Texte intégral
Madame la présidente,
Mesdames, [messieurs],
C'est avec un très vif plaisir que je prends la parole devant vous, aujourd'hui, dans ce lieu symbolique - le Temple dédié à la République - qui rappelle tout ce que les principes de notre République doivent à vos réflexions et à vos débats au cours de l'Histoire.
Chacun sait l'importance qu'ils ont eue, encore récemment et singulièrement dans des domaines dont j'ai la charge, la contraception, l'interruption volontaire de grossesse ou la parité.
Je suis très heureuse que ce colloque ait pour thème "Femmes et démocratie en Europe, communauté de destin et de responsabilités", car il nous invite à une réflexion nouvelle, à la fois dans le temps et dans l'espace.
Alors que la communauté nationale s'ouvre à l'Europe qui se construit, il est juste de s'intéresser, comme vous le faites, à cette communauté de destin qui se dessine à la faveur de multiples échanges transfrontières. Nous appartenons à différents pays, Allemagne, Belgique, France, Suisse, Italie, Portugal notamment, mais notre destin est commun et nous en portons, en partage, la responsabilité.
La mise en oeuvre de la démocratie paritaire est imposée par la modernité et le progrès nécessaires dans un espace de vie commun bientôt élargi à 25 pays et où les frontières intérieures sont naturellement appelées à disparaître peu à peu.
"Modernité et progrès". Ce sont les deux mots choisis pour introduire mon propos : La parité en Europe : une utopie ?
Modernité, car seules dénient aux femmes d'avoir des droits égaux aux hommes les sociétés figées dans le repli sur elles-mêmes, justifié non par l'adhésion à un modèle plus humain ou plus performant, mais par le refus de se pencher sur leurs maux internes pour les analyser et les combattre.
Refus de se connaître, refus de parier sur l'avenir.
Mais, les cas extrêmes, que chacun a à l'esprit, ne doivent pas occulter nos propres défauts et nos propres insuffisances. Il faut moderniser, adapter à un humanisme moderne nos sociétés industrialisées occidentales.
Progrès, car les femmes, qui constituent un extraordinaire potentiel humain encore peu ou mal utilisé, investissent désormais tous les domaines de l'activité humaine, en modifient les règles en les humanisant, en rééquilibrant les priorités essentielles et les temps de vie.
Ce besoin de modernité et de progrès fonde-t-il une nouvelle utopie, celle d'une démocratie paritaire ?
La question que l'on ne peut éluder est bien sûr : L'utopie définit-elle le but ultime de l'Homme ou bien est-elle un simple rêve sur les moyens d'améliorer la vie quotidienne dans un déterminisme accepté ? Ce qu'ALAIN définissait comme "un édifice d'idées dans une tête" ?
On peut en débattre en se référant à l'Histoire, à la philosophie ou à la littérature, de Platon à Thomas More ou de Rousseau à Marx.
Ce n'est pas mon propos.
Depuis le XVIIIème siècle, pour se limiter aux plus connues, les utopies politiques ont dépassé la description d'une société parfaite inscrite dans un lieu clos ou isolé, en fait imaginaire. Se basant sur l'observation critique argumentée de l'organisation politique, économique et sociale existante, elles ont envisagé des améliorations, voire des créations ambitieuses, pour faciliter la vie des citoyens.
Le rêve alors n'a jamais visé l'impossible, mais pour avoir voulu l'imposer brutalement, on a trop souvent atteint l'enfer sur terre si justement prédit par Karl POPPER :
", il est déraisonnable de supposer qu'une transformation totale de l'organisation de la société puisse conduire tout de suite à un système qui fonctionne de façon convenable. Il y a toutes les chances que, faute d'expérience, de nombreuses erreurs soient commises."
Car, pour POPPER, le "rêve envoûtant d'un monde merveilleux n'est qu'une vision romantique. Cherchant la cité divine tantôt dans le passé, tantôt dans l'avenir, prônant le retour à la nature ou la marche vers un monde d'amour et de beauté, faisant chaque fois appel à nos sentiments et non à notre raison, il finit toujours par faire de la terre un enfer un voulant en faire un paradis."
"Il" c'est l'extrémiste, celui qui, si les moyens lui en sont donnés ou s'il les conquiert, impose son rêve, sa vision.
L'histoire contemporaine, celle du XXème siècle, a hélas discrédité l'utopie et laissé trop souvent ces extrémistes réaliser leur enfer et nous le faire partager.
Construction imaginaire, l'utopie serait-elle donc, a priori, hors de portée de l'être humain ?
Certes non, car portant le besoin de transformer le monde et l'être humain pour les améliorer, pour les perfectionner, elle peut être le but ultime à atteindre par une succession de corrections des imperfections et des erreurs qui obèrent l'avenir.
Lamartine l'avait compris qui affirmait : " Les utopies ne sont souvent que des vérités prématurées ". C'est dans cette optique que je veux résolument me placer en évoquant devant vous la parité et l'Europe.
Je commencerai par dire que la parité, concept apparu dans les années 90 pour réclamer une participation équilibrée des hommes et des femmes aux instances de décision politiques, a peu à peu cédé la place au concept de démocratie paritaire, dont personnellement je me réclame, pour étendre la participation équilibrée à tous les domaines de l'activité humaine. En cela, comme l'a souligné à plusieurs reprises le Premier ministre, "la parité est un humanisme". Nous verrons plus tard que c'est une utopie qui n'a rien d'une chimère.
