.
FRANÇOIS FILLON
Oui on a beaucoup débattu avec Monsieur THIBAULT sur ces questions depuis des mois et même si il ne le reconnaîtra peut-être pas, il y a beaucoup de positions qu'il a défendues qui sont dans cette réforme et quand je disais tout à l'heure que le débat avait changé de nature dans notre pays en disant sur l'alternative, répartition, capitalisation, je dis à Monsieur THIBAULT que son organisation a participé à ce changement d'état d'esprit qui fait qu'aujourd'hui personne ne conteste plus ou presque personne ne conteste plus le choix de la répartition qui a été fait. Mais pour le reste Monsieur THIBAULT pose des vraies questions, l'allongement de la durée de la vie n'est pas pareil pour tout le monde, on n'est pas égaux et d'ailleurs ce n'est pas une nouveauté, la retraite était fixée à un âge qui était le même pour tout le monde dans le passé et on ne tenait pas plus compte de ces différences. Mais il ne propose pas de véritables systèmes alternatifs, il propose des aménagements, des dispositions qui naturellement ont tendance à déséquilibrer le système, mais il ne propose pas ou plutôt il propose et je vais le dire à sa place parce qu'il me l'a souvent dit. Il propose une alternative que c'est vrai nous nous refusons, qui est l'alternative qui consiste grosso-modo à augmenter les prélèvements obligatoires en prélevant, alors il dit sur les entreprises, sur les profits des entreprises une bonne partie du financement des retraites, c'est quelque chose qu'aujourd'hui nous, nous ne voulons pas accepter parce que nous pensons que dans le monde ouvert dans lequel nous vivons et dans l'espace européen qui est le nôtre cette alternative ne nous est pas ouverte parce qu'elle conduirait à une perte de compétitivité tellement grande pour l'économie française que là alors pour l'occasion le chômage serait amené à croître de manière très importante.
OLIVIER MAZEROLLE
BERNARD THIBAULT, c'est projet de société contre projet de société alors ?
BERNARD THIBAULT
Non, oui enfin il y a une certaine conception oui. La conception qu'on a des droits à l'horizon de la retraite dégage un certain choix de société, je crois effectivement, est-ce que nous considérons que dans un pays où la productivité du travail progresse, nous ne sommes pas le seul pays bien évidemment, de manière tendancielle depuis l'après guerre dès lors que la population de retraités n'a cessé d'augmenter. Et elle va augmenter dans des proportions c'est vrai plus importantes qu'elle n'a augmenté jusqu'à présent, cela justifie en soi que la part des richesses produites dans notre pays consacrées à subvenir aux besoins des retraités soit plus importante. Ce n'est pas la peine ou alors c'est là que le choix est différent entre nous de dire la population retraitée va être plus importante, nous n'avons pas d'autres alternatives que de verser des retraites moins importantes à tout le monde et de manière de plus en plus tard, ça c'est un choix de société qui n'est pas le nôtre. Alors sur la répartition de ses richesses bien évidemment avec les employeurs nous avons un débat récurant parce que la barre qui doit revenir en quelque sorte aux salariés, c'est-à-dire ceux qui participent à la production de richesse dans notre pays est plutôt accaparée par des actionnaires, par un mécanisme économique qui fait de la rentabilité financière plutôt que de la reconnaissance de ceux qui sont au travail, un élément de répartition, mais qu'on ne dise pas qu'il n'y a pas d'alternative aux choix qui sont énoncés, ce n'est pas Vous savez c'est ça le terme du débat national dans lequel notre pays doit s'impliquer, mais aussi l'ensemble des pays européens.
OLIVIER MAZEROLLE
Monsieur FILLON, là c'est clair il ne vous croit pas quand vous dites que vous allez avec votre système réussir à maintenir le niveau des retraites.
FRANÇOIS FILLON
Non, non Monsieur THIBAULT sait que l'on parle de deux choses différentes. On parle de la comparaison avec le taux de remplacement, c'est-à-dire les retraites par rapport aux revenus, et les retraites par rapport au pouvoir d'achat des retraités. S'agissant du pouvoir d'achat des retraités nous mettrons dans la loi, elle n'était pas encore complètement finalisée dans les propositions qui ont été présentées à Monsieur THIBAULT, mais là aussi pour faire avancer les choses nous mettrons des garanties qui seront des garanties très claires. Et nous mettrons un terme à la dégradation du taux de remplacement initié par les réformes précédentes. Il y a eu une réforme qui a été mise en place en 1993, elle a été appliquée pendant 10 ans, il y a trois gouvernements qui se sont succédés dont un gouvernement de gauche qui a été au pouvoir pendant 5 ans, personne n'a remis en cause cette réforme parce que tout le monde comprend bien qu'elle était nécessaire et que sa remise en cause finalement risquait d'entraîner de grandes difficultés pour le régime par répartition.
OLIVIER MAZEROLLE
Vous avez compris qu'elle était nécessaire BERNARD THIBAULT ?
BERNARD THIBAULT
Nous ne pouvons pas faire l'impasse sur ce qui se passe dans les entreprises lorsqu'on veut débattre de l'avenir des retraites, lorsque l'on dit qu'il y a des alternatives, c'est par exemple lorsque nous avons soumis des propositions qui consistaient à dire par exemple on ne peut pas raisonner en anuités de cotisations, comme on le faisait à une période où en règle générale les jeunes commençaient à travailler très tôt. Raisonner en annuité de cotisation, 41, 42 annuités alors qu'aujourd'hui 60 % des jeunes de moins de 25 ans ne sont pas indemnisés par le chômage, ce qui hypothèque d'autant la période de leurs droits à la retraite, c'est inévitablement accepter un âge de départ en retraite qui sera dépendant de la situation de chacun, vous avez remarqué que Monsieur FILLON ne parle plus du droit au départ à la retraite à 60 ans. On n'en parle plus, ça va dépendre des conditions spécifiques dans lesquelles chacun va être placé.
FRANÇOIS FILLON
On n'en parle plus Monsieur THIBAULT parce qu'il est acquis parce que personne ne le remet en cause.
OLIVIER MAZEROLLE
Il vous dit qu'il n'est pas remis en cause.
FRANÇOIS FILLON
On peut toujours partir à 60 ans.
BERNARD THIBAULT
Il n'y aura plus, il faut être clair, il faut être clair, le droit, il n'y aura plus de départ de droit au départ à 60 ans avec une garantie de retraite à taux plein avec l'application des mesures qui sont proposées, il faut que ce soit clair. Il y aura un droit de partir à 60 ans, mais avec ce que vous appelez une décote, une diminution des droits du montant de la retraite si on part à 60 ans, qui feront qu'il y a deux alternatives possibles, pour les plus bas revenus qui sont de plus en plus nombreux, aucune autre issue que d'essayer de rester à travailler parce que monsieur FILLON regrette le fait qu'on ne travaille pas assez dans notre pays, mesurer ce que représente ce message vis à vis des millions de concitoyens qui sont privés d'emploi, de jeunes qui n'arrivent pas à accéder à l'emploi, aux 80 % de jeunes qui sont embauchés à contrat à durée déterminée, et on ne peut pas les rendre responsables à la fois d'être victimes de la précarité de l'emploi et en plus responsables des basses pensions qu'ils vont toucher plus tard. Il y a des alternatives, mais ça nécessite d'accepter de modifier assez fondamentalement le cadre à partir desquels les droits des salariés sont construits pour les générations futures en maintenant c'est vrai le système par répartition. Je me félicite que la CGT, mais je crois aussi avec d'autres organisations syndicales aient réussi à convaincre le gouvernement que c'était bien sur ce socle là qu'il fallait bâtir l'avenir même si j'ai aussi relevé dans les propositions gouvernementales un dispositif ouvrant et généralisant la voie à l'épargne retraite, ce qui là aussi est en train de mettre le loup en quelque sorte dans la bergerie.
OLIVIER MAZEROLLE
Le ministre vous répond sur les jeunes et sur la retraite à taux plein à 60 ans.
FRANÇOIS FILLON
Trois choses, sur les jeunes d'abord aujourd'hui l'âge moyen d'entrée dans la vie active c'est 21,5 ans. Nous savons tous qu'on pourrait faire entrer beaucoup de jeunes dans la vie active plus tôt si justement il y avait un chômage moins élevé et si les systèmes de formation et notamment de formation en alternance étaient généralisés. Deuxième chose, nous allons permettre des validations de trimestre dans un certain nombre de cas plus faciles qu'aujourd'hui pour tenir compte de ces carrières heurtées, et puis enfin sur le troisième sujet qui est le taux d'activité des plus de 50 ans. J'ai bien dit tout à l'heure Monsieur THIBAULT que pour que la durée de cotisation soit allongée au-delà de 40 ans, après 2008, il faudra d'abord que les entreprises se retroussent les manches pour faire en sorte que les salariés puissent rester au travail et si ils ne le font pas alors je le dis à tous les chefs d'entreprise qui nous écoutent, " à ce moment là on ne pourra pas allonger la durée de cotisation et on sera obligé d'augmenter les cotisations et donc d'augmenter les prélèvements obligatoires ". Donc là les entreprises ont un vrai défi à relever, faire travailler les salariés jusqu'à l'âge légal de la retraite sinon on ne pourra pas faire fonctionner le système comme nous l'avons prévu.
