Texte intégral
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Sénateurs,
Mesdames et Messieurs les élus,
Je souhaite vous parler de vous, et de quelques autres de nos concitoyens, de ce million et demi de nos compatriotes qui vivent à l'étranger, vous parler tout particulièrement de leur sécurité et du rôle du ministère de la défense pour leur sécurité et l'environnement dans lequel ils se trouvent.
C'est un sujet important, et ceux d'entre vous qui me connaissent savent toute l'attention que je porte au rôle des Français qui vivent hors de France, qui sont chacun nos ambassadeurs, et jouent un rôle tout à fait essentiel à la prospérité et au rayonnement de la France. Ils constituent d'ailleurs eux-mêmes un élément essentiel du statut de grande puissance de notre pays. Or l'année écoulée a une fois de plus montré les risques qu'ils encourent dans l'exercice de leurs activités.
Cette rencontre aujourd'hui avec le CSFE me donne ainsi l'occasion de réaffirmer solennellement devant vous, qui êtes leurs représentants, que la sécurité de nos ressortissants constitue une préoccupation constante et une priorité pour le gouvernement tout entier. C'est d'autant plus vrai aujourd'hui que notre monde traverse une période préoccupante de crise où se multiplient les troubles et, par voie de conséquence, les risques.
En réponse, nos dispositifs de prévention et d'intervention doivent être revus pour être adaptés voire complétés dans un certain nombre de cas. C'est l'une des tâches entreprises par ce gouvernement. Elle s'inscrit aussi, et je tiens à le souligner, dans le sens plus global du rôle du ministère de la défense. Elle s'inscrit dans une politique de défense énergique, volontariste, qui a pour but de rendre à la France les moyens de sa politique et sa capacité à tenir son rang dans le monde, son rang de grande puissance, son rang de membre permanent du Conseil de sécurité des Nations Unies.
La sécurité de nos compatriotes à l'étranger est une de nos préoccupations constantes. Beaucoup de nos compatriotes expatriés vivent dans des pays où l'environnement est fragile et peut se transformer en environnement hostile, et où le danger fait donc partie du quotidien. Je crois d'ailleurs qu'aujourd'hui malheureusement, avec le phénomène du terrorisme, on ne peut plus dire que le risque épargne qui que ce soit. Nous savons très bien que le terrorisme peut frapper n'importe où dans le monde, à n'importe quel moment, et disons le, n'importe qui.
Les derniers mois ont ainsi montré la diversité des risques encourus : la guerre en Irak même si nos compatriotes n'y étaient pas très nombreux, ou plus près de nous et de façon plus frappante, la multiplicité des crises africaines avec la Côte d'Ivoire, la République Centrafricaine, le Congo où j'étais récemment, mais également le Libéria. Nous avons vu les attentats terroristes aveugles à Rabat, à Karachi, à Bali ou à Bagdad. Nous voyons également d'autres types de risques tels que le SRAS et où le ministère de la défense est intervenu, de façon discrète, avec le Service de santé des armées qui a été conduit à créer les bases d'un réseau pour soutenir nos compatriotes et un certain nombre de pays amis.
Ces situations appellent de la part de l'Etat qu'il assume totalement ses responsabilités à l'égard de ses concitoyens mais également à l'égard de ses engagements internationaux. Le sens de son intervention est à la base de ce qui constitue la responsabilité de l'Etat. La première responsabilité d'un Etat, c'est en effet d'assurer la sécurité de ses concitoyens sur son territoire mais également à l'extérieur de son territoire, même si, par définition dans ce cas, les conditions de mise en oeuvre sont forcément différentes.
Ceci suppose que le ministère de la défense puisse disposer des moyens adaptés à ses missions - lesquelles sont diverses comme je viens de vous l'expliquer - moyens structurels d'une part, mais aussi moyens opérationnels et moyens financiers d'autre part.
Les moyens structurels répondent aux nouveaux risques aujourd'hui, la démarche étant à la fois multiforme et collective. Lorsqu'il s'agit de lutter contre le terrorisme par exemple, on ne peut pas lutter simplement au sein d'un ministère, il faut qu'il y ait une coopération sans aucune restriction entre tous les services de l'Etat susceptibles d'être impliqués. Cela concerne donc le ministère de la Défense, mais aussi le ministère des Affaires Etrangères, le ministère de l'Intérieur, le ministère de la Justice, les services de renseignement dans leur ensemble. C'est par la coordination que l'on peut mieux appréhender, prévenir, voire intervenir.
