Déclaration de M. Luc Ferry, ministre de l'éducation nationale et de la recherche, sur l'amélioration de la formation des enseignants, Paris le 9 avril 2003.

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Circonstance : Communication à l'issue du Conseil des ministres à Paris le 9 avril 2003

Texte intégral

Aider les enseignants à mener à bien les grands chantiers nécessaires pour relancer la dynamique de l'école, c'est d'abord leur assurer la meilleure formation initiale et continue possible.
Nous avons des progrès à faire en ce domaine. Une décennie après leur création, les instituts universitaires de formation des maîtres (IUFM) peinent à trouver le bon équilibre entre formation théorique et formation professionnelle, et font l'objet de nombreuses interrogations. La formation continue a considérablement régressé depuis 1998 : le gouvernement d'alors a décidé de supprimer les Missions académiques à la formation des personnels de l'Education nationale (MAFPEN) sans donner aux IUFM les moyens de prendre le relais dans de bonnes conditions.
Une relance de la formation des maîtres, initiale et continue, est aujourd'hui indispensable.
Recentrer la formation des maîtres sur les connaissances qu'ils auront à enseigner
La formation des enseignants doit s'inspirer de quelques principes simples, et dégager clairement des priorités, la prévention de l'illettrisme par exemple. L'accumulation de préoccupations très diverses et d'inégale importance nuit trop souvent à l'efficacité de la formation.
Un enseignant doit d'abord bien maîtriser un domaine de connaissances. Cela suppose une formation théorique solide, qu'il reçoit pour l'essentiel à l'Université. Il doit ensuite se familiariser progressivement avec la façon dont ces connaissances théoriques peuvent être enseignées aux élèves, dans le cadre de programmes d'enseignement : en déterminer les points essentiels, l'ordre, la progression et l'articulation. Il doit enfin s'initier à la pratique de son futur métier : découvrir le cadre de l'école ou de l'établissement, apprendre à organiser et évaluer le travail de l'élève, etc.
Rénover les concours de recrutement de professeurs
La formation théorique initiale, qui s'acquiert dès le début des études supérieures, est évaluée à l'occasion des épreuves théoriques des concours de recrutement : les épreuves de ceux-ci en déterminent largement les contours. Il est essentiel de vérifier que cette formation correspond bien aux disciplines scolaires que les maîtres auront à enseigner.
- Un nouveau concours externe de recrutement de professeur des écoles fondé sur la maîtrise des connaissances nécessaires à la mise en oeuvre des programmes de l'école primaire sera organisé.
- Des présidents de jurys et des responsables de formations universitaires seront chargés de revoir l'organisation des concours de recrutement des professeurs du second degré et de s'assurer que les futurs enseignants reçoivent la formation adaptée à leur futur métier et ne se font pas de celui-ci une représentation inexacte, source de déceptions et de frustrations.
Mieux inscrire la première année d'IUFM dans l'ensemble de la formation professionnelle
L'année de préparation aux concours doit donner aux futurs enseignants l'occasion de compléter leur formation générale et les connaissances qui leur seront nécessaires : pour les futurs professeurs des écoles, polyvalents, maîtriser l'ensemble du champ des programmes de l'école primaire ; pour les professeurs des lycées et collèges, mieux comprendre l'organisation et l'histoire de leur discipline. Universités et IUFM ont ici à collaborer étroitement. C'est aussi dans ce domaine, qui relève de la didactique des disciplines, que les IUFM pourront apporter une utile contribution à la recherche universitaire.
Rendre les préparations aux concours plus attractives et développer les viviers de candidats
- La première année d'IUFM doit se rapprocher des universités. Ainsi conçue, l'année de préparation aux concours pourra bénéficier d'une reconnaissance universitaire, par exemple sous forme de crédits valables dans le cadre de la préparation d'un master. Tout en inscrivant plus nettement les concours dans les cursus universitaires cette attribution de crédits pourra rendre les préparations plus attractives et contribuera à éviter la raréfaction des viviers de candidats.
- Le bénéfice d'une dispense d'admissibilité au CAPES, au CAPET ou au CAPLP, pour les candidats issus des classes préparatoires, sous condition d'une admissibilité à certaines grandes écoles, pourra également rendre les concours plus attractifs. La même attention aux viviers dans certaines spécialités professionnelles devra conduire à l'assouplissement des conditions d'accès aux concours externes afin de permettre à des candidats ayant des expériences professionnelles, notamment acquises en entreprise, de devenir professeurs.
Mieux préparer les enseignants à leur futur métier en développant l'alternance entre la pratique de la classe et la formation théorique
La découverte du métier proprement dite doit se faire au plus près des écoles, des collèges et des lycées : le modèle de la formation professionnelle en alternance doit permettre d'assurer l'indispensable liaison entre la théorie et la pratique.
Rendre la formation professionnelle plus progressive
Cet apprentissage ne peut se faire que progressivement. De même qu'il faut resserrer les liens entre les IUFM et l'université, en amont des concours de recrutement, il faut en aval rapprocher la formation professionnelle des lieux concrets d'exercice du métier, et accompagner pendant une durée suffisante les jeunes maîtres. Présents davantage dans les écoles et les établissements pendant la deuxième année d'IUFM, ils doivent en revanche pouvoir revenir en formation pendant les deux premières années d'exercice du métier : de meilleurs équilibres en ce domaine devront être définis, car la formation professionnelle sera plus efficace si elle se construit peu à peu, en réponse aux questions que l'enseignant rencontre chaque jour dans sa classe, dans son école ou son établissement.
Mieux découvrir le métier d'enseignant
Il faut aussi que le futur enseignant découvre, non pas seulement un secteur du système éducatif, mais les différents aspects de celui-ci : c'est à cette condition qu'il pourra accueillir et conseiller efficacement des élèves très divers.
