Déclaration de M. Jean-Michel Lemétayer, président de la FNSEA, sur les enjeux de la prochaine conférence de l'OMC et les objectifs de la FNSEA dans le cadre de la réforme de la PAC, notamment pour la filière des oléagineux et des protéagineux, Reims le 15 mai 2003.

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Circonstance : Clôture du congrès de la Fédération française des Oléagineux et Protéagineux à Reims le 15 mai 2003

Texte intégral

Cher Président, Cher Xavier,
Mesdames et Messieurs les Présidents,
Mesdames et Messieurs les élus, Monsieur le Maire,
Mesdames, Messieurs, Cher collègues européens,
Chers Amis,
Cher Président, avec ton équipe, vous m'accordez une grande place au sein de votre congrès puisque vous me chargez de le clôturer.
Cette tâche est d'autant plus importante qu'il s'agit pour vous, cette année, de votre premier congrès Filière, votre premier " Agora Prolea ".
C'est un grand honneur que vous me faites et je suis très fier de participer à la fin des travaux d'une filière qui a fait la preuve de son dynamisme et de sa performance et avec laquelle j'ai beaucoup de plaisir à travailler.
Dynamisme parce que vous avez répondu au défi de l'embargo américain sur le soja en mobilisant les producteurs et en augmentant des surfaces et parce que vous avez contré l'absence de protection des marchés en sécurisant de nombreux débouchés.
Performance parce que vous avez su conforter une recherche de qualité.
Et surtout, avec votre filière, vous êtes en mesure de mettre en place une politique cohérente et globale. C'est la meilleure façon de défendre le revenu des producteurs.
Et dans le contexte actuel, les agriculteurs ont bien besoin de se défendre et sauront se battre. Nous devons être combatifs sur tous les plans : sur le plan international, sur le plan communautaire et sur le plan national.
[les négociations internationales]
Sur le plan international tout d'abord.
À peine quatre mois nous séparent de la conférence de l'OMC à Cancun.
Quatre mois au cours desquels les négociateurs vont affiner leurs stratégies et leurs arguments pour gagner ou tout du moins, en perdre le moins possible, dans ce partage du marché mondial.
Les États-Unis et les pays du groupe de Cairns avancent à découvert avec des théories ultra-libérales. Encore qu'on doive fortement s'interroger sur ce que veut dire " libéral " aux Etats-Unis.
Vous ne savez que trop ce que cela veut dire : les importations américaines ont sérieusement mis en danger votre secteur. Je me félicite que la procédure de règlement des obstacles au commerce, la procédure ROC ait été acceptée par la Commission européenne.
J'espère que nos négociateurs européens à l'OMC auront votre pugnacité.
L'OMC a une énorme responsabilité, celle de mettre en place un marché mondial qui ne soit pas un marché uniforme et monotone mais un rassemblement d'étals colorés, de tailles différentes, achalandés d'une grande diversité de produits.
Un rassemblement dans lequel tous les paysans, toutes les productions, toutes les régions doivent trouver leur place.
Nous devons nous battre pour cette diversité, pour que soient reconnues les spécificités de toutes les agricultures.
Celles de l'agriculture européenne tout d'abord qui s'inscrit aujourd'hui, avec son cortège de normes sociales, environnementales, économiques dans le développement durable.
Et c'est une agriculture qui ne produit pas seulement pour un marché de l'agro-alimentaire mais aussi pour celui des loisirs, pour dynamiser un milieu rural, pour répondre aux attentes de la société.
Se battre pour la diversité des agricultures, c'est agir de manière solidaire avec les producteurs des pays en développement. Les initiatives se multiplient en faveur de ces pays.
Je pense à l'accord " tout sauf les armes ", je pense au commerce équitable, je pense aussi aux projets de développement encouragés parfois par nos propres structures, les exemples sont nombreux.
Mais l'aide véritable que l'on pourra apporter à ces pays est politique.
Aujourd'hui, ces pays désignent les agricultures subventionnées comme les responsables de leurs difficultés à survivre sur les marchés mondiaux. Ma conviction est renforcée depuis mon récent voyage en Afrique de l'Ouest.
Je suis convaincu que c'est d'abord en privilégiant ses propres consommateurs, en organisant son propre marché que l'on renforce son agriculture.
Notre solidarité avec les agriculteurs de ces régions difficiles doit alors se traduire par notre prise de position en faveur de politiques régionales, prenant en compte les réalités de chaque région du monde et protégeant les marchés.
Une protection des marchés que nous réclamons aussi en Europe et qui passe par le respect de la préférence communautaire.
Nous allons nous battre pour que les producteurs soient au cur des négociations agricoles et pour que l'OMC ne devienne pas le gérant de l'hypermarché du monde !
[la réforme de la PAC]
C'est dans cet état d'esprit que nous agissons dans le cadre de la réforme de la PAC.
La réforme de la PAC est préoccupante, c'est vrai, mais je n'arrive pas à imaginer entrer dans une négociation sans avoir eu, au préalable, un débat de fond, pour déterminer quelle est la politique agricole qui permet de maintenir le maximum de paysans sur nos territoires. L'enjeu est de taille.
Il serait donc souhaitable de faire un bilan des politiques écoulées avant d'en proposer une autre.
Pourquoi la Commission ne fait-elle pas un bilan pour savoir si c'est bien cette politique qui permet aux paysans d'avoir un meilleur revenu, qui permet d'installer des jeunes et d'assurer le renouvellement des générations ? Pour l'instant, les chiffres nous montrent tout l'inverse : des revenus en baisse, des installations en forte diminution, des prix qui s'effondrent. Je comprends que la Commission ne veuille pas faire le bilan : elle a peur des résultats !