Le dispositif de prévention est établi à travers un certain nombre de ministères. Le ministère de la Défense prend bien entendu toute sa place dans l'évaluation de la menace et des risques. C'est le rôle des services de la DGSE ou de la DRM, en coordination avec d'autres organismes, comme la DST par exemple, ceci étant coordonné au sein du Comité de sécurité interministériel présidé par le secrétaire général du ministère des Affaires étrangères. Il soutient les missions d'évaluation sur le terrain conduites par la direction des Français de l'étranger du Ministère des Affaires Etrangères.
De ce point de vue, les attachés de défense jouent un rôle déterminant dans la mise à jour des plans de sécurité et des plans d'évacuation, comme nos forces prépositionnées dont l'utilité est plus que jamais démontrée. Elles sont celles qui sont le mieux à même de contribuer au renforcement des mesures de sécurité qui peuvent être prises par les autorités locales. Ces derniers mois l'ont bien montré.
J'insiste bien sur ce point parce que certains ont parfois tendance à dire - il s'agit bien entendu des membres des commissions des finances des assemblées et non pas des membres des commissions des affaires étrangères ou de la défense - mais certains peuvent dire que cela nous coûte très cher d'avoir près de 15 000 hommes, qui sont en permanence prépositionnés en dehors du territoire métropolitain et à l'étranger. Mais c'est ce qui nous permet de réagir dans les meilleurs délais. Nous l'avons vu en Côte d'ivoire et également en RCA. C'est grâce à ces forces prépositionnées que nous avons pu intervenir immédiatement et évacuer un certain nombre de nos compatriotes, des Européens et d'ailleurs aussi un certain nombre d'Américains pris au milieu des combats. C'est aussi grâce à nos forces prépositionnées que lorsque des menaces pesaient sur la cathédrale à Djibouti, nous avons pu aussi intervenir pour sécuriser et sans doute éviter un attentat sur lequel nous avions reçu un certain nombre d'informations.
Pour autant soyons clairs, l'anticipation que nous essayons d'avoir à travers cette prévention ne suffit pas toujours à empêcher la matérialisation des risques. Et de ce fait l'intervention militaire elle-même est parfois inévitable. Cela a été tout particulièrement le cas cette année en Afrique.
En Afrique, notre intervention elle-même a un sens particulier. Le premier sens de la défense, c'est en effet la protection de nos concitoyens. La défense a également un rôle tout particulier en ce qui concerne l'Afrique, parce que sur ce continent, et ceux d'entre vous qui en sont les représentants le savent bien, la France a une obligation d'une exceptionnelle importance. C'est vrai en raison du nombre de nos ressortissants qui se trouvent dans les pays africains. C'est vrai en raison de notre histoire commune avec ce continent. C'est vrai aussi à l'égard de l'avenir qui peut être et qui doit être celui de ce continent.
Dans tous les cas où elles ont eu à intervenir sur le continent africain, nos armées se sont sans exception acquittées de leur tâche avec une extraordinaire efficacité, à la fois en protégeant nos ressortissants, en ménageant le sang de nos adversaires - parce que c'est un élément important -, et en ménageant aussi bien entendu le sang de nos soldats.
J'étais à Bunia au Congo au début du mois d'août et je serai d'ici quinze jours en Côte d'Ivoire. Ce qui m'a frappé en discutant avec les militaires responsables de ces opérations, c'est de voir à quel point, au-delà de leur efficacité opérationnelle et militaire que nous connaissons, ils jouent un véritable rôle de liaison avec les populations, voire un rôle de médiation entre les adversaires potentiels sur le terrain. Regardons ce qu'ils ont fait en Côte d'Ivoire : en sachant établir un dialogue avec toutes les parties présentes, les militaires français ont évité un certain nombre de combats et de massacres, et ils ont finalement aidé à un processus qui, pour n'être pas parfait, est néanmoins un processus qui a évité la prolongation des affrontements sur le terrain dont les civils sont toujours les premières victimes.
Je suis frappée de voir à quel point les responsables militaires ont d'abord cette préoccupation, et comment l'utilisation des armes est ressentie comme un échec de ce rôle qu'ils veulent jouer et assumer sur le terrain. Cela me paraît tout à leur honneur, et c'est une des caractéristiques de l'armée française. Cela mérite d'être signalé et souligné. Cela mérite aussi que nous leur en soyons tous reconnaissants.
Cette maîtrise et ce savoir-faire ont permis de préserver l'intégrité physique de nos concitoyens dans des situations aussi complexes que celle de la Côte d'Ivoire, de la République Centrafricaine mais également du Libéria où nous avons été conduits à intervenir notamment pour exfiltrer un certain nombre de personnes.