"Egalité de traitement", "égalité des chances" ou simplement "égalité" sont des concepts, souvent mal interprétés, qui, pendant longtemps, ont servi de prétexte au maintien du statu quo. Je ne veux naturellement pas dire que rien de positif n'a été fait, mais la juste ambition des femmes à partager la prise de décision, donc les choix de vie et les choix de société, se heurtait toujours au fameux plafond de verre.
Nos démocraties européennes ont évolué différemment, certaines mettant davantage l'accent sur l'égalité professionnelle, d'autres sur l'égalité dans la décision politique. Mais il ne faut pas nous cacher que les hommes ont conservé leur monopole dans les véritables lieux de pouvoir, dans l'économie pour les sociétés libérales ou ultra-libérales, dans la politique pour les Etats plus centralisés.
Force est de constater, toutefois, que le mouvement pour la parité et la mise en place de la démocratie paritaire s'est développé dans un double échange, de la Communauté vers les Etats membres et vice-versa.
C'est une synergie, toujours en place, qui fait progresser la démocratie paritaire au sein de l'Union grâce aux échanges et bonnes pratiques mises en évidence dans les Etats membres et par eux, alors qu'en retour, l'Union européenne aide -et souvent les aiguillonne- pour qu'ils optimisent leurs politiques en faveur de la parité.
Ainsi, pour la France notamment, le rôle de l'Union européenne a-t-il été important.
C'est à Athènes, en 1992, qu'a été signé l'acte de naissance de la parité, dans une conférence ministérielle informelle mais dont la Déclaration a fait date.
Portée par les travaux du réseau d'experts "femmes dans la prise de décision" mis en place par la Commission, la Déclaration a attiré l'attention et mobilisé sur ce nouveau concept qui, balayant les quotas, reconnaît la dualité du genre humain, remet en cause l'universalité et bouscule des siècles d'organisation des différentes sociétés européennes, dont la société française.
Athènes fut le point de départ d'une revendication inimaginable jusqu'alors : autant de femmes que d'hommes dans les assemblées politiques élues !
La France, qui - c'est une litote - n'était pas exemplaire en ce domaine, se retrouva aiguillonnée non seulement par les féministes les plus connues, chercheuses, universitaires ou politiques, dont les débats et controverses s'exposaient dans de multiples colloques et jusque dans la presse grand public, mais également par d'innombrables femmes, militantes inconnues ou simples électrices, découvrant un débat politique enfin digne de leur intérêt.
Et nul n'a oublié, Madame la présidente, le succès de la conférence organisée par la Grande Loge Féminine, salle Gaveau, et l'écho qu'elle a rencontré.
La classe politique s'est défendue, mais mollement. Il était difficile d'afficher une opposition ouverte à la parité et, bien entendu, ce furent quelques féministes qui s'en chargèrent, avec pour seul résultat de se marginaliser elles mêmes. [On les retrouve du reste dans leur superbe isolement sur bien d'autres sujets].
La parité politique était en marche. Elle n'eut pas d'opposant de poids dans le grand débat organisé à l'Assemblée nationale, en 1997, par le Gouvernement d'Alain JUPPE. Elle n'en eut pas davantage quand Lionel JOSPIN proposa la réforme constitutionnelle de 1999, puis les lois qui suivirent.
La loi du 6 juin 2000 sur l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives a inscrit la parité comme objectif. Mais les moyens mis en oeuvre ont été plus ou moins efficaces selon les types d'élections.
Pour les élections au scrutin de liste, la loi impose la mixité des listes et les résultats ont été, dans l'ensemble, satisfaisants.
Les élections municipales de mars 2001 ont marqué un progrès considérable. Dans les conseils municipaux des communes de 3500 habitants et plus, la proportion de femmes est désormais de 47,5 %.
C'est un progrès essentiel, à la fois parce que les communes sont le coeur de notre démocratie et parce que les conseils municipaux sont un vivier où se recrute la classe politique nationale. Ils constituent également une partie importante du collège des grands électeurs et c'est, espérons-le, par cette voie que la mixité pourra s'installer au Sénat.
Pour les élections législatives au scrutin uninominal, la loi a prévu un système d'incitations financières qui a montré son peu d'efficacité, puisque seulement 12,3 % de femmes ont rejoint les bancs de l' Assemblée nationale. Toutefois, le déséquilibre de la représentation nationale a été dénoncé par tous les médias. L'auraient-ils fait il y a dix ans ? Je vois dans cette réprobation unanime un présage favorable pour influer sur les choix à venir des partis politiques.
Aujourd'hui, enfin, la parité parfaite va s'appliquer aux prochaines élections européennes et régionales. C'est un résultat dont je suis fière puisque le législateur a retenu toutes les propositions que j'avais formulées.
Bien que nous ne soyons pas encore parvenu(e)s à la parité dans les assemblées élues, il faut observer le mouvement d'échange et d'enrichissement des politiques, qui va de Union européenne vers les Etats membres, par le partage des expériences que j'ai évoqué au début de mon intervention.
L'intérêt pour l'exemple français (pour la parité politique) est très grand . Il a inspiré, par exemple, une réforme à l'Italie.
