Texte intégral
M. le Député,
MM. les Président,
Mesdames, Messieurs,
Ce colloque vient à point pour évoquer l'évolution de notre politique agricole. L'année qui commence sera sous le signe de la mise en uvre de la loi d'orientation agricole et de la sécurité alimentaire. Nous aurons aussi besoin de réfléchir aux prochaines étapes, dès lors que les échéances internationales ont un peu reculé, mais elles n'ont pas disparues, et surtout elles seront articulées différemment, puisque nous serons probablement conduits à évoquer les conditions de l'élargissement avant que la négociation n'ait réellement repris à Genève.
Votre première table ronde évoquera les circuits économiques et la santé publique, j'en dirai un mot, mais je déborderai aussi un peu sur le sujet de l'après-midi, parce que de l'un on passe assez naturellement à l'autre.
1- Quels sont, aujourd'hui, les " enjeux de l'agriculture " ?
Les objectifs que nous avons fixés dans la loi d'orientation agricole sont assez clairs : objectif économique, pour aider l'agriculture dans son rôle de production de biens de qualité destinés à une alimentation sécurisée ; objectif social, pour aider à la création et au maintien des emplois dans le monde rural ; objectif environnemental, pour que les agriculteurs jouent leur rôle dans la préservation et le renouvellement des ressources naturelles, l'entretien des paysages, l'aménagement du territoire. Bref, produire mieux.
Cette réorientation de notre politique agricole s'accompagnait d'une adaptation des moyens de gestion de l'aide, par la mise en place des contrats territoriaux d'exploitation, d'une part, de la modulation d'autre part.
C'est ce volet que nous sommes en train de mettre en uvre aujourd'hui. Comme chaque fois qu'il faut changer les habitudes, cela ne se fait pas en un tour de main. J'ai demandé à l'ensemble de mes services de se mobiliser pour remplir l'objectif que nous nous sommes fixé de 50 000 CTE signés avant la fin de l'année. C'est un effort considérable, mais je ne doute pas que nous y arriverons.
La réorientation de la politique agricole, et les nouveaux moyens d'action qui y sont associés doivent aussi contribuer à évoluer dans le sens d'une agriculture soucieuse de qualité.
Quant à la modulation des aides, elle nous permettra, avec l'autorisation de l'Europe, d'entamer un processus de redistribution des aides publiques qui sont aujourd'hui très injustement réparties puisque 20% des exploitations bénéficient de 80% des aides.
On ne peut plus aujourd'hui aborder les enjeux de l'agriculture française et européenne, sans traiter de la sécurité sanitaire et de la qualité des produits agricoles. Le citoyen s'interroge légitimement sur ce point. Les professionnels de l'agriculture et des industries alimentaires doivent pouvoir leur apporter une réponse avec l'aide des pouvoirs publics mais aussi celle d'un partenaire économique incontournable : la distribution.
En matière de sécurité sanitaire il ne faut pas transiger. Un produit ne doit être mis sur le marché que s'il est sûr. Cette priorité doit se conjuguer avec transparence : le consommateur doit être informé sans détour de la qualité de ce qu'il consomme, comme des dispositifs mis en place pour assurer sa sécurité. La transparence est nécessaire. C'est elle qui doit présider, par exemple, face au développement des Organismes Génétiquement Modifiés. Ainsi au-delà des indispensables mesures de précaution avant toute décision de mise sur le marché, le consommateur doit conserver son libre choix. Mais transparence ne signifie pas information disproportionnée, en cas d'anomalie par rapport à la réalité des faits, ni déclenchement excessif de mesures de précaution. Ceux-ci peuvent avoir des conséquences économiques et sociales disproportionnées pour les filières agro-alimentaires, sans pour autant qu'un réel bénéfice ne soit dégagé en terme de protection de la santé publique.