OLIVIER MAZEROLLE
Monsieur THIBAULT on arrive au terme de notre discussion, mais simplement je voudrais vous demander François FILLON nous a dit tout à l'heure que lui il n'avait pas peur parce qu'il faisait ce qu'il pensait devoir avoir à faire et vous est-ce que vous rêvez de décembre 95, vous de votre côté ?
BERNARD THIBAULT
Non, non moi je ne rêve à rien. J'essaie d'être lucide, les enjeux sont importants, il s'agit de l'avenir de millions de nos concitoyens, des salariés, ce que je voudrais dire pour les décideurs qui, je n'ai pas de mauvais présages pour Monsieur FILLON, qu'on ne se méprenne pas sur mon propos, mais on a eu Monsieur BALLADUR il a pris une décision et puis aujourd'hui il fait autre chose mais les salariés ils sont toujours là c'est eux qui en subissent les conséquences et les organisations syndicales aussi. Donc je veux dire la légitimité parlementaire elle est réelle, elle est incontestable, mais elle est quelque part de passage et là on engage des réformes qui vont structurer ou déstructurer la vie de millions de nos concitoyens. Je voudrais simplement ajouter une chose si vous me le permettez, à propos de l'horizon que représente la retraite Monsieur FILLON évoquait qu'on a un regard un peu nouveau sur ce que représente la retraite aujourd'hui, il faut le ramener et nous avons eu l'occasion d'en discuter lorsque nous avons été reçus par le ministre de ce point de vue là, il faut le ramener à la réalité de ce qu'est le travail aujourd'hui, à la réelle dégradation des conditions au travail, de la difficulté qu'il y a au travail. C'est ce qui rend l'horizon de la retraite après 60 ans, c'est la période dans laquelle on revient à une situation normale, c'est-à-dire a priori protégée avec autant que faire se peut des moyens pour vivre. On peut refaire du projet parce que de plus en plus même en travaillant dans la précarité on ne peut pas faire du projet et ce que vous êtes en train de proposer, c'est de repousser l'horizon à partir duquel les Français, les salariés auraient une période dans laquelle ils pourraient refaire des projets, voire même pour certains d'entre eux de ne plus en avoir du tout parce que la période qui leur resterait à vivre, vu les conditions que vous souhaitez y mettre pour avoir une retraite décente, voudrait dire tout simplement au final que quelques années de bénéfices de retraite et vous avouerez que là dessus ça n'est pas une perspective qui peut nous satisfaire.
OLIVIER MAZEROLLE
Vous n'êtes pas sur la même longueur d'ondes, BERNARD THIBAULT et vous, François FILLON. On va continuer à parler de tout cela en abordant un autre chapitre. Merci BERNARD THIBAULT, en abordant un autre chapitre qui est celui du chômage : " Une fatalité française ? " En effet, nous sommes en Europe l'un des pays qui a l'un des plus hauts taux de chômage, même lorsqu'il a bien baissé avec Lionel JOSPIN on était arrivé au mieux à
8,9 %, et puis ensuite ça s'est de nouveau inversé en juin 2001. Est-ce que enfin, pour quelles raisons, selon vous ?
FRANÇOIS FILLON
Je crois que l'on a trois handicaps sérieux. Le premier c'est la rigidité de notre marché du travail, de notre organisation du travail, c'est pour ça que dès l'arrivée du gouvernement je me suis attelé à assouplir les 35 heures, à modifier la loi de modernisation sociale, toutes ces rigidités qui pèsent sur le marché de l'emploi. On va bien que dans les pays européens où il n'y a pas ces rigidités, le temps de retour à l'emploi est beaucoup plus court que chez nous. Il y a un deuxième handicap français, c'est la formation. Nous avons, en matière de formation professionnelle, un système qui ne fonctionne pas, en tout cas pas comme il le devrait, et donc j'ai demandé aux partenaires sociaux de conduire une négociation pour arriver à une idée d'assurance emploi formation. Je crois que le troisième sujet, c'est l'orientation. On a complètement détourné des millions de jeunes Français des métiers manuels et des métiers de production et on a dévalorisé dans leur esprit et puis peut-être aussi à travers les conditions de travail, ces métiers. Il va falloir dans ce domaine que nous inversions les choses.
OLIVIER MAZEROLLE
Alors, vous voyez, sur ce tableau, il y a un certain nombre de personnes : il y a Valéry GISCARD d'ESTAING, François MITTERRAND, Jacques CHIRAC, présidents de la République durant plus de 20 ans, et puis les Premiers ministres, Jacques CHIRAC lui-même et puis Raymond BARRE, Pierre MAUROY, Laurent FABIUS, Michel ROCARD, Edith CRESSON, Pierre BEREGOVOY, Edouard BALLADUR, Alain JUPPE et Lionel JOSPIN, ça fait du monde qui s'est attaqué au chômage, et vous alors avec Jean-Pierre RAFFARIN, vous allez faire mieux que toutes ces personnes là réunies ?
FRANÇOIS FILLON
Oui, je crois que l'on va faire mieux et je vais vous dire pourquoi on va faire mieux
OLIVIER MAZEROLLE
Et bien dites donc !
FRANÇOIS FILLON
On va faire mieux grâce à
OLIVIER MAZEROLLE
Vous savez qu'ils sont 12 ?
FRANÇOIS FILLON
On va faire mieux, parce que l'on va aussi s'appuyer sur leurs expériences, il ne faut pas caricaturer les choses. Tous, ils ont apporté un certain nombre d'améliorations à nos dispositifs, peut-être à l'exception du dernier gouvernement qui a rigidifié terriblement le système avec les 35 heures, avec une augmentation des prélèvements obligatoire et avec des dispositions législatives qui aujourd'hui pèsent très lourdement sur notre économie, mais surtout nous allons faire mieux parce que là encore c'est un peu comme les retraites, le monde a changé autour de nous et on n'a pas tellement le choix, et je pense que les Français sont en train de le comprendre. Le retournement démographique que j'évoquais tout à l'heure, plus la mondialisation, c'est-à-dire la redistribution des cartes de la richesse dans le monde, ça ne nous laisse plus de temps pour tergiverser, on est obligé d'agir.
OLIVIER MAZEROLLE
Alors, on va voir quelle est votre politique, avec ce reportage d'Emilie LANSON et de Virginie TRAVERS.
/// Reportage///
OLIVIER MAZEROLLE
Donc, retour de la croissance pour générer des emplois. LUC BAZIZIN du service économique et social de France 2 a des questions à vous poser sur cette politique que vous menez.
LUC BAZIZIN
Bonsoir Monsieur FILLON.
FRANÇOIS FILLON
Bonsoir.
LUC BAZIZIN
Alors, vous le savez, on vient de le voir, en fait, vos prédécesseurs vous reprochent d'avoir cassé des mesures qu'ils avaient mises en places en assouplissant par exemple les 35 heures qui avaient quand même produit
400 000 emplois, et puis d'un autre côté, vos partisans, eux, plus libéraux, sont déçus, tout simplement parce qu'ils attendaient des baisses de charges bien plus franches sur les entreprises. Donc, comment vous comptez répondre à cette double insatisfaction ?
FRANÇOIS FILLON
Il y a plusieurs choses que je voudrais contester, à la fois dans votre présentation et dans celle qui vient d'être faite à l'instant. D'abord, il n'y a pas du tout d'inflexion de la politique de l'emploi du gouvernement. Les emplois jeunes, dès le début, nous avons dit que nous maintenions évidemment les contrats et puis que le système irait en s'éteignant parce que nous pensons que ce n'est pas un système positif pour l'économie ; le CIVIS, toutes ces mesures, sont des mesures qui ont été annoncées dès l'arrivée du gouvernement. La seule modification que nous avons introduite à notre politique de l'emploi, c'est un peu plus d'emplois aidés, les C.E.S, 20 000 de plus, parce que les prévisions économiques de juillet ne se sont pas vérifiées et que la situation de l'emploi est plus difficile, et ce que nous voulons, nous, c'est orienter les politiques d'emplois aidés, les politiques d'emplois aidés dans le secteur public, vers les gens qui en ont vraiment besoin. Parce que nous pensons que c'est un vrai gâchis que de dépenser et de dépenser beaucoup d'argent public pour aider des jeunes qui ont des qualifications, qui pourraient travailler dans le secteur privé. Comme ça a été le cas avec les emplois jeunes, à aller vers des emplois qui en plus sont des emplois sans véritable horizon, et la deuxième chose que je veux contester, c'est que les 35 heures aient créé
400 000 emplois. Dans les meilleures statistiques publiées par mon propre ministère, on doit être à 350 000 au grand maximum et ça ne tient pas compte, me semble-t-il, de tous les emplois qui n'ont pas été créés dans notre pays à cause des 35 heures, la vérité, c'est que les 35 heures ont fait peser sur l'économie française un double poids, d'abord le poids pour les entreprises d'une perte de compétitivité, et ensuite le poids financier supporté par les contribuables français et par l'ensemble du système public, à la fois pour les allègements liés aux 35 heures et pour le coût dans le secteur public.