En ce qui concerne la Côte d'Ivoire et parce qu'on l'oublie trop souvent le contexte politique, le nombre de nos ressortissants, la configuration du terrain, je rappelle que tout contribuait à faire de l'opération LICORNE une opération à haut risque. Avec des effectifs relativement limités, l'armée française a su ramener la paix civile, même s'il reste encore du travail à faire sur le plan politique. L'armée française a su sauvegarder les intérêts français et l'image de la France. Elle a surtout su éviter un bain de sang en Côte d'Ivoire parce que, ne n'oublions pas, il y a eu un certain nombre de massacres.
L'armée française a également été capable de mettre sur pied l'évacuation des ressortissants étrangers du Libéria en un laps de temps incroyablement court, et dans un pays qui ne fait pas partie, ce qui mérite d'être souligné, de notre zone d'influence directe. Cette opération prouve aussi notre efficacité.
En dehors du continent africain, nos militaires ont prouvé leur savoir-faire et leur aptitude au contrôle des foules, dans des régions aussi troublées que celle des Balkans ou l'Ituri. Il faut bien voir que des opérations, par la force des choses non planifiées notamment dans nos lois de programmation militaire, représentent une forte contrainte sur nos forces armées par ailleurs déjà lourdement sollicitées dans d'autres opérations de maintien de la paix au sein des forces multinationales. Je pense à l'Afghanistan, au Kosovo, à la Bosnie.
En sauvant des vies humaines, elles exercent bien sûr la première et la plus noble de leur mission. Mais pour que nos troupes puissent continuer à exercer leur mission avec cette efficacité, il fallait leur en donner les moyens. Projeter rapidement des forces efficaces en nombre suffisant implique effectivement d'en avoir les moyens. Or sans faire aucune polémique et cela a été souligné par plusieurs rapports parlementaires, il faut bien reconnaître qu'a un moment, nous nous sommes trouvés avec des moyens totalement insuffisants et notamment avec des matériels dans un état de conditions délabrées, qui empêchait cette action.
Lorsque j'ai pris mes fonctions, nous avons constaté que plus de 50 % de nos matériels, qu'il s'agisse des avions, des hélicoptères, des navires et des véhicules terrestres, n'étaient pas en état de fonctionner. Parce qu'ils manquaient de pièces détachées, ou parce qu'il n'y avait pas de crédits pour assurer leur entretien. Si nous voulions continuer à assumer nos missions, il était donc indispensable qu'un effort particulier soit fait.
Cet effort se manifeste dans la loi de programmation militaire votée à la fin de 2002 à l'Assemblée nationale et au début de 2003 au Sénat : il représente un accroissement des crédits de 6,8 % par rapport à la précédente programmation. Dans la période actuelle et au vu des problèmes de croissance et de l'effort demandé, c'est considérable.
S'agissant de la première obligation d'un Etat à l'égard de ses concitoyens et compte tenu de l'état dans lequel se trouvaient nos forces par rapport à nos sollicitations, c'est le minimum indispensable pour que nous soyons à niveau en quelques années. Parce que, ne nous le cachons pas, même si depuis un an des progrès ont été faits, nous ne sommes toujours pas au niveau d'opérationnalité optimum de nos matériels. Nous pourrons le rattraper avec du temps, parce qu'il faut que des pièces détachées soient recréées. Dans certains cas, leur production avait été complètement arrêtée. Il faut aussi que les industriels soient à même de rattraper cette situation, même si les crédits sont là.
Mais je le répète, cet effort est nécessaire pour assurer la protection des Français où qu'ils soient. Le budget 2003, c'est un fait suffisamment exceptionnel pour être souligné, a été en parfaite conformité avec la loi de programmation militaire. Le budget 2004 sera également en totale conformité avec la loi de programmation militaire.
C'est indispensable pour nos compatriotes et pour nous permettre d'assumer nos responsabilités de membre permanent du Conseil de sécurité de l'ONU ainsi que l'ensemble de nos responsabilités vis à vis de la communauté internationale.
En effet, la solidarité essentielle et naturelle que nous manifestons à nos compatriotes, nous la devons aussi à nos amis et à nos alliés, qu'ils soient européens ou nord-américains. C'est ce que nous avons toujours fait dans les différentes opérations que j'ai mentionnées, où il n'y a pas eu que des Français, mais où était également en jeu la vie d'Européens ou d'autres pays étrangers.
Nous devons continuer à le faire.
Notre conception du monde, notre engagement pour la paix et la stabilité ne peuvent en effet être crédibles que si nous avons les moyens de défendre ces valeurs, par la force lorsque la nécessité s'en fait sentir.