Aujourd'hui, ce que propose la commission dans ses projets de règlements, c'est le découplage, la modulation, la dégressivité, la baisse des prix, la dérégulation des marchés. Les agriculteurs risquent de le payer cher, très cher.
Vous le savez bien vous qui dépendez du prix mondial ! Ce prix mondial qui n'a que très peu de réalité économique et qui est un mauvais indicateur. Et surtout, ce prix mondial ne permet pas de construire une véritable politique agricole.
La FNSEA n'acceptera jamais que le marché organise tout et que l'on régule le nombre de paysans par les crises. On sait ce que cela veut dire en production porcine. À chaque crise, des paysans disparaissent. Pas forcément les porcheries.
Ce que nous voulons, c'est une véritable politique agricole qui fera qu'il y aura encore des paysans demain sur l'ensemble du territoire.
Des paysans qui produiront d'abord et qui aménageront aussi. La politique de développement rural est en effet essentielle mais elle ne pourra se faire sans les agriculteurs : il ne peut y avoir d'économie rurale sans économie agricole. Nous devons donc être vigilants sur la mise en oeuvre de cette politique et sur son financement.
Je rappelle simplement que le développement rural ne peut se faire au détriment de l'organisation des marchés.
Et là nous devons montrer ce que veut dire l'engagement syndical.
Le 26 mai, les paysans seront dans les rues pour dire " oui " à l'agriculture, pour promouvoir notre modèle agricole et pour dire " non " aux projets de la commission européenne.
A Laval, à Montauban, à Sierck et à Saint-Etienne, les paysans de toute la France se feront entendre, c'est leur avenir qui est en jeu. Avec toujours plus de qualité, plus d'environnement, plus de normes sociales, nous ne pouvons pas vivre avec des prix toujours plus bas.
Pour cette mobilisation, nous avons besoin de toutes les énergies.
Je peux vous assurer que notre action ne sera pas inutile. M. Fischler reste campé sur ses positions mais il sait d'ores et déjà que son projet ne passera pas en l'état et j'ai entendu le représentant de la Commission dire que M. Fischler était ouvert à des évolutions.
Alors je sais que nous serons très nombreux le 26 mai.
[les mesures nationales]
Sur le plan national, il me semble important, pour votre filière, de faire avancer trois dossiers.
Le premier concerne les nouveaux débouchés il s'agit des biocarburants, le second concerne les productions, il s'agit de l'assurance-récolte, le troisième concerne l'ensemble des exploitations, il s'agit de la mesure rotationnelle.
Entre le Sommet de la Terre, la loi sur les énergies, les colloques, dont celui de l'ADECA, et les travaux de recherche, les biocarburants sont au cur des politiques d'aujourd'hui. Les exploitants ont un rôle essentiel à jouer et il faut les appuyer.
Bien sûr, ces directives européennes tant attendues vont permettre de développer ces productions mais encore faut-il pouvoir compter sur les Pouvoirs publics français.
Hier, le ministre de l'Agriculture vous a annoncé 70 000 tonnes supplémentaires de Diester. Cette mesure va dans le bon sens. Il faut continuer en utilisant d'autres leviers. Il faut par exemple enfin mettre en place une fiscalité adaptée pour les biocarburants.
Sur ce sujet, vous bénéficiez de tout le soutien de la FNSEA.
Sur l'assurance-récolte, je n'ai aucune leçon à vous donner. Vous êtes très avancés sur ce dossier puisque le mécanisme que vous proposez devrait permettre aux producteurs d'oléoprotéagineux, très en prise avec le marché mondial, de se prémunir contre des chutes de cours trop importantes.
A la FNSEA, vous savez tous les efforts que nous déployons sur ce sujet.
Aujourd'hui, après les dégâts causés par le gel et la sécheresse, il apparaît encore plus urgent que le ministre concrétise les engagements pris lors du congrès de la FNSEA à Rodez.
Vous pouvez compter sur moi pour accélérer le processus.
Troisième dossier : la mesure rotationnelle. Cet outil est une chance. Il suffit de le demander à ceux qui n'en bénéficient pas. Et dans cette salle ils sont très nombreux ! L'extension de la mesure sur tout le territoire comme sa simplification est une priorité de notre action commune. Le ministre vous a annoncé hier l'application à de nouvelles régions. J'espère que l'an prochain à votre congrès, c'est tout le territoire qui sera concerné !
[Conclusion]
Mesdames et Messieurs les Présidents,
Mesdames et Messieurs les élus,
Mesdames, Messieurs,
Chers Amis,
S'organiser, rassembler les énergies et les compétences, vous savez le faire au sein de votre filière.
L'agriculture toute entière doit se rassembler pour affronter les difficultés à venir.
Nous devons le faire ensemble à la FNSEA.
Se rassembler, s'unir, avoir une politique de filière ne signifie pas entente ou cartel comme vient de l'affirmer la Commission en nous condamnant lourdement pour avoir défendu, en toute transparence, le revenu des producteurs de viande, et sauvé des emplois.
Si quelques milliers de producteurs aux revenus modestes forment un cartel, je me demande bien comment il faut qualifier les cinq grandes familles de distribution qui dominent le marché ? Mais, visiblement, ce n'est pas le problème de la Commission !
Nous allons saisir les instances européennes, le Tribunal de première instance et s'il le faut la Cour de justice et je ne doute pas qu'on nous donne raison.
Vous voyez, le 26 mai, nous aurons des choses à dire, des messages à faire passer.
Je sais que je peux compter sur votre participation nombreux.
Vous pouvez compter sur ma détermination.
Je vous remercie.

(source http://www.fnsea.fr, le 16 mai 2003)