Texte intégral
Monsieur l'Ambassadeur,
Mesdames,
Messieurs,
Ce colloque franco-suédois sur l'utilisation du charbon et les carburants de substitution est le deuxième de ce type : il s'inscrit dans le prolongement du colloque sur les économies d'énergie et les réseaux de chaleur qui a eu lieu à Stockholm en janvier 1981, et illustre la continuité des relations et la volonté de rapprochement entre nos deux pays.
Cet échange d'informations entre la Suède et, la France, que je souhaite durable et régulier, me paraît du plus, haut intérêt.
La Suède et la France sont, parmi les grands pays d'Europe, les deux nations dont la situation énergétique est la plus comparable : la faiblesse de leurs ressources énergétiques domestiques, leur extrême dépendance extérieure dans le domaine du pétrole contrastent avec la relative abondance de leurs réserves hydroélectriques, l'importance de leur potentiel forestier et plus généralement de leurs ressources en biomasse, et avec l'existence de réserves d'uranium qui sont loin d'être négligeables.
Face à des problèmes énergétiques qui sont assez semblables, nos politiques énergétiques respectives présentent des points de convergence importants. Cela est particulièrement vrai si l'on compare la politique énergétique que la France s'est choisie depuis le mois de mai dernier à celle de la Suède : elle s'en rapproche par l'attention nouvelle qui est portée aux initiatives locales, la volonté de décentralisation, le souci de mettre en place un cadre institutionnel dans le domaine de l'énergie qui soit démocratique, l'accent mis sur la priorité à l'intensification des économies d'énergie, ou encore par la volonté de promouvoir un développement et une utilisation plus diversifiés de l'énergie, qui s'éloignent du tout pétrole sans pour autant tomber dans l'ornière du tout nucléaire.
Au cours de ces deux journées, vous avez entendu des exposés fort enrichissants sur deux aspects spécifiques de la politique énergétique : l'utilisation du charbon et les carburants de substitution.
J'aimerais en souligner l'intérêt, pour la France comme pour la coopération énergétique franco-suédoise, mais je voudrais auparavant les resituer dans leur contexte d'ensemble, celui de la nouvelle politique énergétique française.
I - Les changements intervenus dans la politique énergétique française depuis l'année dernière vont dans le sens de la démocratie, de la décentralisation, d'une croissance énergétique mieux maîtrisée, et d'un développement des énergies plus diversifié.
C'est dès le mois de juin 1981 que le Président de la république française, M. Mitterrand, a annoncé la mise au point d'un plan d'indépendance énergétique renforcée, fondé à la fois sur une plus grande diversité dans le développement et l'utilisation des sources d'énergie, et sur un accroissement des économies d'énergie.
Préparé durant l'été, ce plan a été présenté par le gouvernement au parlement, qui l'a approuvé à l'issue du débat sur l'énergie qui a eu lieu à l'Assemblée nationale les 6 et 7 octobre 1981.
Expression d'une volonté politique, le plan d'indépendance énergétique français définit une politique énergétique nouvelle à la fois dans son contenu et dans ses modalités : le gouvernement français s'est proposé de faire autre chose que son prédécesseur et il a voulu faire les choses autrement.
Dans ses orientations, la nouvelle politique énergétique française s'ordonne autour de trois grands axes :
- une action vigoureuse et rigoureuse d'économies d'énergie ;
- un recours accru aux énergies nationales de remplacement : énergie solaire, biomasse, géothermie, réseaux de chaleur, charbon, l'énergie nucléaire y jouant un rôle, mais non un rôle principal ni a fortiori unique ;
- la diversification des approvisionnements énergétiques.
En terme de bilan énergétique, ce plan d'indépendance énergétique conduit aux projections chiffrées suivantes à l'horizon 1990 :
- sur la base d'une hypothèse de croissance forte (5 % par an) qui constitue l'hypothèse de référence du gouvernement français, la consommation d'énergie s'élèvera en 1990 à 232 MTEP, contre 189 MTEP en 1981. Le rapport croissance énergétique/croissance économique correspondant est de 0,46.
- le pétrole représentera 30 à 32 % du bilan énergétique, l'énergie nucléaire 26 à 28 %, le charbon 13 à 17 %, le gaz 13,5 à 17 % et les énergies renouvelables 10 à 12 %.
- la diminution de la part du pétrole dans le bilan énergétique est sensible, puisqu'elle passera de la moitié de nos besoins en 1981 à moins du tiers en 1990.
La réduction de la consommation de pétrole en valeur absolue sera également importante, puisque celle-ci sera de 70 à 75 MT en 1990 contre 93 MT actuellement.
- La réalisation de ce plan implique en outre un net abaissement de notre taux de dépendance énergétique extérieure, qui passera de 67 % en 1981 à 50 % environ en 1990.
Mais par delà l'exposé un peu aride des chiffres, la signification du plan français d'indépendance énergétique apparaît clairement si l'on considère les changements qu'il introduit par rapport à la politique énergétique antérieure.
Quels sont ces changements ?
a) Davantage de démocratie, d'abord.
C'est ainsi que pour la première fois en France, le Parlement a pu débattre de l'ensemble de la politique énergétique du gouvernement, et se prononcer par un vote à l'issue de ce débat.
Dans la même optique - celle d'un renforcement des pouvoirs du Parlement face à l'exécutif - est créé un office pour l'évaluation des choix technologiques. Organisme technique mis à la disposition du Parlement, cet office à pour mission d'informer les parlementaires, de leur faire des propositions et suggestions, et plus généralement d'éclairer leurs choix.
