Déclaration de M. Jean-Jacques Aillagon, ministre de la culture et de la communication, sur la politique en faveur des parcs et jardins, Paris le 24 avril 2003.

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Circonstance : Présentation de la politique en faveur des parcs et jardins à Paris le 24 avril 2003

Texte intégral

Les jardins sont un patrimoine vivant et fragile, la tempête de décembre 1999 nous l'a une nouvelle fois très durement rappelé. C'est un patrimoine qui, comme d'autres, témoigne de l'histoire des hommes, de l'évolution de leur goût, de leurs aspirations, de leur vision du monde, de la société, du bonheur, du plaisir, du loisir. Les jardins sont également des espaces d'expression de la création, du génie, du talent, de l'amour, de la passion. Ce sont des lieux de bonheur, de quiétude, d'harmonie, et souvent, dans un monde tumultueux, des refuges. Ce sont des espaces que nos contemporains apprécient de plus en plus. Dans notre pays, il y a une véritable culture du jardin, qu'on a parfois dit être moindre que celle d'autres grands pays européens, mais je constate d'année en année les progrès de cette culture des jardins, de cet amour des jardins. Il suffit d'aller, par exemple, au Bois des Moustiers à Varengeville-sur-Mer, à la saison où les rhododendrons sont en fleurs, pour voir avec quelle passion se produit la rencontre du public avec le jardin comme oeuvre à la fois de la nature et de l'art.
C'est la raison pour laquelle l'Etat se doit de renforcer son action dans ce domaine, en établissant un dialogue plus nourri avec ceux qui font et qui font vivre les jardins, en devenant lui-même un acteur plus dynamique de leur développement, de leur conservation et de leur création.
Je souhaite par conséquent, comme je l'avais annoncé lors d'un déplacement à Chaumont sur Loire et à Villandry, en septembre dernier, engager une politique nouvelle en faveur des parcs et des jardins. Aujourd'hui, je suis heureux de vous présenter six grandes mesures en faveur du jardin.
1. Première mesure, la création d'un Conseil national des parcs et jardins. Cette instance spécifique rassemblera tous les acteurs concernés par une politique nationale de protection et de valorisation des jardins. J'en ai confié la présidence à Jean-Pierre Bady, conseiller-maître à la Cour des comptes et ancien directeur du Patrimoine, qui fut l'initiateur de la première loi-programme sur le patrimoine à compter les jardins parmi les monuments à restaurer en priorité.
Ensemble, nous avons veillé à ce que la composition du Conseil garantisse un équilibre entre tous les partenaires, services centraux et déconcentrés du ministère de la Culture et de la Communication, représentants des autres ministères concernés et des collectivités territoriales, gestionnaires de jardins publics, membres des associations de propriétaires privés de jardins remarquables, personnalités qualifiées du monde des jardins, jardiniers, architectes du patrimoine, paysagistes, historiens des jardins, botanistes, tous ceux qui font que les jardins sont une réalité culturelle très forte. Je réunirai pour la première fois ce Conseil le 20 mai prochain.
Il sera chargé de me conseiller dans les différents domaines touchant aux parcs et jardins. Il aura également pour mission d'orchestrer le dialogue des pouvoirs publics et des propriétaires et gestionnaires de parcs et jardins, publics et privés. Il devra enfin accompagner la politique du ministère en matière de protection, d'entretien, de restauration, de création et de promotion des jardins.
2. Deuxième mesure, une signalisation accrue des parcs et jardins, par la création d'un label de " Jardins remarquables " pour les parcs et jardins qui se distinguent par leur histoire, leur créateur, les éléments d'architecture qu'ils contiennent ou leur richesse botanique. La liste de ces jardins remarquables inclura naturellement les 1680 jardins classés et inscrits. J'ai par ailleurs donné à la Direction de l'architecture et du patrimoine, dont je salue le directeur, Michel Clément, des instructions pour que soient traitées avec une attention particulière les demandes d'inscription et de classement des jardins qui le mériteraient. Il faut que le ministère de la culture se mobilise encore plus fortement sur la question de la protection des jardins qui doivent l'être. S'agissant des jardins désignés comme remarquables, il conviendra de mieux les signaler à l'attention du public. Quant à la définition du label graphique par lequel se signaleront ces jardins, je suggérerai qu'on examine avec attention la remarquable création graphique qui a été faite par Bernard Baissait pour la première édition des Rendez-vous aux jardins et qui illustre la couverture du dossier de presse. Ce travail de distinction des jardins remarquables et de protection, à travers l'inscription ou le classement, devra concerner les jardins eux-mêmes, mais également leurs abords et les perspectives qui les environnent. Quelques affaires douloureuses nous ont récemment signalé à quel point un jardin, un parc, étaient des objets culturels très fragiles. Je pense au débat actuel autour de la possible construction d'une usine d'incinération à proximité de certains éléments du parc de Vaux le Vicomte.
