Article de M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères, dans "International Herald Tribune" du 11 janvier 2000, sur la convention internationale pour la répression du financement du terrorisme.

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Circonstance : Signature le 10 janvier 2000 de la convention internationale pour la répression du financement du terrorisme par la France et les Etats-Unis

Média : International Herald Tribune - Presse étrangère

Texte intégral

Le 10 janvier prochain, la France et les Etats-Unis seront parmi les premiers Etats à signer une convention internationale pour la répression du financement du terrorisme récemment adoptée par les Nations Unies et ouverte à la signature ce même jour. Cette convention illustre la nécessité, pour une société internationale chaque jour plus interdépendante et où croit la libre circulation, de se doter parallèlement d'instruments de coopération plus efficaces contre le terrorisme, tout en cherchant sans relâche des solutions aux drames politiques et humains qui le nourrissent.
N'importe qui, n'importe où dans le monde, peut être frappé par une action terroriste aveugle mais calculée pour créer un climat de terreur et tenter de déstabiliser les sociétés et les Etats. Le terrorisme tire profit des maillons les plus faibles ou les moins contrôlés du système international ; il installe ses bases là où les Etats sont faibles ; il recherche des appuis auprès de populations dont la situation économique et sociale ou politique entretient le désespoir ou la haine ; en même temps, il utilise les moyens de communication les plus modernes et les procédures de dissimulation financière les plus sophistiquées.
A l'ouverture de la session de l'assemblée générale des Nations unies, en septembre 1998, soit au lendemain des attentats de Dar Es Salaam et de Nairobi, et quelques jours avant celui d'Omagh en Irlande du Nord, j'ai proposé de faire porter notre effort commun sur le nerf de cette guerre, c'est-à-dire sur les moyens financiers des réseaux terroristes ; et pour cela, de compléter les onze conventions internationales déjà existantes par une "convention universelle contre le financement du terrorisme". Une approche plus globale que celle qui avait été retenue jusqu'à présent en matière de terrorisme, ciblée sur la répression d'actes déterminés, comme le détournement d'avion ou la prise d'otages me paraît en effet indispensable. Et c'est cette convention, négociée en à peine plus d'un an, avec le soutien actif de nos principaux partenaires, à commencer par les Etats-Unis, qui est ouverte à la signature à partir du 10 janvier 2000.
Cette convention va permettre de lutter directement, et non plus par le seul biais de l'incrimination de complicité, contre ceux qui financent les actes de terrorisme, et de combattre les attentats terroristes qui ne relèvent jusqu'ici d'aucune convention spécifique, comme ceux qui ne sont pas réalisés à l'aide d'explosifs. Je ne prendrai ici pour exemple que le terrible attentat de Louxor en Egypte en 1997.
Les circuits du financement du terrorisme sont évidemment camouflés, donc opaques et complexes. Sans une coopération totale et constante de toutes les institutions financières, il est impossible de les détecter et de les combattre. Cette nouvelle convention répond à ce besoin par des dispositions, tirées des 40 recommandations du Groupe d'action financière internationale, qui permettront l'identification, la surveillance et le signalement des opérations financières suspectes. Elle prévoit en outre la possibilité de saisir ou de confisquer des actifs ; elle renforce les mécanismes d'entraide judiciaire, car cette entraide ne pourra plus être refusée en invoquant le secret bancaire ou le caractère uniquement fiscal d'une infraction. L'ensemble de ces mesures contribuera à mieux prévenir, à mieux réprimer, mais aussi à indemniser les victimes, à l'aide des sommes qui pourront être confisquées à cette fin par les tribunaux qui seront saisis au titre de cette convention.
Les signataires de cette convention manifesteront, par leur engagement, leur détermination à lutter contre les terroristes et tous ceux qui les protègent, les financent et les abritent, qu'il s'agisse de particuliers, d'organisations ou d'Etats.
N'oublions pas cependant qu'il reste aussi indispensable de poursuivre inlassablement nos efforts pour faire disparaître les fléaux économiques et sociaux dont se nourrit le terrorisme, de résoudre les situations de crises, d'apporter des solutions politiques durables aux conflits et aux foyers de tensions, exploités sinon par des idéologies de la violence. C'est l'un des grands enjeux de la constitution d'une société internationale plus solidaire, fondée sur l'Etat de droit et le respect des droits civils et politiques, comme des droits économiques, culturels et sociaux énoncés dans la Déclaration universelle des Droits de l'Homme./.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 12 janvier 2000)