Parallèlement est mise en place une délégation parlementaire permanente pour l'énergie, disposant de larges pouvoirs d'enquête auprès des administrations et des opérateurs publics et privés, et pouvant intervenir publiquement et éditer sous son sigle tous documents utiles.
La démocratie, c'est aussi la démocratie locale : le gouvernement a décidé sur ce point d'instituer des commissions locales d'information ; créées à l'initiative des élus sur chacun des sites concernés par les grands équipements énergétiques, sur le modèle de celles qui fonctionnent, à titre expérimental, à Nogent et à La Hague.
La démocratie, c'est encore la réforme de la procédure d'enquête d'utilité publique, procédure qui concerne, en France, l'implantation locale des grands équipements énergétiques comme les centrales nucléaires.
A cet égard, la place de l'enquête dans le processus de décision sera mieux définie, l'information fournie sera améliorée, et un caractère contradictoire sera apporté au débat.
b) Davantage de démocratie, mais aussi davantage de décentralisation.
Dans mon esprit, cela signifie une meilleure répartition des compétences entre l'Etat et les instances décentralisées, régions et collectivités locales. Ainsi, peuvent relever de ces dernières le développement des énergies nouvelles et renouvelables, énergies décentralisées par excellence, et tout ce qui concerne l'utilisation rationnelle de l'énergie à travers notamment l'urbanisme, le logement, les transports en commun.
Le rôle des régions va se trouver considérablement accru ; d'abord, parce que chaque région aura pour tâche d'élaborer un plan énergétique régional qui tiendra compte des prévisions démographiques et économiques à son échelon, et qui inclura des objectifs d'économies d'énergie et d'énergies nouvelles.
Mais aussi parce que le gouvernement vient de proposer aux régions de mettre en place des agences régionales de l'énergie. Ces agences qui seront placées auprès de chacun des conseils régionaux, en constitueront la prolongation permanente dans le domaine de l'énergie. Elles auront pour tâche d'animer la réflexion régionale dans le domaine de l'énergie, de préparer le plan énergétique régional, de définir et mettre uvre une politique régionale de formation et d'information, de gérer des aides financières décentralisées, et d'apporter une assistance technique aux collectivités locales en matière d'énergie.
c) Le plan français d'indépendance énergétique, c'est également davantage d'économies d'énergie pour la France.
Le nouveau gouvernement français a choisi de mettre l'accent, davantage que par le passé, sur une politique visant à agir sur la demande d'énergie, à la "maîtriser", dans son volume et dans son contenu. Il entend pour cela exploiter de façon plus intensive le gisement national d'économies d'énergie, et dissocier davantage croissance économique et croissance énergétique, de manière à ce que celle-ci ne soit plus un obstacle pour celle-la.
Le gouvernement s'est donc fixé des objectifs d'économies d'énergie très ambitieux puisque ces économies, que l'on définit en France comme la différence entre la consommation théorique extrapolant les tendances antérieures à 1973 et la consommation réelle, devront passer de 24 MTEP en 1980 à 60-65 MTEP en 1990.
Cela implique, naturellement, une accélération considérable de l'effort d'investissements dans le domaine des économies d'énergie, puisque celui-ci devra s'élever à 35-40 milliards de F en moyenne annuelle sur l'ensemble de la décennie, contre 14 milliards seulement en 1980. A cet effet, un nouveau dispositif financier d'ensemble est en train d'être mis en place.
d) Le plan d'indépendance énergétique de la France, c'est enfin davantage de diversité dans le développement et l'utilisation des sources d'énergie
Sur ce point, la préoccupation centrale du gouvernement français, c'est que la France échappe à la dépendance pétrolière sans tomber du même coup dans une autre forme de dépendance, nucléaire notamment.
C'est pourquoi nous avons décidé de poursuivre un programme électronucléaire important, mais raisonnable, qui tienne compte du moindre coût de cette source d'énergie, sans pour autant constituer la solution unique, ni même principale, du problème énergétique français.
Le programme électronucléaire a donc été révisé en baisse, afin de donner à l'énergie nucléaire sa juste place dans le nouveau bilan énergétique pour 1990 : ce bilan prévoyant une moindre croissance des besoins en énergie, les besoins en électricité seront moindres, et on peut alors se contenter d'un programme nucléaire plus limité.
C'est donc une place raisonnable que le gouvernement et le Parlement ont assigné à l'énergie nucléaire, puisque sa contribution en 1990 sera de l'ordre de 60 à 66 MTEP pour une consommation totale de 232 MTEP. C'est en même temps une place importante : 26 à 28 % du bilan énergétique, soit une production trois fois supérieure à la production actuelle.
Une plus grande diversité énergétique, cela veut dire moins de pétrole qu'actuellement, moins de nucléaire que dans les prévisions antérieures, mais aussi davantage de charbon et davantage d'énergies nouvelles.
Davantage de charbon, cela signifie accroître la consommation nationale, mettre fin à la régression de la production et intensifier l'exploration charbonnière sur le territoire national. J'aurai l'occasion d'y revenir tout à l'heure.
Utiliser d'avantage d'énergies nouvelles et renouvelables, c'est augmenter fortement leur contribution à l'horizon 1990. Nous nous sommes fixés, à cet égard, comme objectif de tripler la part des seules énergies nouvelles dans le bilan énergétique de la France d'ici à 1990. La contribution globale des énergies nouvelles sera alors comprise dans une fourchette de 10 à 14 MTEP, dont 1,5 pour l'énergie solaire, 1 à 1,5 MTEP pour la géothermie, et 7 à 10,5 MTEP pour la biomasse.