OLIVIER MAZEROLLE
Alors, pourquoi ne pas les abolir, carrément ?
FRANÇOIS FILLON
Parce que ça n'est pas aujourd'hui possible de jouer au yo-yo avec la durée du travail alors même que beaucoup d'entreprises ont conclu des accords qui, en échange des 35 heures, leur ont permis plus de flexibilité, plus de productivité, mais globalement c'est une mesure qui n'était pas bonne pour notre pays, et nous, ce que nous essayons de faire aujourd'hui, c'est de redonner plus de liberté possible aux entreprises et aux partenaires sociaux parce que si les partenaires sociaux avaient été consultés sur les 35 heures, s'ils avaient vraiment écrit les accords comme moi je voudrais qu'ils puissent le faire demain, il y aurait jamais eu une loi aussi autoritaire sur les 35 heures.
LUC BAZIZIN
Et pour la baisse des charges, donc, qui est tant attendue, par les entreprises.
FRANÇOIS FILLON
Alors, la baisse des charges, vous savez que nous faisons sept milliards d'euros de baisses de charges supplémentaires à partir du 1er juillet prochain, concomitante avec l'augmentation du SMIC qui va être une augmentation du SMIC très très importante, vous n'avez d'ailleurs qu'elle n'est pas sans inquiéter les chefs d'entreprises, même si elle va être compensée très largement par les allègements de charges que nous mettons en place, mais c'est à partir du 1er juillet que ces allègements de charges vont se mettre en uvre. L'augmentation du SMIC, vous savez, elle est due aussi à la réparation de ce que je considère comme un vrai dégât commis par le gouvernement précédant, qui avait, à cause des 35 heures, créé six SMIC différents. Comment, dans un pays épris de justice sociale on peut avoir six salaires minimums différents et avoir des gens qui avec les mêmes qualifications, les mêmes emplois, ont des salaires différents ? Nous, nous allons harmoniser les six SMIC en trois ans sur un même SMIC, au niveau le plus élevé, et ça va se traduire au mois de juillet, pour certains salariés au SMIC, par des augmentations qui vont être de l'ordre de 5 à 6 %.
OLIVIER MAZEROLLE
Et pour d'autres, rien du tout.
FRANÇOIS FILLON
Non, tout le monde sera augmenté, parce que tout le monde sera augmenté du coût de la vie
OLIVIER MAZEROLLE
Oui, non, mais par rapport à l'inflation.
FRANÇOIS FILLON
Et c'est les trois quarts des salariés au SMIC qui vont voir le salaire minimum augmenter de manière importante et un quart qui sera simplement reconduit dans le pouvoir d'achat.
OLIVIER MAZEROLLE
La formation, peut-être.
LUC BAZIZIN
Alors, justement, la formation, effectivement, on se dit qu'aujourd'hui les salariés en France, on voit aussi les problèmes de délocalisations, beaucoup d'entreprises maintenant, on voit que 25 pays vont faire partie de l'Europe, donc dix nouveaux, les pays de l'Est vont être très attractifs en termes de coût du travail, donc est-ce que la réponse n'est pas justement de former davantage les salariés français pour pouvoir répondre à ça ?
FRANÇOIS FILLON
C'est la réponse, la plus importante et d'ailleurs elle aurait pu être traitée dans le cadre des 35 heures, on aurait pu imaginer qu'une partie du temps retrouvé pour le salarié soit utilisée à sa formation, c'est encore une occasion qui a été manquée. En arrivant au ministère des Affaires sociales j'ai immédiatement demandé aux partenaires sociaux de reprendre les négociations qui avaient été interrompues quelques mois plus tôt sur la formation professionnelle. Ce que nous voulons faire, et c'est un engagement du président de la République, c'est donner à chaque salarié français, un compte individuel de formation professionnelle, une sorte de carnet de chèques qui lui sera personnel et qu'il pourra utiliser tout au long de sa vie professionnelle, soit dans le cadre d'une discussion avec l'entreprise pour les besoins de l'entreprise dans laquelle il travaille, soit pour assurer sa promotion personnelle ou pour faire face à des accidents comme un licenciement, un plan social. Lors de la conférence sur l'emploi que nous avons réunie il y a quelques mois, j'ai demandé aux partenaires sociaux d'appuyer un peu sur l'accélérateur sur ce sujet, parce que je tiens à présenter un texte au Parlement, à l'automne, sur la mise en place de cette assurance emploi formation.
LUC BAZIZIN
Alors, vous parliez tout à l'heure de la croissance en termes de moteur, or là on va dire que c'est assez mal parti puisque l'OFCE prévoit une croissance de 0,8 % pour cette année, et vous savez qu'en dessous de 1,5 % de croissance, en gros, on ne crée plus d'emploi, même on en détruit. Donc, vous, comment vous pensez pouvoir, malgré tout, en créer ?
FRANÇOIS FILLON
C'est pour ça que je disais tout à l'heure que nous envisagions la reprise à partir du début 2004 et l'inversion de la courbe du chômage à ce moment là. L'économie française, malgré tous les handicaps que l'on évoquait tout à l'heure et grâce sans doute aux allègements de charges qui avaient été décidés à partir de 93 et qui ont créé à eux seuls plus de 450 000 emplois, et finalement quand même assez performants en matière d'emploi, car on a fait moins que 1,5 cette année, en 2002, et pourtant on a créé un peu plus de 60 000 emplois en 2002, c'est dire si Il suffit de pas grand chose : quelques réformes structurelles, un peu plus de souplesse, quelques baisses de charges supplémentaires, pour que la machine économique française reparte.
OLIVIER MAZEROLLE
Merci.
LUC BAZIZIN
Juste un mot sur la loi de modernisation sociale, peut-être, où justement vous êtes revenu sur cette loi en la suspendant, mais rien n'a pris sa place encore, on sait qu'il y a un délai d'une quinzaine de mois encore à venir avant que quoi que ce soit soit mis en place, alors qu'est-ce qui va se passer d'ici là, est-ce que l'on va encore assister à une cascade de plans sociaux ?
FRANÇOIS FILLON
Vous savez, la loi de modernisation sociale elle a empêché aucun licenciement et elle n'en a provoqué aucun et sa suspension n'en a provoqué aucun. Ce n'est pas avec des textes que l'on peut contraindre le marché, contraindre les entreprises, à ne pas s'adapter aux réalités économiques, mais la grande Le grand bénéfice que je vois, dans la décision que nous avons prise de suspendre la loi de modernisation sociale
LUC BAZIZIN
Suspendue, mais pas supprimée, de fait.
FRANÇOIS FILLON
Oui, mais justement, c'est pour ça que j'ai voulu qu'elle soit suspendue, c'est que les partenaires sociaux se sont mis au travail pour discuter d'un sujet extraordinairement difficile, qui est celui des licenciements, qui est celui des plans sociaux, qui est celui des restructurations industrielles, et au lieu que ce soit le Parlement, avec la conception qui était celle de la majorité précédente, et en particulier du Parti communiste, puisque c'est lui qui avait imposé à Lionel JOSPIN ce texte, ce sont les partenaires sociaux qui vont fixer eux-mêmes, qui savent comment fonctionnent les choses
OLIVIER MAZEROLLE
Et s'ils n'y arrivent pas ?
FRANÇOIS FILLON
Alors, moi je suis optimiste, parce que je pense qu'ils vont y arriver. S'ils n'y arrivent pas, à ce moment là le gouvernement prendra ses responsabilités et fera le travail à leur place. Je leur ai donné 18 mois pour conduire cette négociation, il y en a déjà quelques-uns de passés, donc c'est une décision au début de 2004.
OLIVIER MAZEROLLE
Au début 2004. ALAIN DUHAMEL, vous avez lu le sondage : les Français pensent que Monsieur FILLON lutte contre le chômage ?
ALAIN DUHAMEL
Non, je suis désolé pour vous, mais on sait très bien que du point de vue de l'opinion, le chômage c'est la première préoccupation des Français, devant l'insécurité, la première préoccupation, et quand on leur demande, ce que l'on a fait évidemment, si le gouvernement RAFFARIN, Pas François FILLON en particulier, mais le gouvernement RAFFARIN, considère la lutte contre le chômage comme une priorité, il y en a 51 % qui répondent non. Alors là
FRANÇOIS FILLON
Et 47 oui, je crois.
ALAIN DUHAMEL
Oui Non, mais 51 % non, et si on cherche les salariés, il y en a encore plus, hein, en pourcentages.
