Texte intégral
Mesdames, Messieurs,
Je suis heureux de pouvoir être parmi vous aujourd'hui à l'occasion de l'ouverture de la 36e session du Centre des hautes études de l'armement.
J'ai tenu à venir personnellement vous encourager dans la tâche qui vous attend tout au long de cette nouvelle session.
Vous êtes ici rassemblés dans toute la diversité de vos formations et de vos parcours personnels. Cette diversité sera propice au développement d'une réflexion large et fertile, d'un échange réciproque de vos expériences et d'une confrontation de vos différents points de vue.
Je veux réaffirmer mon attachement à l'établissement d'un dialogue approfondi et de relations harmonieuses entre les différents acteurs du monde de la Défense et, en particulier celui de l'armement, représentés ici par les officiers, les ingénieurs de la DGA et les industriels.
Le développement d'un esprit de partenariat au sein du monde de la Défense m'apparaît essentiel pour promouvoir la performance et l'efficacité de notre action commune.
Je salue, en outre, la présence d'acteurs extérieurs à la communauté de la Défense, en provenance d'autres ministères, de grands organismes publics ou de la société civile qui enrichiront encore davantage, par leur présence, les débats à venir.
Je ne reviendrai pas spécifiquement sur l'importance de la formation, à chaque étape de votre carrière, à une époque où l'exigence de professionnalisme pèse tout autant dans l'administration que dans les entreprises. J'ai déjà eu l'occasion de m'exprimer à ce sujet devant vos prédécesseurs et de souligner l'importance pour mon département de disposer en son sein de cadres formés au management.
Vous connaissez les efforts que nous déployons pour la formation alors que le ministère poursuit ses efforts de modernisation. Le développement des compétences professionnelles au sein de la communauté de la Défense est une réelle priorité.
" Mondialisation et Armement "
Par votre participation à cette session de formation, vous allez accompagner les efforts actuellement entrepris par le ministère pour assurer à notre politique de défense et d'armement une vision à long terme et pour en éclairer les orientations stratégiques.
Le thème d'étude autour duquel seront articulés vos travaux, " mondialisation et armement ", vous permettra d'appréhender la globalité des facteurs politiques nationaux et internationaux, stratégiques, économiques, sociaux et culturels qui influencent la fonction de défense.
Je tiens à saluer le rôle de l'association des auditeurs du CHEAr et l'initiative qui lui revient du colloque organisé le 29 septembre prochain pour faire connaître les résultats des travaux menés par ses membres.
Vos travaux et ceux de l'association constitueront un réservoir d'idées originales et indépendantes qui alimentera les réflexions du CHEAr et plus généralement celles du ministère.
Je ne reviendrai pas sur les divers sujets d'études qui vous sont proposés et qui couvrent les différentes facettes de cette réalité qui s'impose à nous, la " mondialisation ", et dont nous ne pouvons plus ignorer les effets dans nos choix et nos orientations stratégiques.
Je veux néanmoins insister sur le rôle qui revient aux décideurs politiques d'éclairer l'avenir et de proposer les orientations que la France cherchera à donner à son action.
Pour le monde de la Défense en général, et pour le ministère dont j'ai la charge en particulier, c'est un changement complet de point de vue qu'il convient d'adopter dans ce nouveau contexte. Là où, récemment encore, les décisions étaient souvent prises en fonction de considérations purement nationales, il faut aujourd'hui élargir notre champ de vision à l'ensemble de l'Europe et, dans bien des domaines, à l'échelle internationale.
Pour le monde de l'armement, ce défi doit être relevé dès aujourd'hui.
Pour l'Etat, c'est sa politique d'armement qui doit être repensée dans toutes ses composantes que sont la gestion des programmes, les exportations, la recherche et développement.
C'est avec le souci de ne pas isoler ou handicaper les sociétés françaises sur la scène européenne, à l'heure des regroupements industriels, que le gouvernement a opté pour des rapprochements dans le secteur de l'aéronautique et de l'électronique.