Je dois du reste signer début mai, avec mon homologue, Stefania PRESTIGIACOMO, un accord formalisant entre nos administrations un travail commun et des échanges de bonnes pratiques sur plusieurs sujets, dont la parité politique.
Parité politique, certes, mais plus encore, c'est une démocratie paritaire dans toutes ses dimensions qu'il faut mettre en place, progressivement et patiemment.
C'est la vie en société dans son ensemble, dans la famille, dans l'entreprise ou les loisirs qu'il faut reconstruire en intégrant la dimension homme/femme.
Et cette construction doit se faire en prenant en compte la dimension européenne indispensable à toute démarche pour qu'elle soit durable. Car l'Europe est une réalité et même une exigence. Nous entrons dans une ère nouvelle, qui n'est plus celle des prémices et de l'innovation, mais bien celle de l'installation et de la confirmation.
Il ne s'agit plus seulement de défendre les droits des femmes, mais de structurer la société toute entière autour de la parité, ce gène organisateur qui, au même titre que l'égalité, constitue une donnée essentielle de la modernité de notre démocratie.
Exigence sociétale et règle de droit électoral, la parité devient une dynamique nouvelle, génératrice d'équilibre et de progrès. C'est une approche globale, qui fait de l'équilibre dans la représentation politique un moteur et un vecteur d'harmonie pour la société tout entière. Il y a aussi beaucoup à faire en ce qui concerne notamment la formation et l'égalité des chances, l'égalité dans l'accès aux droits et la lutte contre les violences, et l'égalité et la parité dans la vie professionnelle. Enfin, la parité doit s'exprimer au sein de la famille, par un partage consenti des tâches qui s'y rattachent comme il y a partage des joies et des peines.
Si je suis satisfaite d'être en charge du ministère de la parité et de l'égalité professionnelle, c'est parce que cette dernière est déterminante pour atteindre notre utopie.
L'autonomie financière est un facteur important de nombreuses décisions et la perception que chaque individu a de sa propre utilité, pour et dans la société, passe souvent par la réalisation de projets professionnels. Or, toutes les statistiques, toutes les études le montrent, l'égalité professionnelle est loin d'être réalisée. Je me contenterai d'observer que la libre circulation des travailleurs et la construction européenne exigent désormais des dispositions coordonnées et convergentes.
D'où trois contraintes pour atteindre l'égalité professionnelle :
1) elle intervient dans de multiples domaines (éducation, formations initiale et continue, politique salariale, mais aussi image des rôles sexués, contraintes familiales, organisation des temps, ...);
2) elle dépend largement de rôles stéréotypés attribués aux femmes et aux hommes dans la société;
3) elle doit se réaliser en harmonie avec ou par les décisions prises au niveau européen;
Mais surtout, et plus que tout, elle doit être intégrée dans le dialogue social au niveau de l'entreprise.
Loin de moi l'idée de critiquer ce qui a été fait par mes prédécesseurs. Mais il faut bien constater que les dispositifs contraignants qui ont été mis en place dès 1983 par l'Etat, dont les services ont déployé des efforts considérables, n'ont donné que des résultats en demi-teinte. Il n'y a eu que 34 plans d'égalité professionnelle signés, auxquels s'ajoutent les deux accords d'égalité professionnelle intervenus depuis la loi du 9 mai 2001.
Ces efforts, que je compte poursuivre, ne peuvent produire d'effet que si employeurs et salariés sont mobilisés sur ce sujet et perçoivent l'importance et les enjeux de l'égalité professionnelle.
Conformément à la volonté du Gouvernement de développer le dialogue social et de privilégier la négociation, j'ai jugé indispensable d'agir dans trois directions :
- veiller à la prise en compte de la "problématique femmes" dans les discussions menées à tous les niveaux et, notamment, au sein des groupes de travail sur les 35heures, sur les retraites,
- refaire de la France un Etat membre de l'Union européenne présent à la tribune comme dans les forums de discussion, chaque fois que cela sera possible et que l'on traitera de l'égalité des chances ou de l'égalité professionnelle,
- Convaincre le monde de l'entreprise qu'il doit s'emparer de l'égalité professionnelle.
Tel était le but de la communication que j'ai présentée en Conseil des Ministres le 24 juillet 2002, quelques semaines après mon entrée en fonctions, pour définir les actions à mettre en oeuvre en faveur de l'égalité professionnelle et l'équité salariale entre les hommes et les femmes, conçue comme un principe actif du développement économique et de l'épanouissement professionnel.
C'est une démarche globale, partenariale et inscrite au plus près des territoires articulée autour de cinq axes :
- la formation dans l'égalité des chances,
- la mixité professionnelle au sein des branches et des entreprises,
- les éléments constitutifs du déroulement de la carrière,
- la réduction des écarts de rémunération
- l'articulation des temps de vie, en termes de gestion des temps et d'organisation du travail.
Certains relèvent de la compétence de l'Etat, d'autres sont de la responsabilité des partenaires sociaux. C'est à tous qu'il revient de transformer l'égalité professionnelle en un principe actif d'organisation de l'entreprise, de dynamisme économique et de progrès social.
