Déclaration de Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de l'écologie et du développement durable, sur l'utilité de la charte de l'environnement, les fonctions de l'Etat en matière de protection de l'environnement, la concertation avec les citoyens et leur information, Pau le 17 février 2003.

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Circonstance : 7èmes assises territoriales de préparation de la Charte de l'environnement, à Pau le 17 février 2003

Texte intégral

Mesdames,
Messieurs,
Chers amis,
Je ne ferais pas les présentations d'usages, le nombre des personnalités présentes me l'interdit sauf à faire quelques gaffes diplomatiques.
Le premier mot qui me vient est merci.
Merci à tout ceux et à toutes celles qui ont permis la tenue de ces assises interrégionales ici dans cette belle ville de Pau.
Premier remerciement à Xavier Darcos, ministre de l'enseignement scolaire qui nous a rappelé l'importance de l'éducation, qui a d'ailleurs été un fil rouge de l'après-midi que nous avons passé ensemble.
Il nous a ainsi rappeler que nous étions invités avec la charte de l'environnement à une solidarité nouvelle. Nous avons vécu la solidarité entre les personnes, puis entre les nations et nous sommes invités avec la charte de l'environnement à une solidarité entre les générations et à répondre à une question que j'aime bien poser : on se demande souvent quelle planète nous allons laisser à nos enfants, nous ferions bien peut-être de nous demander aussi quels enfants nous allons laisser à notre planète pour la gérer.
Mes remerciements vont donc à Xavier Darcos, mais surtout devrais-je dire, j'aurais dû les citer en premier, à l'ensemble des équipes qui autour des deux préfets de régions ont uvré depuis plusieurs semaines. Madame et Messieurs les préfets de département - j'ai vu d'ailleurs que l'on avait toujours parlé de Messieurs les préfets, je proteste vigoureusement : une femme préfete il faut quand même le saluer, ce n'est pas assez mais justement il ne faut pas l'oublier ! - Madame et Messieurs les préfets de département, et au premier rang Monsieur le préfet des Pyrénées atlantiques, nos directions régionales de l'environnement, nos directions régionales de l'industrie, de la recherche et de l' environnement, les associations très actives, les ateliers départementaux,
Je tiens à remercier aussi les organes de la presse régionale, qui ont très très bien relayé les interrogations et les questionnaires, l'école de management de Bordeaux, et finalement vous tous qui êtes ici pour participer à ces assises interrégionales.
Je voudrais dans un premier temps répondre à un certain nombre de questions ou d'observations qui ont été faites.
Première question qui revient, qu'est-ce que c'est que l'adossement de la charte à la Constitution ? Pour accrocher cette charte de l'environnement à la Constitution, plusieurs scénarios sont possibles. On peut d'une part annoncer en haut de la Constitution au niveau du préambule, ou des premiers articles, l'énoncé d'un principe et de façon adjacente et sans être reliée avoir une charte déclarative qui elle, n'a pas de valeur constitutionnelle. On voit bien que c'est un scénario à minima. Il peut ensuite y avoir dans la Constitution l'énoncé d'un principe qui fait appel à la charte de l'environnement, qui à ce moment là a une valeur constitutionnelle. On peut également imaginer un scénario où la charte prend l'aspect d'une loi organique. Ce débat est sans doute un peu juridique mais il est tout à fait primordial parce qu'il situe le niveau d'accroche de la charte de l'environnement dans la Constitution et c'est aussi un sujet de débat non seulement entre les experts juridiques qui travaillent sur cette charte aux côtés de la commission Coppens et dans la commission Coppens mais c'est aussi une interrogation qui vous est posée à vous tous : quel niveau d'accroche vous voulez dans cet adossement de la charte à la Constitution ? Pour ma part, je souhaite qu'il soit le plus fort et le plus élevé possible pour donner à nos travaux la puissance maximum.