Pour les industriels, en effet, il s'agit d'inscrire leur action dans un cadre global et de rechercher en priorité des alliances en dehors de nos frontières.
Vous connaissez les efforts entrepris au sein de mon ministère pour favoriser la restructuration de notre outil industriel en matière de défense. La consolidation de nos grands acteurs nationaux est aujourd'hui largement achevée : le nombre des grandes entreprises de défense est ainsi passé, en deux ans, de dix à cinq et des groupes à l'actionnariat solide ont été constitués. C'est pour eux une nouvelle étape qui s'ouvre maintenant et qui devra les conduire à nouer des alliances avec des partenaires étrangers.
Si la priorité dans la stratégie industrielle reste aux alliances européennes, la constitution d'une base mondiale peut aussi être recherchée, comme l'a montré l'acquisition de l'australien ADI par THOMSON.
Dans cette perspective, je souhaiterais maintenant replacer vos travaux dans le cadre plus particulier d'un des grands thèmes qui est aujourd'hui au cur des réflexions du ministère : la construction de l'Europe de la défense.
L'armement et l'Europe de la défense
Vous connaissez mon attachement personnel à la construction de l'Europe de la défense. Ce projet doit être au cur de toute nos réflexions stratégiques pour l'avenir et je souhaite que dans chacun des comités que vous allez constituer, l'Europe soit présente dans vos débats.
Les opérations militaires menées au Kosovo viennent de démontrer la volonté des Européens de prendre collectivement toutes leurs responsabilités dans la gestion des crises conformément à leurs valeurs et leurs intérêts en mettant en uvre des moyens militaires.
Les avancées du projet d'Europe de la défense
Les événements récents viennent cependant nous rappeler la longueur du chemin qu'il reste à parcourir pour doter l'Europe de capacités militaires autonomes significatives. Plus qu'un aboutissement, la crise du Kosovo a été le révélateur de la faiblesse relative des capacités opérationnelles des Européens vis à vis de leur allié américain.
La question de notre capacité à agir, lorsque nos alliés d'outre-Atlantique décident de ne pas participer militairement aux opérations, est donc ainsi posée de manière évidente.
Tel est l'enjeux des évolutions récentes intervenues dans le champ de la construction de l'Europe de la défense.
Depuis quelques mois, cette grande entreprise a connu des avancées concrètes sur lesquelles je souhaiterais revenir. Le sommet de Saint-Malo en décembre dernier, puis celui de Cologne en juin, ont marqué la détermination des gouvernements français et britanniques, puis celui de l'ensemble des quinze partenaires de l'Union, de doter l'Europe d'une capacité autonome en matière de défense.
Ces avancées politiques ont été rendues possibles par la levée de blocages traditionnels du côté de nos partenaires.
Je veux souligner l'importance de l'infléchissement de la position britannique décidée il y a un an par le Premier ministre Tony BLAIR. La Déclaration de Saint-Malo traduit la prise de conscience par les Britanniques de la nécessité de participer pleinement au développement de la dimension politique et militaire de l'Union. Cette impulsion politique a été décisive.
Nous devons nous féliciter de la même manière de l'évolution de la position de nos partenaires allemands en matière de défense et de participation aux opérations militaires à l'extérieur. La volonté allemande de prendre une part active aux missions de Petersberg, d'abord exprimée par le Chancelier KOHL et aujourd'hui assumée par le Chancelier SCHRÖDER, vient renforcer la crédibilité du projet d'Europe de la défense.
La position française vis à vis de l'Alliance atlantique a également longtemps hypothéqué toute construction d'un pilier proprement européen de l'Alliance. La façon dont nous avons su prendre nos responsabilités lors de la crise du Kosovo, et en particulier notre capacité à prendre en charge le commandement de la Force d'extraction en Macédoine, est venue démontrer notre aptitude à coopérer efficacement sur le terrain avec nos alliés.
L'heure n'est donc plus à la méfiance et la position particulière de la France au sein de l'Alliance cesse peu à peu d'être perçue comme un obstacle à notre action commune.
