Texte intégral
Monsieur le président,
Mesdames et Messieurs, chers amis,
Je suis heureux de pouvoir venir à votre rencontre ce midi. Dialoguer avec des décideurs, au coeur de l'activité internationale est enrichissant pour moi.
Vous me pardonnerez de ne pas lever le voile sur le budget, car nous procédons aux ultimes arbitrages.
Je vous présenterai néanmoins l'esprit qui préside à ce budget au moment où nous devons faire face à un ralentissement conjoncturel plus fort et plus long que prévu.
M'exprimant devant de prestigieux investisseurs internationaux, je saisis l'occasion de cette rencontre pour aborder la question de la compétition économique entre États et de la nécessaire modernisation de notre pays.
1. En France, l'Etat est resté trop longtemps inerte face aux défis de la mondialisation
Son modèle séculaire d'Etat-Nation s'est ébranlé progressivement par l'ouverture des économies, l'émergence des organisations multinationales, et surtout l'autonomie des acteurs économiques et sociaux.
Cette ouverture de notre économie a fait l'objet d'une prise de conscience trop tardive. Alors que nos concurrents engageaient des réformes ambitieuses de leur gestion publique, que les entreprises françaises se restructuraient, l'Etat s'illustrait par un franc immobilisme.
Omniprésent, il est aujourd'hui appelé à une reconfiguration radicale qui doit se traduire par une limitation volontariste de ses interventions et du poids de ses prélèvements.
L'heure de la Réforme et de la modernisation a sonné. Et la politique économique et budgétaire en portera l'ambition.
Désormais, les États sont concurrents entre eux.
La maîtrise technologique, et plus encore la faculté d'attirer les entrepreneurs, les chercheurs et les entreprises à forte valeur ajoutée fondent la nouvelle richesse des nations.
Loin d'être hors jeu, l'Etat doit s'affirmer comme un facteur décisif d'attractivité et de compétitivité, à travers sa capacité à offrir aux entrepreneurs un environnement favorable.
Dans de nombreux pays développés, la gestion publique par objectifs, à l'image de celle des entreprises, a permis d'assainir les finances par la mise en place d'indicateurs de qualité, de performance et de coût des services rendus par la collectivité.
De ce point de vue, l'exemple du Canada m'a frappé. En moins de 4 ans, a été résorbé un déficit public de plus de 6 points de PIB (en France 90 Md ).
Ce pays achève son 6e exercice consécutif excédentaire. Le poids de la dette rapporté au PIB a baissé de 20 points. L'ajustement a été vertueux car il a porté, non sur la hausse de la fiscalité, mais sur la réduction des dépenses de 10,3% en 4 ans.
Pour parvenir à ce résultat, les Canadiens ont, en quelque sorte, reconstruit leur administration et procédé à une révision de l'ensemble de leurs politiques publiques.
Cette réforme a été menée dans la plus complète collégialité. Elle a recueilli le soutien de la population : l'équipe gouvernementale a été reconduite trois fois de suite, pour la première fois dans l'histoire.
2. En France, il nous faut porter haut l'ambition de réforme
2.1 Et l'Etat doit montrer l'exemple et se réformer en profondeur
En ce sens, une " nouvelle constitution financière " a été adoptée. J'avais oeuvré à cette adoption, alors que j'étais dans l'opposition. Elle entrera pleinement en application le 1er janvier 2006.
" Révolution silencieuse ", elle renouvelle en profondeur les outils de la gestion publique, grâce au passage d'une " logique de moyens " à une " logique de résultats ".
A compter de 2006, les budgets de chaque ministère seront présentés sous forme de programmes correspondant à des missions clairement identifiées. A chaque programme seront associés des objectifs de performance et des indicateurs permettant de mesurer les résultats atteints.
En contrepartie, une plus grande souplesse de gestion sera offerte : les futurs " managers publics " disposeront d'enveloppes de crédits fongibles, au lieu du carcan de l'actuelle nomenclature.
Cette réforme bouleverse la tradition séculaire de notre gestion publique, par :
L'obligation pour les ministères de formuler des objectifs de politiques publiques avant de demander des crédits ;
L'engagement sur un niveau de performance ;
La justification de la dépense au premier euro ;
L'étude des organisations administratives en fonction des missions afin d'identifier les doublons.
Elle repose sur trois piliers :
l'efficacité avec une responsabilisation accrue des gestionnaires ;
la transparence avec un rôle plus actif des parlementaires dans l'autorisation et le contrôle de la dépense ;
la lisibilité avec une plus grande clarté des choix stratégiques, par la création d'outils d'analyse des charges et des ressources ainsi que des coûts.
Au total, cette nouvelle constitution financière fournit ainsi un levier considérable pour réformer l'Etat.
2.2 Au-delà de la conjoncture, notre politique budgétaire vise à offrir aux Français un meilleur service à un coût moindre.
