Texte intégral
J.-P. Chapel Vous allez représenter la France à Cancun pour l'Organisation mondiale du Commerce - l'OMC. On parlera avec vous de Larzac 2003, on essaiera de tirer les conclusions de ce rassemblement. Mais avant tout, puisque vous représentez le Gouvernement, un mot de la canicule, qui semble être vraiment le problème majeur et un véritable casse-tête pour le Gouvernement, en particulier pour l'entreprise EDF, que va pouvoir faire EDF en cette période de canicule prolongée ?
- "Je pense que mes collègues vont prendre les décisions qui s'imposent mais il est intéressant de signaler qu'EDF produit de l'électricité et l'électricité c'est le premier produit d'exportation français, il est devant le vin, qui doit être le second. Donc, nous exportons énormément d'électricité vers tous les pays voisins, bien sûr."
Sauf que là, loin de l'exporter, on a du mal à fournir les besoins nationaux ?
- "Je pense qu'il s'agit d'un problème de température des eaux de rejet, et donc de température de l'eau qui rentre dans le milieu aquatique."
Vous pensez qu'on peut donner à EDF l'autorisation d'évacuer des eaux plus chaudes que ce qui est autorisé habituellement pour l'occasion ?
- "Je crois qu'il faut laisser les experts se prononcer, mes collègues de l'Environnement et de l'Industrie prendre les décisions qui s'imposent. Mais s'il y avait des réductions de production, ce serait un inconvénient, non seulement pour nous mais sans doute aussi, pour nos voisins qui doivent être en train d'importer de l'électricité en ce moment."
On revient à Larzac 2003. Vous avez suivi les débats, vous n'y êtes pas allé vous-même ?
- "Je n'étais pas très loin, j'ai fait mon service militaire là-bas."
J. Bové prédit "un septembre brûlant" pour le Gouvernement. Est-ce que cela vous inquiète ?
- "Nous, on travaille, on essaye de faire évoluer les choses dans le bon sens, nous pratiquons le dialogue social, et c'est sur ces bases-là que nous allons continuer."
Oui, mais vous avez entendu le message des altermondialistes - ils ne veulent pas que le monde soit considéré comme une marchandise. Or, vous, à l'OMC, vous n'allez parler que des marchandises ?
- "Nous aussi, on ne veut pas que le monde soit une marchandise et que la sphère marchande s'occupe de tout. D'ailleurs, c'est ce que nous faisons tous les jours en France. La politique nationale, c'est une politique dans laquelle on fait de la redistribution. C'est bien pour cela que les gens se plaignent qu'ils aient à payer des impôts, des charges sociales, mais c'est parce qu'il y a une politique de redistribution qui permet de financer les retraites, de financer la culture. C'est cette redistribution que nous organisons et c'est une politique. L'économie est au service de la politique. Au niveau européen, nous avons réussi à organiser les choses de la même façon, il y a des politiques communes - la PAC, la politique des zones de structure, qui permet d'implanter des nouvelles entreprises, la politique qui permet d'aider les nouveaux pays à rentrer dans l'Union européenne et à développer leurs activités. Donc, nous avons des politiques qui sont évidemment non de la sphère marchande. Lorsqu'on regarde le problème au niveau du monde entier, si on accepte l'idée qu'il vaut mieux que l'on travaille à l'exportation, aujourd'hui, en France, il y a 5 millions de personnes qui travaillent pour l'exportation. Donc, on travaille avec un tas de pays."
Vous voulez dire que la mondialisation, pour tous les Français, est positive, favorable à la croissance, et elle ne doit pas être freinée ?
- "Elle l'a été dans les années 1990, où le commerce extérieur français a augmenté de 10 % par an. C'était une tendance mondiale. Elle a permis, par exemple, l'entrée de l'Espagne dans l'Union européenne, qui a fait que nous avons multiplié par dix nos échanges avec l'Espagne. L'Espagne a eu de la croissance économique importante et nous avons eu de la croissance économique. C'est-à-dire que, c'est un processus gagnant-gagnant. Mais..."
Il y a eu des délocalisations en même temps ?
- "Il n'y en a plus aujourd'hui."