Les Pouvoirs publics doivent pouvoir disposer d'instruments fiables et objectifs pour asseoir leur décision. La mise en place de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments par le Gouvernement y contribue. De même, il est essentiel de poursuivre les efforts entrepris pour que toutes les filières agro-alimentaires soient dotées d'une parfaite traçabilité.
Le consommateur se pose aussi des questions sur la qualité de son alimentation, sur la façon dont ces produits sont élaborés. La mission confiée il y a quarante ans par l'Europe à notre agriculture était de nourrir l'Europe à bon marché. Soutenue en cela par les industriels, l'agriculture française a magistralement relevé ce défi, elle est devenue la première d'Europe, la deuxième du monde. Et le consommateur a pris l'habitude d'une alimentation peu chère. Ce contrat passé entre l'Europe et ses agriculteurs est aujourd'hui dépassé. L'Europe est autosuffisante, voire excédentaire. Cette politique a généré des effets pervers : concentration des exploitations, désertification rurale, chute de l'emploi agricole, atteinte à l'environnement et à la qualité des produits. En même temps, je tiens à le réaffirmer, la sécurité du consommateur et la diversité des produits n'ont pas été sacrifié. Les produits sont plus sains, plus sûrs aujourd'hui qu'hier, malgré les crises qui se répètent. Il est vrai pourtant que la valeur ajoutée introduite par l'agriculture dans le produit a décliné au profit de celle initiée par les processus industriels. Dans de nombreux cas, la qualité gustative de produits de terroirs a été sacrifiée. La toute nouvelle loi d'orientation agricole vise à gérer les conséquences de cette évolution. Il s'agit de reconnaître également la participation de l'agriculture à l'emploi, la valeur ajoutée des produits, le respect de l'environnement, l'occupation harmonieuse du territoire. Il s'agit après le règne de la quantité produite de prendre le virage de la qualité. Je parle de la qualité des pratiques agricoles, de la qualité des productions, de la promotion de produits dont les caractéristiques, leur lien au terroir sont identifiés et certifiés par un signe officiel de la qualité.
Cette politique de qualité permet une plus grande valorisation de notre savoir-faire, de la diversité de nos productions nationales. Elle favorise l'ancrage d'une agriculture durable. Elle permet aux producteurs désireux de valoriser leurs produits, de s'inscrire dans une démarche collective. Elle est génératrice d'une valeur ajoutée qui doit bénéficier à chacun des échelons de la production.
Malheureusement, certaines pratiques commerciales ne permettent pas toujours ce juste retour de la valeur ajoutée aux producteurs des produits agricoles ou agro-alimentaires. La crise de l'été sur les fruits et légumes a provoqué une réflexion nationale sur les règles régissant les relations entre fournisseurs et distributeurs. Cette réflexion, au terme de plusieurs groupes de travail, s'est concrétisée dans un premier temps par les assises de la distribution, clôturées le 13 janvier par le Premier ministre. Parallèlement à ces travaux, une mission d'enquête parlementaire, conduite par les Députés CHARRIE et LE DEAULT a approfondi ce sujet. Personne ne nie aujourd'hui qu'il y a des abus importants qui s'exercent au détriment des fournisseurs, notamment en matière de coopération commerciale. Il faut se donner des moyens plus efficaces pour y remédier. Lorsque les rapports de force entre producteurs et distributeurs ne permettent plus au marché de retrouver seul un équilibre, une régulation accrue devient nécessaire. Il est de la responsabilité des Pouvoirs publics de préciser les règles du jeu et de les faire respecter. Ces assises ont permis de dégager des propositions importantes qui seront reprises dans le futur projet de loi sur les nouvelles régulations économiques
2- Je voudrais aussi profiter de l'occasion que j'ai de m'exprimer ici pour dire quelques mots des échéances internationales que vous évoquerez cette après-midi.
Nous avons deux chantiers importants : l'OMC, dans des conditions naturellement sensiblement différentes de ce à quoi on aurait pu s'attendre à la fin de l'an dernier, et la négociation d'élargissement.