3. Troisième mesure, pour les jardins classés, généralisation de la mise en oeuvre de plans de gestion pluriannuels qui permettent à l'Etat de prévenir la dégradation, plutôt que d'engager une restauration lourde une fois que la dégradation d'un jardin est devenue irréversible.
4. Quatrième mesure, la mise en oeuvre de la restauration de soixante jardins dans toute la France. Leur localisation répond au souci de couvrir de façon la plus équitable possible l'ensemble du territoire national. Ce programme, naturellement, ne contrarie pas la poursuite des chantiers déjà engagés, notamment celui du Parc de Versailles. Je tiens d'ailleurs à rendre hommage au travail accompli par le président de l'Etablissement public de Versailles, Hubert Astier, et par Pierre-André Lablaude, architecte en chef des Monuments historiques, qui assure la maîtrise d'oeuvre des travaux de restauration, et dans certains cas de recréation de larges éléments du Parc de Versailles. Donc, soixante chantiers de restauration.
5. Cinquième mesure, la création, dans les cinq années à venir, de dix jardins sur l'ensemble du territoire. Notre choix s'est arrêté sur les sites de Bussy-Rabutin (Bourgogne), Carcassonne (Languedoc-Roussillon), Jumièges (Haute-Normandie), La Motte-Tilly (Champagne-Ardennes), Nohant (Centre), Oiron (Poitou-Charentes), Paris (le jardin de l'Ecole nationale supérieure des arts décoratifs), Provins (Île-de-France), Saint-Dié (Lorraine) et Silvacane (Provence-Alpes-Côte d'Azur). Il s'agit souvent d'espaces en déshérence ou meurtris par la tempête, dans des parcs attenant à des monuments historiques, châteaux, abbayes ou cathédrales, ou dans des jardins urbains. Des espaces auxquels des paysagistes et artistes contemporains redonneront vie et sens. Les deux premières consultations concerneront les sites de Nohant et d'Oiron et seront engagées avant l'été. Elles relèvent de la responsabilité conjointe de la Direction de l'architecture et du patrimoine et de la Délégation aux arts plastiques.
6. Sixième mesure, enfin, l'organisation chaque année d'un temps fort, d'une invitation faite à nos concitoyens de regarder d'une nouvelle façon les jardins. Elle est présentée cette année sous le nom de " Rendez-vous aux jardins ".
L'initiative que je lance aujourd'hui de ce premier " Rendez-vous aux jardins ", sera en effet, chaque année pendant la dernière semaine du mois de mai, l'emblème de la politique des jardins du ministère de la Culture. Pour cette première édition, plus de 800 jardins se sont déjà associés. La liste exhaustive sera consultable sur le site du ministère de la culture ainsi que sur un site spécialement créé à cet effet.
J'ai souhaité dédier cette première édition des " Rendez-vous aux jardins " aux jardiniers eux-mêmes, qui sont les acteurs décisifs, essentiels, vitaux, de la vie des jardins. Sans des générations de jardiniers, en effet, ce patrimoine inestimable ne serait pas parvenu jusqu'à nous. Sans les jardiniers d'aujourd'hui, il ne serait pas enrichi et transmis aux générations futures. C'est la raison pour laquelle je distinguerai prochainement dix jardiniers dans l'Ordre national du Mérite et dans l'Ordre des Arts et Lettres. Chaque année, je veillerai à témoigner ainsi la reconnaissance de l'Etat à cette profession si remarquable.
" Rendez-vous aux jardins " se déroulera de la manière suivante :
- Le vendredi 23 mai sera plus particulièrement consacré aux scolaires, qui seront accueillis par les jardiniers. Dans de nombreux jardins, des initiatives particulières leur seront destinées. A Bordeaux par exemple, les enfants des écoles inaugureront avec le Maire le jardin botanique de 4 ha créé par la ville sur les rives de la Garonne. Cette première journée sera également l'occasion de promouvoir le formidable programme " Adoptez un jardin ", qui associe depuis un certain nombre d'années le ministère de la Culture et de la Communication, le ministère de l'Education nationale, le ministère de l'Environnement et celui de l'Agriculture. C'est une initiative à laquelle je suis très attaché et dont je souhaite soutenir le développement, comme je souhaite soutenir plus systématiquement les initiatives qui nous fourniront une occasion de coopération renforcée avec le ministère de l'Education nationale. Aujourd'hui, une centaine de classes sont concernées par ce programme " Adoptez un jardin ". Je souhaite naturellement que ce nombre augmente. Le 23 mai, ce seront donc les scolaires associés à ce programme eux-mêmes qui feront visiter au public le jardin qu'ils ont adopté.