Parce qu'il y avait des mains-d'oeuvre bon marché dans d'autres pays ?
- "Il n'y en a plus aujourd'hui. La spécialisation des pays s'est produite. Mais là où effectivement la sphère marchande est un problème, c'est que, lorsque vous regardez au niveau mondial, le sujet politique commun qu'on va trouver, c'est assez difficile. Car les choix que nous faisons, sur lesquels nous menons des politiques, ne sont pas forcément les mêmes que ceux que choisissent les Américains. Je prends l'exemple de la culture : nous décidons que nous voulons une exception culturelle française, européenne, les Américains disent : moi, c'est mon premier poste d'exportation - nous, notre premier poste d'exportation, c'est l'électricité ou le vin ou les avions -, les Américains, c'est Hollywood, 150 milliards de dollars."
Est-on en mesure de résister, nous ?
- "Nous résistons. Puisque, par construction, l'OMC est un organisme auquel on annonce ses engagements."
On précise, au passage, ce que c'est que l'OMC : l'Organisation mondiale du commerce, un grand marchandage.
- "L'Organisation mondiale du commerce, est une grande institution, comme l'ONU, comme la Banque mondiale. C'est un système qui réunit environ 150 pays, c'est-à-dire pratiquement tous les pays au monde, et dans lequel on met en commun toutes les questions économiques."
Avec une philosophie : libéraliser les échanges, de les rendre les plus faciles possibles, de réduire les droits de douane, et de développer les exportations également.
- "Avant l'OMC, il y a avait ce qu'on appelait "les rounds" : "l'Uruguay round", "le GATT". Et ces rounds ont permis de faire des progrès par réduction des droits de douane, il y avait de la marge. On pouvait réduire les droits de douane. C'est cela qui a provoqué dans le passé des délocalisations et des situations comme celle-là. Aujourd'hui, nos droits de douane moyens dans l'Union européenne, c'est 3,8 %, il n'y a plus grand chose à réduire. Mais aujourd'hui, à cause de la catastrophe du 11 septembre à New-York, il y a deux ans, la réunion de Doha, qui a suivi cette catastrophe, après une résolution très importante en faveur des pays en voie de développement, disant que nous souhaitions avoir un nouveau round, nous prenons le pari d'essayer de faire un nouveau pas en avant qui aide plus particulièrement les pays en voie de développement."
Donc, quand J. Bové souhaite l'échec des négociations à Cancun, que répondez-vous, vous ?
- "Ce serait dommage, parce que cela a pour vocation d'aider les pays en voie de développement. Alors, le problème, aujourd'hui, c'est qu'entre les grands pays et les pays en voie de développement, tout le monde n'est pas d'accord sur ce qu'il faut faire. D'un côté, vous avez l'Union européenne qui a repris l'initiative française du président de la République, initiative africaine ; vous avez, la position française, très ferme, sur l'action médicament pour les pays en voie de développement. Et puis, d'un autre côté, vous avez les positions américaines qui consistent à dire : mais, moi, ce que je veux, c'est envoyer de l'aide alimentaire aux Africains pour qu'ils utilisent mes produits en surplus ; moi, ce que je souhaite, c'est que la culture soit "marchandisable". Et nous, nous ne voulons pas. Donc, nous sommes sur des positions qui ne sont pas les mêmes."
Donc, le discours de J. Bové vous aide d'une certaine manière ?
- "A condition qu'il soit entendu partout, et à condition qu'il ne soit pas que des protestations de principe mais qu'on aille plus dans le détail. Nous avons fait une concertation très importante avec les..."
Vous souhaitez qu'il se rende à Cancun ?
- "Cela se décidera... ça dépendra du juge d'application des peines."
Mais vous, vous en pensez quoi ?
- "Je pense que les ONG se rendront à Cancun et que nous les rencontrerons régulièrement avant et pendant Cancun. Je les ai déjà rencontrés de façon très très systématique depuis un an, pour que nous travaillions ensemble sur la façon de faire avancer nos questions. Je crois qu'aujourd'hui, nous sommes sur la politique agricole européenne suffisamment avancés pour obtenir des Américains, des avancées également. C'est là-dessus que nous pourrons faire progresser les pays en voie de développement qui ont besoin d'une agriculture d'autosuffisance et pas seulement de commodités qui sont dépendantes du marché mondial, et dans lequel leur capacité d'action est insuffisante."