S'agissant de l'OMC, tout d'abord, à l'évidence, les priorités des prochains mois ont radicalement changé. La discussion va reprendre à Genève sur l'agriculture et les services. Mais sans textes, sans calendrier, sans objectifs précis, il ne faut pas en attendre pas grand chose.
Il est clair que le texte qui fixe les conditions de reprise de la discussion, l'article 20 de l'accord agricole de Marrakech, ne nous permettrait pas de bien traiter les nouvelles préoccupations de l'agriculture, qu'il s'agisse de la multifonctionnalité ou de la sécurité alimentaire. Ces objectifs guident les raisonnements en France et en Europe. Il ne serait pas normal que nous ne puissions pas en tenir compte dans les négociations internationales.
C'est dire que les enjeux des prochains mois ne sont pas dans la négociation agricole qui ne reprend à Genève, au titre de l'agenda incorporé, que de manière un peu théorique.
SEATTLE a agit comme un révélateur. On a largement commenté les contraintes politiques américaines qui expliquent le peu d'empressement de notre partenaire à conclure. La préparation matérielle était insuffisante. Il ne faut pas sous-estimer non plus le mécontentement des pays en voie de développement, qui n'acceptent plus d'être traité comme des partenaires de seconde zone dans la négociation.
Nous devons réfléchir à tous ces dysfonctionnements, pour tenter d'y trouver des remèdes. C'est à cela qu'il va falloir travailler dans les 18 mois qui viennent, parce que nous ne parviendrons à reprendre la négociation agricole dans de bonnes conditions que si nous avons une OMC en bon état de marche. C'est dans cette optique que le Premier Ministre a avancé l'idée d'une réunion ministérielle pour améliorer les procédures de négociation. Nous devrions nous fixer quelques objectifs précis, définis de manière pragmatique. S'agissant du fonctionnement de l'OMC, par exemple, comment adapter nos méthodes de fonctionnement, pour réussir à négocier efficacement à 137 sans que les petits pays en développement restent à l'écart ? Vis à vis de l'opinion publique et des ONG : comment peut-on mieux assurer la transparence de la négociation et du règlement des différends ?
Ce travail institutionnel est une étape nécessaire pour redonner à l'OMC l'assurance nécessaire. Au terme de cette période, nous n'avons pas de raison de changer d'objectif : plus que jamais, nous devons persister dans notre objectif de lancement d'un cycle global, parce que c'est comme cela que nous réussirons à équilibrer l'ouverture par des règles, dans le domaine agricole comme dans les autres secteurs.
Un mot, pour conclure, de la négociation de l'élargissement, qui va entrer, s'agissant du volet agricole, dans une phase plus active. Nous commencerons vraiment à aborder le fond du volet agricole de la négociation d'adhésion pendant la présidence française, si ce volet des discussions est lancé, comme prévu, sous présidence portugaise. Nous demanderons aux pays candidats qu'ils assurent pleinement la reprise de l'acquis communautaire, et sa mise en uvre effective. Pour cela, les pays candidats doivent être incités à poursuivre leurs efforts de mise à niveau de la réglementation. En sens inverse, l'adhésion ne soit pas remettre en cause l'équilibre de la PAC. Au-delà, il faut poursuivre la réflexion sur l'impact de l'élargissement sur la PAC à moyen terme, au-delà des échéances de l'agenda 2000.
Je terminerai sur ce point : il est clair que ce que nous demanderons aux pays candidats n'est pas facile. Nous leur disons en même temps qu'ils doivent s'adapter à la politique agricole commune, et nous sommes, dans le même temps, en train de la réformer en profondeur, dans un processus qui n'est pas achevé. La cible est mouvante, c'est toujours une situation inconfortable pour les négociateurs. Mais l'enjeu des prochains mois et des prochaines années se trouve bien dans ce double mouvement de réforme, réforme interne, réforme par l'élargissement.
Je vous remercie.
