Interview de M. Jean-François Copé, secrétaire d'Etat chargé des relations avec le Parlement et porte parole du gouvernement, à RMC le 12 août 2003, sur les conséquences de la canicule sur la santé des personnes âgées, la polémique sur l'action du gouvernement pendant la vague de chaleur et sur l'appel au civisme pour économiser l'énergie.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : Emission Forum RMC FR3 - RMC

Texte intégral

O. Truchot-. Aujourd'hui, on meurt de chaleur en France. Cette mortalité touche en premier lieu les personnes âgées, les personnes fragiles. Le Gouvernement a-t-il la mesure de la gravité de la situation ?
- "Oui, naturellement. Je crois que l'heure n'est vraiment pas à la polémique, je veux le redire ce matin, la mobilisation est totale. Elle est totale, bien sûr, au niveau des ministres, contrairement à ce qu'on entend ici ou là, en particulier à ceux qui sont directement concernés, le ministre de la Santé, la ministre de l'Environnement qui suit les questions relatives à la gestion de l'eau et de l'air, et bien sûr, du Premier ministre qui suit tout cela de très près, mais elle l'est aussi et surtout sur le terrain. Les services publics font un travail absolument remarquable, qu'il s'agisse au niveau des préfectures, dans les différents départements, la gestion des services hospitaliers, les uns et les autres sont extrêmement mobilisés, et à Paris, nous sommes en charge de la coordination. Je crois qu'il ne faut pas se tromper, la situation est certes exceptionnelle, personne ne pouvait prévoir une telle ampleur de canicule mais sur le terrain, les services publics français, tous métiers confondus, sans oublier le concours des bénévoles, sont mobilisés pour que l'on puisse s'occuper à la fois des personnes les plus fragiles et que l'on veille à éviter tous les risques de pollution."
Le Gouvernement n'est pas responsable de la canicule mais le Gouvernement pouvait anticiper les conséquences de cette vague de chaleur qui dure maintenant depuis un petit moment. Alors, le Gouvernement est en vacances. A-t-il manqué de réactivité, tout simplement ?
- "Il faut savoir que dans une République moderne, un gouvernement n'est jamais en vacances. Les ministres sont en permanence en contact avec leurs différentes administrations, passent les consignes, se font faire des rapports précis sur ce qui se passe et avec, à la manoeuvre, le Premier ministre qui est extrêmement attentif à l'ensemble des mesures qu'il convient de prendre. Si je puis me permettre, ne tombez pas dans ce panneau que, autant le PS, M. Hollande, M. Lang, enfin toute une équipe de gens qui ont pour principale préoccupation, de faire oublier qu'ils n'ont pas de propositions et qui ainsi se trouvent un peu dans le principe de l'arroseur arrosé, à force d'appeler l'attention sur de la polémique, sur des sujets qui ne sont pas tout à fait du domaine de ce que devrait faire le Parti socialiste en ce moment, c'est une manière pour eux de montrer qu'ils n'ont pas de propositions sur autre chose."
Ce reproche n'est pas seulement fait par les responsables socialistes, il y a des médecins, aujourd'hui qui disent que les autorités sanitaires n'ont pas pris les mesures suffisantes pour faire face à la saturation dans les hôpitaux, pour faire face à cette vague de chaleur qui touche en premier lieu les personnes âgées.
- "Ecoutez, très honnêtement, les services publics, on le voit bien à travers les rapports qui nous reviennent de tous les départements français, se mobilisent au maximum. Vous parlez des hôpitaux, vous le savez naturellement et vous l'avez dit à votre antenne, pour ce qui concerne le 15 août, il y a un plan de mobilisation exceptionnelle qui va être mis en place pour augmenter la capacité des lits d'hospitalisation, il faut savoir ..."
Oui, mais le 15 août, aujourd'hui, on est le 12 août et c'est aujourd'hui que la canicule tue, elle sera peut être terminée cette vague de chaleur ?
- "D'abord, si je peux me permettre, attention à ces formules très chocs sur le plan journalistique, mais qui ne reflètent pas totalement la réalité. Attention ! ne dites pas : "la canicule tue". Il y a, aujourd'hui effectivement, eu plusieurs personnes décédées et tout cela incite naturellement à la plus grande vigilance, un appel au civisme, un appel à la responsabilité et au principe de précaution pour l'ensemble de nos concitoyens et ce de manière très concrète. Mais, attention à la polémique. En ce qui concerne l'organisation hospitalière, nous devons faire face, malgré les 35 heures qui provoquent à l'hôpital des problèmes majeurs, surtout en ces périodes de l'année, nous devons travailler à l'organisation des choses, le mieux possible et croyez-moi, ce qui est mis en place par les autorités sanitaires mérite mieux que de la petite polémique. Vous savez, la période n'est vraiment pas à cela. On peut se faire plaisir, si cela vous amuse, si cela amuse certains, on peut y aller, on peut critiquer. Croyez-moi, aujourd'hui la mobilisation est vraiment dans la logique d'efficacité qui s'impose pour ce qui concerne la gestion des problèmes de santé publique, de la gestion de l'eau, de l'air et puis bien entendu, tout ce qui touche les questions agricoles."
Question d'un auditeur : Par rapport au numéro vert qui a été mis en service, à quoi sert-il, quinze jours après que la canicule ait commencé, et juste au moment où l'on nous annonce des refroidissements et de la pluie, est-ce que cela n'est pas une mesure "parapluie" ?
