Interview de M. Marc Blondel, secrétaire général de FO dans"La Tribune" du 10 février 2003, sur la réforme des retraites, notamment le retour pour tous les salariés aux 37,5 années de cotisations et l'épargne retraite.

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Média : La Tribune

Texte intégral

Quels sont les principaux points que vous avez évoqués avec François Fillon ?
- Nous avons parlé des retraites, bien sûr. Sur ce sujet, les ministres nous ont écoutés mais ne nous ont en aucune façon rassurés sur les questions qui fâchent: la durée de cotisation (c'est-à-dire le retour à 37,5 ans) et le niveau des retraites (c'est-à-dire le taux de remplacement et l'indexation sur les salaires). Mon sentiment est que MM. Fillon et Delevoye n'ont pas entendu les manifestants du 1er février. Ceux-ci ne voulaient pas cotiser plus et toucher moins, que je sache ! On veut nous faire admettre que le gouvernement réforme seul, sans que personne ne proteste. Il en appelle d'ailleurs à l'opinion publique. Ce n'est donc pas une négociation.
Sans remettre en cause la retraite à 60 ans, le Premier ministre souhaite que ceux qui veulent travailler plus longtemps puissent le faire pour accroître leur retraite. Pourquoi rejeter cette idée ?
- L'âge légal de 60 ans n'aurait plus beaucoup de sens si ce n'est plus l'âge de départ à taux plein. Partir plus tard avec un bonus, cela veut dire que d'autres devront s'arrêter plus tôt avec un malus, c'est-à-dire un abattement sur le montant de la retraite servie. Institutionnaliser cela permettrait aux employeurs de faire pression pour que les salariés "choisissent" de partir en retraite avant de lancer un plan social. Actuellement la retraite à 60 ans n'est pas un couperet: on peut travailler au-delà et jusqu'à 65 ans si on le désire. Les retraites complémentaires (ARRCO et AGIRC) sont bâties de telle sorte qu'elles permettent de bonifier le montant servi si on va au-delà de 60 ans.
Vous souhaitez un retour aux 37,5 années de cotisation pour tous, public et privé. Comment faire ?
- C'est parfaitement possible puisque le Conseil d'orientation des retraites a estimé que cela coûterait 0,3 point de PIB vers 2040. Je rappelle que les mesures Balladur de 1993 engendreront une baisse de 20 % du niveau des retraites. Il faut renverser la tendance si nous ne voulons pas une explosion de "retraités pauvres" dans dix ans du fait de la succession de contrats en CDD.
Le Premier ministre souhaite un développement de l'épargne-retraite. Qu'acceptez-vous en terme de capitalisation ?
- L'épargne, c'est un réflexe naturel mais qui relève de l'individuel. Pour exister, la capitalisation doit repousser les limites de la répartition. C'est ce que la baisse du niveau des retraites prépare: un "marché" pour les fonds de pension pour ceux qui pourront épargner. C'est donc, par principe, inégalitaire.
Propos recueillis par Jean-Christophe Chanut et Stéphanie Tisserond

(source http://www.force-ouvriere.fr, le 18 février 2003)