C'était également l'objet de la table ronde ouverte par François FILLON, le 19 décembre dernier, et qui a donné le "coup d'envoi" du dialogue social sur la question. Approuvant les cinq grands axes que je viens de rappeler, les participants sont convenus notamment de mener, en concertation, la réflexion sur les cinq grands axes. Ils ont également donné leur accord à l'élaboration d'un " label égalité ", destiné à reconnaître la prise en compte de l'égalité professionnelle dans la gestion des ressources humaines par les entreprises qui en auront fait un élément fort de leur responsabilité sociale.
Un premier point d'étape sera réalisé à la fin de ce semestre.
Je veux, là encore, souligner l'apport des expériences étrangères. Le voyage que j'ai récemment effectué en Norvège m'a permis de découvrir des pratiques de conciliation de la vie de l'entreprise avec la vie privée de ses salariés qui montrent leur efficacité. Je suivrai également très attentivement la mise en place d'une représentation équilibrée des femmes au sein des conseils d'administration des entreprises.
Madame la Présidente, j'ai sans doute déjà trop parlé.
Je voudrais encore, si vous le permettez, évoquer deux problèmes difficiles pour notre pays, pour l'Europe des Quinze et, bientôt pour l'Europe élargie.
Il s'agit, en premier lieu, de l'éradication des violences à l'égard des femmes :
- Violences sexuelles, viol, traite, prostitution.
- Violences physiques, familiales ou perpétrées par un tiers;
- Violences morales et psychiques comme le harcèlement et les agressions verbales ou par l'image.
L'Union européenne a ouvert la voie sur le harcèlement ou sur la traite des femmes. Mais il reste beaucoup à faire et dans certains domaines des divergences de vue et d'appréciation demeurent, tant au niveau de la société française qu'au niveau européen, comme sur la prostitution, par exemple.
Pour ma part, je me suis depuis toujours fixé une ligne de conduite, celle du respect de la dignité de la personne humaine.
C'est une grande exigence et le seul point d'intolérance pour moi. Nul ne doit, nul ne peut porter atteinte à la dignité d'un être humain, sous peine d'être sévèrement puni.
C'est dans cet esprit que je prépare un dispositif destiné à éloigner le conjoint violent du domicile conjugal et que j'ai entrepris une série de consultations déjà très avancées pour mettre en application l'article 13 du traité CE en ce qui concerne les discriminations fondées sur le sexe ou l'orientation sexuelle.
Ce n'est pas facile, mais c'est indispensable.
Le second problème difficile et le dernier point que je voudrais évoquer aujourd'hui, est celui de l'intégration réussie des personnes issues de l'immigration venues de pays où les femmes sont encore considérées comme inférieures.
Quand j'évoque l'intégration, je pense à l'intégration des femmes et des hommes. La récente marche des femmes des quartiers difficiles a, en quelque sorte, "rappelé à l'ordre" les politiques et les décideurs.
La France, pays des droits de l'Homme, arrêterait-elle ses valeurs fondamentales aux frontières de certains quartiers devenus lieux de non-droit ?
Naturellement, il ne peut en être question et c'est toute la politique d'intégration qui est à revoir. Vous le savez, le Gouvernement et, notamment, François FILLON ont entrepris ce grand chantier.
Pour ma part, j'ai réuni ce jeudi, 27 mars, les cabinets ministériels concernés, les responsables des directions du ministère des affaires sociales, du travail et de la solidarité, pour entendre les jeunes filles des quartiers et celles de la marche préciser leurs attentes et déterminer les actions et les partenariats que nous développeront avec elles.
Le Premier ministre souhaite en effet qu'un plan d'action concret, rapide et parfaitement adapté aux quartiers, soit mis en place. Je m'y emploie avec le concours de ces jeunes filles et jeunes femmes qui ont brisé l'OMERTA; elles nous ont parlé, mais beaucoup d'entre elles sont encore silencieuses, invisibles dans leurs quartiers.
C'est un enjeu essentiel. Toutes les jeunes filles issues de l'immigration ne rencontrent pas des difficultés et certaines sont même des exemples de réussite. Mais il existe, aujourd'hui, des lieux où vouloir choisir librement sa vie peut la mettre en danger.
Aujourd'hui ! en France ! et en bien d'autres pays européens !
Il faut que la communauté européenne se penche sur cette question, sur ces dangers.
Je sais que la Grande Loge Féminine soutient le combat de ces jeunes femmes. Comme vous, je suis profondément convaincue que la fraternité peut et doit s'exprimer aussi au féminin.
Aujourd'hui l'Europe nous guide encore. Que ce soit pour le suivi de la conférence mondiale de Pékin, pour la mise en place de l'approche intégrée de genre - le mainstreaming -, toutes les réflexions sont menées en commun.
L'introduction de la méthode ouverte de coordination et la définition d'indicateurs communs sont autant de signes de notre avenir commun.
Et que dire des travaux de la Convention ?
Alors, en conclusion,
Cette utopie partagée d'un monde où la dignité de l'être humain est respectée et où la démocratie règne dans la parité est-elle un rêve, du domaine de l'imaginaire ?
Ou bien est-elle un chantier patient et déterminé que nous menons ensemble ?
Poser la question, ici, devant vous et avec vous, c'est déjà donner la réponse. Celle qu'ensemble, nous attendons.