La déclaration du Conseil européen de Cologne concernant le renforcement de la politique européenne commune en matière de sécurité et de défense traduit l'émergence progressive d'un consensus entre partenaires européens.
Des verrous politiques ont sauté. Une étape décisive a été franchie. L'entrée en vigueur du traité d'Amsterdam renforce les pouvoirs de décision et les capacités d'intervention de l'Union dans le domaine de la PESC. La nomination de Monsieur Solana comme " Monsieur PESC " en est la traduction concrète.
Les efforts qui restent à accomplir
Comment maintenant poursuivre sur cette voie ?
Au plan politique, il dépend de nous de faire vivre les acquis de Saint-Malo et de Cologne. La rénovation de l'Alliance atlantique et l'affermissement de son pilier européen doivent être encouragés ; le Plan d'action que la France a adressé à la présidence finlandaise de l'Union, le 21 juillet dernier, insiste sur ce point.
Néanmoins, il nous revient d'insister auprès de nos partenaires pour traduire concrètement l'engagement commun à doter l'Union de capacités d'action réellement autonomes. Une conception trop restrictive de la " non-duplication " des forces entre l'UE et l'OTAN risque de vider de leur sens les avancées politiques des derniers mois. L'Europe de la défense que nous voulons ne saurait rester dépendante de l'OTAN.
Concrètement, je souhaite que mon ministère attache une attention toute particulière dans les mois à venir aux progrès à réaliser en termes de capacités militaires.
Dans la lignée des engagements pris à Cologne, nous participons pleinement à la réflexion autour des efforts d'adaptation à venir pour renforcer nos capacités en matière de renseignement, de projection, de commandement et de contrôle.
Mais je veux davantage insister ici sur les conséquences du projet d'Europe de la défense sur notre politique d'armement. Il convient en effet d'encourager la définition en commun avec nos partenaires de nos besoins militaires.
Les dépenses européennes en matière de défense représentent les deux tiers de l'effort américain, mais notre capacité d'intervention atteint au mieux un dixième ou un cinquième de celle des Etats-Unis.
C'est donc sur une meilleure efficacité de la dépense publique européenne en matière de défense, sur une plus grande cohérence de nos programmes d'armement et sur un effort soutenu en matière d'innovation technologique que nos efforts de convergence européenne devront porter dans les années qui viennent.
L'idée d'élaborer, comme pour la monnaie unique, des critères de convergence a été émise. Cette proposition, qu'il faudrait toutefois préciser, fait bien apparaître l'un des obstacles majeurs à l'émergence d'une politique de sécurité commune : le manque d'homogénéité de nos outils de défense pris dans leur ensemble.
J'ai déjà eu l'occasion de souligner l'intérêt que je voyais à établir une certaine convergence vers un effort de défense (autour de 2 % du PIB) qui permettrait à l'Europe de se doter d'un outil conséquent, cohérent avec sa volonté de peser sur la scène internationale et d'assurer la sécurité du territoire européen.
Cette convergence ne doit pas se résumer à des critères chiffrés et ne saurait être fondée sur des sanctions. Elle devra être le résultat d'une prise de conscience de la part de tous les partenaires de l'indispensable traduction en termes de capacités opérationnelles de notre engagement politique.
Il faut imaginer une coopération européenne aux différents niveaux d'élaboration des programmations. C'est une réflexion commune, à quinze, qu'il faut aujourd'hui mener sur la définition et l'expression des besoins militaires essentiels à court, moyen et long terme pour que l'Europe puisse décider et agir dans le cadre des missions de Petersberg.
J'ai émis l'idée de la création d'un groupe de travail européen qui, à l'issue de l'audit de l'UEO sur les capacités de défense achevé en octobre prochain, et en parallèle aux travaux du HLSG à l'OTAN , définisse et exprime les besoins militaires essentiels de l'Europe de la défense.