Pour atteindre cet objectif, nous avons pris la décision de multiplier par 3 les crédits de recherche qui seront consacrés aux énergies nouvelles d'ici à 1985.
J'en arrive maintenant à ce qui fait plus précisément l'objet de ce colloque.
II - Dans le contexte global que je viens d'évoquer, l'utilisation du charbon et le développement des carburants de substitution représentent deux priorités nationales essentielles.
Pourquoi le charbon ? Et pourquoi les carburants de substitution ?
Il existe d'abord, des motifs d'ordre général qui résultent de notre politique énergétique d'ensemble.
Nous avons vu en effet que la diversification du bilan énergétique national passait par un développement prioritaire d'énergies alternatives telles que le charbon et les énergies nouvelles. Or le principal obstacle à la pénétration de ces deux types d'énergie tient à leur difficulté d'utilisation.
Développer les utilisations du charbon et les carburants de substitution produits à partir de la biomasse ou du charbon, c'est promouvoir les vecteurs indispensables à la pénétration de ces énergies de remplacement et, par conséquent, réduire notre dépendance pétrolière.
C'est en même temps permettre une utilisation accrue d'énergies en grande partie d'origine nationale, et aller ainsi dans le sens d'une indépendance énergétique extérieure accrue.
Mais il existe aussi des motifs plus spécifiques.
a) Je ne reviendrai pas sur la politique charbonnière française dont l'exposé vous a été présenté hier. Mais je voudrais souligner ce qui fait l'intérêt d'une relance du charbon pour un pays comme la France :
- A la suite des deux chocs pétroliers successifs de 1973-1974 et de 1979-1980, le charbon est redevenu moins cher que le fuel, non seulement pour la production d'électricité d'origine thermique, mais aussi pour l'industrie.
Et ce qui s'est révélé une bonne opération pour Electricité de France et plus récemment pour les cimentiers peut l'être demain pour l'ensemble des industriels.
Le charbon dispose ainsi de deux débouchés à court terme rentables : l'industrie et les chaufferies collectives, sans parler de la poursuite, économiquement justifiée, des conversions au charbon de centrales thermiques à fuel.
- Mais le charbon a aussi un avenir à plus long terme.
Energie du passé, le charbon est en même temps une énergie du futur, si les progrès technologiques susceptibles d'en rendre l'utilisation moins polluante et moins encombrante sont menés à leur terme.
C'est tout l'intérêt des recherches évoquées au cours de la journée d'hier dans le domaine des techniques de combustion du charbon, et surtout dans celui des techniques de gazéification, en surface dans un premier temps, et souterraine dans une étape ultérieure, qui permettra une meilleure valorisation des réserves difficilement accessibles.
- Le retour au charbon se justifie aussi par l'existence d'une ressource nationale qu'il convient de valoriser au mieux. Le gouvernement français a, sur ce point, la volonté de ne négliger aucune des ressources énergétiques fossiles extraites du sous-sol national, sous réserve que leur coût d'exploitation demeure acceptable par rapport aux prix du marché mondial.
Cette préoccupation vaut, en particulier, pour le charbon, comme en témoignent les décisions qui ont été prises en matière de relance de la production charbonnière et de l'exploration du sous-sol national.
- Il convient de mentionner, en outre, l'existence, dans notre pays, d'un potentiel humain et technologique important dans le domaine du charbon. Ce potentiel mérite d'être préservé, mis en valeur et développé tant au stade de la production qu'à celui de la consommation, sur le territoire national comme à l'étranger. La France a, à cet égard, un rôle à jouer dans le développement mondial de la production et du commerce du charbon.
b) J'en viens à présent au développement des carburants de substitution, qui est aujourd'hui, ainsi qu'en témoigne le débat récent au Parlement sur la politique énergétique et l'effort budgétaire volontariste consacré, une des priorités indiscutables du gouvernement.
Pourquoi cette priorité et, tout d'abord, pourquoi s'engager aujourd'hui dans cette voie considérée encore, il y a peu d'années, comme incertaine ?
Parce que depuis trois ans un nouveau choc pétrolier subi de plein fouet par les pays consommateurs est venu modifier profondément la scène énergétique mondiale, tant en ce qui concerne les prix que la perception encore plus aiguë, qu'ont des pays tels que la France de la vulnérabilité de leur approvisionnement. Examinons ces deux points.
La question des prix en premier lieu :
- De l'automne 1978 à l'automne 1981, le prix moyen du pétrole brut approvisionnant la France est passé de 12 $/BL à 37 $/BL, soit une augmentation de 200 %, ou 25 $BL.
Ceci ne pouvait être sans effet sur l'écart de compétitivité qui séparait - et qui sépare encore - la plupart des carburants de substitution des carburants hydrocarbonés traditionnels issus du raffinage du pétrole brut.
Cet écart s'est donc réduit fortement et, de la même façon que lorsque s'abaisse le niveau de la mer on voit apparaître des îlots de terre auparavant immergés, de même observe-t-on que certains produits hier trop coûteux sont aujourd'hui compétitifs avec les carburants pétroliers comme certains éthers, ou encore le méthanol.
La deuxième considération qui justifie le regain d'intérêt accorde aux carburants de substitution a trait à la vulnérabilité de notre approvisionnement pétrolier et par voie de conséquence, de l'approvisionnent en énergie du secteur des transports.