(Source http://www.agriculture.gouv.fr, le 24 janvier 2000)
MM. les Président,
Mesdames, Messieurs,
Ce colloque vient à point pour évoquer l'évolution de notre politique agricole. L'année qui commence sera sous le signe de la mise en uvre de la loi d'orientation agricole et de la sécurité alimentaire. Nous aurons aussi besoin de réfléchir aux prochaines étapes, dès lors que les échéances internationales ont un peu reculé, mais elles n'ont pas disparues, et surtout elles seront articulées différemment, puisque nous serons probablement conduits à évoquer les conditions de l'élargissement avant que la négociation n'ait réellement repris à Genève.
Votre première table ronde évoquera les circuits économiques et la santé publique, j'en dirai un mot, mais je déborderai aussi un peu sur le sujet de l'après-midi, parce que de l'un on passe assez naturellement à l'autre.
1- Quels sont, aujourd'hui, les " enjeux de l'agriculture " ?
Les objectifs que nous avons fixés dans la loi d'orientation agricole sont assez clairs : objectif économique, pour aider l'agriculture dans son rôle de production de biens de qualité destinés à une alimentation sécurisée ; objectif social, pour aider à la création et au maintien des emplois dans le monde rural ; objectif environnemental, pour que les agriculteurs jouent leur rôle dans la préservation et le renouvellement des ressources naturelles, l'entretien des paysages, l'aménagement du territoire. Bref, produire mieux.
Cette réorientation de notre politique agricole s'accompagnait d'une adaptation des moyens de gestion de l'aide, par la mise en place des contrats territoriaux d'exploitation, d'une part, de la modulation d'autre part.
C'est ce volet que nous sommes en train de mettre en uvre aujourd'hui. Comme chaque fois qu'il faut changer les habitudes, cela ne se fait pas en un tour de main. J'ai demandé à l'ensemble de mes services de se mobiliser pour remplir l'objectif que nous nous sommes fixé de 50 000 CTE signés avant la fin de l'année. C'est un effort considérable, mais je ne doute pas que nous y arriverons.
La réorientation de la politique agricole, et les nouveaux moyens d'action qui y sont associés doivent aussi contribuer à évoluer dans le sens d'une agriculture soucieuse de qualité.
Quant à la modulation des aides, elle nous permettra, avec l'autorisation de l'Europe, d'entamer un processus de redistribution des aides publiques qui sont aujourd'hui très injustement réparties puisque 20% des exploitations bénéficient de 80% des aides.
On ne peut plus aujourd'hui aborder les enjeux de l'agriculture française et européenne, sans traiter de la sécurité sanitaire et de la qualité des produits agricoles. Le citoyen s'interroge légitimement sur ce point. Les professionnels de l'agriculture et des industries alimentaires doivent pouvoir leur apporter une réponse avec l'aide des pouvoirs publics mais aussi celle d'un partenaire économique incontournable : la distribution.
En matière de sécurité sanitaire il ne faut pas transiger. Un produit ne doit être mis sur le marché que s'il est sûr. Cette priorité doit se conjuguer avec transparence : le consommateur doit être informé sans détour de la qualité de ce qu'il consomme, comme des dispositifs mis en place pour assurer sa sécurité. La transparence est nécessaire. C'est elle qui doit présider, par exemple, face au développement des Organismes Génétiquement Modifiés. Ainsi au-delà des indispensables mesures de précaution avant toute décision de mise sur le marché, le consommateur doit conserver son libre choix. Mais transparence ne signifie pas information disproportionnée, en cas d'anomalie par rapport à la réalité des faits, ni déclenchement excessif de mesures de précaution. Ceux-ci peuvent avoir des conséquences économiques et sociales disproportionnées pour les filières agro-alimentaires, sans pour autant qu'un réel bénéfice ne soit dégagé en terme de protection de la santé publique.