- Les professeurs de collège et de lycée, pour mieux comprendre l'hétérogénéité des classes et mieux connaître la diversité des voies de formation, effectueront un stage dans les lycées professionnels, en visitant les entreprises avec lesquelles ceux-ci travaillent, ainsi qu'un stage à l'école primaire.
- Tous les futurs enseignants devront être initiés à l'accueil des élèves handicapés.
- La formation des professeurs de lycée professionnel stagiaires devra en outre s'adapter à la diversité des situations, des expériences professionnelles préalables et des niveaux de recrutement : la formation en entreprise sera renforcée et tous effectueront un stage en collège.
Elargir le champ de compétence des professeurs
Pour tous les professeurs stagiaires des formations optionnelles débouchant sur des certifications complémentaires (arts, langue étrangère ou régionale, etc.) seront développées. Ces certifications complémentaires pourront être validées sous forme de crédits universitaires au niveau correspondant.
Redéfinir les dispositifs d'évaluation
Ce recentrage de la formation professionnelle sur l'essentiel devra s'accompagner d'un allègement des dispositifs d'évaluation. L'observation de la pratique de la classe constituera l'élément principal de la validation de la formation professionnelle. L'actuel mémoire professionnel sera redéfini dans cette perspective. Le professeur stagiaire aura ainsi l'occasion de mettre en perspective les acquis de sa formation, d'analyser ses difficultés et de réfléchir aux compléments de formation à mettre en place lors des premières années en responsabilité.
Faire des établissements des lieux de formation
La réussite de la formation professionnelle en alternance repose sur une meilleure intégration des conseillers pédagogiques et des maîtres formateurs dans le dispositif de formation. Il sera également nécessaire d'élaborer une carte académique des écoles, des collèges et des lycées appelés à accueillir des professeurs stagiaires et à devenir pleinement des lieux de formation : il faut en effet que les terrains de stage soient choisis en fonction des besoins de formation des professeurs stagiaires.
Favoriser les échanges au sein de l'Union européenne
Au cours des trois années de formation professionnelle après les concours de recrutement des stages dans un pays de l'Union européenne, ouverts à tous les professeurs, seront développés dans le cadre de partenariats établis entre les IUFM ou les académies et des centres étrangers de formation des maîtres.
Réformer le fonctionnement des instituts universitaires de formation des maîtres
Etablissements d'enseignement supérieur, les IUFM ont été conçus pour être placés au service de l'institution scolaire. Selon les termes de la loi d'orientation de 1989 le conseil d'administration présidé par le recteur " conduit la politique générale de l'établissement dans le cadre défini par le ministre de l'éducation nationale ". Le conseil scientifique et pédagogique a également un rôle essentiel dans la définition de la politique de recrutement des IUFM, dans la conception puis la mise en oeuvre des plans de formation. Il est nécessaire que l'institution puisse faire valoir ses objectifs et ses priorités au sein de ces structures.
Renforcer les liens des IUFM avec les universités et les lieux d'exercice du métier
Les IUFM doivent profiter des ressources de formation professionnelle dont disposent d'une part les établissements d'enseignement supérieur, et, d'autre part, les écoles, les collèges et les lycées. Le potentiel de formation des IUFM constitué d'un noyau d'enseignants chercheurs et de professeurs permanents ne peut en effet suffire à l'exercice de leurs missions de formation. Des enseignants chercheurs de l'université en service partagé à l'IUFM assureront le lien entre les champs scientifique et didactique de la formation des maîtres ; outre leur charge d'enseignement ils auront la responsabilité de développer la recherche en éducation au sein des équipes universitaires, notamment dans les domaines de l'histoire de l'enseignement et des disciplines. Des professeurs du premier et du second degré chargés de cours à l'IUFM accompagneront les stagiaires durant leur stage en responsabilité et donneront la crédibilité nécessaire à une formation professionnelle en alternance. Ils assumeront également une partie de la formation en IUFM en première comme en seconde année. La légitimité et l'efficacité des IUFM seront renforcées par ce resserrement des liens tant avec les universités qu'avec les établissements d'exercice des futurs enseignants.
Donner un nouvel élan à la formation continue
La formation continue doit permettre aux enseignants une actualisation constante des connaissances dans leur discipline. Elle doit également les aider à s'approprier les réformes et les priorités de la politique éducative définies par le ministre. La formation continue des maîtres relève de la responsabilité des recteurs.
La meilleure articulation des potentiels de formation des IUFM et des établissements d'enseignement supérieur sera de nature à donner un nouvel élan à la formation continue. En appui du potentiel de formation des IUFM, les universités, mais aussi les écoles d'ingénieurs pourront contribuer à la formation des maîtres. Les universités seront encouragées à développer une formation continue diplômante. Des masters professionnels ouverts aux professeurs des écoles comme aux professeurs du second degré permettront notamment de contribuer à la constitution d'un vivier de conseillers pédagogiques et de professeurs du premier et du second degré intervenant en IUFM. Ils s'inscriront dans la logique des certifications complémentaires ouvertes dans le cadre de la formation professionnelle initiale.
Au moment où l'Education nationale renouvelle une part très importante de ses enseignants, la réforme de la formation des maîtres est une clé essentielle de la réussite des autres chantiers scolaires ouverts par le ministère, notamment la prévention de l'illettrisme et la valorisation de la voie professionnelle. La lutte contre la fracture scolaire passe donc impérativement par la rénovation de la formation des enseignants.
(Source http://www.education.gouv.fr, le 10 avril 2003)