Deuxième question qui nous a été posée, deuxième critique que j'ai ressentie à travers ces travaux : on n'a pas eu assez de temps, telle association n'a pas été consultée, j'ai même entendu une participante de la table ronde parler d'un déroulement à la hussarde.
Je veux vous dire que pendant les assises la consultation continue, les travaux sont rassemblés, sont analysés, sont croisés et vous pouvez bien entendu apporter vos contributions comme vient de le dire Philippe Charrier à l'instant : soit aux préfets de région qui ont mission de les rassembler et de nous les envoyer, soit directement à la mission de la charte au ministère, soit sur le site Internet de la charte.
Troisième interpellation, c'est la mise en cause, à travers des préoccupations légitimes, qu'elles soient celles d'élus ou d'individus ou d'associations, qu'on ne ferait pas assez pour tel ou tel sujet : c'est-à-dire profiter de la discussion de la charte pour dresser un catalogue de revendications locales ou ponctuelles. C'est un débat légitime mais qui n'a pas sa place dans l'élaboration de la charte. Bien sûr je partage les inquiétudes de beaucoup, on ne fait jamais assez pour la qualité de l'air, pour la qualité de l'eau, pour le ferroutage, pour la mise aux normes des déchetteries, pour le financement des associations. Je crois que la réflexion qui nous est faite, la réflexion à laquelle nous invite la charte ce n'est pas à faire plus, ça c'est un autre débat, mais c'est à faire mieux. C'est-à-dire à irriguer notre réflexion politique pour que nous changions nos comportements et nos habitudes. Dans un pays d'ailleurs où le niveau des prélèvements obligatoires est sans doute un des plus élevé du monde, la question n'est sans doute pas de faire encore plus mais certainement de faire mieux avec l'argent dont nous disposons.
La quatrième interrogation que j'ai retrouvée c'est : finalement, la charte, est-ce que ça ne va pas être un texte pour rien et quelque chose de purement déclaratif. On se pose la question de l'utilité de la charte.
Certains ont même dit, je crois que c'est le président du conseil régional mais d'autres aussi : pendant qu'on parle de la charte, les difficultés continuent et ici dans ces régions durement frappées par la marée noire, je comprends que l'on se soucie de ces sujets environnementaux. Bien entendu pendant que nous discutons de la charte de l'environnement et que nous établissons au plus haut niveau de notre droit, ces principes du droit à l'environnement et du droit de l'environnement, le travail continue. Je présente bien entendu devant l'assemblée nationale dans quelques jours une loi sur les risques naturels, les risques industriels, nous menons le combat avec Monsieur le préfet de région, Monsieur le préfet de département, les services, contre la marée noire, nous mobilisons les moyens, nous renforçons la sécurité maritime donc ce n'est pas parce que nous réfléchissons ensemble à une charte de l'environnement que la France s'arrête et que l'action de l'Etat, des collectivités territoriales est stoppée.
Voilà les quelques questions récurrentes que j'ai trouvé et auxquelles je souhaite donner des apaisements ou des explications.
Mais venons-en à ces ateliers. Je ne reviendrai par sur la synthèse qui a été faite avec beaucoup de brio et qui m'a rappelé d'ailleurs la phrase de Churchill qui disait "quand je dois parler pendant 5 heures, je prépare pendant 5 minutes et quand je dois parler pendant 5 minutes, je prépare pendant 5 heures". Ils n'ont pas eu 5 heures nos synthétiseurs mais ils se sont drôlement bien débrouillés pour faire ça en très peu de temps.
A travers ces synthèses qu'on vient de nous restituer, on peut finalement être amené à repenser, à revisiter un certain nombre de principes qui fondent notre pacte social et notre pacte républicain. On s'est réunis tous ensemble pour parler d'une charte de l'environnement et finalement tous ensemble nous allons beaucoup plus loin.
