Déclaration de Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de l'écologie et du développement durable, sur l'inscription dans la Constitution des principes de l'écologie et du développement durable, Cergy-Pontoise le 25 février 2003.

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Circonstance : Assises territoriales de préparation de la Charte de l'environnement, à Cergy-Pontoise (Val d'Oise) le 25 février 2003

Texte intégral

Messieurs les préfets,
Mesdames et Messieurs les parlementaires,
Mesdames et Messieurs les élus régionaux, conseillers généraux, maires, conseillers municipaux,
Mesdames et Messieurs les présidents,
Mesdames et Messieurs les directeurs,
Mesdames et Messieurs,
Chers amis,



Au sommet de la terre à Johannesburg au mois d'août, Jacques Chirac déclarait "nous ne pourrons pas dire que nous ne savions pas. Prenons garde que le 21ème siècle ne devienne pas pour les générations futures celui d'un crime de l'humanité contre la vie."

Comment ne pas partager ce constat déchirant quand on sait entre autre que 15 millions d'hectares de forêt tropicale disparaissent chaque année et que 1/4 des mammifères auront eux disparus dans 30 ans. En 2020, les pays de l'OCDE consommeront 35% d'énergie supplémentaire, pendant ce temps l'écart entre le sud et le nord se sera encore accrue puisqu'en 1960 le revenu moyen dans les pays riches était 20 fois supérieur à celui dans les pays les moins avancés et qu'aujourd'hui il est 35 fois plus élevé.

En 30 ans, au moment de la conférence de Stockholm, la population mondiale était de 4 milliards d'individus, elle est maintenant de 6 milliards.

Jamais les objectifs d'un développement durable ne se sont imposés avec autant de force et de nécessité. C'est pourquoi à Orléans en 2001, puis à Avranches en mars 2002, le Président de la République fixait les enjeux en proposant aux Français de porter au plus haut niveau de notre droit c'est-à-dire dans la Constitution, les principes de l'écologie et du développement durable.

Il m'en confiait le pilotage dès le mois de juin dernier. Bien entendu, écrire la charte de l'environnement est une priorité pour le ministère de l'écologie mais c'est aussi la tâche de tout le gouvernement. C'est le sens de l'implication personnelle du Président qui a ouvert les premières assises de la charte à Nantes et du Premier Ministre qui viendra à la fin de l'après-midi pour clôturer ces dernières assises métropolitaines. C'est donc bien la tâche du gouvernement, et de tout le gouvernement, et je remercie les nombreux ministres qui se sont impliqués dans ces assises, mais c'est aussi la tâche de tous les Français. Ces assises territoriales sont donc le point d'orgue d'un travail de consultation et de concertation approfondis avec les acteurs de la société civile.

J'ai confié dès le mois de juin au professeur Coppens - paléontologue éminent dont chacun connaît l'acuité de l'esprit, le sens de l'humour, et le profond humanisme - la présidence d'une commission de la charte qui regroupe 18 experts, des scientifiques, des juristes, des syndicalistes, des chefs d'entreprises, des responsables associatifs, des élus.

Ceux-ci ont élargi leurs travaux à des comités spécialisés, ils ont bâti un questionnaire, interrogé la société civile. Sous l'égide de la mission charte et avec l'appui des services du ministère de l'écologie et du développement durable que je tiens à remercier, les contributions ont été rassemblées, confrontées.
Le Président de la République s'est tenu constamment informé de l'avancement de nos réflexions et a guidé nos travaux.

Mais il fallait aussi quitter le cénacle des plus initiés pour aller vers les Français, c'est le sens de nos assises territoriales.

Notre volonté était double. D'abord pratiquer un vrai travail d'écoute en privilégiant des ateliers préparatoires, des questionnements, des tables rondes. Ici, cette réflexion en Ile-de-France a été possible grâce à l'implication des services de l'Etat, au préfet de région, M. Bertrand Landrieu, à Jean-Michel Bérard que je tiens à remercier tout spécialement des efforts qu'il a fait avec son équipe, la direction de l'environnement, Alain Pialat et la directrice adjointe, Sylvie Banoun, toutes leurs équipes et toutes les équipes des services de l'Etat.