FRANÇOIS FILLON
Monsieur DUHAMEL on est là dans ce que j'appelais tout à l'heure au début de l'émission " la culture de l'instant ". Le chômage baisse, tout le monde pense que la politique économique est bonne, le chômage augmente on pense que la politique de l'emploi est mauvaise. Dans votre sondage aussi, parce que je l'ai lu avec attention, il y a 66 % des Français qui comprennent que c'est la croissance qui fait l'emploi
ALAIN DUHAMEL
La croissance internationale, si vous l'avez bien lu.
FRANÇOIS FILLON
C'est la croissance internationale qui fait l'emploi. Alors Lionel JOSPIN a eu trois années formidables avec une croissance exceptionnelle liée à la croissance internationale et au dynamisme du secteur des télécoms, on aurait d'ailleurs pu sans doute créer plus d'emplois à ce moment là, aujourd'hui on est dans la partie la plus basse, dans la phase la plus basse de cette croissance et donc naturellement les Français portent sur la politique de l'emploi du gouvernement un jugement qui n'est pas très positif parce qu'ils ont le sentiment
ALAIN DUHAMEL
Il n'est pas positif.
FRANÇOIS FILLON
Que le chômage augmente. Mais c'est la culture de l'instant, il faut bien voir que les mesures que nous prenons sont des mesures structurelles qui sont destinées à donner des effets lorsque la machine internationale repart.
ALAIN DUHAMEL
Mais je vous écoute très attentivement, évidemment, depuis tout à l'heure
FRANÇOIS FILLON
Je vous remercie.
ALAIN DUHAMEL
Vous avez quand même, si vous me permettez, tendance à dire, que les mesures de vos prédécesseurs en général étaient franchement mauvaises et que les vôtres n'ont que des qualités. Il y a peut-être aussi le fait que le gouvernement n'a pas du convaincre les Français que c'était vraiment leur priorité, que le fait de remettre les emplois jeunes, que l'histoire du non remplacement des fonctionnaires, ça a peut-être perturbé les Français, c'est peut-être pas la culture de l'instant des Français, c'est peut-être aussi une défaillance du gouvernement.
FRANÇOIS FILLON
Je ne crois pas que toutes les mesures qui étaient prises par le gouvernement précédant soient mauvaises, je n'ai jamais eu, moi, cette attitude dans la vie politique, mais je pense que les mesures, en matière d'emploi, qui ont consisté à réduire le temps de travail au moment où tous les autres pays faisaient un effort supplémentaire pour maintenir leur modèle social, et qui ont consisté à multiplier les emplois dans le secteur public. Je vais prendre un exemple, Monsieur DUHAMEL : j'étais président de la région des Pays de la Loire quand on a mis en place les emplois jeunes, je me suis fait payer par l'Etat des dizaines d'emplois, des jeunes à BAC + 4 dans des cyber centres que j'ai créés dans la région des Pays de la Loire, pour diffuser les nouvelles technologies. C'est évidemment une politique très intéressante, mais est-ce que c'est normal que ce soit l'Etat, que ce soit le contribuable national, que ce soit une politique sociale, qui aboutisse à payer à la Région des Pays de la Loire des emplois
ALAIN DUHAMEL
C'est peut-être mieux que s'ils étaient à l'ANPE.
FRANÇOIS FILLON
Mais c'était à la région de le faire. Si ces emplois sont utiles, et c'est ça d'ailleurs tout le défaut du raisonnement de la gauche sur ce sujet. Quand Madame AUBRY a créé les emplois jeunes, il y avait un raisonnement qui était intéressant qui consistait à dire : je vais donner un coup de pouce, ça va créer des besoins, ça va créer des emplois qui vont être pérennisés ensuite par les collectivités locales. Et puis après on est rentré dans un système de traitement social du chômage où l'Etat mettait 4 milliards d'euros par an pour simplement faire en sorte que les statistiques soient meilleures.
ALAIN DUHAMEL
Alors, encore une dernière question.
OLIVIER MAZEROLLE
Une dernière question parce que
ALAIN DUHAMEL
Oui, non mais, liée à ce que disait François FILLON, directement liée.
OLIVIER MAZEROLLE
Alors, allons-y.
ALAIN DUHAMEL
Bon. Vous expliquiez que sur les 35 heures, tout cela était une erreur, etc, qui a abouti à des résultats négatifs. Bon. Quand on interroge les gens, comme on l'a fait, quand on interroge les Français, en particulier les salariés, et ça ce n'est pas la culture de l'instant, puisque c'est mis en place depuis plusieurs années, il y en a plus des deux tiers qui disent que si on les supprimait ça n'améliorerait pas la situation de l'emploi. Qu'est-ce que vous leur dites ?
FRANÇOIS FILLON
Ils n'ont pas tort puisqu'on ne peut pas le faire. On ne peut pas le faire, je l'ai expliqué tout à l'heure, ça reviendrai à complètement désorganiser beaucoup d'entreprises qui se sont recalées sur ce système, ça reviendrait à des difficultés, à créer des difficultés considérables dans le secteur public où le système a été mis en place donc aujourd'hui on peut améliorer, on peut redonner de la liberté, on peut redonner de la souplesse. Ce qui est idiot, c'est de voir traiter tout le monde pareil, de la même façon, quels que soient les secteurs, quels que soient les métiers, et les Français, d'une certaine manière, disent la même chose que le gouvernement : on ne peut pas aujourd'hui abroger les 35 heures, on peut les assouplir, on peut les aménager.
OLIVIER MAZEROLLE
Merci Alain. Nous avons maintenant avec nous GUILLAUME SARKOZY.
GUILLAUME SARKOZY
Bonsoir.
OLIVIER MAZEROLLE
Bonsoir Monsieur SARKOZY. Alors, vous, vous êtes vice-président du MEDEF et président des Industries Textiles. " On ne peut pas renoncer aux 35 heures ". Ca vous fait plaisir d'entendre ça ?
GUILLAUME SARKOZY, VICE-PRESIDENT DU MEDEF, PRESIDENT DE L'UNION DE L'INDUSTRIE TEXTILE
Non, mais je suis assez d'accord avec ce que vient de dire le ministre. Nous avons, nous-même, signé des accords 35 heures que l'on ne peut pas remettre en cause, on ne peut pas changer, comme ça, l'organisation des entreprises toutes les 5 minutes alors que nous avions nous-même négocié il y a quelques temps. Mais avant, si vous le permettez, de parler de l'emploi, j'aimerais revenir sur la question des retraites, puisque je suis, vous le savez, Monsieur le ministre, le négociateur du MEDEF et j'ai écouté avec beaucoup d'attention ce que vous avez dit, j'ai appris d'ailleurs plus de choses en vous écoutant que dans votre bureau, mais je crois que c'est le jeu C'est le libre jeu démocratique. Maintenant, j'ai quand même une question assez précise. Si vous le permettez, je vous ai trouvé assez discret, Monsieur le ministre, sur l'équilibre financier du système. Je crois qu'il ne servirait à rien de faire plaisir aux Français inutilement, je ne vois pas pourquoi les Français pourraient travailler moins que leurs camarades des autres pays européens et si je dis ça ce n'est pas dans le plaisir simplement de trouver l'équilibre, un équilibre financier, c'est surtout parce qu'il y a de vrais nécessités, et vous les avez très clairement présentées, sur les personnes qui ont travaillé Qui ont commencé à travailler très jeunes, sur les personnes qui ont eu de longues carrières, sur les personnes qui ont des travaux pénibles, et il faut que nous ayons les moyens financiers de répondre à une partie de ces besoins là qui sont normaux et si nous n'avons pas un équilibre financier certain de ce système. Alors nous ne pourrons pas faire ces nouvelles dépenses. Mais ce que je tiens à vous assurer et vous le savez, et à le dire encore ce soir, c'est que le MEDEF a pris l'engagement devant vous et devant vos services, de participer de manière très active à toutes ces négociations là, dans la mesure où nous serions Nous aurions la certitude que vous avez une vraie, fait une vraie réforme du système des retraites, et les éléments qui ont été donnés ce soir sont de ce point de vue très intéressants.
OLIVIER MAZEROLLE
Alors.
FRANÇOIS FILLON
Monsieur SARKOZY m'a écouté, il sait bien que l'équilibre financier du régime général il est assuré par les mesures que nous proposons, dont l'allongement de la durée de cotisations et par le transfert des cotisations chômage vers les cotisations retraite, mais surtout il est assuré par un mécanisme de pilotage qui permettra d'adapter notamment l'allongement de durées de cotisations, en fonction de la vérification des hypothèses que nous venons d'évoquer à l'instant et ce mécanisme de pilotage. Je crois que c'est une des grandes originalités de la réforme, il ne doit pas être considéré comme un moyen de ne pas dire les choses aux Français, il doit au contraire être considéré comme un moyen de donner au pouvoir politique, tous les 5 ans, la capacité de prendre les mesures courageuses nécessaires, qui seront d'ailleurs induites dans la rédaction des textes de loi pour les adapter à la réalité des choses et si notamment les conditions économiques ne sont pas exactement celles qui ont été prévues, tous les 5 ans on pourra faire les ajustements sur la durée de cotisations.