En effet, notre situation budgétaire est dégradée. Notre nouvelle prévision d'un déficit de 4% du PIB pour 2003 a été notifiée, hier soir, à Bruxelles.
Cette dégradation traduit le ralentissement de la conjoncture, avec une croissance inférieure à la prévision de 1,3 % de juin dernier.
Nos difficultés trouvent également leurs causes dans l'accumulation des " déficits structurels ". Au sortir de la période de croissance la plus faste depuis les années 70, la France a abordé l'année 2002 avec un déficit de 2,6 % du PIB.
L'explication est simple. En phase haute de conjoncture, le précédent Gouvernement a fortement baissé les impôts et engagé de lourdes dépenses, sous-estimées et non gagées sur des recettes pérennes. Les plus-values conjoncturelles, liées notamment à la bulle Internet, ont un temps masqué cette dérive, mais explosent à présent en moins-values et en déficits.
Nos finances étaient donc dans une situation critique avant même le ralentissement de l'été 2002. Dès lors, le franchissement du seuil fatidique des 3 % était, en quelque sorte, inévitable.
En pleine conscience de nos devoirs, nous avons choisi, de laisser jouer les stabilisateurs automatiques.
La réduction à marche forcée du déficit, par une augmentation des prélèvements, aurait menacé une reprise annoncée. Certains l'ont tenté et sont aujourd'hui en récession comme le Portugal, l'Allemagne et les Pays-Bas.
Nous avons dépassé la limite des 3% que nous fixent les traités européens, en l'expliquant à nos partenaires : nous sommes attachés au Pacte de stabilité, règlement de copropriété de l'Euro. Mais notre 1er devoir est de retrouver la croissance et l'emploi.
Corrélativement, est conduit un effort sans précédent de maîtrise des dépenses.
En gage de politique responsable et équilibrée, nous respecterons notre engagement d'améliorer le solde structurel en 2003 et 2004.
Pour 2003, il ne sera pas dépensé en exécution un euro de plus que le montant des crédits votés par le Parlement,
Pour 2004, les dépenses seront stabilisées en volume. Ce principe, simple à énoncer, suppose cependant un effort considérable d'économies structurelles et de redéploiement face à la progression spontanée des charges de la dette, des pensions et aux priorités du Gouvernement (Défense, Sécurité, Justice).
Cette politique sera poursuivie : seule la maîtrise sur le moyen terme de la dépense peut rendre durables et efficaces les baisses d'impôts et les allégements de charges.
2.3 Porter haut l'ambition de réforme, c'est également renforcer l'attractivité de notre pays.
L'afflux des investissements étrangers, le maintien de nos élites et la localisation des centres de décision sont essentiels :
au renforcement de notre potentiel de croissance,
à la diffusion de l'innovation,
et à la création d'emploi.
La France présente de nombreux atouts : la taille du marché, la position géographique au coeur de l'Europe, la qualité des infrastructures de transport et de télécommunication, la qualité de la main d'oeuvre et son adaptabilité, etc.
Selon l'OCDE, notre pays se situe au 2e rang mondial pour l'accueil des investissements directs étrangers, juste après la Chine.
Mais dans un univers compétitif et mouvant, nous sommes déterminés à renforcer cette attractivité, d'où la démarche engagée par le Premier ministre en juin, à La Baule, autour de 3 axes :
Pour attirer les compétences, faciliter l'accueil des étudiants et chercheurs étrangers dans les disciplines économiques et scientifiques. Améliorer la situation sociale et fiscale des cadres et dirigeants étrangers salariés en France. Des mesures sont prévues en ce sens dans le prochain budget.
Pour attirer les investissements internationaux, le crédit impôt-recherche sera réformé. Le cadre juridique des investissements étrangers sera rendu plus simple et plus lisible. Des propositions seront également présentées en ce sens avant la fin de l'année.
Pour attirer les activités à enjeux stratégiques comme les sièges sociaux et les centres de décision. Une mission parlementaire présentera à la rentrée des propositions et un plan d'action sera fixé à la fin de l'année.
Pour la première fois, s'engage ainsi une démarche globale et stratégique en faveur de l'attractivité de notre territoire.
Pour conclure, la France s'engage résolument dans la voie de la réforme. Quels que soient les obstacles et les incompréhensions de l'opinion, la détermination du Gouvernement ne fléchira pas.
L'État montrera l'exemple en se réformant en profondeur, malgré la conjoncture difficile. L'assainissement des comptes se réalisera grâce à la maîtrise des dépenses.
Nous souhaitons poser notre nouvelle politique économique sur des fondements solides pour préparer l'avenir, en rendant la France plus compétitive. Et ainsi lui redonner la place qui doit rester la sienne dans le concert du monde.