(source http://www.social.gouv.fr, le 5 août 2003)
Mesdames, [messieurs],
C'est avec un très vif plaisir que je prends la parole devant vous, aujourd'hui, dans ce lieu symbolique - le Temple dédié à la République - qui rappelle tout ce que les principes de notre République doivent à vos réflexions et à vos débats au cours de l'Histoire.
Chacun sait l'importance qu'ils ont eue, encore récemment et singulièrement dans des domaines dont j'ai la charge, la contraception, l'interruption volontaire de grossesse ou la parité.
Je suis très heureuse que ce colloque ait pour thème "Femmes et démocratie en Europe, communauté de destin et de responsabilités", car il nous invite à une réflexion nouvelle, à la fois dans le temps et dans l'espace.
Alors que la communauté nationale s'ouvre à l'Europe qui se construit, il est juste de s'intéresser, comme vous le faites, à cette communauté de destin qui se dessine à la faveur de multiples échanges transfrontières. Nous appartenons à différents pays, Allemagne, Belgique, France, Suisse, Italie, Portugal notamment, mais notre destin est commun et nous en portons, en partage, la responsabilité.
La mise en oeuvre de la démocratie paritaire est imposée par la modernité et le progrès nécessaires dans un espace de vie commun bientôt élargi à 25 pays et où les frontières intérieures sont naturellement appelées à disparaître peu à peu.
"Modernité et progrès". Ce sont les deux mots choisis pour introduire mon propos : La parité en Europe : une utopie ?
Modernité, car seules dénient aux femmes d'avoir des droits égaux aux hommes les sociétés figées dans le repli sur elles-mêmes, justifié non par l'adhésion à un modèle plus humain ou plus performant, mais par le refus de se pencher sur leurs maux internes pour les analyser et les combattre.
Refus de se connaître, refus de parier sur l'avenir.
Mais, les cas extrêmes, que chacun a à l'esprit, ne doivent pas occulter nos propres défauts et nos propres insuffisances. Il faut moderniser, adapter à un humanisme moderne nos sociétés industrialisées occidentales.
Progrès, car les femmes, qui constituent un extraordinaire potentiel humain encore peu ou mal utilisé, investissent désormais tous les domaines de l'activité humaine, en modifient les règles en les humanisant, en rééquilibrant les priorités essentielles et les temps de vie.
Ce besoin de modernité et de progrès fonde-t-il une nouvelle utopie, celle d'une démocratie paritaire ?
La question que l'on ne peut éluder est bien sûr : L'utopie définit-elle le but ultime de l'Homme ou bien est-elle un simple rêve sur les moyens d'améliorer la vie quotidienne dans un déterminisme accepté ? Ce qu'ALAIN définissait comme "un édifice d'idées dans une tête" ?
On peut en débattre en se référant à l'Histoire, à la philosophie ou à la littérature, de Platon à Thomas More ou de Rousseau à Marx.
Ce n'est pas mon propos.
Depuis le XVIIIème siècle, pour se limiter aux plus connues, les utopies politiques ont dépassé la description d'une société parfaite inscrite dans un lieu clos ou isolé, en fait imaginaire. Se basant sur l'observation critique argumentée de l'organisation politique, économique et sociale existante, elles ont envisagé des améliorations, voire des créations ambitieuses, pour faciliter la vie des citoyens.
Le rêve alors n'a jamais visé l'impossible, mais pour avoir voulu l'imposer brutalement, on a trop souvent atteint l'enfer sur terre si justement prédit par Karl POPPER :
", il est déraisonnable de supposer qu'une transformation totale de l'organisation de la société puisse conduire tout de suite à un système qui fonctionne de façon convenable. Il y a toutes les chances que, faute d'expérience, de nombreuses erreurs soient commises."
Car, pour POPPER, le "rêve envoûtant d'un monde merveilleux n'est qu'une vision romantique. Cherchant la cité divine tantôt dans le passé, tantôt dans l'avenir, prônant le retour à la nature ou la marche vers un monde d'amour et de beauté, faisant chaque fois appel à nos sentiments et non à notre raison, il finit toujours par faire de la terre un enfer un voulant en faire un paradis."
"Il" c'est l'extrémiste, celui qui, si les moyens lui en sont donnés ou s'il les conquiert, impose son rêve, sa vision.
L'histoire contemporaine, celle du XXème siècle, a hélas discrédité l'utopie et laissé trop souvent ces extrémistes réaliser leur enfer et nous le faire partager.
Construction imaginaire, l'utopie serait-elle donc, a priori, hors de portée de l'être humain ?
Certes non, car portant le besoin de transformer le monde et l'être humain pour les améliorer, pour les perfectionner, elle peut être le but ultime à atteindre par une succession de corrections des imperfections et des erreurs qui obèrent l'avenir.
Lamartine l'avait compris qui affirmait : " Les utopies ne sont souvent que des vérités prématurées ". C'est dans cette optique que je veux résolument me placer en évoquant devant vous la parité et l'Europe.
Je commencerai par dire que la parité, concept apparu dans les années 90 pour réclamer une participation équilibrée des hommes et des femmes aux instances de décision politiques, a peu à peu cédé la place au concept de démocratie paritaire, dont personnellement je me réclame, pour étendre la participation équilibrée à tous les domaines de l'activité humaine. En cela, comme l'a souligné à plusieurs reprises le Premier ministre, "la parité est un humanisme". Nous verrons plus tard que c'est une utopie qui n'a rien d'une chimère.