Les Pouvoirs publics doivent pouvoir disposer d'instruments fiables et objectifs pour asseoir leur décision. La mise en place de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments par le Gouvernement y contribue. De même, il est essentiel de poursuivre les efforts entrepris pour que toutes les filières agro-alimentaires soient dotées d'une parfaite traçabilité.
Le consommateur se pose aussi des questions sur la qualité de son alimentation, sur la façon dont ces produits sont élaborés. La mission confiée il y a quarante ans par l'Europe à notre agriculture était de nourrir l'Europe à bon marché. Soutenue en cela par les industriels, l'agriculture française a magistralement relevé ce défi, elle est devenue la première d'Europe, la deuxième du monde. Et le consommateur a pris l'habitude d'une alimentation peu chère. Ce contrat passé entre l'Europe et ses agriculteurs est aujourd'hui dépassé. L'Europe est autosuffisante, voire excédentaire. Cette politique a généré des effets pervers : concentration des exploitations, désertification rurale, chute de l'emploi agricole, atteinte à l'environnement et à la qualité des produits. En même temps, je tiens à le réaffirmer, la sécurité du consommateur et la diversité des produits n'ont pas été sacrifié. Les produits sont plus sains, plus sûrs aujourd'hui qu'hier, malgré les crises qui se répètent. Il est vrai pourtant que la valeur ajoutée introduite par l'agriculture dans le produit a décliné au profit de celle initiée par les processus industriels. Dans de nombreux cas, la qualité gustative de produits de terroirs a été sacrifiée. La toute nouvelle loi d'orientation agricole vise à gérer les conséquences de cette évolution. Il s'agit de reconnaître également la participation de l'agriculture à l'emploi, la valeur ajoutée des produits, le respect de l'environnement, l'occupation harmonieuse du territoire. Il s'agit après le règne de la quantité produite de prendre le virage de la qualité. Je parle de la qualité des pratiques agricoles, de la qualité des productions, de la promotion de produits dont les caractéristiques, leur lien au terroir sont identifiés et certifiés par un signe officiel de la qualité.
Cette politique de qualité permet une plus grande valorisation de notre savoir-faire, de la diversité de nos productions nationales. Elle favorise l'ancrage d'une agriculture durable. Elle permet aux producteurs désireux de valoriser leurs produits, de s'inscrire dans une démarche collective. Elle est génératrice d'une valeur ajoutée qui doit bénéficier à chacun des échelons de la production.
Malheureusement, certaines pratiques commerciales ne permettent pas toujours ce juste retour de la valeur ajoutée aux producteurs des produits agricoles ou agro-alimentaires. La crise de l'été sur les fruits et légumes a provoqué une réflexion nationale sur les règles régissant les relations entre fournisseurs et distributeurs. Cette réflexion, au terme de plusieurs groupes de travail, s'est concrétisée dans un premier temps par les assises de la distribution, clôturées le 13 janvier par le Premier ministre. Parallèlement à ces travaux, une mission d'enquête parlementaire, conduite par les Députés CHARRIE et LE DEAULT a approfondi ce sujet. Personne ne nie aujourd'hui qu'il y a des abus importants qui s'exercent au détriment des fournisseurs, notamment en matière de coopération commerciale. Il faut se donner des moyens plus efficaces pour y remédier. Lorsque les rapports de force entre producteurs et distributeurs ne permettent plus au marché de retrouver seul un équilibre, une régulation accrue devient nécessaire. Il est de la responsabilité des Pouvoirs publics de préciser les règles du jeu et de les faire respecter. Ces assises ont permis de dégager des propositions importantes qui seront reprises dans le futur projet de loi sur les nouvelles régulations économiques
2- Je voudrais aussi profiter de l'occasion que j'ai de m'exprimer ici pour dire quelques mots des échéances internationales que vous évoquerez cette après-midi.
Nous avons deux chantiers importants : l'OMC, dans des conditions naturellement sensiblement différentes de ce à quoi on aurait pu s'attendre à la fin de l'an dernier, et la négociation d'élargissement.
