Déclaration de M. Renaud Muselier, secrétaire d'Etat aux affaires étrangères, sur les objectifs de sa mission, notamment l'aide humanitaire, le réglement des conflits, la réforme du Ministère des affaires étrangères et le développement des relations avec la rive Sud de la Méditerranée, Paris le 28 août 2003.

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Circonstance : Onzième Conférence annuelle des Ambassadeurs, à Paris les 28 et 29 août 2003

Texte intégral

Monsieur le Premier ministre,
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Mesdames et Messieurs les Parlementaires,
Monsieur le Secrétaire général,
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,
Mesdames et Messieurs,
C'est un réel plaisir de vous retrouver pour la traditionnelle conférence des ambassadeurs. Non pas que l'exercice précédent fut rébarbatif, bien au contraire, il a même été primé, mais je suis désormais en terrain connu. Les douze mois écoulés nous ont en effet permis de nous découvrir, de nous apprécier, et d'oeuvrer, aux côtés de Dominique de Villepin et des ministres délégués, à un même dessein, immuable en ces murs mais ô combien mobilisateur : la grandeur de la France.
Quelques mots du coeur tout d'abord : permettez-moi de me féliciter de l'alchimie qui s'est produite entre le politique que je suis et les hauts fonctionnaires que vous êtes. Là où le premier dynamise, symbolise, valorise, les seconds cultivent, tissent, veillent et surveillent. Cette complémentarité a fait ses preuves. Voilà pourquoi je me sens bien au Quai d'Orsay et, je l'espère, que les diplomates apprécient mon action.
Mais je tenais aussi à vous remercier, pour ce que vous faites pour la France au quotidien, à longueur d'année, dans des conditions matérielles parfois difficiles et dans des circonstances politiques qui le sont tout autant. J'ai beaucoup d'estime pour votre action. Vous qui, partout à travers le monde, êtes le visage de la France, la parole de notre pays, les porteurs de notre drapeau. Vous, les patients édificateurs de nos liens internationaux qui défendez nos intérêts avec doigté, persévérance, inventivité, vous vous employez à faire fructifier notre réseau diplomatique, le deuxième au monde, dont le maillage politique, économique, militaire, culturel, éducatif ou linguistique, assure à notre pays son rayonnement.
Pour ma part, et conformément aux instructions du président de la République, du Premier ministre et du ministre, j'ai donc voulu redonner vie au secrétariat d'Etat aux Affaires étrangères avec des objectifs clairs : démultiplier l'action extérieure de la France et promouvoir cette "offre complémentaire" dont est porteur notre pays dans le monde. Dans cet esprit, j'ai tenu à placer mon action sous le double signe de la cohérence et de la disponibilité.
Cohérence géographique tout d'abord car il me revenait en premier lieu de "labourer" de nombreux pays longtemps sevrés, à tort, de visites ministérielles françaises : en un an, la quasi-totalité de l'Asie, de l'Amérique latine et du flanc sud de la CEI a ainsi été couverte. Mais j'ai tenu également à m'impliquer sur les questions méditerranéennes par des contacts réguliers avec mes homologues européens ou maghrébins sur ces sujets.
Cohérence thématique également car, au-delà de ces missions régionales, j'ai tenu à m'investir dans deux domaines transversaux me tenant particulièrement à cur compte-tenu de mes "origines", et je pense en premier lieu à l'action humanitaire. La communication présentée en Conseil des ministres en juin dernier permet de confier au Quai d'Orsay la régulation de notre action humanitaire. Nous la voulons plus réactive, plus efficace et plus visible. Je me suis également attaché à la défense et à la promotion des communautés françaises à l'étranger et notamment à leur représentativité politique. L'introduction dans des délais-record du vote électronique lors du renouvellement partiel du CSFE a constitué une "petite révolution" dans la vie politique française. Nous avons ainsi prouvé que notre ministère pouvait être le fer de lance d'une réforme audacieuse de l'Etat.
Cohérence donc, mais aussi disponibilité car les affaires étrangères imposent, plus que tout autre exercice, d'être réactif, de s'adapter aux circonstances et aux crises. Voilà pourquoi j'ai tenu, tout en conservant mes responsabilités régionales, à répondre aux nombreuses sollicitations dont j'ai fait l'objet. En étant par exemple présent aux funérailles nationales au Sénégal après le naufrage du Joola ou bien en effectuant 30 heures d'avion en deux jours pour rencontrer le président Lula à Brasilia ou représenter la France à la conférence des démocraties à Séoul. Comme vous le voyez, le "reste" a donc constitué un "tout" qui a contribué à renforcer la présence politique de la France sur la scène internationale.
Mais nous avons tous beaucoup travaillé au cours de l'année passée, durant laquelle nous n'avons pas été épargnés. De l'Irak à l'Afghanistan, en passant par la Centrafrique, la République démocratique du Congo, le Proche-Orient ou la Corée du Nord, combien de tensions, de crises, d'affrontements armés, d'actes terroristes... Néanmoins, comme en contrepoids à l'évocation de ces espaces de confrontation, viennent à l'esprit Johannesburg, New York, Evian, Beyrouth, autant de lieux où la parole de la France a été forte, écoutée, respectée et surtout attendue.