- "Au-delà du jeux de mot, le numéro vert en question est un numéro qui vient rappeler des mesures de prévention qui sont par ailleurs connues du grand public. Mais il est vrai que nous avons toutes les raisons, aujourd'hui, d'amener des outils supplémentaires pour passer tous les messages de bon sens que chacun connaît. Je rappelle que ce numéro vert a pour principal objet de rappeler les mesures de précaution : il faut boire, il faut veiller à économiser l'énergie. Voilà une série de chose qui s'impose aujourd'hui, parce qu'effectivement dans l'hypothèse où la canicule se poursuivrait, j'entendais comme vous le bulletin météo, mais dans l'hypothèse où la canicule se poursuivrait, alors, effectivement, il faudrait intensifier ces mesures de précaution, notamment dans le domaine de l'économie d'énergie. Mais pour le reste, ce sont des mesures d'hygiène et de bon sens dans des périodes de grosse chaleur."
Le même auditeur : mais est-ce que cela n'aurait pas pu être pris plus tôt ? Ce sont des choses qui peuvent facilement mises en place, la canicule a quand même été annoncée relativement tôt par les médias.
- "Non mais vous avez raison. Sur la canicule, encore une fois, ne faisons pas de ce numéro vert le coeur central de l'action publique."
Reconnaissez qu'il y a eu un petit retard de réaction.
- "Si cela vous fait plaisir, il n'y a aucun problème. Mais je crois que ce n'est pas le sujet. Le sujet de fond, il n'est pas de se focaliser sur le numéro vert. Je me permets de vous dire que le numéro vert ne va pas régler les problèmes de canicule. Ce qui règle les problèmes, c'est d'être réactif au jour le jour, sur le terrain, pour accueillir les personnes qui sont fortement déshydratées, les personnes fragiles, c'est de veiller à ce que l'on puisse aujourd'hui commencer à prendre un certain nombre de mesures complémentaires, pour ce qui concerne les risques de pénurie d'eau, pour la préservation de l'air, c'est cela qui compte aujourd'hui, compte tenu de ce qui s'est passé ces derniers jours et ces dernières semaines. Ne vous y trompez pas, la mobilisation, aujourd'hui, elle est extrêmement forte. N'attendez pas que les mesures soient prises de Paris, parce que ce n'est pas à Paris que cela se passe, c'est sur le terrain, sur la base d'application de circulaires qui existent, je prends pour exemple, puisque vous vous interrogez sur ces questions de prévention, en ce qui concerne les personnes âgées, une circulaire qui a été prise par H. Falco en mai dernier, et qui rappelle aux professionnels les mesures à prendre en matière de prévention par rapport aux risques de canicule. Encore une fois, ces mesures correspondent aux consignes que les services publics savent devoir prendre en main immédiatement en cas de problème."
Je voudrais revenir sur ce qui se passe aujourd'hui. Il y a des personnes âgées qui meurent seules chez elles, des suites de cette canicule, dans l'indifférence la plus totale. Il y a des SDF qui meurent sur nos trottoirs. Au-delà de ce que le Gouvernement peut faire ou ne pas faire, est-ce que cela ne montre pas aussi un grand égoïsme dans notre société, un manque de solidarité ?
- "Oui et non, vous savez, il faut être très vigilant. Quand les périodes sont difficiles, il peut y avoir tendance à se replier sur soi-même et je ne suis pas là pour faire de la langue de bois, mais il ne faut pas non plus sous-estimer les gestes de solidarité formidables qui existent en France, tous les jours. Beaucoup de nos concitoyens ont mis en oeuvre, de manière tout à fait spontanée des initiatives pour aider les personnes les plus fragiles, les personnes âgées, les SDF, beaucoup de choses sont faites. C'est pour cela qu'il ne faut pas oublier l'action du bénévolat. Et puis les services publics se mobilisent aussi de leur côté. Moi, je crois que dans ces périodes-là, il ne faut pas pointer du doigt. Je sais que c'est une tradition en France. On a toujours tendance à parler des bons et des méchants, à taper le Gouvernement, on se fait plaisir avec tout cela, ce n'est pas la but du jeu. Laissez les socialistes se complaire là-dedans, réduire leur programme à la météo, c'est leur affaire. Nous, on est tous là, on n'est pas là pour cela. On est là pour éviter les polémiques, on est là pour se retrouver ensemble à en appeler à des mesures de civisme, à en appeler au fait qu'avec le temps qui passe, on oublie quelques mesures de prudence essentielles : évitons de conduire trop longtemps entre 10 heures et 16 heures, évitons de passer trop de temps sans boire. Bref, toute une série de choses que les médecins, sur les antennes, expliquent en ce moment avec beaucoup de précisions et qui sont à mon sens absolument indispensables aujourd'hui."
[2ème partie de l'interview]
Question de Pierre, un auditeur : Ne faut-il pas que l'appel au civisme concerne tout le monde, et pas seulement les particuliers ?
- "Je crois que vous avez tout à fait raison sur le fait qu'il faut maintenant en appeler effectivement au civisme. On l'a fait à de très nombreuses reprises depuis ces derniers jours et je crois que on peut continuer de le faire, parce que c'est vrai que si la canicule se poursuivait, il faudrait être particulièrement vigilant pour tout ce qui concerne l'approvisionnement en énergie, cela concerne évidement l'électricité et donc il y a des règles de base qu'il faut appliquer qui sont les règles du développement durable. Vous savez que le président de la République est très attentif à passer ce message aux Français depuis le début de son mandant présidentiel, de dire le développement durable, ce n'est pas l'affaire des ministres, c'est l'affaire de tout le monde. Chacun doit se sentir concerné, d'où l'appel au civisme, sur le respect de ces règles, sur la limitation de la consommation d'énergie, sur les règles de santé publique, sur les règles de limitation de circulation et de limitation de vitesse en voiture, tout autant de chose sur lesquels chacun doit se sentir personnellement concerner."
[...]
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 12 août 2003)