Les événements politiques et pétroliers de ces trois dernières années ont souligné encore davantage, s'il en était besoin, la fragilité de l'approvisionnement pétrolier européen et de la France en particulier : crise iranienne, conflit entre l'Irak et l'Iran, qui a nécessité de remplacer sans préavis le quart de notre approvisionnement, persistances de tensions politiques au Proche-Orient enfin, dont provient 70 % de notre pétrole brut, la moitié de celui-ci étant importé d'un seul pays producteur.
Face à cette situation, il est un fait que le secteur des transports est plus vulnérable que d'autres. A l'exception marginale près de l'électrification ferroviaire en effet, le secteur des transports est le seul secteur d'activité économique essentiel à la vie de la nation sur lequel aucune substitution significative des hydrocarbures n'est à ce jour entamée.
En cas de crise profonde et durable de notre approvisionnement pétrolier, les pouvoirs publics seraient contraints, a l'évidence, de mettre à disposition des consommateurs des carburants de substitution quel qu'en soit alors le prix, et au seul vu de considérations de disponibilités technologiques, industrielles et en matières premières.
Il sera alors précieux de disposer d'un savoir-faire et de quelques productions marginales susceptibles très rapidement d'être mises en uvre à grande échelle.
Notre effort de recherche et développement technologique des carburants de substitution apparaît ainsi, au-delà de l'objectif permanent d'économie d'hydrocarbures importés, comme une garantie, acquise à un prix relativement modéré, contre une crise grave d'approvisionnement. Le coût de ce programme doit se comparer de ce point de vue à une prime d'assurance.
Ce n'est pas bien sûr la seule justification du développement des carburants de substitution, même si c'est dans mon esprit une des plus importantes. D'autres intérêts majeurs expliquent également la nécessité de ce programme :
- L'avenir à moyen et long terme de l'industrie automobile : les réflexions en cours en France mais aussi dans d'autres pays européens comme l'Allemagne fédérale et la Suède sur la définition de nouveaux carburants éventuels conditionnent en partie la définition des automobiles qui seront construites en Europe entre 1990 et 2000.
- La possibilité effective d'utiliser à terme de 10 ou 15 ans des carburants non pétroliers là où le pétrole est roi pourrait être de nature à modifier assez sensiblement les perspectives à long terme du marché pétrolier entre pays producteurs et pays consommateurs, tant en ce qui concerne les quantités disponibles que les prix, du fait de l'existence d'une référence de substitution incontestée.
- Enfin, l'éventualité de cultures énergétiques spécialisées pourrait constituer une nouvelle chance pour l'agriculture française confrontée aux excédents structurels de production que l'on sait.
Les deux journées de ce colloque auront, je le pense, montré de façon éclatante la synergie étroite qui existe entre nos efforts dans le domaine des utilisations du charbon et du développement des carburants de substitution.
La Suède et la France accordent l'une et l'autre une priorité nationale à ces deux domaines, dans lesquels leur effort de recherche est particulièrement avancé. Elles ont un intérêt évident à mettre en place une coopération plus étroite.
Pour ma part, je souhaite que cette coopération se développe et se renforce.
En matière de carburants de substitution, j'exprimerai le vu qu'une concertation plus poussée s'organise entre nos administrations. Sur ce point, l'administration suédoise pourrait, par exemple, désigner un correspondant à la direction des hydrocarbures chargée en France de la conduite du programme de développement des carburants de substitution.
Nous ne verrions, par ailleurs, pour notre part, que des avantages à ce que se développe une coopération technique plus poussée entre nos constructeurs automobiles nationaux. Cette coopération pourrait constituer un préalable susceptible de déboucher un jour sur des programmes technologiques communs dans le domaine des moteurs adaptés aux carburants de substitution.
De même, pourrait se développer un échange d'information entre les deux pays sur les essais de flottes de véhicules de carburants de substitution à faible teneur en composés oxygénés.
La coopération technique entre la Suède et la France pourrait encore concerner l'étude de la pollution atmosphérique et de la toxicité pour les travailleurs susceptible d'être apportées par les carburants de substitution, ou la mise au point d'une filière de production utilisant des matières premières nationales propres aux deux pays comme le méthanol produit à partir du bois.
Dans le domaine du chardon, un échange d'information concernant les technologies de combustion, ou les expériences et les résultats acquis en matière de gazéification, pourrait se développer utilement entre nos deux pays.
Les premiers contacts qui ont lieu au cours de la journée d'hier entre les représentants suédois et français des administrations et de l'industrie peuvent, à cet égard, créer les conditions d'un dialogue plus régulier et plus poussé, et faire naître des occasions fructueuses de coopération charbonnière entre nos deux pays.
De façon plus générale, j'exprimerai le souhait que se multiplient entre la Suède et la France des rencontres régulières prenant la forme de ce colloque ou toute autre forme.
Je prendrai contact avec mon collègue suédois, M. ELIASSON, pour voir avec lui de manière concrète dans quels autres domaines et de quelle manière la coopération franco-suédoise peut se développer.
Cette coopération sera, à l'évidence, facilitée par les nombreux contacts qui ont eu lieu au sein de l'association franco-suédoise pour la recherche.
La Suède et la France ont, j'en suis convaincu, beaucoup à apprendre l'une de l'autre. Nous avons toujours été, nous français, très admiratifs des exemples qui nous sont venus de Suède, qu'ils touchent aux progrès technologiques, ou à ceux de l'économie, de la société, et des institutions politiques.
C'est pourquoi, je ne peux que me féliciter de la volonté de rapprochement politique qui existe entre nos deux pays, et espérer qu'elle se concrétise rapidement par une coopération à la fois suivies, étroite et confiante.