C'est de façon pragmatique que nous parviendrons à convaincre nos partenaires d'intégrer à notre démarche les aspects de coopération industrielle et budgétaire sans lesquels le projet d'Europe de la défense ne saurait progresser dans les faits.
Peut-être faudra-t-il mutualiser nos moyens de planification et d'études technico-opérationnelles.
Il faudra sans doute piloter en commun la recherche de défense européenne. Je rappelle d'ailleurs que la question de la détermination commune de nos besoins militaires fait partie des grands thèmes abordés dans la LoI. Enfin, il faut probablement réfléchir dès aujourd'hui à une mutualisation dans l'emploi des équipements.
La mise en place d'une politique commune d'achat de matériel permettra de faciliter cet effort de convergence. Elle sera le gage d'une meilleure efficacité dans l'utilisation de crédits d'équipement.
Les travaux en cours sur la LoI entre les six principaux pays européens montrent bien que l'élaboration des critères de convergence et l'harmonisation des différentes législations et pratiques en matière de défense, qui touchent des domaines régaliens et de souveraineté, demanderont du temps.
Je compte sur les cadres de mon département ministériel pour mettre en uvre cette politique européenne et permettre à notre pays d'y jouer un rôle à sa juste mesure.
L'Europe de la défense : un levier pour l'action collective
des européens dans un monde globalisé
Face à la mondialisation, l'Europe de la défense constitue la réponse que la France entend promouvoir pour assurer une maîtrise collective par les Européens de leur destin.
Bien sûr, ce n'est que progressivement que l'Europe sera en mesure de peser par elle-même sur la scène internationale. Les effets du grand projet dont nous mesurons aujourd'hui les avancées ne se feront sentir qu'au fil du temps, à l'occasion d'actions concrètes des Européens.
Je voudrais néanmoins évoquer une première manifestation de notre volonté à agir de concert pour promouvoir nos valeurs et défendre nos intérêts communs, et de notre capacité à faire progresser certains grands dossiers. Je veux parler du Code de bonne conduite sur les exportations d'armement adopté en juin 1998 par une déclaration du Conseil de l'Union.
Né d'une initiative commune franco-britannique, ce texte entend promouvoir l'instauration de normes communes strictes en matière de transferts d'armes conventionnelles et l'échange des informations pertinentes dans ce domaine en vue d'assurer une plus grande transparence.
L'adoption des huit critères énoncés dans ce texte traduit la prise de conscience par les pays européens exportateurs d'armement de leurs responsabilités particulières au regard de la stabilité interne et externe des Etats importateurs.
Le Code de bonne conduite marque la résolution des Européens à empêcher les exportations d'équipements qui pourraient être utilisés à des fins de répression interne, d'agression internationale ou contribuer à l'instabilité régionale.
L'engagement solennel des quinze confère à cette initiative un écho bien supérieur à celui qu'aurait rencontré l'action unilatérale de la France ou du Royaume-Uni et témoigne de manière exemplaire du surcroît d'influence que l'Europe peut apporter à notre action en matière de politique extérieure et de défense.
Conclusion
Pour conclure, je souhaite insister sur la place qui doit être celle du CHEAr dans la réflexion stratégique en matière de défense et d'armement.
Je souhaite qu'il prenne toute sa place dans la réflexion du ministère de la Défense au regard du projet d'Europe de la défense.
Il doit jouer pleinement son rôle dans l'animation et la promotion de cette réflexion, en sachant associer à ses travaux l'ensemble des acteurs du monde de l'armement.
Les travaux effectués à l'occasion de sa 36e session devront faire preuve d'un souci constant d'ouverture sur les questions fondamentales pour l'avenir.
Je sais que je peux compter sur vous pour éclairer les grandes orientations de notre politique d'armement dans un contexte mondial en plein bouleversement.
Je vous souhaite une excellente session et je vous redis tout l'intérêt que présente pour moi vos travaux dont je prendrai connaissance avec beaucoup d'attention.
Je vous remercie.
(Source http://www.defense.gouv.fr, le 03 janvier 2000).