Donc volonté double, être à l'écoute mais aussi croiser notre travail juridique, éthique, scientifique, avec les réalités du terrain. Nous n'avons jamais pratiqué la stratégie d'évitement. Nous sommes allés dans le nord à Arras hier parler de restauration des sols miniers où de chasse, nous sommes allés parler de pollution maritime à Nantes ou de choix énergétiques à Caen.

Et tous ceux qui comme moi ont suivi ces assises ont été frappés par le souhait exprimé d'un débat pluraliste, sans polémique, et la vraie volonté d'un public en fait beaucoup plus nombreux que nous nous y attendions puisque nous avions formaté ces assises à environ 400 personnes par assise et en fait chacune de ces assises a réunit en moyenne 600 personnes .

Nous avons donc constaté la vraie volonté de ce public nombreux de se rassembler autour d'un texte qui consacre un nouveau pacte social. Cette surprise d'un public plus nombreux, nous l'espérions, nous l'attendions.

Une autre surprise elle fut plus inattendue. Pour nous au départ les choses étaient simples. Il suffisait de consacrer dans la Constitution les principes nombreux et intéressants déjà contenus dans le code de l'environnement, précaution, prévention, pollueur-payeur et participation.

Et bien, les Français nous ont dit que pour eux ces principes étaient souvent contestables. Comme le principe de précaution, vu comme un paravent à l'inaction. Dangereux, comme le principe pollueur-payeur, vu comme un droit à polluer. Incomplet, comme le principe de participation en fait inopérant s'il n'est pas assorti d'éducation et d'information.

Et sans rejeter d'ailleurs ces principes, sans refuser de participer à leur analyse et à leur évaluation, les Français nous ont dit que nos idées de départ n'étaient peut-être pas les bonnes. Et comme le débat n'était pas truqué, nous avons modifié au cours des assises notre approche pour mettre en avant aujourd'hui d'autres notions : responsabilité, éducation, intégration de l'environnement dans les politiques publiques, contractualisation, rôle de la science, décentralisation, solidarité entre les hommes et les territoires.

Et ces mots prennent ici tout leur sens en Ile-de-France.
La solidarité est particulièrement importante dans une mégalopole. Les atteintes à l'environnement y sont plus sensibles, les plus démunis sont exposés de façon insupportable et la nécessité d'y concilier les intérêts et les conflits d'usage est d'autant plus forte.

Les thèmes que vous avez choisi, déplacement et qualité de l'air, environnement sonore, urbanisme, illustrent bien cette volonté, montrent bien notre volonté que la charte de l'environnement ne soit pas un texte purement proclamatoire mais qu'elle énonce des principes qui irriguent l'ensemble de l'action publique et influencent les modes de production et de consommation de tous nos concitoyens.

Notre responsabilité est donc immense.
1789 avait consacrée les droits des citoyens, les droits civiques.
1946, les droits économiques et sociaux.
Aujourd'hui, nous nous proposons de porter dans la Constitution des principes qui nous permettent de mieux vivre ensemble. Pour toute vie commune il faut une morale collective fondée sur des principes partagés.

Ce chantier exaltant dépasse notre seul pays. De la même façon que la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen influença tous les processus de démocratisation dans le monde, nous ouvrons aujourd'hui ensemble le chemin qui nous conduira à une gouvernance mondiale de l'environnement seule capable de réguler le mal développement écologique de notre planète.

Mais aussi, nous devons nous rappeler ces propos de Gros Brundtland :
"Nous empruntons un capital écologique aux générations à venir en sachant que nous ne pourrons jamais le leur rembourser. Nous agissons de la sorte parce que nous n'avons pas de compte à rendre. Les générations futures ne votent pas. Elles ne peuvent pas s'élever contre nos décisions."

Et bien si, nous avons des comptes à rendre aux générations futures. C'est donc à cette nouvelle solidarité que nous a confié le Président de la République, solidarité entre les Français, solidarité entre les peuples mais aussi solidarité entre les générations, que nous devons travailler.

L'heure n'est donc plus seulement à la prise de conscience mais ensemble à l'action.
(Source http://www.charte.environnement.gouv.fr, le 19 mars 2003)