Mesdames,
Messieurs,
Ce colloque franco-suédois sur l'utilisation du charbon et les carburants de substitution est le deuxième de ce type : il s'inscrit dans le prolongement du colloque sur les économies d'énergie et les réseaux de chaleur qui a eu lieu à Stockholm en janvier 1981, et illustre la continuité des relations et la volonté de rapprochement entre nos deux pays.
Cet échange d'informations entre la Suède et, la France, que je souhaite durable et régulier, me paraît du plus, haut intérêt.
La Suède et la France sont, parmi les grands pays d'Europe, les deux nations dont la situation énergétique est la plus comparable : la faiblesse de leurs ressources énergétiques domestiques, leur extrême dépendance extérieure dans le domaine du pétrole contrastent avec la relative abondance de leurs réserves hydroélectriques, l'importance de leur potentiel forestier et plus généralement de leurs ressources en biomasse, et avec l'existence de réserves d'uranium qui sont loin d'être négligeables.
Face à des problèmes énergétiques qui sont assez semblables, nos politiques énergétiques respectives présentent des points de convergence importants. Cela est particulièrement vrai si l'on compare la politique énergétique que la France s'est choisie depuis le mois de mai dernier à celle de la Suède : elle s'en rapproche par l'attention nouvelle qui est portée aux initiatives locales, la volonté de décentralisation, le souci de mettre en place un cadre institutionnel dans le domaine de l'énergie qui soit démocratique, l'accent mis sur la priorité à l'intensification des économies d'énergie, ou encore par la volonté de promouvoir un développement et une utilisation plus diversifiés de l'énergie, qui s'éloignent du tout pétrole sans pour autant tomber dans l'ornière du tout nucléaire.
Au cours de ces deux journées, vous avez entendu des exposés fort enrichissants sur deux aspects spécifiques de la politique énergétique : l'utilisation du charbon et les carburants de substitution.
J'aimerais en souligner l'intérêt, pour la France comme pour la coopération énergétique franco-suédoise, mais je voudrais auparavant les resituer dans leur contexte d'ensemble, celui de la nouvelle politique énergétique française.
I - Les changements intervenus dans la politique énergétique française depuis l'année dernière vont dans le sens de la démocratie, de la décentralisation, d'une croissance énergétique mieux maîtrisée, et d'un développement des énergies plus diversifié.
C'est dès le mois de juin 1981 que le Président de la république française, M. Mitterrand, a annoncé la mise au point d'un plan d'indépendance énergétique renforcée, fondé à la fois sur une plus grande diversité dans le développement et l'utilisation des sources d'énergie, et sur un accroissement des économies d'énergie.
Préparé durant l'été, ce plan a été présenté par le gouvernement au parlement, qui l'a approuvé à l'issue du débat sur l'énergie qui a eu lieu à l'Assemblée nationale les 6 et 7 octobre 1981.
Expression d'une volonté politique, le plan d'indépendance énergétique français définit une politique énergétique nouvelle à la fois dans son contenu et dans ses modalités : le gouvernement français s'est proposé de faire autre chose que son prédécesseur et il a voulu faire les choses autrement.
Dans ses orientations, la nouvelle politique énergétique française s'ordonne autour de trois grands axes :
- une action vigoureuse et rigoureuse d'économies d'énergie ;
- un recours accru aux énergies nationales de remplacement : énergie solaire, biomasse, géothermie, réseaux de chaleur, charbon, l'énergie nucléaire y jouant un rôle, mais non un rôle principal ni a fortiori unique ;
- la diversification des approvisionnements énergétiques.
En terme de bilan énergétique, ce plan d'indépendance énergétique conduit aux projections chiffrées suivantes à l'horizon 1990 :
- sur la base d'une hypothèse de croissance forte (5 % par an) qui constitue l'hypothèse de référence du gouvernement français, la consommation d'énergie s'élèvera en 1990 à 232 MTEP, contre 189 MTEP en 1981. Le rapport croissance énergétique/croissance économique correspondant est de 0,46.
- le pétrole représentera 30 à 32 % du bilan énergétique, l'énergie nucléaire 26 à 28 %, le charbon 13 à 17 %, le gaz 13,5 à 17 % et les énergies renouvelables 10 à 12 %.
- la diminution de la part du pétrole dans le bilan énergétique est sensible, puisqu'elle passera de la moitié de nos besoins en 1981 à moins du tiers en 1990.
La réduction de la consommation de pétrole en valeur absolue sera également importante, puisque celle-ci sera de 70 à 75 MT en 1990 contre 93 MT actuellement.
- La réalisation de ce plan implique en outre un net abaissement de notre taux de dépendance énergétique extérieure, qui passera de 67 % en 1981 à 50 % environ en 1990.
Mais par delà l'exposé un peu aride des chiffres, la signification du plan français d'indépendance énergétique apparaît clairement si l'on considère les changements qu'il introduit par rapport à la politique énergétique antérieure.
Quels sont ces changements ?
a) Davantage de démocratie, d'abord.
C'est ainsi que pour la première fois en France, le Parlement a pu débattre de l'ensemble de la politique énergétique du gouvernement, et se prononcer par un vote à l'issue de ce débat.
Dans la même optique - celle d'un renforcement des pouvoirs du Parlement face à l'exécutif - est créé un office pour l'évaluation des choix technologiques. Organisme technique mis à la disposition du Parlement, cet office à pour mission d'informer les parlementaires, de leur faire des propositions et suggestions, et plus généralement d'éclairer leurs choix.