(Source http://www.minefi.gouv.fr, le 05 septembre 2003)
Mesdames et Messieurs, chers amis,
Je suis heureux de pouvoir venir à votre rencontre ce midi. Dialoguer avec des décideurs, au coeur de l'activité internationale est enrichissant pour moi.
Vous me pardonnerez de ne pas lever le voile sur le budget, car nous procédons aux ultimes arbitrages.
Je vous présenterai néanmoins l'esprit qui préside à ce budget au moment où nous devons faire face à un ralentissement conjoncturel plus fort et plus long que prévu.
M'exprimant devant de prestigieux investisseurs internationaux, je saisis l'occasion de cette rencontre pour aborder la question de la compétition économique entre États et de la nécessaire modernisation de notre pays.
1. En France, l'Etat est resté trop longtemps inerte face aux défis de la mondialisation
Son modèle séculaire d'Etat-Nation s'est ébranlé progressivement par l'ouverture des économies, l'émergence des organisations multinationales, et surtout l'autonomie des acteurs économiques et sociaux.
Cette ouverture de notre économie a fait l'objet d'une prise de conscience trop tardive. Alors que nos concurrents engageaient des réformes ambitieuses de leur gestion publique, que les entreprises françaises se restructuraient, l'Etat s'illustrait par un franc immobilisme.
Omniprésent, il est aujourd'hui appelé à une reconfiguration radicale qui doit se traduire par une limitation volontariste de ses interventions et du poids de ses prélèvements.
L'heure de la Réforme et de la modernisation a sonné. Et la politique économique et budgétaire en portera l'ambition.
Désormais, les États sont concurrents entre eux.
La maîtrise technologique, et plus encore la faculté d'attirer les entrepreneurs, les chercheurs et les entreprises à forte valeur ajoutée fondent la nouvelle richesse des nations.
Loin d'être hors jeu, l'Etat doit s'affirmer comme un facteur décisif d'attractivité et de compétitivité, à travers sa capacité à offrir aux entrepreneurs un environnement favorable.
Dans de nombreux pays développés, la gestion publique par objectifs, à l'image de celle des entreprises, a permis d'assainir les finances par la mise en place d'indicateurs de qualité, de performance et de coût des services rendus par la collectivité.
De ce point de vue, l'exemple du Canada m'a frappé. En moins de 4 ans, a été résorbé un déficit public de plus de 6 points de PIB (en France 90 Md ).
Ce pays achève son 6e exercice consécutif excédentaire. Le poids de la dette rapporté au PIB a baissé de 20 points. L'ajustement a été vertueux car il a porté, non sur la hausse de la fiscalité, mais sur la réduction des dépenses de 10,3% en 4 ans.
Pour parvenir à ce résultat, les Canadiens ont, en quelque sorte, reconstruit leur administration et procédé à une révision de l'ensemble de leurs politiques publiques.
Cette réforme a été menée dans la plus complète collégialité. Elle a recueilli le soutien de la population : l'équipe gouvernementale a été reconduite trois fois de suite, pour la première fois dans l'histoire.
2. En France, il nous faut porter haut l'ambition de réforme
2.1 Et l'Etat doit montrer l'exemple et se réformer en profondeur
En ce sens, une " nouvelle constitution financière " a été adoptée. J'avais oeuvré à cette adoption, alors que j'étais dans l'opposition. Elle entrera pleinement en application le 1er janvier 2006.
" Révolution silencieuse ", elle renouvelle en profondeur les outils de la gestion publique, grâce au passage d'une " logique de moyens " à une " logique de résultats ".
A compter de 2006, les budgets de chaque ministère seront présentés sous forme de programmes correspondant à des missions clairement identifiées. A chaque programme seront associés des objectifs de performance et des indicateurs permettant de mesurer les résultats atteints.
En contrepartie, une plus grande souplesse de gestion sera offerte : les futurs " managers publics " disposeront d'enveloppes de crédits fongibles, au lieu du carcan de l'actuelle nomenclature.
Cette réforme bouleverse la tradition séculaire de notre gestion publique, par :
L'obligation pour les ministères de formuler des objectifs de politiques publiques avant de demander des crédits ;
L'engagement sur un niveau de performance ;
La justification de la dépense au premier euro ;
L'étude des organisations administratives en fonction des missions afin d'identifier les doublons.
Elle repose sur trois piliers :
l'efficacité avec une responsabilisation accrue des gestionnaires ;
la transparence avec un rôle plus actif des parlementaires dans l'autorisation et le contrôle de la dépense ;
la lisibilité avec une plus grande clarté des choix stratégiques, par la création d'outils d'analyse des charges et des ressources ainsi que des coûts.
Au total, cette nouvelle constitution financière fournit ainsi un levier considérable pour réformer l'Etat.
2.2 Au-delà de la conjoncture, notre politique budgétaire vise à offrir aux Français un meilleur service à un coût moindre.
