Déclaration de M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer, sur les perspectives d'activité des travaux publics, Paris le 18 mars 2003.

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Circonstance : Assemblée Générale de la Fédération Nationale des Travaux Publics (FNTP) à Paris le 18 mars 2003

Texte intégral


Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs,
Permettez-moi tout d'abord, Monsieur le Président de vous remercier de m'avoir invité à m'exprimer devant votre assemblée générale.
Vous me donnez ainsi l'occasion d'un contact direct avec l'ensemble des principaux responsables et chefs d'entreprises de votre importante fédération, réunis en assemblée générale. Je connais bien votre Président, dont j'apprécie le dynamisme et l'esprit visionnaire. Il vient de nous en donner la preuve encore aujourd'hui.
Vous représentez l'un des secteurs économiques majeurs de notre économie, non seulement par l'importance de votre activité et des emplois que vous assurez, près de 300 000 personnes, mais également par votre rôle dans l'équipement de notre pays en infrastructures et votre participation à l'amélioration de notre cadre de vie dans une perspective de développement durable.
Vous représentez enfin un milieu professionnel de 17 000 entreprises diversifié et équilibré où se côtoient en bonne intelligence petites et moyennes entreprises bien implantées sur le terrain et grands groupes dont les capacités techniques, le savoir-faire et la solidité économique leur permettent d'être présents au tout premier rang sur les grands chantiers nationaux et aussi à l'exportation dans le monde entier.
L'activité de votre secteur a été, ces dernières années, particulièrement bien orientée et a atteint son plus haut niveau en 2001 (26, 5 Md de chiffre d'affaires) avant de connaître en 2002, comme vous l'avez rappelé Monsieur le Président, une légère décroissance (- 2,4 % en volume) et se retrouver au niveau atteint en 2000.
Même si quelques indicateurs laissent espérer une amélioration - par exemple la dernière enquête trimestrielle d'opinions INSEE-FNTP indique une amélioration du volume des commandes reçues - 2003 risque d'être une année incertaine.
En raison tout d'abord des conséquences de la crise politique internationale qui pèseront lourdement sur la vie économique dans son ensemble.
Du fait également, de l'évolution de la conjoncture économique chez nous et chez nos principaux partenaires et la nécessité de respecter les exigences du pacte de stabilité budgétaire sur notre déficit public.
L'ambition du gouvernement est bien de respecter à terme les critères de Maastricht, mais sans " casser " la croissance et sans adopter une politique de rigueur qui compromettrait durablement le redressement nécessaire du pays. En ce qui me concerne, je veille particulièrement à l'impact économique des politiques menées par mon ministère qui est au coeur d'un secteur qui couvre des activités majeures telles que les travaux publics, le bâtiment et les transports.
Il en va de même lorsqu'il s'agit d'arrêter les choix budgétaires, que ce soit lors des arbitrages pour établir le projet de loi de finances initiale, ou lors des décisions de mises en réserve ou d'annulations de crédits en cours d'année, pour tenir compte de l'évolution de notre déficit budgétaire.
Dès mon arrivée au gouvernement, j'ai eu le souci de préserver l'activité des travaux publics car plus que d'autres, ce secteur économique dépend en effet de la commande publique : près de 6 % des commandes sont en effet passés par l'Etat, 46 % par les collectivités locales et 20 % par les entreprises nationales et les sociétés d'économie mixte de construction d'autoroute (Semca).
Le premier budget que j'ai élaboré a traduit clairement une priorité maintenue aux investissements du BTP, en particulier des crédits nécessaires aux grands chantiers, comme le TGV Est. Je continue à défendre l'investissement public qui, en équipant notre pays, préserve l'avenir. Je serais particulièrement vigilant à l'exécution des contrats de plan. Il est vrai que nous avons pris un peu de retard.
Les dépenses budgétaires devenant plus contraintes, il est d'autant plus nécessaire d'en bien fixer les priorités.
Le gouvernement a donc lancé l'audit des grandes infrastructures. Celui-ci a tout récemment été remis par le CGPC et l'IGF. Il donne une photographie des besoins, des projets qu'il faudrait réaliser d'ici 2020, mais montre en même temps l'ampleur des besoins de financement actuellement non couverts. Ce n'est pas le seul document qui éclairera le gouvernement (rapport Haenel-Gerbault sur le fret, rapport Richemont sur le cabotage maritime, rapport Datar) et c'est un débat au Parlement prévu en mai qui permettra d'en tirer les conclusions.
D'ores et déjà, je vous confirme que nous allons réfléchir - à la lumière des exemples étrangers comme l'Allemagne-, à la mise en place d'une redevance d'usage des infrastructures permettant d'apporter des ressources financières nouvelles pour répondre à ces besoins, en veillant bien Monsieur le Président à ce que cet argent ne serve pas à des dépenses de fonctionnement.
Ces questions sont d'actualité dans toute l'Europe. Vous aviez invité Mme de Palacio l'an dernier et elle vous avait expliqué l'ampleur des besoins pour réaliser le réseau trans-européen de transport (RTE), comparée à la modestie des financements communautaires disponibles. Depuis cette date a été mis en place un groupe d'experts de haut niveau présidé par M. Karel Van Miert, pour redéfinir les priorités et les voies et moyens de cette politique. Claude Martinand y représente la France. Parallèlement, comme cela a été demandé par le conseil européen, la commission travaille à une communication traitant à la fois la question de la tarification des infrastructures, du partenariat public-privé, et de l'interopérabilité de systèmes de péage. Nous aurons, je l'espère, à l'issue de ces réflexions et travaux un cadre européen renouvelé pour trouver de nouvelles solutions pour dynamiser la réalisation des infrastructures.
