Texte intégral
Le journal du Dimanche : comment avez-vous analysé ce qui s'était passé dans l'esprit des Français le 21 avril ?
Alain Juppé : le propre des campagnes électorales, c'est de prendre le pouls de l'opinion publique. Contrairement à ce qu'on dit parfois, les hommes politiques n'y racontent pas n'importe quoi, ils écoutent beaucoup et prennent des engagements. Tout le monde avait constaté, lors de la dernière campagne, que le thème de l'insécurité ou plutôt de l'incapacité des pouvoirs politiques successifs à répondre à un certain nombre d'attentes des Français- avait été omniprésent. C'était donc un terrain tout trouvé pour la démagogie lepéniste lepéniste. Le devoir des républicains que nous sommes était de nous engager. Nous l'avons fait en affirmant notre volonté que l'Etat assume pleinement ses fonctions régaliennes.
Comment réagit-on à un scrutin aussi inattendu ?
Ce qui nous a inspirés tout d'abord, c'est un sentiment de responsabilité face à l'enjeu du deuxième tour. Nous n'étions pas très fiers d'y voir figurer le candidat de l'extrême droite. L'image que choc électoral a donnée de la France à l'étranger n'était pas de nature à nous inspirer des sentiments de triomphalisme. Ce n'était bon pour personne. La campagne du deuxième tour a donc été marquée par une certaine gravité. Il y a eu une sorte d'aspiration par le haut, le désir de parler de la France, de ses valeurs. C'est ce qu'a fait Jacques Chirac. Il s'agissait d'un choix de philosophie politique, d'une certaine idée de la France.
Et tous ces jeunes dans la rue, cela vous a étonné ?
Cela nous a réconfortés et nous a renforcés dans notre sentiment de responsabilité. Ils étaient très mélangés et ne venaient pas là parce qu'ils avaient adhéré à un discours partisan, ils étaient dans la rue pour défendre une certaine vision de la France.
Tireriez-vous aujourd'hui un coup de chapeau à la gauche qui, dès le soir du 21 avril, à appelé à voter Chirac ?
Oui, mais c'était bien le moins. Je pense que, en sens inverse, la grande majorité d'entre nous aurait agi de même parce que c'est un choix de société qui est en cause. Pour ma part, je n'ai pas l'habitude d'hésiter quand il s'agit de faire le choix de la République.
Avez-vous craint un instant que Le Pen puisse l'emporter ?
Non! En revanche, il y a eu une période où l'on s'est dit: attention, il peut faire 30 %, ce qui aurait été, vis-à-vis de nous-mêmes, mais : aussi de l'extérieur, un traumatisme renouvelé et peut-être plus profond que celui du premier tour.
Quel est le message du 21 avril ?
Pour nous, c'est un appel à l'action. Les Français ne supportaient plus qu'on leur explique qu'il n'était pas possible d'assurer la sécurité dans les cages d'escalier de leurs immeubles, et dans leurs écoles. La droite et la gauche étaient mises dans le même sac, accusées d'une certaine résignation, d'une certaine impuissance. Le message a été clair, c'était : on en a assez ! Agissez !
L'union, pour vous, c'était la réponse la plus adaptée ?
Oui, et c'était une réponse qui venait de loin. Nous y travaillions depuis deux ans. Nous étions un certain nombre à considérer que les clivages RPR-UDF-DL n'avaient plus de sens. L'UMP est donc l'aboutissement d'un long travail collectif. Le fait de mettre ensemble des gaullistes, des centristes et des libéraux est une vraie révolution. Et puis, il y a cette volonté de faire autrement, avec plus de démocratie interne et un souci d'ouverture plus grande sur l'extérieur, de façon à ne pas s'enfermer dans des chapelles et à faciliter la recherche d'une plus grande diversité. Pendant deux mois, nous venons d'organiser des élections au sein de l'UMP qui se sont passées dans des conditions tout à fait démocratiques et ouvertes. Nous avons aussi contribué à la réflexion sur la réforme des retraites dans des conditions qui ont été saluées même par certaines organisations syndicales.