- Samedi 24 mai, les jardiniers seront à l'honneur. Ils accueilleront le public dans les jardins et répondront à toutes ses questions, un peu comme cela se fait au moment des Journées du Patrimoine, et comme je l'ai fait l'année dernière en recevant ici les visiteurs du Palais-Royal et en les entraînant dans la suite des salons jusqu'au Conseil d'Etat. C'est une très bonne chose que les jardiniers, dont le savoir-faire et la sensibilité sont immenses, se mettent ainsi à la disposition du public. Les jardins seront aussi ce jour-là exceptionnellement ouverts tard, au moins jusqu'au crépuscule, ce qui permettra aux visiteurs d'en profiter à l'heure où ils sont le plus souvent fermés. Des concerts, des illuminations, des feux d'artifices seront proposés dans de nombreux cas ce soir-là, à la discrétion des animateurs ou propriétaires de jardin. Certes, cette année le printemps est exceptionnellement précoce, mais les jardins n'en seront pas moins merveilleux à cette époque. J'aime beaucoup, dans le nord de la France, les jardins à la fin du mois de mai, quand les iris sont en fleurs, que la dernière floraison du lilas exhale encore ses parfums et que la glycine s'épanouit avec délicatesse et volupté. En Normandie, on voit les premiers rhododendrons fleurir. C'est un moment d'émerveillement et, dans les jardins, un véritable moment de volupté.
- Le dimanche 25 mai, jour de la fête des mères, sera une journée de rencontre du public avec les propriétaires et responsables de jardins, qui accueilleront personnellement leurs visiteurs et leur feront découvrir leurs domaines. Là aussi, de nombreuses initiatives ont été prises. Dans chacun des jardins de la région Centre, par exemple, une rose sera offerte à chaque mère.
Avant de conclure, je tiens à saluer les initiatives qui existent déjà dans le domaine de la culture du jardin et de la culture botanique en France depuis de très nombreuses années. Elles ont souvent ouvert le chemin. Je pense aux Journées de Courson, à celles de Saint-Jean de Beauregard, je pense également aux nombreuses manifestations qu'organisent déjà, tantôt les propriétaires privés, tantôt les collectivités territoriales autour des jardins. Toutes témoignent de la passion de nos concitoyens pour les jardins.
Je ne voudrais pas terminer sans remercier tous ceux qui ont concouru à faire de cette manifestation un événement national de grande ampleur :
- les associations de propriétaires privés de jardins historiques, au premier rang desquelles le Comité des parcs et jardins de France, et tout particulièrement son Président d'honneur, Jean Guéroult, et son Président, Didier Wirth. Leur présence au sein du comité de pilotage national de l'opération s'est montrée aussi dynamique qu'efficace. Elle a marqué l'engagement des membres de cette association aux côtés des directions régionales des affaires culturelles.
- les Vieilles Maisons Françaises et leur président Philippe Toussaint, qui nous ont accompagnés en créant notamment un prix départemental du meilleur jardinier en plus de leurs traditionnels prix nationaux jardins.
- la Demeure historique, autour de son président Jean de Lambertye, qui s'associe activement à la manifestation en mobilisant ses membres et en créant deux nouveaux prix en faveur de la restauration de jardins.
- Je remercie également la fondation Gaz de France et son président Pierre Gadonneix, partenaire fidèle du ministère de la Culture avec lequel sera signée très prochainement une nouvelle convention définissant les axes de notre coopération.
- Je remercie enfin tous ceux qui, au ministère de la Culture et de la Communication, dans ses services centraux, dans ses services déconcentrés, dans ses établissements publics, se sont mobilisés pour contribuer à l'éclat de cette initiative.
En conclusion, à partir de demain, l'ensemble des informations sur ce programme sera accessible sur le site " Rendez-vous aux jardins ", qui est amarré au site du ministère de la Culture. C'est en effet une réalité programmatique qui sans cesse s'enrichit, car chaque jour viennent de nouvelles propositions d'adhésion à cette initiative nationale.
Une nouvelle fois, je dis ma gratitude à tous ceux qui se mobilisent pour que les jardins soient dans notre pays une réalité culturelle très forte. A tous ceux également qui se mobilisent pour que " Rendez-vous aux jardins " soit, dans le calendrier de la vie culturelle de notre pays, un moment important et un moment délicieux. Merci.
(Source http://www.culture.gouv.fr, le 28 avril 2003)