OLIVIER MAZEROLLE
Ça veut dire que vous vouliez un allongement de la durée de cotisations, immédiat, au MEDEF, passer à 41 ans, 42 ans, tout de suite ?
GUILLAUME SARKOZY
Nous pensons qu'il aurait été raisonnable de continuer doucement, tranquillement, à augmenter la durée de cotisations puisque c'est ce qui va se passer. Maintenant c'est au gouvernement de décider de prendre ces mesures, nous sommes respectueux de cet équilibre démocratique et nous trouverons les mesures de manière à faire les ajustements et les entreprises et les chefs d'entreprises, le MEDEF, avec les partenaires sociaux, auront à cur de négocier les adaptations dans les entreprises, de ces nouvelles mesures. Voyez-vous, il n'y a pas que l'histoire de la durée de cotisations, et le fait que l'âge moyen des salariés va augmenter dans les 10 à 15 ans à venir, va nécessiter une adaptation considérable de nos entreprises et des postes de travail. Voilà des réflexions qui sont très intéressantes et qui vont contribuer, j'en suis persuadé, à non seulement obliger les gens, à travailler plus longtemps, mais à les inciter également à travailler plus longtemps, et c'est là certainement que l'on va trouver la solution à notre régime de retraites.
OLIVIER MAZEROLLE
Alors, Monsieur FILLON, tout à l'heure vous avez parlé du gâchis qui consistait à mettre à la retraite ou en préretraite ou en tout cas à faire partir des entreprises les personnes de plus de 55 ans, qu'est-ce que vous avez à dire à Monsieur SARKOZY là dessus ?
FRANÇOIS FILLON
Monsieur SARKOZY sait bien ce que je pense là-dessus et il pense la même chose que moi, c'est-à-dire que nous sommes vraiment convaincus
OLIVIER MAZEROLLE
Oui, mais on aimerait entendre ce que vous dites quand vous êtes
FRANÇOIS FILLON
Nous sommes vraiment convaincus qu'il s'agit là sans doute du sujet le plus important à la fois pour l'équilibre de nos régimes de retraite, mais aussi pour le retour de la croissance. Vous savez, on n'aura pas de croissance en France si on n'a pas suffisamment d'heures travaillées, si on n'a pas suffisamment de productivité.
OLIVIER MAZEROLLE
Attendez, s'il y a plus de personnes de plus de 55 ans qui travaillent, est-ce que ça ne va pas faire moins d'emplois pour les jeunes ?
FRANÇOIS FILLON
Alors ça Monsieur MAZEROLLE, c'est une théorie qui a fait énormément de mal à notre pays depuis 20 ans. Croire que le marché du travail fonctionne de la manière que vous venez d'indiquer, c'est-à-dire on retire un retraité et on crée un emploi pour un jeune, c'est une conception complètement fausse et qui d'ailleurs ne se vérifie pas dans les chiffres. Nous avons le taux de chômage des jeunes le plus élevé de tous les pays européens, et on a le taux d'activité des plus de 50 ans le plus bas de tous les pays européens. Ca montre bien qu'il n'y a aucune corrélation entre ces deux sujets. Les anciens, ils ont une compétence, ils ont un savoir-faire, ils ont dans beaucoup de domaines, manuels par exemple, des gestes qu'ils sont capables de faire que ne sont pas forcément capables de faire les plus jeunes. Il faut arriver, pour faire fonctionner notre économie, pour faire fonctionner l'entreprise et là-dessus je suis sûr que Monsieur SARKOZY est d'accord avec moi, il faut arriver à faire cohabiter cette expérience avec la force de travail des plus jeunes et c'est ce que l'on va essayer de faire ensemble.
OLIVIER MAZEROLLE
Alors, Monsieur SARKOZY, pourquoi on n'y arrive pas ?
GUILLAUME SARKOZY
Mais je suis d'accord, le ministre m'a enlevé
OLIVIER MAZEROLLE
Vous êtes d'accord, mais dans les faits on les fait partir.
GUILLAUME SARKOZY
M'a enlevé l'argument de la bouche. Mais il y a une question d'adaptation. Nous sommes., et aujourd'hui, dans une période d'adaptation entre deux systèmes. A l'évidence il faut réduire les systèmes de préretraite et nous partageons la politique initiée par le gouvernement, je dirais, en étant raisonnable, les personnes qui ont eu des carrières particulièrement pénibles, doivent pouvoir partir dans des conditions particulières, les personnes qui sont dans des secteurs en restructuration, il faut pouvoir en tenir compte, il faut être logique et cohérent, mais la tendance est claire : nous devons, ensemble, travailler à ce que les personnes plus âgées puissent rester dans l'entreprise et y trouver un intérêt, et ce n'est pas quand elles ont 55 ou 57 ans qu'il faut y réfléchir, c'est bien avant. Donc c'est un projet à long terme que nous avons à faire ensemble et avec les centrales syndicales.
OLIVIER MAZEROLLE
Travail pénible, pour le MEDEF, qu'est-ce que c'est ?
GUILLAUME SARKOZY
Pour le MEDEF, c'est surtout une négociation au niveau des branches. Vous savez que je suis le président du secteur du textile et le travail pénible dans le textile ne veut pas dire la même chose que dans la métallurgie ou dans l'informatique, c'est aux branches de discuter, aux branches de trouver les moyens de financer ces travaux particulièrement pénibles, enfin, des retraites un peu plus faciles pour les personnes qui les ont subies.
FRANÇOIS FILLON
Vous voyez, cette émission ce soir est un très bel exemple de tous les champs du dialogue social. Monsieur SARKOZY est en train de répondre à une question qui était posée tout à l'heure par Monsieur THIBAULT sur, au fond, comment est-ce que l'on adapte les conditions de travail pour les plus anciens, comment est-ce que l'on adapte les postes de travail, comment est-ce qu'on met en place les systèmes de formation qui feront que travailler au-delà de 55, de 56, de 57, de 60, peut-être demain, ne sera pas, n'aura rien à voir avec ce que sont aujourd'hui les conditions de travail pour les plus anciens ? Et ça c'est le dialogue social qui peut le résoudre, c'est-à-dire une négociation entre le patronat et les organisations syndicales, soutenue, aidée par le gouvernement et d'une certaine manière cette négociation elle s'est engagée ce soir, puisque Monsieur SARKOZY fait des propositions qui répondent en écho aux questions qui étaient posées par Monsieur THIBAULT tout à l'heure.
OLIVIER MAZEROLLE
Bien. Merci. Merci Monsieur SARKOZY d'avoir été avec nous ce soir et maintenant nous allons passer à un autre aspect, dernier aspect d'ailleurs, mais c'est la période des restructurations. Justement, Monsieur SARKOZY en parlait tout à l'heure, il y a toutes ces victimes des plans sociaux, on en a parlé avec vous aussi, qui sont des désastres psychologiques, économiques, moraux, pour tous ceux qui les subissent. Il y en a eu beaucoup ces temps derniers en France et Peggy LEROY et Annie TROUARD sont allées à la rencontre d'un couple qui a vécu et a été victime de ces restructurations.
/// Reportage///
OLIVIER MAZEROLLE
Alors est-ce que vraiment on s'occupe des chômeurs ? ALBAN MIKOCZY du service société de France 2 a des questions à vous poser Monsieur le ministre, sur ce sujet.
ALBAN MIKOCZY
Bonsoir Monsieur le ministre.
FRANÇOIS FILLON
Bonsoir.
ALBAN MIKOCZY
Alors avant tout on entendait des témoignages de gens. On est à l'anniversaire pratiquement du 21 avril, qu'est-ce qu'on leur dit à ces gens là ? Il n'y a plus de parole politique ? On ne peut plus agir sur l'économique ?
FRANÇOIS FILLON
Non, je ne crois pas. C'est vrai que c'est très difficile de répondre après avoir vu un reportage comme celui-là, parce qu'il faut répondre à l'émotion, et qu'il faut répondre à l'émotion avec des mesures, avec des politiques, qui sont des politiques structurelles, qui sont des politiques qui mettent du temps à entrer en application, à donner des résultats. Mais ce qu'il faut qu'on sache c'est que le gouvernement est totalement mobilisé pour aider ceux qui sont victimes de ces plans sociaux. On a doublé les crédits nécessaires pour mettre en uvre les cellules de reclassement, j'ai vu tout à l'heure, une dame disait que ce n'était pas utile une cellule de reclassement et que l'ANPE pouvait faire les choses. Ce n'est pas exact. L'ANPE, elle a déjà un énorme volume de personnes à traiter avec en particulier les dispositions du P.A.R.E qui ont été mises en place, qui permettent de mieux personnaliser la recherche d'emploi, et lorsqu'il y a dans un bassin d'emplois une crise, c'est-à-dire une restructuration, si on envoie vers l'ANPE, sans mettre de personnel supplémentaire, toutes les personnes concernées, on n'aura pas une efficacité suffisante. On est en train de mettre en place des contrats de sites pour permettre d'aider aux projets de reconversion sur le territoire, parce que derrière la reconversion il faut créer des nouveaux emplois et l'une des faiblesses de notre pays c'est que nous ne créons pas assez de nouveaux emplois, on a un déficit de créations d'entreprises par rapport à d'autres pays européens qui est considérable, on crée un million d'entreprises en moins en France par exemple qu'en Angleterre. Donc c'est toutes ces politiques que nous conduisons, mais elles doivent aussi être accompagnées d'une parole, parce qu'on a affaire à des gens qui sont dans une très grande détresse, et moi je suis le ministre des salariés, et j'essaye de passer le plus de temps possible pour aller à leur contact, parler avec eux.