Compte tenu du 21 avril, y avait-il l'idée de créer un parti vraiment nouveau ?
En réalité, le projet d'union de l'ensemble des familles de la droite et du centre est né bien avant cette date. Nous avons, Jean-Pierre Raffarin, Dominique Perben, Michel Barnier, François Fillon, Philippe Douste-Blazy, Dominique Dord, Renaud Dutreil et d'autres, engagé autour de Jacques Chirac, dès l'automne 2000, une réflexion qui nous a conduits à créer l'Union en mouvement. Bien vite, d'autres nous ont rejoints, convaincus du bien- fondé de cette logique. A chacun de nos déplacements, la réaction des Français était unanime: " Mais que ne l'avez-vous fait avant ?" L'élection présidentielle nous a donné raison et a sans doute permis de vaincre les dernières réticences.
Aujourd'hui vous êtes président de l'UMP, en quoi est-ce différent du rôle que vous aviez à la tête du RPR ?
J'ai été fier de présider le RPR. Mais qu'est ce qui nous anime aujourd'hui, Jean-Claude Gaudin, Philippe Douste-Blazy et moi-même ? La volonté de construire une grande formation politique dans laquelle toutes les sensibilités sont représentées; se sentent à l'aise, débattent et s'expriment. Cette diversité de l'Union nous permet d'apporter un soutien loyal au gouvernement de Jean Pierre Raffarin dans son action courageuse de réforme mais aussi de mieux faire entendre les craintes des Français, leurs aspirations. Les débats que nous organisons dans la France entière sur les retraites, prochainement sur l'Europe, l'éducation, le développement durable..., la fondation qui sera créée à l'automne illustrent notre volonté de faire grandir l'Union et témoignent de notre attachement à faire renaître le débat d'idées dans notre pays.
(Source http://www.u-m-p.org, le 23 avril 2003)
Alain Juppé : le propre des campagnes électorales, c'est de prendre le pouls de l'opinion publique. Contrairement à ce qu'on dit parfois, les hommes politiques n'y racontent pas n'importe quoi, ils écoutent beaucoup et prennent des engagements. Tout le monde avait constaté, lors de la dernière campagne, que le thème de l'insécurité ou plutôt de l'incapacité des pouvoirs politiques successifs à répondre à un certain nombre d'attentes des Français- avait été omniprésent. C'était donc un terrain tout trouvé pour la démagogie lepéniste lepéniste. Le devoir des républicains que nous sommes était de nous engager. Nous l'avons fait en affirmant notre volonté que l'Etat assume pleinement ses fonctions régaliennes.
Comment réagit-on à un scrutin aussi inattendu ?
Ce qui nous a inspirés tout d'abord, c'est un sentiment de responsabilité face à l'enjeu du deuxième tour. Nous n'étions pas très fiers d'y voir figurer le candidat de l'extrême droite. L'image que choc électoral a donnée de la France à l'étranger n'était pas de nature à nous inspirer des sentiments de triomphalisme. Ce n'était bon pour personne. La campagne du deuxième tour a donc été marquée par une certaine gravité. Il y a eu une sorte d'aspiration par le haut, le désir de parler de la France, de ses valeurs. C'est ce qu'a fait Jacques Chirac. Il s'agissait d'un choix de philosophie politique, d'une certaine idée de la France.
Et tous ces jeunes dans la rue, cela vous a étonné ?
Cela nous a réconfortés et nous a renforcés dans notre sentiment de responsabilité. Ils étaient très mélangés et ne venaient pas là parce qu'ils avaient adhéré à un discours partisan, ils étaient dans la rue pour défendre une certaine vision de la France.
Tireriez-vous aujourd'hui un coup de chapeau à la gauche qui, dès le soir du 21 avril, à appelé à voter Chirac ?