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 11 août 2003)
- "Je pense que mes collègues vont prendre les décisions qui s'imposent mais il est intéressant de signaler qu'EDF produit de l'électricité et l'électricité c'est le premier produit d'exportation français, il est devant le vin, qui doit être le second. Donc, nous exportons énormément d'électricité vers tous les pays voisins, bien sûr."
Sauf que là, loin de l'exporter, on a du mal à fournir les besoins nationaux ?
- "Je pense qu'il s'agit d'un problème de température des eaux de rejet, et donc de température de l'eau qui rentre dans le milieu aquatique."
Vous pensez qu'on peut donner à EDF l'autorisation d'évacuer des eaux plus chaudes que ce qui est autorisé habituellement pour l'occasion ?
- "Je crois qu'il faut laisser les experts se prononcer, mes collègues de l'Environnement et de l'Industrie prendre les décisions qui s'imposent. Mais s'il y avait des réductions de production, ce serait un inconvénient, non seulement pour nous mais sans doute aussi, pour nos voisins qui doivent être en train d'importer de l'électricité en ce moment."
On revient à Larzac 2003. Vous avez suivi les débats, vous n'y êtes pas allé vous-même ?
- "Je n'étais pas très loin, j'ai fait mon service militaire là-bas."
J. Bové prédit "un septembre brûlant" pour le Gouvernement. Est-ce que cela vous inquiète ?
- "Nous, on travaille, on essaye de faire évoluer les choses dans le bon sens, nous pratiquons le dialogue social, et c'est sur ces bases-là que nous allons continuer."
Oui, mais vous avez entendu le message des altermondialistes - ils ne veulent pas que le monde soit considéré comme une marchandise. Or, vous, à l'OMC, vous n'allez parler que des marchandises ?
- "Nous aussi, on ne veut pas que le monde soit une marchandise et que la sphère marchande s'occupe de tout. D'ailleurs, c'est ce que nous faisons tous les jours en France. La politique nationale, c'est une politique dans laquelle on fait de la redistribution. C'est bien pour cela que les gens se plaignent qu'ils aient à payer des impôts, des charges sociales, mais c'est parce qu'il y a une politique de redistribution qui permet de financer les retraites, de financer la culture. C'est cette redistribution que nous organisons et c'est une politique. L'économie est au service de la politique. Au niveau européen, nous avons réussi à organiser les choses de la même façon, il y a des politiques communes - la PAC, la politique des zones de structure, qui permet d'implanter des nouvelles entreprises, la politique qui permet d'aider les nouveaux pays à rentrer dans l'Union européenne et à développer leurs activités. Donc, nous avons des politiques qui sont évidemment non de la sphère marchande. Lorsqu'on regarde le problème au niveau du monde entier, si on accepte l'idée qu'il vaut mieux que l'on travaille à l'exportation, aujourd'hui, en France, il y a 5 millions de personnes qui travaillent pour l'exportation. Donc, on travaille avec un tas de pays."
Vous voulez dire que la mondialisation, pour tous les Français, est positive, favorable à la croissance, et elle ne doit pas être freinée ?
- "Elle l'a été dans les années 1990, où le commerce extérieur français a augmenté de 10 % par an. C'était une tendance mondiale. Elle a permis, par exemple, l'entrée de l'Espagne dans l'Union européenne, qui a fait que nous avons multiplié par dix nos échanges avec l'Espagne. L'Espagne a eu de la croissance économique importante et nous avons eu de la croissance économique. C'est-à-dire que, c'est un processus gagnant-gagnant. Mais..."
Il y a eu des délocalisations en même temps ?
- "Il n'y en a plus aujourd'hui."
Parce qu'il y avait des mains-d'oeuvre bon marché dans d'autres pays ?