Je suis heureux de pouvoir être parmi vous aujourd'hui à l'occasion de l'ouverture de la 36e session du Centre des hautes études de l'armement.
J'ai tenu à venir personnellement vous encourager dans la tâche qui vous attend tout au long de cette nouvelle session.
Vous êtes ici rassemblés dans toute la diversité de vos formations et de vos parcours personnels. Cette diversité sera propice au développement d'une réflexion large et fertile, d'un échange réciproque de vos expériences et d'une confrontation de vos différents points de vue.
Je veux réaffirmer mon attachement à l'établissement d'un dialogue approfondi et de relations harmonieuses entre les différents acteurs du monde de la Défense et, en particulier celui de l'armement, représentés ici par les officiers, les ingénieurs de la DGA et les industriels.
Le développement d'un esprit de partenariat au sein du monde de la Défense m'apparaît essentiel pour promouvoir la performance et l'efficacité de notre action commune.
Je salue, en outre, la présence d'acteurs extérieurs à la communauté de la Défense, en provenance d'autres ministères, de grands organismes publics ou de la société civile qui enrichiront encore davantage, par leur présence, les débats à venir.
Je ne reviendrai pas spécifiquement sur l'importance de la formation, à chaque étape de votre carrière, à une époque où l'exigence de professionnalisme pèse tout autant dans l'administration que dans les entreprises. J'ai déjà eu l'occasion de m'exprimer à ce sujet devant vos prédécesseurs et de souligner l'importance pour mon département de disposer en son sein de cadres formés au management.
Vous connaissez les efforts que nous déployons pour la formation alors que le ministère poursuit ses efforts de modernisation. Le développement des compétences professionnelles au sein de la communauté de la Défense est une réelle priorité.
" Mondialisation et Armement "
Par votre participation à cette session de formation, vous allez accompagner les efforts actuellement entrepris par le ministère pour assurer à notre politique de défense et d'armement une vision à long terme et pour en éclairer les orientations stratégiques.
Le thème d'étude autour duquel seront articulés vos travaux, " mondialisation et armement ", vous permettra d'appréhender la globalité des facteurs politiques nationaux et internationaux, stratégiques, économiques, sociaux et culturels qui influencent la fonction de défense.
Je tiens à saluer le rôle de l'association des auditeurs du CHEAr et l'initiative qui lui revient du colloque organisé le 29 septembre prochain pour faire connaître les résultats des travaux menés par ses membres.
Vos travaux et ceux de l'association constitueront un réservoir d'idées originales et indépendantes qui alimentera les réflexions du CHEAr et plus généralement celles du ministère.
Je ne reviendrai pas sur les divers sujets d'études qui vous sont proposés et qui couvrent les différentes facettes de cette réalité qui s'impose à nous, la " mondialisation ", et dont nous ne pouvons plus ignorer les effets dans nos choix et nos orientations stratégiques.
Je veux néanmoins insister sur le rôle qui revient aux décideurs politiques d'éclairer l'avenir et de proposer les orientations que la France cherchera à donner à son action.
Pour le monde de la Défense en général, et pour le ministère dont j'ai la charge en particulier, c'est un changement complet de point de vue qu'il convient d'adopter dans ce nouveau contexte. Là où, récemment encore, les décisions étaient souvent prises en fonction de considérations purement nationales, il faut aujourd'hui élargir notre champ de vision à l'ensemble de l'Europe et, dans bien des domaines, à l'échelle internationale.
Pour le monde de l'armement, ce défi doit être relevé dès aujourd'hui.
Pour l'Etat, c'est sa politique d'armement qui doit être repensée dans toutes ses composantes que sont la gestion des programmes, les exportations, la recherche et développement.
C'est avec le souci de ne pas isoler ou handicaper les sociétés françaises sur la scène européenne, à l'heure des regroupements industriels, que le gouvernement a opté pour des rapprochements dans le secteur de l'aéronautique et de l'électronique.