"Egalité de traitement", "égalité des chances" ou simplement "égalité" sont des concepts, souvent mal interprétés, qui, pendant longtemps, ont servi de prétexte au maintien du statu quo. Je ne veux naturellement pas dire que rien de positif n'a été fait, mais la juste ambition des femmes à partager la prise de décision, donc les choix de vie et les choix de société, se heurtait toujours au fameux plafond de verre.
Nos démocraties européennes ont évolué différemment, certaines mettant davantage l'accent sur l'égalité professionnelle, d'autres sur l'égalité dans la décision politique. Mais il ne faut pas nous cacher que les hommes ont conservé leur monopole dans les véritables lieux de pouvoir, dans l'économie pour les sociétés libérales ou ultra-libérales, dans la politique pour les Etats plus centralisés.
Force est de constater, toutefois, que le mouvement pour la parité et la mise en place de la démocratie paritaire s'est développé dans un double échange, de la Communauté vers les Etats membres et vice-versa.
C'est une synergie, toujours en place, qui fait progresser la démocratie paritaire au sein de l'Union grâce aux échanges et bonnes pratiques mises en évidence dans les Etats membres et par eux, alors qu'en retour, l'Union européenne aide -et souvent les aiguillonne- pour qu'ils optimisent leurs politiques en faveur de la parité.
Ainsi, pour la France notamment, le rôle de l'Union européenne a-t-il été important.
C'est à Athènes, en 1992, qu'a été signé l'acte de naissance de la parité, dans une conférence ministérielle informelle mais dont la Déclaration a fait date.
Portée par les travaux du réseau d'experts "femmes dans la prise de décision" mis en place par la Commission, la Déclaration a attiré l'attention et mobilisé sur ce nouveau concept qui, balayant les quotas, reconnaît la dualité du genre humain, remet en cause l'universalité et bouscule des siècles d'organisation des différentes sociétés européennes, dont la société française.
Athènes fut le point de départ d'une revendication inimaginable jusqu'alors : autant de femmes que d'hommes dans les assemblées politiques élues !
La France, qui - c'est une litote - n'était pas exemplaire en ce domaine, se retrouva aiguillonnée non seulement par les féministes les plus connues, chercheuses, universitaires ou politiques, dont les débats et controverses s'exposaient dans de multiples colloques et jusque dans la presse grand public, mais également par d'innombrables femmes, militantes inconnues ou simples électrices, découvrant un débat politique enfin digne de leur intérêt.
Et nul n'a oublié, Madame la présidente, le succès de la conférence organisée par la Grande Loge Féminine, salle Gaveau, et l'écho qu'elle a rencontré.
La classe politique s'est défendue, mais mollement. Il était difficile d'afficher une opposition ouverte à la parité et, bien entendu, ce furent quelques féministes qui s'en chargèrent, avec pour seul résultat de se marginaliser elles mêmes. [On les retrouve du reste dans leur superbe isolement sur bien d'autres sujets].
La parité politique était en marche. Elle n'eut pas d'opposant de poids dans le grand débat organisé à l'Assemblée nationale, en 1997, par le Gouvernement d'Alain JUPPE. Elle n'en eut pas davantage quand Lionel JOSPIN proposa la réforme constitutionnelle de 1999, puis les lois qui suivirent.
La loi du 6 juin 2000 sur l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives a inscrit la parité comme objectif. Mais les moyens mis en oeuvre ont été plus ou moins efficaces selon les types d'élections.
Pour les élections au scrutin de liste, la loi impose la mixité des listes et les résultats ont été, dans l'ensemble, satisfaisants.
Les élections municipales de mars 2001 ont marqué un progrès considérable. Dans les conseils municipaux des communes de 3500 habitants et plus, la proportion de femmes est désormais de 47,5 %.
C'est un progrès essentiel, à la fois parce que les communes sont le coeur de notre démocratie et parce que les conseils municipaux sont un vivier où se recrute la classe politique nationale. Ils constituent également une partie importante du collège des grands électeurs et c'est, espérons-le, par cette voie que la mixité pourra s'installer au Sénat.
Pour les élections législatives au scrutin uninominal, la loi a prévu un système d'incitations financières qui a montré son peu d'efficacité, puisque seulement 12,3 % de femmes ont rejoint les bancs de l' Assemblée nationale. Toutefois, le déséquilibre de la représentation nationale a été dénoncé par tous les médias. L'auraient-ils fait il y a dix ans ? Je vois dans cette réprobation unanime un présage favorable pour influer sur les choix à venir des partis politiques.
Aujourd'hui, enfin, la parité parfaite va s'appliquer aux prochaines élections européennes et régionales. C'est un résultat dont je suis fière puisque le législateur a retenu toutes les propositions que j'avais formulées.
Bien que nous ne soyons pas encore parvenu(e)s à la parité dans les assemblées élues, il faut observer le mouvement d'échange et d'enrichissement des politiques, qui va de Union européenne vers les Etats membres, par le partage des expériences que j'ai évoqué au début de mon intervention.
L'intérêt pour l'exemple français (pour la parité politique) est très grand . Il a inspiré, par exemple, une réforme à l'Italie.