S'agissant de l'OMC, tout d'abord, à l'évidence, les priorités des prochains mois ont radicalement changé. La discussion va reprendre à Genève sur l'agriculture et les services. Mais sans textes, sans calendrier, sans objectifs précis, il ne faut pas en attendre pas grand chose.
Il est clair que le texte qui fixe les conditions de reprise de la discussion, l'article 20 de l'accord agricole de Marrakech, ne nous permettrait pas de bien traiter les nouvelles préoccupations de l'agriculture, qu'il s'agisse de la multifonctionnalité ou de la sécurité alimentaire. Ces objectifs guident les raisonnements en France et en Europe. Il ne serait pas normal que nous ne puissions pas en tenir compte dans les négociations internationales.
C'est dire que les enjeux des prochains mois ne sont pas dans la négociation agricole qui ne reprend à Genève, au titre de l'agenda incorporé, que de manière un peu théorique.
SEATTLE a agit comme un révélateur. On a largement commenté les contraintes politiques américaines qui expliquent le peu d'empressement de notre partenaire à conclure. La préparation matérielle était insuffisante. Il ne faut pas sous-estimer non plus le mécontentement des pays en voie de développement, qui n'acceptent plus d'être traité comme des partenaires de seconde zone dans la négociation.
Nous devons réfléchir à tous ces dysfonctionnements, pour tenter d'y trouver des remèdes. C'est à cela qu'il va falloir travailler dans les 18 mois qui viennent, parce que nous ne parviendrons à reprendre la négociation agricole dans de bonnes conditions que si nous avons une OMC en bon état de marche. C'est dans cette optique que le Premier Ministre a avancé l'idée d'une réunion ministérielle pour améliorer les procédures de négociation. Nous devrions nous fixer quelques objectifs précis, définis de manière pragmatique. S'agissant du fonctionnement de l'OMC, par exemple, comment adapter nos méthodes de fonctionnement, pour réussir à négocier efficacement à 137 sans que les petits pays en développement restent à l'écart ? Vis à vis de l'opinion publique et des ONG : comment peut-on mieux assurer la transparence de la négociation et du règlement des différends ?
Ce travail institutionnel est une étape nécessaire pour redonner à l'OMC l'assurance nécessaire. Au terme de cette période, nous n'avons pas de raison de changer d'objectif : plus que jamais, nous devons persister dans notre objectif de lancement d'un cycle global, parce que c'est comme cela que nous réussirons à équilibrer l'ouverture par des règles, dans le domaine agricole comme dans les autres secteurs.
Un mot, pour conclure, de la négociation de l'élargissement, qui va entrer, s'agissant du volet agricole, dans une phase plus active. Nous commencerons vraiment à aborder le fond du volet agricole de la négociation d'adhésion pendant la présidence française, si ce volet des discussions est lancé, comme prévu, sous présidence portugaise. Nous demanderons aux pays candidats qu'ils assurent pleinement la reprise de l'acquis communautaire, et sa mise en uvre effective. Pour cela, les pays candidats doivent être incités à poursuivre leurs efforts de mise à niveau de la réglementation. En sens inverse, l'adhésion ne soit pas remettre en cause l'équilibre de la PAC. Au-delà, il faut poursuivre la réflexion sur l'impact de l'élargissement sur la PAC à moyen terme, au-delà des échéances de l'agenda 2000.
Je terminerai sur ce point : il est clair que ce que nous demanderons aux pays candidats n'est pas facile. Nous leur disons en même temps qu'ils doivent s'adapter à la politique agricole commune, et nous sommes, dans le même temps, en train de la réformer en profondeur, dans un processus qui n'est pas achevé. La cible est mouvante, c'est toujours une situation inconfortable pour les négociateurs. Mais l'enjeu des prochains mois et des prochaines années se trouve bien dans ce double mouvement de réforme, réforme interne, réforme par l'élargissement.
Je vous remercie.
(Source http://www.agriculture.gouv.fr, le 24 janvier 2000)