En effet, notre situation budgétaire est dégradée. Notre nouvelle prévision d'un déficit de 4% du PIB pour 2003 a été notifiée, hier soir, à Bruxelles.
Cette dégradation traduit le ralentissement de la conjoncture, avec une croissance inférieure à la prévision de 1,3 % de juin dernier.
Nos difficultés trouvent également leurs causes dans l'accumulation des " déficits structurels ". Au sortir de la période de croissance la plus faste depuis les années 70, la France a abordé l'année 2002 avec un déficit de 2,6 % du PIB.
L'explication est simple. En phase haute de conjoncture, le précédent Gouvernement a fortement baissé les impôts et engagé de lourdes dépenses, sous-estimées et non gagées sur des recettes pérennes. Les plus-values conjoncturelles, liées notamment à la bulle Internet, ont un temps masqué cette dérive, mais explosent à présent en moins-values et en déficits.
Nos finances étaient donc dans une situation critique avant même le ralentissement de l'été 2002. Dès lors, le franchissement du seuil fatidique des 3 % était, en quelque sorte, inévitable.
En pleine conscience de nos devoirs, nous avons choisi, de laisser jouer les stabilisateurs automatiques.
La réduction à marche forcée du déficit, par une augmentation des prélèvements, aurait menacé une reprise annoncée. Certains l'ont tenté et sont aujourd'hui en récession comme le Portugal, l'Allemagne et les Pays-Bas.
Nous avons dépassé la limite des 3% que nous fixent les traités européens, en l'expliquant à nos partenaires : nous sommes attachés au Pacte de stabilité, règlement de copropriété de l'Euro. Mais notre 1er devoir est de retrouver la croissance et l'emploi.
Corrélativement, est conduit un effort sans précédent de maîtrise des dépenses.
En gage de politique responsable et équilibrée, nous respecterons notre engagement d'améliorer le solde structurel en 2003 et 2004.
Pour 2003, il ne sera pas dépensé en exécution un euro de plus que le montant des crédits votés par le Parlement,
Pour 2004, les dépenses seront stabilisées en volume. Ce principe, simple à énoncer, suppose cependant un effort considérable d'économies structurelles et de redéploiement face à la progression spontanée des charges de la dette, des pensions et aux priorités du Gouvernement (Défense, Sécurité, Justice).
Cette politique sera poursuivie : seule la maîtrise sur le moyen terme de la dépense peut rendre durables et efficaces les baisses d'impôts et les allégements de charges.
2.3 Porter haut l'ambition de réforme, c'est également renforcer l'attractivité de notre pays.
L'afflux des investissements étrangers, le maintien de nos élites et la localisation des centres de décision sont essentiels :
au renforcement de notre potentiel de croissance,
à la diffusion de l'innovation,
et à la création d'emploi.
La France présente de nombreux atouts : la taille du marché, la position géographique au coeur de l'Europe, la qualité des infrastructures de transport et de télécommunication, la qualité de la main d'oeuvre et son adaptabilité, etc.
Selon l'OCDE, notre pays se situe au 2e rang mondial pour l'accueil des investissements directs étrangers, juste après la Chine.
Mais dans un univers compétitif et mouvant, nous sommes déterminés à renforcer cette attractivité, d'où la démarche engagée par le Premier ministre en juin, à La Baule, autour de 3 axes :
Pour attirer les compétences, faciliter l'accueil des étudiants et chercheurs étrangers dans les disciplines économiques et scientifiques. Améliorer la situation sociale et fiscale des cadres et dirigeants étrangers salariés en France. Des mesures sont prévues en ce sens dans le prochain budget.
Pour attirer les investissements internationaux, le crédit impôt-recherche sera réformé. Le cadre juridique des investissements étrangers sera rendu plus simple et plus lisible. Des propositions seront également présentées en ce sens avant la fin de l'année.
Pour attirer les activités à enjeux stratégiques comme les sièges sociaux et les centres de décision. Une mission parlementaire présentera à la rentrée des propositions et un plan d'action sera fixé à la fin de l'année.
Pour la première fois, s'engage ainsi une démarche globale et stratégique en faveur de l'attractivité de notre territoire.
Pour conclure, la France s'engage résolument dans la voie de la réforme. Quels que soient les obstacles et les incompréhensions de l'opinion, la détermination du Gouvernement ne fléchira pas.
L'État montrera l'exemple en se réformant en profondeur, malgré la conjoncture difficile. L'assainissement des comptes se réalisera grâce à la maîtrise des dépenses.
Nous souhaitons poser notre nouvelle politique économique sur des fondements solides pour préparer l'avenir, en rendant la France plus compétitive. Et ainsi lui redonner la place qui doit rester la sienne dans le concert du monde.
(Source http://www.minefi.gouv.fr, le 05 septembre 2003)