OLIVIER MAZEROLLE
Mais est-ce qu'il y a une prise en compte de l'urgence suffisante Monsieur le ministre ? Est-ce que, je ne sais pas ce que votent les personnes que l'on a vu, mais est-ce que ce n'est pas ça qui fait le vote LE PEN que l'on a eu le 21 avril ?
FRANÇOIS FILLON
C'est certainement un élément, vous savez, je crois que dans le vote du 21 avril il y a surtout l'exaspération des Français qui travaillent, qui ont des petits salaires et qui ont le sentiment qu'autour d'eux il y a beaucoup de gens qui ne travaillent pas et qui ont finalement les mêmes conditions d'existence, et ça c'est un sujet auquel je voudrais bien m'attaquer avec la mise en place du revenu minimum d'activité.
OLIVIER MAZEROLLE
Alors justement, vous vouliez en parler Alban.
ALBAN MIKOCZY
Un dernier point juste sur le reclassement, pourquoi il n'y a pas de bilan global ? Pourquoi il n'y a jamais de chiffres ?
FRANÇOIS FILLON
Si, on fait des bilans, moi je les ai
ALBAN MIKOCZY
Mais ils ne sont pas publiés.
FRANÇOIS FILLON
On peut vous les donner, et d'ailleurs ils sont meilleurs que ceux que j'entendais tout à l'heure, mais évidemment ils sont variables d'une région à l'autre. Quand on est dans une région qui a un potentiel économique un peu plus fort, moi je me suis occupé beaucoup de restructurations industrielles comme élu local, la première restructuration industrielle, MOULINEX, j'en ai été l'un des acteurs, au Mans récemment on a reclassé pratiquement 1000 personnes de chez PHILIPS dans des conditions assez rapides, donc lorsqu'il y a une volonté locale, lorsque toutes les énergies sont, y compris celle des partenaires sociaux, orientées dans le bon sens, et si on a un bassin d'emplois qui n'est pas trop sinistré, on arrive à faire des choses.
ALBAN MIKOCZY
Alors un mot, on en parlait, par exemple sur le revenu minimum d'activité, alloué aux personnes qui touchaient le RMI depuis plus de deux ans, pour leur permettre de se réinsérer dans la vie professionnelle. En Espagne ou en Suède par exemple, un demandeur d'emploi qui refuse régulièrement des propositions, on le prive de ses allocations. Est-ce que vous allez dans ce sens là en France ? Est-ce que vous comptez aller dans ce sens ?
FRANÇOIS FILLON
Ce qu'on veut faire dans un premier temps, c'est inciter les gens à aller vers le travail, et le revenu minimum d'activité que nous allons créer cette année, qui va faire l'objet d'un débat au Parlement très bientôt, permettra à une entreprise ou à une collectivité locale ou à une association, de recruter une personne qui est au RMI, pour une période assez courte puisque ça ne peut être qu'une période de transition. Cette entreprise recevra à la fois le revenu, l'équivalent du revenu minimum qui était perçu par la personne, et compensera, parce que le contrat de travail doit être au niveau du SMIC, du montant nécessaire. Je crois que c'est une vraie révolution dans la politique d'insertion, qui a été conduite jusqu'à maintenant, et cette politique d'insertion on va la décentraliser, c'est-à-dire qu'on va la remettre en totalité aux départements pour qu'il n'y ait plus qu'un pilote, qu'une seule autorité et une autorité qui est très proche du terrain, et qui est sans doute mieux à même de conduire les politiques d'insertion.
OLIVIER MAZEROLLE
Mais ça veut dire obligation d'accepter l'emploi proposé si on veut continuer à toucher le RMI ou pas ?
FRANÇOIS FILLON
Non non, nous allons inciter
OLIVIER MAZEROLLE
Parce que Alban vous a posé une question précise là.
FRANÇOIS FILLON
Mais les collectivités locales et le département qui gérera cette politique, pourra, s'il a le sentiment qu'une personne ne met pas en uvre tous les moyens nécessaires à son insertion, il aura la possibilité, parce que le revenu minimum ne peut être attribué qu'à condition qu'un certain nombre de conditions soient respectées. je suis convaincu que les collectivités locales auront à cur de gérer avec plus de rigueur, mais aussi avec plus d'imagination, ce dispositif.
OLIVIER MAZEROLLE
On tourne autour du pot là.
FRANÇOIS FILLON
Non non non..
OLIVIER MAZEROLLE
Auront à cur de gérer avec plus de rigueur, ça veut dire quoi, qu'on va obliger ?
FRANÇOIS FILLON
Parce qu'elles seront responsables, le département sera responsable financièrement en totalité du RMI, c'est lui qui le gérera, il devra naturellement appliquer un règlement général qui sera le même pour tous les départements de France, mais il aura la possibilité de faire preuve de fermeté quand on est en face de personnes qui refusent toutes les propositions qui..
OLIVIER MAZEROLLE
Donc de supprimer le RMI..
ALBAN MIKOCZY
Et les allocations.
FRANÇOIS FILLON
Voilà, très bien, bon ! enfin, très bien..
ALBAN MIKOCZY
A part les personnes susceptibles d'être dans ce cas, il y a une catégorie de personnes qui ont été beaucoup touchées, ce sont les jeunes. Vous parliez tout à l'heure de votre dispositif, le CIVIS, et puis vous parliez également des emplois-jeunes, et j'entendais avec intérêt ce que vous disiez, qu'est-ce qu'on fait des, allez, il en reste 200 000 des emplois-jeunes aujourd'hui, j'ai noté des aides éducateurs, des salariés de petites associations, qui ont fait souvent la preuve de l'utilité de leur fonction, c'est pas moi qui parle, c'est le maire d'Alençon, proche de Alain LAMBERT le ministre du Budget. Alors on leur dit quoi à ces 200 000 jeunes ?
FRANÇOIS FILLON
Il y en a 220 000 à peu près aujourd'hui, ce qui montre bien d'ailleurs qu'on n'a pas supprimé les emplois-jeunes brutalement comme certains le font croire. Il y en a à peu près 70 000 qui vont partir là cette année, sur les 70 000 il y en a un peu plus de la moitié qui vont retrouver naturellement un emploi, c'est ce qui s'est passé ces dernières années, beaucoup d'emplois-jeunes d'ailleurs ne sont pas allés jusqu'au bout de leur contrat parce qu'ils ont retrouvé un emploi. Ensuite il y a ceux qui sont dans les associations, il y en a 15 000, sur les 15 000, il y en a 11 000 qui vont être prolongés parce que nous allons mettre en place, nous avons mis en place des dispositifs qui permettent aux associations de prolonger pendant trois ans supplémentaires les contrats, et enfin ceux qui ne seront dans aucun des cas que je viens de citer, ils sont accompagnés par le service public de l'emploi, pour retrouver un emploi, pour aller vers des concours de la Fonction publique. Qu'on essaie de leur ouvrir prioritairement, pour les accompagner vers une recherche d'emploi, c'est-à-dire que nous assumons la totalité des responsabilités d'actes qui ont été mis en uvre par nos prédécesseurs, qui eux n'avaient pas vraiment pensé à ce qui se passerait après cinq ans.
ALBAN MIKOCZY
Et parmi ces jeunes, les jeunes d'origine étrangère qui souffrent parfois d'un double problème, c'est qu'ils sont jeunes et puis leurs origines parfois ne correspondent pas, et ça ce n'est jamais dit.
FRANÇOIS FILLON
Ça c'est une question très très grave.
ALBAN MIKOCZY
Comment on fait ?
FRANÇOIS FILLON
C'est une question très grave, et qui est au cur du problème de l'intégration. Si aujourd'hui il y a un problème d'intégration dans notre pays c'est pour une très large part parce que les jeunes issus de l'immigration ne trouvent pas d'emploi, pour une part peut-être en raison de leur qualification, mais pour une large part simplement parce qu'ils sont des jeunes issus de l'immigration.
ALBAN MIKOCZY
Mais comment on peut inciter les patrons ? On leur dit quoi ?