Premier exemple, nous sommes amenés à nous demander, à nous redemander quelles sont les fonctions exactes de l'Etat, quelles sont ses fonctions régaliennes et finalement nous voyons bien que ces fonctions régaliennes elles se situent à 3 niveaux :
1er - L'Etat est d'abord garant de la sécurité et à travers le principe de pollueur-payeur nous avons bien vu que c'était l'Etat, à travers ses services, qui était responsable de cette sécurité et qu'en aucun cas le citoyen ne souhaitait voir déléguer cette fonction primordiale.
2ème - Il est aussi celui qui édictait les normes, si nous voulons être une nation, si nous voulons avoir entre nous les citoyens de cette nation un véritable pacte social, il faut que ces normes soient des normes universelles dans notre nation. C'est l'Etat qui en est dépositaire, c'est bien aussi pour cela que la charte de l'environnement c'est une démarche qui doit être initiée par l'Etat et par le gouvernement.
3ème - Et bien sûr, il est garant des engagements internationaux.
On voit qu'à travers cette réflexion sur le rôle de l'Etat, sur ses fonctions régaliennes, nous branchons ce débat, notre débat de la charte, avec le débat qui est actuellement mené par le gouvernement avec les assises des libertés locales : le principe de subsidiarité, qui fait quoi, la chaîne de responsabilité entre les acteurs publics, tout cela doit être clairement délimité.
Deuxième question qui apparaît, deuxième interpellation, et elle découle directement de la première, nous sommes appelés à une nouvelle gouvernance. A travers l'atelier qui était dédié au principe de précaution et d'action préventive, l'interrogation, l'inquiétude de beaucoup était mais est-ce qu'a travers ce principe de précaution, d'action préventive on est pas en train de condamner l'Etat et les collectivités territoriales à l'inaction ? Certains ont parlé du principe du parapluie en parlant du principe de précaution. On nous a invité aussi à sortir des conflits toujours importants par la connaissance, par l'effort de recherche, par la professionnalisation de l'environnement et des questions environnementales. Trop souvent le débat entre les citoyens, les conflits entre les citoyens résultent des fantasmes, des à priori et la puissance publique est bien garante que le citoyen peut avoir accès aux connaissances qui vont lui permettre de juger en toute liberté. Finalement, nous sommes invités à une gouvernance pour l'Etat, pour la responsabilité gouvernementale, à un Etat modeste, moderne et modèle.
Troisième interpellation, c'est le fonctionnement de notre démocratie. La France a été à la base de la démocratie élective et on à l'impression que cette démocratie élective elle est à bout de souffle. Les taux de participation aux élections ne cessent de baisser et la charte de l'environnement nous amène à enrichir de façon officielle la démocratie élective d'une forte dose de démocratie participative.
Alors, évidemment cette démocratie participative peut prendre beaucoup d'aspects, elle a beaucoup de, comment dirais-je, d'étages.
Cela peut d'abord être la nécessité de l' information, la puissance publique informe le citoyen de ce qu'elle va faire. On peut ensuite consulter le citoyen, c'est-à-dire lui demander ce qu'il pense de telle ou telle chose, ça ne veut pas dire qu'on va suivre son avis, bien entendu, mais au moins on le consulte. En général on en reste là dans la participation.
Alors ensuite on va passer aux 2 étages qui sont évidemment beaucoup plus intéressants dans la démocratie participative, c'est la concertation c'est-à-dire que l'on écoute les citoyens, l'on écoute ce qu'ils ont à dire et l'on en tient compte dans la décision. Et puis dernier étage, l'étage idéal de la démocratie participative quand elle est possible, c'est la co-gestion c'est-à-dire une certaine délégation des pouvoirs de la puissance publique sur toutes parties d'un dossier et là on en arrive à des mécanismes beaucoup plus fins, beaucoup plus difficiles à manier.