Parallèlement est mise en place une délégation parlementaire permanente pour l'énergie, disposant de larges pouvoirs d'enquête auprès des administrations et des opérateurs publics et privés, et pouvant intervenir publiquement et éditer sous son sigle tous documents utiles.
La démocratie, c'est aussi la démocratie locale : le gouvernement a décidé sur ce point d'instituer des commissions locales d'information ; créées à l'initiative des élus sur chacun des sites concernés par les grands équipements énergétiques, sur le modèle de celles qui fonctionnent, à titre expérimental, à Nogent et à La Hague.
La démocratie, c'est encore la réforme de la procédure d'enquête d'utilité publique, procédure qui concerne, en France, l'implantation locale des grands équipements énergétiques comme les centrales nucléaires.
A cet égard, la place de l'enquête dans le processus de décision sera mieux définie, l'information fournie sera améliorée, et un caractère contradictoire sera apporté au débat.
b) Davantage de démocratie, mais aussi davantage de décentralisation.
Dans mon esprit, cela signifie une meilleure répartition des compétences entre l'Etat et les instances décentralisées, régions et collectivités locales. Ainsi, peuvent relever de ces dernières le développement des énergies nouvelles et renouvelables, énergies décentralisées par excellence, et tout ce qui concerne l'utilisation rationnelle de l'énergie à travers notamment l'urbanisme, le logement, les transports en commun.
Le rôle des régions va se trouver considérablement accru ; d'abord, parce que chaque région aura pour tâche d'élaborer un plan énergétique régional qui tiendra compte des prévisions démographiques et économiques à son échelon, et qui inclura des objectifs d'économies d'énergie et d'énergies nouvelles.
Mais aussi parce que le gouvernement vient de proposer aux régions de mettre en place des agences régionales de l'énergie. Ces agences qui seront placées auprès de chacun des conseils régionaux, en constitueront la prolongation permanente dans le domaine de l'énergie. Elles auront pour tâche d'animer la réflexion régionale dans le domaine de l'énergie, de préparer le plan énergétique régional, de définir et mettre uvre une politique régionale de formation et d'information, de gérer des aides financières décentralisées, et d'apporter une assistance technique aux collectivités locales en matière d'énergie.
c) Le plan français d'indépendance énergétique, c'est également davantage d'économies d'énergie pour la France.
Le nouveau gouvernement français a choisi de mettre l'accent, davantage que par le passé, sur une politique visant à agir sur la demande d'énergie, à la "maîtriser", dans son volume et dans son contenu. Il entend pour cela exploiter de façon plus intensive le gisement national d'économies d'énergie, et dissocier davantage croissance économique et croissance énergétique, de manière à ce que celle-ci ne soit plus un obstacle pour celle-la.
Le gouvernement s'est donc fixé des objectifs d'économies d'énergie très ambitieux puisque ces économies, que l'on définit en France comme la différence entre la consommation théorique extrapolant les tendances antérieures à 1973 et la consommation réelle, devront passer de 24 MTEP en 1980 à 60-65 MTEP en 1990.
Cela implique, naturellement, une accélération considérable de l'effort d'investissements dans le domaine des économies d'énergie, puisque celui-ci devra s'élever à 35-40 milliards de F en moyenne annuelle sur l'ensemble de la décennie, contre 14 milliards seulement en 1980. A cet effet, un nouveau dispositif financier d'ensemble est en train d'être mis en place.
d) Le plan d'indépendance énergétique de la France, c'est enfin davantage de diversité dans le développement et l'utilisation des sources d'énergie
Sur ce point, la préoccupation centrale du gouvernement français, c'est que la France échappe à la dépendance pétrolière sans tomber du même coup dans une autre forme de dépendance, nucléaire notamment.
C'est pourquoi nous avons décidé de poursuivre un programme électronucléaire important, mais raisonnable, qui tienne compte du moindre coût de cette source d'énergie, sans pour autant constituer la solution unique, ni même principale, du problème énergétique français.
Le programme électronucléaire a donc été révisé en baisse, afin de donner à l'énergie nucléaire sa juste place dans le nouveau bilan énergétique pour 1990 : ce bilan prévoyant une moindre croissance des besoins en énergie, les besoins en électricité seront moindres, et on peut alors se contenter d'un programme nucléaire plus limité.
C'est donc une place raisonnable que le gouvernement et le Parlement ont assigné à l'énergie nucléaire, puisque sa contribution en 1990 sera de l'ordre de 60 à 66 MTEP pour une consommation totale de 232 MTEP. C'est en même temps une place importante : 26 à 28 % du bilan énergétique, soit une production trois fois supérieure à la production actuelle.
Une plus grande diversité énergétique, cela veut dire moins de pétrole qu'actuellement, moins de nucléaire que dans les prévisions antérieures, mais aussi davantage de charbon et davantage d'énergies nouvelles.
Davantage de charbon, cela signifie accroître la consommation nationale, mettre fin à la régression de la production et intensifier l'exploration charbonnière sur le territoire national. J'aurai l'occasion d'y revenir tout à l'heure.
Utiliser d'avantage d'énergies nouvelles et renouvelables, c'est augmenter fortement leur contribution à l'horizon 1990. Nous nous sommes fixés, à cet égard, comme objectif de tripler la part des seules énergies nouvelles dans le bilan énergétique de la France d'ici à 1990. La contribution globale des énergies nouvelles sera alors comprise dans une fourchette de 10 à 14 MTEP, dont 1,5 pour l'énergie solaire, 1 à 1,5 MTEP pour la géothermie, et 7 à 10,5 MTEP pour la biomasse.