FRANÇOIS FILLON
Alors nous nous avons mis en place, nous sommes en train de mettre en place un dispositif qui va permettre d'abord de les accompagner avec des dispositifs de parrainage, de bourse à l'emploi, on va organiser des concours d'entrée dans la Fonction publique spécifiques, dans des établissements qui sont situés dans des zones où justement il y a beaucoup de jeunes issus de l'immigration étrangère. Mais il faut aussi qu'il y ait une prise de conscience, et c'est un des sujets dont on parle avec le patronat, une prise de conscience dans les entreprises, de la gravité de cette situation d'échec en matière d'intégration, parce que derrière cet échec, il y a d'abord moralement, c'est tout à fait condamnable cette situation, mais il y a une vraie bombe sociale qui est en train de s'amorcer, et je crois qu'on a tous le devoir, cette bombe sociale, de la désamorcer.
OLIVIER MAZEROLLE
Monsieur le ministre, dernière étape de l'émission, Ségolène ROYAL qui a suivi tous vos propos, bonsoir Madame ROYAL.
SEGOLENE ROYAL
Bonsoir.
FRANÇOIS FILLON
Bonsoir.
OLIVIER MAZEROLLE
Je suppose que vous aussi vous avez des choses à dire à Monsieur FILLON.
SEGOLENE ROYAL
Oui, en effet, beaucoup de choses ont été dites. Peut-être d'abord sur la question des retraites, finalement ce que Monsieur FILLON a annoncé c'est l'allongement de la durée de cotisations, c'est-à-dire, comme l'a dit BERNARD THIBAULT, très clairement la remise en cause de la retraite à 60 ans telle qu'elle existe aujourd'hui, et c'est finalement la solution du MEDEF qui est retenue, la solution du patronat. Alors c'est votre droit, c'est un choix politique, ce n'était pas le seul choix possible bien évidemment, et je crois que cette façon de voir les choses est à la fois décevante et inquiétante. Elle est décevante, parce que je pense que l'on ne peut pas aborder la question des retraites sans parler du niveau de la retraite, il est clair que si les socialistes étaient en charge de cette réforme, si l'élection présidentielle avait tourné autrement bien sûr, et compte tenu de ce que nous avions mis en place, c'est-à-dire à la fois le fonds de réserve des retraites, le conseil d'orientation des retraites et l'ensemble des dispositifs de réflexion, la première chose, et d'ailleurs les syndicats vous l'ont demandé, c'est la remise à plat de la réforme BALLADUR. Car comment peut-on à la fois supporter cette réforme qui va entraîner une baisse de 20 % du niveau des retraites, vous le savez puisque, je parle en francs c'est plus clair, pour un revenu de 8000 francs la retraite est de 6200 francs, elle sera en 2010 avec la réforme BALLADUR de 5400 francs, et en 2020 cette retraite tombera à 4480 francs. Est-il supportable pour les salariés d'encaisser, si vous me permettez cette expression, cette baisse, plus votre nouvelle décision d'augmentation de la durée de cotisations, je ne le pense pas. Autrement dit..
OLIVIER MAZEROLLE
Monsieur FILLON, est-ce que c'est acceptable ?
FRANÇOIS FILLON
Je voudrais répondre à Madame ROYAL qu'elle a été au gouvernement pendant cinq ans, pendant ces cinq années elle avait tout loisir de revenir sur la réforme BALLADUR, si elle ne l'a pas fait, si le gouvernement de Lionel JOSPIN ne l'a pas fait, c'est sans doute qu'il pensait que cette réforme était une réforme judicieuse. Deuxièmement, sur l'allongement de la durée de cotisations, j'invite Madame ROYAL à aller lire un discours tout à fait remarquable de Lionel JOSPIN de 2000. C'est même à la page 13, je vous indique la page si vous voulez le trouver, vous verrez écrit noir sur blanc par Lionel JOSPIN, qu'il n'y a pas d'autre alternative que d'augmenter la durée de cotisations si on veut sauver le régime par répartition. Quant au fonds de réserve des retraites, j'ai dit tout à l'heure que je l'avais installé et que j'avais bien l'intention de l'abonder, mais vous savez que ce fonds de réserve il aurait dû être abondé par le fonds de solidarité vieillesse et vous avez siphonné le fonds de solidarité vieillesse pour financer les 35 heures, et du coup il n'y a pas aujourd'hui assez d'argent sur ce dispositif. Alors moi je veux bien que le Parti socialiste ait des idées tout à fait géniales sur les retraites, mais honnêtement après ce que vous avez fait pendant ces cinq dernières années, je pense que vous pourriez faire preuve d'un peu de modestie sur ce sujet des retraites.
OLIVIER MAZEROLLE
Madame ROYAL.
SEGOLENE ROYAL
J'éviterais Monsieur FILLON d'utiliser le même ton à votre égard, tout simplement pour vous rappeler que la priorité du gouvernement de Lionel JOSPIN ça a été la lutte contre le chômage et le rétablissement des équilibres sociaux, deux piliers du progrès social qui aujourd'hui sont dégradés malheureusement, je ne m'en réjouis pas, et vous savez très bien que la situation de l'emploi est très directement liée à la question des retraites, parce que plus d'emplois c'est davantage de cotisations, donc des comptes sociaux mieux équilibrés. Monsieur JUPPE, vous le savez, nous avait laissé des déficits de la branche vieillesse, nous avons rétabli cet équilibre, nous avons mis en place le conseil d'orientation des retraites, qui vous a permis aujourd'hui de partir d'un constat consensuel des partenaires sociaux..
FRANÇOIS FILLON
C'est vrai.
SEGOLENE ROYAL
C'était quand même très important d'avoir réussi à apaiser ce contexte, nous avons amélioré la situation des conjoints survivants, revalorisé la retraite des agriculteurs, amélioré le pouvoir d'achat des retraites de 2,2 % en 2002 et le pouvoir d'achat du minimum vieillesse, et nous avons en effet créé ce fonds de réserve des retraites qui est aujourd'hui alimenté de 15 milliards d'euros, ce n'est quand même pas rien, et qui est alimenté régulièrement, vous le savez, par un prélèvement sur les revenus du patrimoine et sur les revenus financiers. Et donc la question qui se pose, c'est d'abord une réforme qui met tout sur la table, pourquoi pas une augmentation de la durée de cotisations, c'est-à-dire une augmentation de la durée du travail pour ceux qui le souhaitent ? Mais en revanche, aborder de façon unilatérale et avec des décisions universelles pour tout le monde, c'est une impasse. Car il faut tenir compte, les syndicats vous l'ont demandé, de la pénibilité du travail, certains salariés doivent pouvoir partir plus tôt, d'autres plus tard. Il faut tenir compte des ressources nouvelles, vous avez totalement fermé cette porte, vous avez vu dans le sondage que les Français n'y sont pas défavorables. Donc vous devez mettre sur la table la question des ressources. Nous nous proposons effectivement d'augmenter les prélèvements sur les revenus financiers, comme c'est déjà le cas pour le fonds de réserve des retraites, sur les revenus du patrimoine, vous, vous avez allégé les impôts sur les 5 % des Français les plus favorisés. Ce n'est pas notre conception des choses et nous pensons en effet que la question des retraites est une question cruciale, c'est un pacte républicain de solidarité entre les générations, c'est une question qui inquiète beaucoup les Français, c'est un sujet très sérieux, et vous ne pouvez pas l'évacuer au détour d'une seule mesure, celle que vous demande le patronat, l'allongement de la durée de cotisations pour tous. Je crois que ce serait une réforme injuste, et pas efficace en plus.
FRANÇOIS FILLON
Il n'y a qu'un point sur lequel je suis en accord avec Madame ROYAL, c'est sur le conseil d'orientation des retraites. Je pense qu'effectivement le conseil d'orientation des retraites a été une excellente initiative qui a permis d'arriver au constat partagé que font aujourd'hui tous les partenaires sociaux, a permis aussi finalement de faire prendre conscience aux Français de la gravité de la situation et font qu'aujourd'hui les mesures que nous proposons sont finalement, j'en suis convaincu, très largement acceptées par les Français. Mais sur les autres sujets Madame ROYAL, dire que.. Il y a d'autres ressources pour financer les retraites, j'ai indiqué tout à l'heure qu'il faudra quand même, avec la réforme que nous proposons, augmenter de 10 milliards les cotisations retraites et nous espérons pouvoir le faire, comme le prévoit le conseil d'orientation des retraites, par transfert du chômage vers les retraites. Taxer les profits des entreprises ou les produits financiers, outre le fait que nous soyons le seul pays en Europe, et quand même nous avons accepté un certain nombre de règles du jeu communes, vous peut-être plus que moi d'ailleurs. Mais maintenant il faut les respecter, on est 15, on a une monnaie commune, on ne peut pas avoir une politique économique, une politique fiscale complètement différente d'un pays européen à un autre, mais surtout ce serait asseoir les retraites sur des recettes fluctuantes. C'est-à-dire la critique qu'on fait à la capitalisation, alors que les retraites de mon point de vue doivent être complètement détachées de la croissance et assises sur des ressources sures, qui sont les cotisations autour des salaires. Madame ROYAL me permet, évoquant les retraites des agriculteurs, de faire deux annoncés que j'ai oublié de faire tout à l'heure. La première, c'est que nous allons mensualiser les retraites des agriculteurs, les agriculteurs ont les retraites les plus basses quasiment de tous les Français, et c'est les seuls qui ont encore des retraites qui sont payées seulement trimestres par trimestres, c'est une vieille revendication des agriculteurs, nous allons introduire la mensualisation dans la loi. Et puis sur les pensions de reversion, nous allons améliorer considérablement les pensions de reversion, d'abord nous allons les rendre ouvertes aux hommes et aux femmes, car aujourd'hui il n'y a pas d'égalité. Mais surtout nous allons supprimer toutes les conditions qui existent, condition d'âge, condition de cumul, ou interdiction de cumul avec un emploi, de manière à ce qu'une personne, une femme notamment, qui perd son mari, même si elle n'a pas l'âge de la retraite, même si elle n'a pas 55 ans. Si elle a 45 ans par exemple, elle pourra toucher la pension de reversion, donc c'est une réforme qui est une réforme très équilibrée.
