Interview de M. Gérard Aschieri, secrétaire général de la FSU, à RTL le 29 juillet 2003, sur la politique gouvernementale et les positions de son syndicat concernant l'Education nationale, notamment les postes supplémentaires d'assistants d'éducation et les retenues sur le salaire des enseignants pour les jours de grève.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

R. Arzt-. 4.000 postes supplémentaires d'assistants d'éducation qui s'ajoutent aux 16.000 déjà prévus, des réunions entre Gouvernement et syndicats pour parler du futur débat annoncé sur l'avenir de l'école... Cette rencontre de ministres qui a fixé tout ça, hier à Matignon, a-t-elle été utile ou pas, selon vous ?
"Vous savez j'ai l'impression que cela été une fonction plutôt symbolique ou poétique. C'est à dire qu'il y a une mise en scène, une solennisation des signaux que le Gouvernement fait depuis quelques temps en direction des personnels de l'Education, sur le thème "on vous a compris". Evidemment, je préfère avoir des signaux sur ce thème que l'inverse. Mais quand on gratte, quand on regarde ce qu'il y a derrière, on s'aperçoit que concrètement, il n'y a pas grand chose..."
Vous diriez, comme le titre plusieurs journaux, que le Gouvernement cherche à "déminer le terrain" avant la rentrée scolaire?
"Oui c'est un peu cette idée. Il y a tentative pour retrouver un peu la confiance des personnels et de faire des gestes. Mais je le répète, ces gestes, c'est peu ou plus exactement, c'est la perspective de dégradation moindre que ce qu'elles étaient prévues, mais de dégradations malgré tout."
S'il faut déminer le terrain, pour le Gouvernement, cela veut dire que le terrain est miné. Qui l'a miné, alors ?
"Ce qui a miné ce terrain, ce sont toute une série de choix gouvernementaux qui se sont accumulés depuis le début de l'année dernière et qui ont donné le sentiment -mais plus que le sentiment - aux personnels qu'on ne les comprenait pas, qu'on n'entendait pas ce qu'ils disaient, qu'on n'entendait pas leurs revendications et que l'école était abandonnée ; que dans leurs difficultés à faire vivre cette école, à faire réussir des élèves, ils étaient abandonnés - ou plutôt même qu'on allait à l'encontre de ce qu'ils souhaitaient."
Un mot quand même sur les effectifs : il y a un coup de pouce, vous le reconnaissez en partie. Mais vous souhaitez vraiment obtenir plus quand vous verrez J.-P. Raffarin ?
"Oui, il y a un coup de pouce mais (...) on aura au 1er Janvier - et pas au 1er Septembre - 20.000 assistants d'éducation par exemple, alors qu'on a supprimé 25.600 emplois de surveillants d'aide éducateurs, plus tous ceux qui sont partis avant la fin de leur contrat, qui ne sont pas remplacés. On a besoin de plus, parce que l'école ne peut pas fonctionner sans hommes et sans femmes sur le terrain. C'est l'idée que l'on veut faire passer et que je ne comprends que les gens qui nous gouvernent n'entendent pas totalement aujourd'hui."
A propos des idées qu'on veut faire passer, ce comité interministériel a préparé le futur grand débat national sur l'Education. A quelle condition, selon vous, ce débat pourra-t-il être utile, fructueux ?
"D'abord, il faut que ce soit un vrai débat, sincère, et non pas une grand-messe destinée à faire admettre des idées préconçues, décidées ailleurs. Donc, il faut bien qu'il y ait un "diagnostic partagé" comme le Gouvernement dit vouloir le faire. On va voir si ce diagnostic va être sincère ou pas. Et je pense qu'il faut aussi qu'on fixe des objectifs à l'école. Moi je voudrais qu'on dise aux personnels : on a besoin de vous, on a besoin de lutter contre l'échec scolaire, on a besoin de faire en sorte que beaucoup plus de jeunes accèdent à des qualifications - que tous les jeunes accèdent à des qualifications -, on a besoin de lutter contre les inégalités, on sait que c'est difficile, on vous fait confiance et on va vous aider dans cette tache. Et pour ça, on va programmer des moyens sur la durée... C'est un peu le discours que j'aimerais entendre et que j'aimerais voir sortir de cette consultation."
Mais c'est celui que vous tiendrez ?
"C'est celui qu'on va tenir, c'est celui qu'on va défendre effectivement et je pense qu'il correspond à la réalité de l'école et qu'il correspond à la réalité de ce qu'attendent les Français."