- "Il n'y en a plus aujourd'hui. La spécialisation des pays s'est produite. Mais là où effectivement la sphère marchande est un problème, c'est que, lorsque vous regardez au niveau mondial, le sujet politique commun qu'on va trouver, c'est assez difficile. Car les choix que nous faisons, sur lesquels nous menons des politiques, ne sont pas forcément les mêmes que ceux que choisissent les Américains. Je prends l'exemple de la culture : nous décidons que nous voulons une exception culturelle française, européenne, les Américains disent : moi, c'est mon premier poste d'exportation - nous, notre premier poste d'exportation, c'est l'électricité ou le vin ou les avions -, les Américains, c'est Hollywood, 150 milliards de dollars."
Est-on en mesure de résister, nous ?
- "Nous résistons. Puisque, par construction, l'OMC est un organisme auquel on annonce ses engagements."
On précise, au passage, ce que c'est que l'OMC : l'Organisation mondiale du commerce, un grand marchandage.
- "L'Organisation mondiale du commerce, est une grande institution, comme l'ONU, comme la Banque mondiale. C'est un système qui réunit environ 150 pays, c'est-à-dire pratiquement tous les pays au monde, et dans lequel on met en commun toutes les questions économiques."
Avec une philosophie : libéraliser les échanges, de les rendre les plus faciles possibles, de réduire les droits de douane, et de développer les exportations également.
- "Avant l'OMC, il y a avait ce qu'on appelait "les rounds" : "l'Uruguay round", "le GATT". Et ces rounds ont permis de faire des progrès par réduction des droits de douane, il y avait de la marge. On pouvait réduire les droits de douane. C'est cela qui a provoqué dans le passé des délocalisations et des situations comme celle-là. Aujourd'hui, nos droits de douane moyens dans l'Union européenne, c'est 3,8 %, il n'y a plus grand chose à réduire. Mais aujourd'hui, à cause de la catastrophe du 11 septembre à New-York, il y a deux ans, la réunion de Doha, qui a suivi cette catastrophe, après une résolution très importante en faveur des pays en voie de développement, disant que nous souhaitions avoir un nouveau round, nous prenons le pari d'essayer de faire un nouveau pas en avant qui aide plus particulièrement les pays en voie de développement."
Donc, quand J. Bové souhaite l'échec des négociations à Cancun, que répondez-vous, vous ?
- "Ce serait dommage, parce que cela a pour vocation d'aider les pays en voie de développement. Alors, le problème, aujourd'hui, c'est qu'entre les grands pays et les pays en voie de développement, tout le monde n'est pas d'accord sur ce qu'il faut faire. D'un côté, vous avez l'Union européenne qui a repris l'initiative française du président de la République, initiative africaine ; vous avez, la position française, très ferme, sur l'action médicament pour les pays en voie de développement. Et puis, d'un autre côté, vous avez les positions américaines qui consistent à dire : mais, moi, ce que je veux, c'est envoyer de l'aide alimentaire aux Africains pour qu'ils utilisent mes produits en surplus ; moi, ce que je souhaite, c'est que la culture soit "marchandisable". Et nous, nous ne voulons pas. Donc, nous sommes sur des positions qui ne sont pas les mêmes."
Donc, le discours de J. Bové vous aide d'une certaine manière ?
- "A condition qu'il soit entendu partout, et à condition qu'il ne soit pas que des protestations de principe mais qu'on aille plus dans le détail. Nous avons fait une concertation très importante avec les..."
Vous souhaitez qu'il se rende à Cancun ?
- "Cela se décidera... ça dépendra du juge d'application des peines."
Mais vous, vous en pensez quoi ?
- "Je pense que les ONG se rendront à Cancun et que nous les rencontrerons régulièrement avant et pendant Cancun. Je les ai déjà rencontrés de façon très très systématique depuis un an, pour que nous travaillions ensemble sur la façon de faire avancer nos questions. Je crois qu'aujourd'hui, nous sommes sur la politique agricole européenne suffisamment avancés pour obtenir des Américains, des avancées également. C'est là-dessus que nous pourrons faire progresser les pays en voie de développement qui ont besoin d'une agriculture d'autosuffisance et pas seulement de commodités qui sont dépendantes du marché mondial, et dans lequel leur capacité d'action est insuffisante."
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 11 août 2003)