Pour les industriels, en effet, il s'agit d'inscrire leur action dans un cadre global et de rechercher en priorité des alliances en dehors de nos frontières.
Vous connaissez les efforts entrepris au sein de mon ministère pour favoriser la restructuration de notre outil industriel en matière de défense. La consolidation de nos grands acteurs nationaux est aujourd'hui largement achevée : le nombre des grandes entreprises de défense est ainsi passé, en deux ans, de dix à cinq et des groupes à l'actionnariat solide ont été constitués. C'est pour eux une nouvelle étape qui s'ouvre maintenant et qui devra les conduire à nouer des alliances avec des partenaires étrangers.
Si la priorité dans la stratégie industrielle reste aux alliances européennes, la constitution d'une base mondiale peut aussi être recherchée, comme l'a montré l'acquisition de l'australien ADI par THOMSON.
Dans cette perspective, je souhaiterais maintenant replacer vos travaux dans le cadre plus particulier d'un des grands thèmes qui est aujourd'hui au cur des réflexions du ministère : la construction de l'Europe de la défense.
L'armement et l'Europe de la défense
Vous connaissez mon attachement personnel à la construction de l'Europe de la défense. Ce projet doit être au cur de toute nos réflexions stratégiques pour l'avenir et je souhaite que dans chacun des comités que vous allez constituer, l'Europe soit présente dans vos débats.
Les opérations militaires menées au Kosovo viennent de démontrer la volonté des Européens de prendre collectivement toutes leurs responsabilités dans la gestion des crises conformément à leurs valeurs et leurs intérêts en mettant en uvre des moyens militaires.
Les avancées du projet d'Europe de la défense
Les événements récents viennent cependant nous rappeler la longueur du chemin qu'il reste à parcourir pour doter l'Europe de capacités militaires autonomes significatives. Plus qu'un aboutissement, la crise du Kosovo a été le révélateur de la faiblesse relative des capacités opérationnelles des Européens vis à vis de leur allié américain.
La question de notre capacité à agir, lorsque nos alliés d'outre-Atlantique décident de ne pas participer militairement aux opérations, est donc ainsi posée de manière évidente.
Tel est l'enjeux des évolutions récentes intervenues dans le champ de la construction de l'Europe de la défense.
Depuis quelques mois, cette grande entreprise a connu des avancées concrètes sur lesquelles je souhaiterais revenir. Le sommet de Saint-Malo en décembre dernier, puis celui de Cologne en juin, ont marqué la détermination des gouvernements français et britanniques, puis celui de l'ensemble des quinze partenaires de l'Union, de doter l'Europe d'une capacité autonome en matière de défense.
Ces avancées politiques ont été rendues possibles par la levée de blocages traditionnels du côté de nos partenaires.
Je veux souligner l'importance de l'infléchissement de la position britannique décidée il y a un an par le Premier ministre Tony BLAIR. La Déclaration de Saint-Malo traduit la prise de conscience par les Britanniques de la nécessité de participer pleinement au développement de la dimension politique et militaire de l'Union. Cette impulsion politique a été décisive.
Nous devons nous féliciter de la même manière de l'évolution de la position de nos partenaires allemands en matière de défense et de participation aux opérations militaires à l'extérieur. La volonté allemande de prendre une part active aux missions de Petersberg, d'abord exprimée par le Chancelier KOHL et aujourd'hui assumée par le Chancelier SCHRÖDER, vient renforcer la crédibilité du projet d'Europe de la défense.
La position française vis à vis de l'Alliance atlantique a également longtemps hypothéqué toute construction d'un pilier proprement européen de l'Alliance. La façon dont nous avons su prendre nos responsabilités lors de la crise du Kosovo, et en particulier notre capacité à prendre en charge le commandement de la Force d'extraction en Macédoine, est venue démontrer notre aptitude à coopérer efficacement sur le terrain avec nos alliés.
L'heure n'est donc plus à la méfiance et la position particulière de la France au sein de l'Alliance cesse peu à peu d'être perçue comme un obstacle à notre action commune.