En tous cas vous voyez bien que le chantier que nous menons ensemble à travers la charte, c'est bien une énorme entreprise de réconciliation des citoyens, de réconciliation des Français avec la politique. Nous avons mis en cause pas mal de gens, et en particulier la puissance publique, l'Etat, le gouvernement, les collectivités territoriales, les responsables divers. Mais quelques soient nos responsabilités, ici nous sommes aussi des citoyens, nous sommes tous des citoyens de base, nous sommes tous de la fameuse France d'en bas et cette charte nous interroge aussi sur notre égoïsme forcené dans une société qui pratique le chacun pour soi. Et c'est à une révolution culturelle pour nous même et pour nos enfants que nous sommes invités.
Car tous ces principes dont nous avons dit qu'ils s'adressaient à un citoyen virtuel, il faut se demander si nous nous les appliquons à nous. Le principe d'intégration de l' environnement, nous y sommes amenés dans nos comportements, dans notre vie : est-ce que quand je prends ma voiture je pourrais peut-être pas plutôt prendre les transports en commun ou ma bicyclette?
Le principe pollueur-payeur : on a tôt fait de stigmatiser tel ou tel, mais pourquoi est-ce que ce tel ou tel est un pollueur? Est-ce qu'il n'y a pas été incité par un certain nombre de mécanismes dont nous sommes nous même dans nos comportements responsables? Regardez l'affaire Metaleurop. Certes il y a un pollueur, la société Metaleurop, mais disons qu'ils ont été plusieurs sur le coup à polluer. L'Etat qui a donné les autorisations, les collectivités territoriales qui ont touché les taxes professionnelles, les syndicats qui ont privilégié l'emploi sur la santé des ouvriers qui étaient dans cette entreprise, et puis chacun qui a participé à la richesse créée. Donc nous sommes tous des pollueurs. Alors avant de stigmatiser les uns et les autres il faut d'abord se retourner sur nous et vers nos comportements.
Quant au principe de précaution, est-ce qu'il constitue pour chacun de nous à éloigner ce qui nous gêne, on a toujours tendance et on le voit bien dans un certain nombre de démarches que nous vivons, nous qui sommes élus, associatifs ou politiques de voir que l'on est souvent très friands de défendre nos propres intérêts, dans ce qu'une participante rappelait en stigmatisant la démarche NIMBY, Not in my backyard, pas dans mon jardin. Quand on installe un TGV, tout le monde veut les gares, personne veut les rails.
Donc, effectivement le principe de précaution il ne doit pas être un principe d'égoïsme.
Quant au dernier principe, le principe d'information, d'éducation, de participation bien souvent les élus qui sont là, les associations, organisent ces réunions de participation. Quand on est pas concerné directement sur le problème pour venir gueuler, et bien on ne voit personne dans ces fameuses réunions de participation. Donc la démarche citoyenne elle est aussi une interpellation, la démarche de la charte elle est une interpellation à nos propres comportements, à nos propres déterminismes. Car la qualité de la vie qui a été mise en exergue à juste titre dans ces assises de Pau ne saurait se résumer à la qualité de sa vie, mais bien à la qualité de notre vie.
Donc, vous voyez, nous sommes partis d'une charte de l'environnement et nous arrivons à une réflexion philosophique sur une écologie humaniste qui nous amène à une véritable révolution culturelle et comportementale. Or, c'est vrai que ce chantier de la charte de l'environnement est difficile, qu'il est complexe. Mais ce n'est pas parce qu'il est difficile que nous n'oserons pas. C'est parce que nous n'oserons pas cette charte de l'environnement que ce sera très difficile pour la société que nous préparons à nos enfants. Or je veux vous dire que la France doit savoir dépasser ses clivages, légitimes sur bien des dossiers, pour mener ce combat exemplaire pour la charte de l'environnement.
Nous le devons bien sûr à nous même, à nos enfants, à notre pays mais nous le devons surtout à notre planète.
Je vous souhaite bonne chance.
Je nous souhaite bonne chance.
(Source http://www.charte.environnement.gouv.fr , le 19 mars 2003)