Oui, mais c'était bien le moins. Je pense que, en sens inverse, la grande majorité d'entre nous aurait agi de même parce que c'est un choix de société qui est en cause. Pour ma part, je n'ai pas l'habitude d'hésiter quand il s'agit de faire le choix de la République.
Avez-vous craint un instant que Le Pen puisse l'emporter ?
Non! En revanche, il y a eu une période où l'on s'est dit: attention, il peut faire 30 %, ce qui aurait été, vis-à-vis de nous-mêmes, mais : aussi de l'extérieur, un traumatisme renouvelé et peut-être plus profond que celui du premier tour.
Quel est le message du 21 avril ?
Pour nous, c'est un appel à l'action. Les Français ne supportaient plus qu'on leur explique qu'il n'était pas possible d'assurer la sécurité dans les cages d'escalier de leurs immeubles, et dans leurs écoles. La droite et la gauche étaient mises dans le même sac, accusées d'une certaine résignation, d'une certaine impuissance. Le message a été clair, c'était : on en a assez ! Agissez !
L'union, pour vous, c'était la réponse la plus adaptée ?
Oui, et c'était une réponse qui venait de loin. Nous y travaillions depuis deux ans. Nous étions un certain nombre à considérer que les clivages RPR-UDF-DL n'avaient plus de sens. L'UMP est donc l'aboutissement d'un long travail collectif. Le fait de mettre ensemble des gaullistes, des centristes et des libéraux est une vraie révolution. Et puis, il y a cette volonté de faire autrement, avec plus de démocratie interne et un souci d'ouverture plus grande sur l'extérieur, de façon à ne pas s'enfermer dans des chapelles et à faciliter la recherche d'une plus grande diversité. Pendant deux mois, nous venons d'organiser des élections au sein de l'UMP qui se sont passées dans des conditions tout à fait démocratiques et ouvertes. Nous avons aussi contribué à la réflexion sur la réforme des retraites dans des conditions qui ont été saluées même par certaines organisations syndicales.
Compte tenu du 21 avril, y avait-il l'idée de créer un parti vraiment nouveau ?
En réalité, le projet d'union de l'ensemble des familles de la droite et du centre est né bien avant cette date. Nous avons, Jean-Pierre Raffarin, Dominique Perben, Michel Barnier, François Fillon, Philippe Douste-Blazy, Dominique Dord, Renaud Dutreil et d'autres, engagé autour de Jacques Chirac, dès l'automne 2000, une réflexion qui nous a conduits à créer l'Union en mouvement. Bien vite, d'autres nous ont rejoints, convaincus du bien- fondé de cette logique. A chacun de nos déplacements, la réaction des Français était unanime: " Mais que ne l'avez-vous fait avant ?" L'élection présidentielle nous a donné raison et a sans doute permis de vaincre les dernières réticences.
Aujourd'hui vous êtes président de l'UMP, en quoi est-ce différent du rôle que vous aviez à la tête du RPR ?
J'ai été fier de présider le RPR. Mais qu'est ce qui nous anime aujourd'hui, Jean-Claude Gaudin, Philippe Douste-Blazy et moi-même ? La volonté de construire une grande formation politique dans laquelle toutes les sensibilités sont représentées; se sentent à l'aise, débattent et s'expriment. Cette diversité de l'Union nous permet d'apporter un soutien loyal au gouvernement de Jean Pierre Raffarin dans son action courageuse de réforme mais aussi de mieux faire entendre les craintes des Français, leurs aspirations. Les débats que nous organisons dans la France entière sur les retraites, prochainement sur l'Europe, l'éducation, le développement durable..., la fondation qui sera créée à l'automne illustrent notre volonté de faire grandir l'Union et témoignent de notre attachement à faire renaître le débat d'idées dans notre pays.
(Source http://www.u-m-p.org, le 23 avril 2003)