Le Gouvernement parle de réunions avec les syndicats. Vous devez plutôt être satisfait de ce point de vue-là : revaloriser les syndicats face à l'extrême gauche notamment qui a été très active dans les grèves d'enseignants, cela vous convient ?
"Je pense que tout le monde a besoin d'organisations syndicales - et d'organisations syndicales crédible -, c'est une évidence. Mais les crédibiliser, ce n'est pas seulement les recevoir. C'est d'abord entendre ce qu'elles ont à dire, c'est y répondre et c'est aussi faire évoluer les règles de la représentativité syndicale dans ce pays. C'est un débat qui dépasse la question de l'Education, mais qui est aussi importante."
Une question en particulier et d'actualité : c'est dans les jours qui viennent que les enseignants vont recevoir leur fiche de paie et ceux qui ont été grévistes devraient avoir leur salaire amputé en proportion des jours où ils n'ont pas travaillé. Vous prévoyez, en tant que syndicats, que vous allez être amenés à protester ?
"Oui, on a déjà largement protesté contre le fait que le Gouvernement voulait utiliser des pratiques exceptionnelles, (...) qui ne consistent pas seulement à prélever les jours de grève, mais à prélever y compris les jours fériés ou les jours non travaillés qui sont au milieu des grèves. Alors, on a fortement demandé au Gouvernement de renoncer au minimum à ces pratiques."
Alors, où en êtes-vous ?
"J'ai reçu une lettre de L. Ferry - je pense que les autres organisations syndicales ont du recevoir la même - qui dit à peu près qu'il n'y aura pas d'application exceptionnelle des principes retenus. Cela ressemble à ce qu'on demande ; en même temps, cela reste encore ambigu. Donc, on va voir sur le terrain quelles vont être les pratiques des recteurs."
La FSU, votre syndicat, mais il n'est pas le seul, appelle les militants à se réunir en assemblée générale le jour de la veille de la rentrée scolaire. L'objectif est de bien rappeler aux enseignants qu'avant de partir en vacances, ils étaient en colère ?
"C'est d'abord de prendre le pouls, de prendre la température. Ce que je sais, c'est que la rentrée va être objectivement difficile, notamment parce qu'on va manquer de gens sur le terrain. Ce que je sais, c'est que nos collègues sont partis avec souvent de l'amertume et souvent de la combativité. Ce que je ne sais pas, c'est quel aura été l'effet de deux mois d'interruption, comment ils vont analyser les choix gouvernementaux, l'affichage fait par le Gouvernement. Donc, on veut le voir avec eux. Et on peut le voir avec eux dans la perspective de reprendre et de poursuivre l'action sous des formes adaptées."
L. Ferry a dit hier que personne ne peut savoir à quoi ressemblera la rentrée. Vous, vous avez quand même une idée?
"Je ne sais pas totalement non plus à quoi elle ressemblera mais je répète que je sais qu'elle va être relativement tendue et difficile parce qu'objectivement, les éléments de la tension sont là."
On a noté que vous avez au moins un point d'accord avec le ministre de l'Education, c'est-à-dire que vous ne savez pas comment ce sera vraiment, à part que ce sera difficile. Dernier mot sur X. Darcos, qui était d'hier dans le journal de 18h00 sur RTL et qui, en parlant des enseignants disait que "les moyens leur sont donnés, le champ de la discussion leur est ouvert, je ne vois pas pourquoi ils refuseraient de pareilles chances".
"Ecoutez, le mot "chance" est un peu excessif pour ce qui nous est proposé. Les moyens, pour l'instant, ils ne nous sont pas totalement donnés, loin de là. Je le répète, on va avoir des dégradations, même si les dégradations sont moindres que celles qui sont prévues. Appeler ça une "chance" me paraît au minimum un euphémisme..."
Donc, vous pensez que vous aurez du mal à vous accorder avec ce Gouvernement ?
- "Ecoutez notre problème n'est pas d'être en accord ou en désaccord avec le Gouvernement ; il n'est même pas, il n'est pas non plus d'agir pour le plaisir d'agir. Notre problème est d'obtenir une amélioration des conditions de travail et surtout des conditions de réussite des jeunes à l'école. C'est ça et c'est là-dessus qu'on va juger la rentrée, qu'on va juger la politique gouvernementale."
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 29 juillet 2003)