La déclaration du Conseil européen de Cologne concernant le renforcement de la politique européenne commune en matière de sécurité et de défense traduit l'émergence progressive d'un consensus entre partenaires européens.
Des verrous politiques ont sauté. Une étape décisive a été franchie. L'entrée en vigueur du traité d'Amsterdam renforce les pouvoirs de décision et les capacités d'intervention de l'Union dans le domaine de la PESC. La nomination de Monsieur Solana comme " Monsieur PESC " en est la traduction concrète.
Les efforts qui restent à accomplir
Comment maintenant poursuivre sur cette voie ?
Au plan politique, il dépend de nous de faire vivre les acquis de Saint-Malo et de Cologne. La rénovation de l'Alliance atlantique et l'affermissement de son pilier européen doivent être encouragés ; le Plan d'action que la France a adressé à la présidence finlandaise de l'Union, le 21 juillet dernier, insiste sur ce point.
Néanmoins, il nous revient d'insister auprès de nos partenaires pour traduire concrètement l'engagement commun à doter l'Union de capacités d'action réellement autonomes. Une conception trop restrictive de la " non-duplication " des forces entre l'UE et l'OTAN risque de vider de leur sens les avancées politiques des derniers mois. L'Europe de la défense que nous voulons ne saurait rester dépendante de l'OTAN.
Concrètement, je souhaite que mon ministère attache une attention toute particulière dans les mois à venir aux progrès à réaliser en termes de capacités militaires.
Dans la lignée des engagements pris à Cologne, nous participons pleinement à la réflexion autour des efforts d'adaptation à venir pour renforcer nos capacités en matière de renseignement, de projection, de commandement et de contrôle.
Mais je veux davantage insister ici sur les conséquences du projet d'Europe de la défense sur notre politique d'armement. Il convient en effet d'encourager la définition en commun avec nos partenaires de nos besoins militaires.
Les dépenses européennes en matière de défense représentent les deux tiers de l'effort américain, mais notre capacité d'intervention atteint au mieux un dixième ou un cinquième de celle des Etats-Unis.
C'est donc sur une meilleure efficacité de la dépense publique européenne en matière de défense, sur une plus grande cohérence de nos programmes d'armement et sur un effort soutenu en matière d'innovation technologique que nos efforts de convergence européenne devront porter dans les années qui viennent.
L'idée d'élaborer, comme pour la monnaie unique, des critères de convergence a été émise. Cette proposition, qu'il faudrait toutefois préciser, fait bien apparaître l'un des obstacles majeurs à l'émergence d'une politique de sécurité commune : le manque d'homogénéité de nos outils de défense pris dans leur ensemble.
J'ai déjà eu l'occasion de souligner l'intérêt que je voyais à établir une certaine convergence vers un effort de défense (autour de 2 % du PIB) qui permettrait à l'Europe de se doter d'un outil conséquent, cohérent avec sa volonté de peser sur la scène internationale et d'assurer la sécurité du territoire européen.
Cette convergence ne doit pas se résumer à des critères chiffrés et ne saurait être fondée sur des sanctions. Elle devra être le résultat d'une prise de conscience de la part de tous les partenaires de l'indispensable traduction en termes de capacités opérationnelles de notre engagement politique.
Il faut imaginer une coopération européenne aux différents niveaux d'élaboration des programmations. C'est une réflexion commune, à quinze, qu'il faut aujourd'hui mener sur la définition et l'expression des besoins militaires essentiels à court, moyen et long terme pour que l'Europe puisse décider et agir dans le cadre des missions de Petersberg.
J'ai émis l'idée de la création d'un groupe de travail européen qui, à l'issue de l'audit de l'UEO sur les capacités de défense achevé en octobre prochain, et en parallèle aux travaux du HLSG à l'OTAN , définisse et exprime les besoins militaires essentiels de l'Europe de la défense.