Je dois du reste signer début mai, avec mon homologue, Stefania PRESTIGIACOMO, un accord formalisant entre nos administrations un travail commun et des échanges de bonnes pratiques sur plusieurs sujets, dont la parité politique.
Parité politique, certes, mais plus encore, c'est une démocratie paritaire dans toutes ses dimensions qu'il faut mettre en place, progressivement et patiemment.
C'est la vie en société dans son ensemble, dans la famille, dans l'entreprise ou les loisirs qu'il faut reconstruire en intégrant la dimension homme/femme.
Et cette construction doit se faire en prenant en compte la dimension européenne indispensable à toute démarche pour qu'elle soit durable. Car l'Europe est une réalité et même une exigence. Nous entrons dans une ère nouvelle, qui n'est plus celle des prémices et de l'innovation, mais bien celle de l'installation et de la confirmation.
Il ne s'agit plus seulement de défendre les droits des femmes, mais de structurer la société toute entière autour de la parité, ce gène organisateur qui, au même titre que l'égalité, constitue une donnée essentielle de la modernité de notre démocratie.
Exigence sociétale et règle de droit électoral, la parité devient une dynamique nouvelle, génératrice d'équilibre et de progrès. C'est une approche globale, qui fait de l'équilibre dans la représentation politique un moteur et un vecteur d'harmonie pour la société tout entière. Il y a aussi beaucoup à faire en ce qui concerne notamment la formation et l'égalité des chances, l'égalité dans l'accès aux droits et la lutte contre les violences, et l'égalité et la parité dans la vie professionnelle. Enfin, la parité doit s'exprimer au sein de la famille, par un partage consenti des tâches qui s'y rattachent comme il y a partage des joies et des peines.
Si je suis satisfaite d'être en charge du ministère de la parité et de l'égalité professionnelle, c'est parce que cette dernière est déterminante pour atteindre notre utopie.
L'autonomie financière est un facteur important de nombreuses décisions et la perception que chaque individu a de sa propre utilité, pour et dans la société, passe souvent par la réalisation de projets professionnels. Or, toutes les statistiques, toutes les études le montrent, l'égalité professionnelle est loin d'être réalisée. Je me contenterai d'observer que la libre circulation des travailleurs et la construction européenne exigent désormais des dispositions coordonnées et convergentes.
D'où trois contraintes pour atteindre l'égalité professionnelle :
1) elle intervient dans de multiples domaines (éducation, formations initiale et continue, politique salariale, mais aussi image des rôles sexués, contraintes familiales, organisation des temps, ...);
2) elle dépend largement de rôles stéréotypés attribués aux femmes et aux hommes dans la société;
3) elle doit se réaliser en harmonie avec ou par les décisions prises au niveau européen;
Mais surtout, et plus que tout, elle doit être intégrée dans le dialogue social au niveau de l'entreprise.
Loin de moi l'idée de critiquer ce qui a été fait par mes prédécesseurs. Mais il faut bien constater que les dispositifs contraignants qui ont été mis en place dès 1983 par l'Etat, dont les services ont déployé des efforts considérables, n'ont donné que des résultats en demi-teinte. Il n'y a eu que 34 plans d'égalité professionnelle signés, auxquels s'ajoutent les deux accords d'égalité professionnelle intervenus depuis la loi du 9 mai 2001.
Ces efforts, que je compte poursuivre, ne peuvent produire d'effet que si employeurs et salariés sont mobilisés sur ce sujet et perçoivent l'importance et les enjeux de l'égalité professionnelle.
Conformément à la volonté du Gouvernement de développer le dialogue social et de privilégier la négociation, j'ai jugé indispensable d'agir dans trois directions :
- veiller à la prise en compte de la "problématique femmes" dans les discussions menées à tous les niveaux et, notamment, au sein des groupes de travail sur les 35heures, sur les retraites,
- refaire de la France un Etat membre de l'Union européenne présent à la tribune comme dans les forums de discussion, chaque fois que cela sera possible et que l'on traitera de l'égalité des chances ou de l'égalité professionnelle,
- Convaincre le monde de l'entreprise qu'il doit s'emparer de l'égalité professionnelle.
Tel était le but de la communication que j'ai présentée en Conseil des Ministres le 24 juillet 2002, quelques semaines après mon entrée en fonctions, pour définir les actions à mettre en oeuvre en faveur de l'égalité professionnelle et l'équité salariale entre les hommes et les femmes, conçue comme un principe actif du développement économique et de l'épanouissement professionnel.
C'est une démarche globale, partenariale et inscrite au plus près des territoires articulée autour de cinq axes :
- la formation dans l'égalité des chances,
- la mixité professionnelle au sein des branches et des entreprises,
- les éléments constitutifs du déroulement de la carrière,
- la réduction des écarts de rémunération
- l'articulation des temps de vie, en termes de gestion des temps et d'organisation du travail.
Certains relèvent de la compétence de l'Etat, d'autres sont de la responsabilité des partenaires sociaux. C'est à tous qu'il revient de transformer l'égalité professionnelle en un principe actif d'organisation de l'entreprise, de dynamisme économique et de progrès social.