OLIVIER MAZEROLLE
Madame ROYAL.
SEGOLENE ROYAL
Monsieur FILLON, je ne peux pas vous laisser dire ou vous laisser croire aux Françaises que vous allez améliorer leur situation en matière de retraite. Je pense que la réforme que vous proposez est très grave pour les femmes. Vous savez bien que ce sont elles qui ont le plus de difficultés à rassembler le nombre suffisant d'années de cotisations, vous n'avez rien dit sur les avantages familiaux, il semblerait que vous alliez réduire les avantages familiaux pour passer de deux ans à un an sous prétexte de l'étendre aux hommes. On a vu tout à l'heure que, y compris pour les fonctionnaires, que les infirmières par exemple ou les aides soignantes qui vont appliquer votre plan.. Une fois que votre plan sera appliqué et selon les calculs que la CFDT a publié, vont voir leur pension baisser de 25 %. Or, les femmes ont déjà des niveaux de salaires inférieurs à 30 % à ceux des hommes, vous le savez, elles subissent le temps partiel, pas toujours choisi ou alors ce sont elles qui décident de s'arrêter pour s'occuper, pour profiter un peu de leurs enfants, et donc l'allongement de la durée de cotisations va peser très lourdement sur le niveau de retraite des femmes et la remise en cause des avantages familiaux n'est pas acceptable. Alors on va me dire, oui mais c'est l'Europe qui exige l'égalité entre les hommes et les femmes, moi je voudrais vous dire Monsieur FILLON que jusqu'à présent ce sont quand même les femmes qui mettent au monde les enfants, qui les élèvent et revenir sur ces avantages familiaux je pense que c'est grave, si bien sûr cela devait se confirmer comme c'est annoncé ce matin dans la presse.
OLIVIER MAZEROLLE
Un mot de Monsieur FILLON là-dessus.
FRANÇOIS FILLON
Oui je ne vais pas contester, Madame ROYAL, que ce sont les femmes qui mettent les enfants au monde..
SEGOLENE ROYAL
Heureusement.
FRANÇOIS FILLON
Mais par contre, je vais contester les affirmations qu'elle vient de faire, car elles sont toutes inexactes, mais elles peuvent être basées sur la lecture de journaux qui ne sont pas eux-mêmes.. Qui n'ont pas eux-mêmes été très précis. Il n'y aura pas de remise en cause des avantages familiaux, le gouvernement a décidé de ne pas remettre en cause les avantages familiaux..
OLIVIER MAZEROLLE
C'est-à-dire, une mère de famille aura toujours deux ans de bénéfice par enfant ?
FRANÇOIS FILLON
Absolument, il n'y aura aucune remise en cause des avantages familiaux, nous avons trouvé une manière tout à fait indolore de régler le problème de la jurisprudence européenne, en servant ces avantages, à toute personne, homme ou femme, qui se sera arrêté au mois deux mois. C'est-à-dire le temps d'un congé de maternité, ce qui revient bien à maintenant ces avantages familiaux, nous avons estimé en effet que ce n'était pas..
SEGOLENE ROYAL
Quel est le coût Monsieur FILLON ? Ce n'est pas crédible ce que vous venez de dire Monsieur FILLON.
FRANÇOIS FILLON
C'est tout à fait crédible..
SEGOLENE ROYAL
Alors quel est son coût ? Quel est le coût de cette réforme ?
FRANÇOIS FILLON
Il n'y a pas de coût supplémentaire.
SEGOLENE ROYAL
Il n'y a pas de coût ? C'est-à-dire Ah bon ! ?
FRANÇOIS FILLON
C'est le maintien des avantages familiaux tels qu'ils existent aujourd'hui, il n'y a pas de remise en cause, c'est une économie qu'on ne fait pas.
SEGOLENE ROYAL
Excusez-moi Monsieur FILLON, vous venez de dire que ces avantages seront étendus aux hommes, donc s'ils ne sont pas réduits il y a donc un coût supplémentaire.
FRANÇOIS FILLON
Oui, mais avec un arrêt Madame ROYAL, vous ne m'avez pas écouté, avec un arrêt obligatoire de deux mois, et comme l'arrêt de deux mois c'est le congé de maternité, et qu'à ma connaissance les hommes n'ont pas droit au congé maternité, ça n'aura donc aucun effet sur le plan financier. La deuxième chose
SEGOLENE ROYAL
Donc il y a réduction des avantages pour les femmes Monsieur FILLON.
FRANÇOIS FILLON
C'est que Madame ROYAL évoquait tout à l'heure les infirmières, elle doit se souvenir que tout à l'heure j'ai indiqué que nous avions engagé, avec les organisations syndicales, une discussion pour faire en sorte que la condition particulière, spécifique des infirmières, soit prise en compte de manière à ce que l'allongement n'ait pas les conséquences qu'elle évoquait à l'instant.
OLIVIER MAZEROLLE
Madame ROYAL et Monsieur FILLON je crois qu'on peut tirer la conclusion de tout ça, c'est que vous n'êtes vraiment pas d'accord, mais chacun aura entendu les arguments des uns et des autres dans la tranquillité puisque vous avez pu vous exprimer, Monsieur FILLON a pu s'exprimer..
SEGOLENE ROYAL
Est-ce que je peux rajouter un petit mot Monsieur MAZEROLLE ?
OLIVIER MAZEROLLE
Un dernier mot parce qu'on a largement dépassé la durée de l'émission.
SEGOLENE ROYAL
Parce que sur la question de la Fonction publique je crois qu'il n'y a pas que les infirmières qui ont des difficultés, il y a aussi tous les personnels qui travaillent dans les maisons de retraite, tous les personnels qui travaillent dans les établissements auprès des jeunes etc. Donc il y a bien une diminution du niveau des pensions en particulier pour les femmes dans la Fonction publique Cet alignement qui est fait, ce qui prouve bien que s'il y a une harmonisation il faut tenir compte de la pénibilité des tâches et tout état de cause, dans le contexte actuel de diminution des effectifs dans la Fonction publique, je crois que la réduction des droits des fonctionnaires à la retraite n'est aujourd'hui pas acceptable, parce qu'on réduit le nombre d'emplois dans la Fonction publique, donc on accroît aussi la pénibilité des tâches.
OLIVIER MAZEROLLE
Merci beaucoup. Monsieur FILLON un dernier mot.
FRANÇOIS FILLON
J'ai proposé tout à l'heure que les aides soignantes, qui étaient visées par la dernière remarque de Madame ROYAL, voient leur traitement amélioré.
OLIVIER MAZEROLLE
Monsieur FILLON la fin de cette émission, la dernière question, qu'est-ce qui pourrait vous faire reculer sur cette réforme des retraites ?
FRANÇOIS FILLON
Rien. Rien pour une raison simple..
OLIVIER MAZEROLLE
Même si le 13 mai il y a beaucoup de monde dans les rues ?
FRANÇOIS FILLON
Monsieur MAZEROLLE, qu'est-ce qui se passe si le gouvernement recule sur cette réforme des retraites ? On n'est pas en 95, en 95, je l'ai dit tout à l'heure, on avait encore un peu de temps, aujourd'hui on n'a plus de temps. Si le gouvernement reculait, imaginons cette hypothèse, il n'y a pas un gouvernement, un autre ministre des Affaires sociales qui dans un an va reprendre le dossier, ça veut dire que le dossier est planté au moins pour cinq ans. Il a fallu sept ans, entre 95 et 2003, pour reprendre le dossier, là nous n'avons pas sept ans, parce qu'une fois qu'on sera dans les déficits à partir de 2006, 2007, c'est tout le système par répartition qui va exploser, on ne pourra plus le sauver, et alors ce sera le " sauve qui peut " général, on ira vers un système individualisé, vers un système de capitalisation dont certains rêvent, et on évitera pas une baisse drastique des pensions. Donc le gouvernement n'a pas le choix.
OLIVIER MAZEROLLE
On va pas refaire l'émission. Merci Monsieur FILLON.
(source http://www.u-m-p.org, le 25 avril 2003)