Pour atteindre cet objectif, nous avons pris la décision de multiplier par 3 les crédits de recherche qui seront consacrés aux énergies nouvelles d'ici à 1985.
J'en arrive maintenant à ce qui fait plus précisément l'objet de ce colloque.
II - Dans le contexte global que je viens d'évoquer, l'utilisation du charbon et le développement des carburants de substitution représentent deux priorités nationales essentielles.
Pourquoi le charbon ? Et pourquoi les carburants de substitution ?
Il existe d'abord, des motifs d'ordre général qui résultent de notre politique énergétique d'ensemble.
Nous avons vu en effet que la diversification du bilan énergétique national passait par un développement prioritaire d'énergies alternatives telles que le charbon et les énergies nouvelles. Or le principal obstacle à la pénétration de ces deux types d'énergie tient à leur difficulté d'utilisation.
Développer les utilisations du charbon et les carburants de substitution produits à partir de la biomasse ou du charbon, c'est promouvoir les vecteurs indispensables à la pénétration de ces énergies de remplacement et, par conséquent, réduire notre dépendance pétrolière.
C'est en même temps permettre une utilisation accrue d'énergies en grande partie d'origine nationale, et aller ainsi dans le sens d'une indépendance énergétique extérieure accrue.
Mais il existe aussi des motifs plus spécifiques.
a) Je ne reviendrai pas sur la politique charbonnière française dont l'exposé vous a été présenté hier. Mais je voudrais souligner ce qui fait l'intérêt d'une relance du charbon pour un pays comme la France :
- A la suite des deux chocs pétroliers successifs de 1973-1974 et de 1979-1980, le charbon est redevenu moins cher que le fuel, non seulement pour la production d'électricité d'origine thermique, mais aussi pour l'industrie.
Et ce qui s'est révélé une bonne opération pour Electricité de France et plus récemment pour les cimentiers peut l'être demain pour l'ensemble des industriels.
Le charbon dispose ainsi de deux débouchés à court terme rentables : l'industrie et les chaufferies collectives, sans parler de la poursuite, économiquement justifiée, des conversions au charbon de centrales thermiques à fuel.
- Mais le charbon a aussi un avenir à plus long terme.
Energie du passé, le charbon est en même temps une énergie du futur, si les progrès technologiques susceptibles d'en rendre l'utilisation moins polluante et moins encombrante sont menés à leur terme.
C'est tout l'intérêt des recherches évoquées au cours de la journée d'hier dans le domaine des techniques de combustion du charbon, et surtout dans celui des techniques de gazéification, en surface dans un premier temps, et souterraine dans une étape ultérieure, qui permettra une meilleure valorisation des réserves difficilement accessibles.
- Le retour au charbon se justifie aussi par l'existence d'une ressource nationale qu'il convient de valoriser au mieux. Le gouvernement français a, sur ce point, la volonté de ne négliger aucune des ressources énergétiques fossiles extraites du sous-sol national, sous réserve que leur coût d'exploitation demeure acceptable par rapport aux prix du marché mondial.
Cette préoccupation vaut, en particulier, pour le charbon, comme en témoignent les décisions qui ont été prises en matière de relance de la production charbonnière et de l'exploration du sous-sol national.
- Il convient de mentionner, en outre, l'existence, dans notre pays, d'un potentiel humain et technologique important dans le domaine du charbon. Ce potentiel mérite d'être préservé, mis en valeur et développé tant au stade de la production qu'à celui de la consommation, sur le territoire national comme à l'étranger. La France a, à cet égard, un rôle à jouer dans le développement mondial de la production et du commerce du charbon.
b) J'en viens à présent au développement des carburants de substitution, qui est aujourd'hui, ainsi qu'en témoigne le débat récent au Parlement sur la politique énergétique et l'effort budgétaire volontariste consacré, une des priorités indiscutables du gouvernement.
Pourquoi cette priorité et, tout d'abord, pourquoi s'engager aujourd'hui dans cette voie considérée encore, il y a peu d'années, comme incertaine ?
Parce que depuis trois ans un nouveau choc pétrolier subi de plein fouet par les pays consommateurs est venu modifier profondément la scène énergétique mondiale, tant en ce qui concerne les prix que la perception encore plus aiguë, qu'ont des pays tels que la France de la vulnérabilité de leur approvisionnement. Examinons ces deux points.
La question des prix en premier lieu :
- De l'automne 1978 à l'automne 1981, le prix moyen du pétrole brut approvisionnant la France est passé de 12 $/BL à 37 $/BL, soit une augmentation de 200 %, ou 25 $BL.
Ceci ne pouvait être sans effet sur l'écart de compétitivité qui séparait - et qui sépare encore - la plupart des carburants de substitution des carburants hydrocarbonés traditionnels issus du raffinage du pétrole brut.
Cet écart s'est donc réduit fortement et, de la même façon que lorsque s'abaisse le niveau de la mer on voit apparaître des îlots de terre auparavant immergés, de même observe-t-on que certains produits hier trop coûteux sont aujourd'hui compétitifs avec les carburants pétroliers comme certains éthers, ou encore le méthanol.
La deuxième considération qui justifie le regain d'intérêt accorde aux carburants de substitution a trait à la vulnérabilité de notre approvisionnement pétrolier et par voie de conséquence, de l'approvisionnent en énergie du secteur des transports.