Pourquoi attendue ? Parce que les problèmes de démocratie, de démographie, de sida, d'eau, d'énergie, de bonne gouvernance, tous les problèmes de développement durable sont pris en compte en quotidien par notre diplomatie. Dans ce monde qui souffre, nous avons la chance d'être Français et nous pouvons en être fiers.
La mondialisation est un fait. Il faut l'humaniser, elle doit se faire par les hommes, au service des hommes et doit se réguler dans le plus grand respect des structures multilatérales. La démarche diplomatique française, qui s'appuie sur ces principes, constitue la réponse appropriée à la critique altermondialiste du désordre mondial.
Pour ma part, je compte donc résolument poursuivre mon action et continuer, avec vous, à faire gagner la France. Cette disponibilité, cette combativité, soyez assurés que je continuerai à en user pour poursuivre ma tâche de démultiplication aux côtés de Dominique de Villepin.
D'ores et déjà, des missions sont programmées en Amérique centrale, aux Etats-Unis ainsi qu'en Australie et en Nouvelle Zélande. Mais le maître-mot de mon action au cours des prochains mois sera la proximité et j'ai ici une requête à formuler. Si j'ai beaucoup appris cette année aux côtés des professionnels de la diplomatie que vous êtes, sans doute puis-je me permettre, à mon tour, de vous inviter à vous inspirer de mon expérience d'élu local pour donner du sens au lien social unissant les communautés françaises à l'étranger. Que l'alchimie que j'évoquais tout à l'heure entre nous se poursuive en cette direction.
Car cette proximité se voudra humaine avant tout, à l'égard des Français de l'étranger. Nos deux millions de compatriotes expatriés doivent en effet bénéficier de la réforme de notre administration. Les grandes lignes en seront présentées par le ministre la semaine prochaine devant l'assemblée plénière du CSFE :
- la réforme de l'immatriculation ;
- l'adaptation de notre carte consulaire ;
- le développement de l'administration par Internet.
Nous voulons que chacune de ces évolutions rapproche le citoyen de la France et donc d'une administration qui doit être plus souple, plus réactive, plus efficace, plus moderne. Sur l'ensemble de ces questions, je présenterai d'ailleurs en fin d'année une communication en Conseil des ministres. Dans le même esprit, j'ai lancé avec mon collègue Christian Jacob une réflexion commune sur la difficile question de l'adoption, dont vous savez que les trois-quarts s'effectuent à l'international.
Ce souci de proximité se voudra également géographique. Le thème de la Conférence des ambassadeurs cette année en témoigne, l'élargissement à l'Est de l'Union européenne est un moment historique et un formidable succès pour nous tous. Mais cette Europe réunifiée prendra la dimension qu'elle mérite en accordant une attention toute particulière à la mer Méditerranée, notre Mare nostrum, le berceau des civilisations. L'accueil enthousiaste réservé au président Chirac en Algérie a mis en exergue les attentes envers la France sur notre littoral sud. Toute possibilité d'échanges et de débats doit à cet égard être explorée à son maximum dans cette région. C'est tout l'objet du dialogue informel "5 +5", entre Etats de la Méditerranée occidentale. La France en assure la présidence cette année et je suis heureux qu'elle ait pris l'initiative d'organiser une nouvelle réunion des ministres à la fin du mois d'octobre, après celle de Sainte-Maxime en avril.
La France, par la voix du ministre, a fait des propositions précises pour dynamiser les relations entre les deux rives de la Méditerranée, dans le cadre du Processus de Barcelone. Il convient qu'à la prochaine Conférence de Naples les 2 et 3 décembre, nous soyons en mesure de nous doter rapidement d'outils concrets répondant aux exigences légitimes de paix et de développement dans la région : une banque euro-méditerranéenne, une fondation pour le dialogue des cultures, une assemblée interparlementaire.
Cette exigence d'action sur le flanc Sud de notre pays et de notre continent est capitale pour la construction de l'Europe élargie. C'est ma détermination en tant que méditerranéen, c'est ma conviction en tant qu'élu local, c'est mon ambition en tant que secrétaire d'Etat.
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,
Je voudrais conclure en vous disant ma foi en l'avenir, malgré un contexte budgétaire difficile dans lequel chacun mesure les sacrifices à consentir. Le Quai d'Orsay est parfois décrit comme une maison discrète, secrète, voire parfois un peu repliée sur elle-même. Pour la connaître maintenant de l'intérieur, je puis vous dire que rien n'est plus caricatural. Pour avoir voyagé au cours de mes missions avec des parlementaires, des chefs d'entreprise, des journalistes, des acteurs associatifs, je puis vous confirmer que cette "grande maison" est estimée pour son grand professionnalisme, son extraordinaire dévouement et sa faculté d'adaptation. Elle est à ce titre enviée et respectée dans le monde entier.
Tels étaient les messages que je souhaitais vous transmettre. Votre feuille de route est claire, la mienne également. Nous avons une obligation commune de résultat. Vous pouvez compter sur moi comme je sais pouvoir compter sur vous. Votre travail au quotidien est essentiel pour le rayonnement de notre pays. Ne doutez pas que je mettrai tout en oeuvre en ce qui me concerne, et avec Dominique de Villepin, pour vous aider dans cette tâche.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 29 août 2003)