Enfin, puisque le Congrès a adopté hier la révision constitutionnelle marquant que l'organisation de la France est décentralisée, je voudrais souligner l'importance pour votre secteur d'activité de cette réforme de la décentralisation, qui vous est chère également Monsieur le Président. D'ores et déjà les collectivités locales représentent 46 % de votre chiffre d'affaires. Avec le transfert des routes nationales au département (hors un réseau structurant de type européen), le transfert d'un certain nombre de ports et d'aéroports, le poids de la commande locale va encore augmenter. C'est une bonne chose pour la proximité avec le citoyen, et la réactivité économique. Mon ministère a le souci que pour autant cette réforme, qui sera accompagnée du transfert des personnels compétents et d'une refondation de services déconcentrés ne se traduise pas par une perte de substance notamment pour les plus petites collectivités dont les travaux dépendront encore des capacités de conseil et d'ingénierie des DDE."
Ces contraintes qui pèsent sur les dépenses publiques nous obligent également à en assurer l'efficacité maximale et à chercher à y associer le secteur privé. J'évoque là l'évolution nécessaire de la commande publique.
C'est un sujet qui, je le sais, vous concerne à juste titre. Vos préoccupations rejoignent celles du gouvernement, qui s'est engagé dans une réflexion pour moderniser et simplifier les règles dans ce domaine et les adapter aux besoins et aux contextes qui changent.
Le gouvernement va présenter dans les jours à venir un projet de loi l'habilitant à prendre par ordonnance des dispositions visant à simplifier et à codifier notre droit. Cela permettra d'adopter dans des délais rapides un grand nombre de simplifications administratives, pour les particuliers comme pour les entreprises.
Dans le cadre de cette habilitation, il pourrait être revu un certain nombre de dispositions législatives, qui aujourd'hui constituent un frein au développement de procédures largement pratiquées chez nos voisins européens et qui associent secteur privé et pouvoir public dans la réalisation et le financement d'infrastructures publiques et l'exploitation de certains services ou équipement publics.
Notre ambition dans ce domaine doit être de permettre aux divers maîtres d'ouvrages de recourir aux procédures de commande publique qu'ils jugent les plus appropriées, tout en garantissant trois choses :
- la qualité globale et durable de nos constructions publiques ;
- la réelle maîtrise du projet par la collectivité publique et le contrôle effectif de sa conception, de sa réalisation et, s'il y a lieu, de son exploitation ultérieure ;
- la possibilité pour les différentes familles professionnelles qui participent à l'acte de construire de jouer pleinement leur rôle et d'accéder à la commande publique dans des conditions d'égalité de concurrence.
Vous savez également que le gouvernement entreprend une réforme du code des marchés publics. Pourquoi une telle réforme alors que la précédente est intervenue il y a seulement deux ans ?
C'est essentiellement parce que les objectifs de simplification et de meilleure efficacité de la commande publique -que tout le monde partage- n'ont pas été pleinement atteints. En effet, il s'avère à l'usage que les maîtres d'ouvrage ont eu des difficultés à mettre en pratique quelques-unes des dispositions majeures de la réforme de mars 2001.
Je citerai à titre d'exemple celles concernant le calcul des seuils et la nomenclature des produits et des services. Ce qui devait aboutir à plus de simplicité, de clarté et de transparence se révèle, dans la pratique, complexe, lourd et parfois inapplicable.
Il convient également de mettre en conformité avec les directives européennes actuelles quelques-unes de nos dispositions législatives ou réglementaires et de nous préparer à transposer les futures directives européennes sur les marchés publics qui sont en cours d'adoption au Parlement européen et au Conseil.
Ces sujets font débat au sein des professions de la construction et parmi les maîtres d'ouvrage. Sachez que je suis à l'écoute des avis et propositions et qu'il en sera tenu compte dans la recherche du nécessaire équilibre à trouver entre les exigences de l'efficacité économique, c'est-à-dire de la meilleure utilisation possible des crédits publics, et celles de la nécessaire transparence et de l'égalité pour l'accès à la commande publique.
Je terminerai par l'enjeu humain que vous venez d'évoquer Monsieur le Président. Je peux vous assurer dans ce domaine de mon entier soutien, car je sais les difficultés qu'éprouvent depuis l'année 2000, vos entreprises de travaux publics pour recruter une main d'oeuvre qualifiée. Si c'est peut être moins le cas depuis octobre dernier, il convient cependant de rester vigilant puisque d'ici 2010, c'est près de 27 % de la population active du secteur du BTP qui partira à la retraite (soit environ 420 000 salariés). Le défi à relever est donc de la première importance et je me félicite de la mobilisation de votre profession qui a su agir sur les pratiques d'accueil et d'intégration des jeunes dans vos entreprises en sachant faire évoluer vos conventions collectives. Je salue également vos initiatives en matière de communication. Elles permettront, j'en suis sûr, d'attirer les jeunes dans ce secteur d'activité qui a de beaux jours devant lui.
Voilà, Monsieur le Président, mesdames, messieurs, les quelques questions que je voulais aborder avec vous. Je vous remercie de votre accueil et souhaite un plein succès à vos entreprises.
(source http://www.equipement.gouv.fr, le 24 mars 2003)