Les événements politiques et pétroliers de ces trois dernières années ont souligné encore davantage, s'il en était besoin, la fragilité de l'approvisionnement pétrolier européen et de la France en particulier : crise iranienne, conflit entre l'Irak et l'Iran, qui a nécessité de remplacer sans préavis le quart de notre approvisionnement, persistances de tensions politiques au Proche-Orient enfin, dont provient 70 % de notre pétrole brut, la moitié de celui-ci étant importé d'un seul pays producteur.
Face à cette situation, il est un fait que le secteur des transports est plus vulnérable que d'autres. A l'exception marginale près de l'électrification ferroviaire en effet, le secteur des transports est le seul secteur d'activité économique essentiel à la vie de la nation sur lequel aucune substitution significative des hydrocarbures n'est à ce jour entamée.
En cas de crise profonde et durable de notre approvisionnement pétrolier, les pouvoirs publics seraient contraints, a l'évidence, de mettre à disposition des consommateurs des carburants de substitution quel qu'en soit alors le prix, et au seul vu de considérations de disponibilités technologiques, industrielles et en matières premières.
Il sera alors précieux de disposer d'un savoir-faire et de quelques productions marginales susceptibles très rapidement d'être mises en uvre à grande échelle.
Notre effort de recherche et développement technologique des carburants de substitution apparaît ainsi, au-delà de l'objectif permanent d'économie d'hydrocarbures importés, comme une garantie, acquise à un prix relativement modéré, contre une crise grave d'approvisionnement. Le coût de ce programme doit se comparer de ce point de vue à une prime d'assurance.
Ce n'est pas bien sûr la seule justification du développement des carburants de substitution, même si c'est dans mon esprit une des plus importantes. D'autres intérêts majeurs expliquent également la nécessité de ce programme :
- L'avenir à moyen et long terme de l'industrie automobile : les réflexions en cours en France mais aussi dans d'autres pays européens comme l'Allemagne fédérale et la Suède sur la définition de nouveaux carburants éventuels conditionnent en partie la définition des automobiles qui seront construites en Europe entre 1990 et 2000.
- La possibilité effective d'utiliser à terme de 10 ou 15 ans des carburants non pétroliers là où le pétrole est roi pourrait être de nature à modifier assez sensiblement les perspectives à long terme du marché pétrolier entre pays producteurs et pays consommateurs, tant en ce qui concerne les quantités disponibles que les prix, du fait de l'existence d'une référence de substitution incontestée.
- Enfin, l'éventualité de cultures énergétiques spécialisées pourrait constituer une nouvelle chance pour l'agriculture française confrontée aux excédents structurels de production que l'on sait.
Les deux journées de ce colloque auront, je le pense, montré de façon éclatante la synergie étroite qui existe entre nos efforts dans le domaine des utilisations du charbon et du développement des carburants de substitution.
La Suède et la France accordent l'une et l'autre une priorité nationale à ces deux domaines, dans lesquels leur effort de recherche est particulièrement avancé. Elles ont un intérêt évident à mettre en place une coopération plus étroite.
Pour ma part, je souhaite que cette coopération se développe et se renforce.
En matière de carburants de substitution, j'exprimerai le vu qu'une concertation plus poussée s'organise entre nos administrations. Sur ce point, l'administration suédoise pourrait, par exemple, désigner un correspondant à la direction des hydrocarbures chargée en France de la conduite du programme de développement des carburants de substitution.
Nous ne verrions, par ailleurs, pour notre part, que des avantages à ce que se développe une coopération technique plus poussée entre nos constructeurs automobiles nationaux. Cette coopération pourrait constituer un préalable susceptible de déboucher un jour sur des programmes technologiques communs dans le domaine des moteurs adaptés aux carburants de substitution.
De même, pourrait se développer un échange d'information entre les deux pays sur les essais de flottes de véhicules de carburants de substitution à faible teneur en composés oxygénés.
La coopération technique entre la Suède et la France pourrait encore concerner l'étude de la pollution atmosphérique et de la toxicité pour les travailleurs susceptible d'être apportées par les carburants de substitution, ou la mise au point d'une filière de production utilisant des matières premières nationales propres aux deux pays comme le méthanol produit à partir du bois.
Dans le domaine du chardon, un échange d'information concernant les technologies de combustion, ou les expériences et les résultats acquis en matière de gazéification, pourrait se développer utilement entre nos deux pays.
Les premiers contacts qui ont lieu au cours de la journée d'hier entre les représentants suédois et français des administrations et de l'industrie peuvent, à cet égard, créer les conditions d'un dialogue plus régulier et plus poussé, et faire naître des occasions fructueuses de coopération charbonnière entre nos deux pays.
De façon plus générale, j'exprimerai le souhait que se multiplient entre la Suède et la France des rencontres régulières prenant la forme de ce colloque ou toute autre forme.
Je prendrai contact avec mon collègue suédois, M. ELIASSON, pour voir avec lui de manière concrète dans quels autres domaines et de quelle manière la coopération franco-suédoise peut se développer.
Cette coopération sera, à l'évidence, facilitée par les nombreux contacts qui ont eu lieu au sein de l'association franco-suédoise pour la recherche.
La Suède et la France ont, j'en suis convaincu, beaucoup à apprendre l'une de l'autre. Nous avons toujours été, nous français, très admiratifs des exemples qui nous sont venus de Suède, qu'ils touchent aux progrès technologiques, ou à ceux de l'économie, de la société, et des institutions politiques.
C'est pourquoi, je ne peux que me féliciter de la volonté de rapprochement politique qui existe entre nos deux pays, et espérer qu'elle se concrétise rapidement par une coopération à la fois suivies, étroite et confiante.