C'est de façon pragmatique que nous parviendrons à convaincre nos partenaires d'intégrer à notre démarche les aspects de coopération industrielle et budgétaire sans lesquels le projet d'Europe de la défense ne saurait progresser dans les faits.
Peut-être faudra-t-il mutualiser nos moyens de planification et d'études technico-opérationnelles.
Il faudra sans doute piloter en commun la recherche de défense européenne. Je rappelle d'ailleurs que la question de la détermination commune de nos besoins militaires fait partie des grands thèmes abordés dans la LoI. Enfin, il faut probablement réfléchir dès aujourd'hui à une mutualisation dans l'emploi des équipements.
La mise en place d'une politique commune d'achat de matériel permettra de faciliter cet effort de convergence. Elle sera le gage d'une meilleure efficacité dans l'utilisation de crédits d'équipement.
Les travaux en cours sur la LoI entre les six principaux pays européens montrent bien que l'élaboration des critères de convergence et l'harmonisation des différentes législations et pratiques en matière de défense, qui touchent des domaines régaliens et de souveraineté, demanderont du temps.
Je compte sur les cadres de mon département ministériel pour mettre en uvre cette politique européenne et permettre à notre pays d'y jouer un rôle à sa juste mesure.
L'Europe de la défense : un levier pour l'action collective
des européens dans un monde globalisé
Face à la mondialisation, l'Europe de la défense constitue la réponse que la France entend promouvoir pour assurer une maîtrise collective par les Européens de leur destin.
Bien sûr, ce n'est que progressivement que l'Europe sera en mesure de peser par elle-même sur la scène internationale. Les effets du grand projet dont nous mesurons aujourd'hui les avancées ne se feront sentir qu'au fil du temps, à l'occasion d'actions concrètes des Européens.
Je voudrais néanmoins évoquer une première manifestation de notre volonté à agir de concert pour promouvoir nos valeurs et défendre nos intérêts communs, et de notre capacité à faire progresser certains grands dossiers. Je veux parler du Code de bonne conduite sur les exportations d'armement adopté en juin 1998 par une déclaration du Conseil de l'Union.
Né d'une initiative commune franco-britannique, ce texte entend promouvoir l'instauration de normes communes strictes en matière de transferts d'armes conventionnelles et l'échange des informations pertinentes dans ce domaine en vue d'assurer une plus grande transparence.
L'adoption des huit critères énoncés dans ce texte traduit la prise de conscience par les pays européens exportateurs d'armement de leurs responsabilités particulières au regard de la stabilité interne et externe des Etats importateurs.
Le Code de bonne conduite marque la résolution des Européens à empêcher les exportations d'équipements qui pourraient être utilisés à des fins de répression interne, d'agression internationale ou contribuer à l'instabilité régionale.
L'engagement solennel des quinze confère à cette initiative un écho bien supérieur à celui qu'aurait rencontré l'action unilatérale de la France ou du Royaume-Uni et témoigne de manière exemplaire du surcroît d'influence que l'Europe peut apporter à notre action en matière de politique extérieure et de défense.
Conclusion
Pour conclure, je souhaite insister sur la place qui doit être celle du CHEAr dans la réflexion stratégique en matière de défense et d'armement.
Je souhaite qu'il prenne toute sa place dans la réflexion du ministère de la Défense au regard du projet d'Europe de la défense.
Il doit jouer pleinement son rôle dans l'animation et la promotion de cette réflexion, en sachant associer à ses travaux l'ensemble des acteurs du monde de l'armement.
Les travaux effectués à l'occasion de sa 36e session devront faire preuve d'un souci constant d'ouverture sur les questions fondamentales pour l'avenir.
Je sais que je peux compter sur vous pour éclairer les grandes orientations de notre politique d'armement dans un contexte mondial en plein bouleversement.
Je vous souhaite une excellente session et je vous redis tout l'intérêt que présente pour moi vos travaux dont je prendrai connaissance avec beaucoup d'attention.
Je vous remercie.
(Source http://www.defense.gouv.fr, le 03 janvier 2000).