C'était également l'objet de la table ronde ouverte par François FILLON, le 19 décembre dernier, et qui a donné le "coup d'envoi" du dialogue social sur la question. Approuvant les cinq grands axes que je viens de rappeler, les participants sont convenus notamment de mener, en concertation, la réflexion sur les cinq grands axes. Ils ont également donné leur accord à l'élaboration d'un " label égalité ", destiné à reconnaître la prise en compte de l'égalité professionnelle dans la gestion des ressources humaines par les entreprises qui en auront fait un élément fort de leur responsabilité sociale.
Un premier point d'étape sera réalisé à la fin de ce semestre.
Je veux, là encore, souligner l'apport des expériences étrangères. Le voyage que j'ai récemment effectué en Norvège m'a permis de découvrir des pratiques de conciliation de la vie de l'entreprise avec la vie privée de ses salariés qui montrent leur efficacité. Je suivrai également très attentivement la mise en place d'une représentation équilibrée des femmes au sein des conseils d'administration des entreprises.
Madame la Présidente, j'ai sans doute déjà trop parlé.
Je voudrais encore, si vous le permettez, évoquer deux problèmes difficiles pour notre pays, pour l'Europe des Quinze et, bientôt pour l'Europe élargie.
Il s'agit, en premier lieu, de l'éradication des violences à l'égard des femmes :
- Violences sexuelles, viol, traite, prostitution.
- Violences physiques, familiales ou perpétrées par un tiers;
- Violences morales et psychiques comme le harcèlement et les agressions verbales ou par l'image.
L'Union européenne a ouvert la voie sur le harcèlement ou sur la traite des femmes. Mais il reste beaucoup à faire et dans certains domaines des divergences de vue et d'appréciation demeurent, tant au niveau de la société française qu'au niveau européen, comme sur la prostitution, par exemple.
Pour ma part, je me suis depuis toujours fixé une ligne de conduite, celle du respect de la dignité de la personne humaine.
C'est une grande exigence et le seul point d'intolérance pour moi. Nul ne doit, nul ne peut porter atteinte à la dignité d'un être humain, sous peine d'être sévèrement puni.
C'est dans cet esprit que je prépare un dispositif destiné à éloigner le conjoint violent du domicile conjugal et que j'ai entrepris une série de consultations déjà très avancées pour mettre en application l'article 13 du traité CE en ce qui concerne les discriminations fondées sur le sexe ou l'orientation sexuelle.
Ce n'est pas facile, mais c'est indispensable.
Le second problème difficile et le dernier point que je voudrais évoquer aujourd'hui, est celui de l'intégration réussie des personnes issues de l'immigration venues de pays où les femmes sont encore considérées comme inférieures.
Quand j'évoque l'intégration, je pense à l'intégration des femmes et des hommes. La récente marche des femmes des quartiers difficiles a, en quelque sorte, "rappelé à l'ordre" les politiques et les décideurs.
La France, pays des droits de l'Homme, arrêterait-elle ses valeurs fondamentales aux frontières de certains quartiers devenus lieux de non-droit ?
Naturellement, il ne peut en être question et c'est toute la politique d'intégration qui est à revoir. Vous le savez, le Gouvernement et, notamment, François FILLON ont entrepris ce grand chantier.
Pour ma part, j'ai réuni ce jeudi, 27 mars, les cabinets ministériels concernés, les responsables des directions du ministère des affaires sociales, du travail et de la solidarité, pour entendre les jeunes filles des quartiers et celles de la marche préciser leurs attentes et déterminer les actions et les partenariats que nous développeront avec elles.
Le Premier ministre souhaite en effet qu'un plan d'action concret, rapide et parfaitement adapté aux quartiers, soit mis en place. Je m'y emploie avec le concours de ces jeunes filles et jeunes femmes qui ont brisé l'OMERTA; elles nous ont parlé, mais beaucoup d'entre elles sont encore silencieuses, invisibles dans leurs quartiers.
C'est un enjeu essentiel. Toutes les jeunes filles issues de l'immigration ne rencontrent pas des difficultés et certaines sont même des exemples de réussite. Mais il existe, aujourd'hui, des lieux où vouloir choisir librement sa vie peut la mettre en danger.
Aujourd'hui ! en France ! et en bien d'autres pays européens !
Il faut que la communauté européenne se penche sur cette question, sur ces dangers.
Je sais que la Grande Loge Féminine soutient le combat de ces jeunes femmes. Comme vous, je suis profondément convaincue que la fraternité peut et doit s'exprimer aussi au féminin.
Aujourd'hui l'Europe nous guide encore. Que ce soit pour le suivi de la conférence mondiale de Pékin, pour la mise en place de l'approche intégrée de genre - le mainstreaming -, toutes les réflexions sont menées en commun.
L'introduction de la méthode ouverte de coordination et la définition d'indicateurs communs sont autant de signes de notre avenir commun.
Et que dire des travaux de la Convention ?
Alors, en conclusion,
Cette utopie partagée d'un monde où la dignité de l'être humain est respectée et où la démocratie règne dans la parité est-elle un rêve, du domaine de l'imaginaire ?
Ou bien est-elle un chantier patient et déterminé que nous menons ensemble ?
Poser la question, ici, devant vous et avec vous, c'est déjà donner la réponse. Celle qu'ensemble, nous attendons.
(source http://www.social.gouv.fr, le 5 août 2003)