Notre crédibilité tient à cette capacité et je peux vous en apporter un témoignage. J'ai personnellement vu totalement changer l'attitude des autres pays de l'OTAN, l'attitude de nos amis européens au sein des instances européennes, lorsque j'ai pu apporter la concrétisation de la présence française sous la forme des crédits nécessaires.
Si aujourd'hui nous avançons dans l'Europe de la défense, c'est parce que la France peut jouer un rôle leader. Elle ne le pourrait pas sans montrer qu'elle-même a concrètement la volonté de faire avancer les choses. Dans tout ceci, il y va bien sûr du rang de la France dans les instances internationales, de sa vocation et de son honneur.
La France n'est pas une instance égoïste. Elle met sa force au service de tous les citoyens du monde, partout dans le monde. Cela se sait et c'est apprécié. Elle met sa force au service de la paix et cela n'est pas un simple mot. Ce ne sont pas des intentions, ce sont des actions concrètes. Lorsque l'on en parle, en Afrique, au Moyen Orient, en Asie, en Asie Centrale, cela a un sens parce que l'on sait que nous pouvons faire ce que nous disons.
Lors des opérations de protection ou d'évacuation des ressortissants, les citoyens français sont très souvent minoritaires. Mais il est important que nous sauvions aussi les autres ressortissants étrangers. Quelques exemples : dans le cadre de LICORNE nous avons évacué 2 512 personnes exactement ; sur ces 2 512 évacuations, il faut savoir que seulement 505 étaient Français. En République Centrafricaine, sur 609 personnes évacuées, 280 seulement étaient Français. Au Libéria, nos soldats ont évacué 535 personnes, 18 Français seulement. Notre capacité à apporter une aide aux autres, c'est aussi ce qui fait notre réputation au-delà de nos frontières.
Force de protection capable d'évacuer les personnes en danger et le prouvant, la défense française est aussi une force de paix participant à la sécurisation des zones déstabilisées : les Balkans, l'Ituri. Cette action s'inscrit dans le cadre d'une politique partagée en Europe et qui se traduit par la mise en place concrète de l'Europe de la défense.
En conclusion, permettez-moi d'insister sur les deux opérations aujourd'hui en cours, parce que je vous avoue que je suis parfois un peu exaspérée d'entendre dire : " L'Europe de la défense c'est un mythe. Cela ne se fera jamais ", ou " On est en train de la construire, mais quand arrivera t-elle ? " etc.
L'Europe de la défense existe aujourd'hui. Elle existe d'autant plus qu'elle s'est manifestée et qu'elle se manifeste aujourd'hui encore dans deux opérations.
La première opération, c'est la Macédoine. On ne l'a pas assez souligné, comme si cela n'intéressait pas les médias, mais cela nous intéresse tous. En Macédoine, pour la première fois, nous avons mené une opération de l'Union européenne capable de prendre la relève de l'OTAN. En 2004, nous prendrons la relève de l'OTAN en Bosnie. La Macédoine, c'était je le reconnais une petite opération. En Bosnie, ce sera une grosse opération et une opération difficile.
Quant à ce que nous venons de faire en Ituri, et qui se termine aujourd'hui, il s'agissait d'une opération européenne totalement autonome. Ce n'était pas une " petite " opération : elle était risquée, difficile et dangereuse. Risquée parce qu'au cur du Congo et de la région des grands lacs, dans une zone impossible à rejoindre par la route à cette période de l'année avec les pluies. Il a fallu créer un pont aérien pour transporter des matériels lourds sur une piste que l'on était obligé de restaurer après chaque posé d'avion.
En face d'eux, nos militaires avaient des gens en grand nombre, des milices armées et même surarmées y compris avec des lance missiles. Ils ont d'ailleurs touché quatre de nos appareils et ont failli tuer une infirmière militaire dans un avion de transport. Ils étaient difficilement contrôlables : il s'agissait non seulement de milices mais on y trouvait des gens très jeunes et la plupart du temps drogués. Toutes les conditions étaient donc réunies pour rencontrer des problèmes, avec, directement ou indirectement, certains des pays peu satisfaits de nous voir intervenir pour ramener la sécurité et la paix dans cette région.
Il faut donc aussi souligner la difficulté de ces opérations. Pour l'Ituri, nous avons reçu une demande du Secrétaire général des Nations Unies au mois de mai. Il nous demandait de créer une force intérimaire pour soutenir la MONUC 1, qui se trouvait sur place et n'arrivait pas à régler les problèmes, et pour attendre la relève jusqu'au 1er septembre.
Nous l'avons fait en un temps record, puisque le 6 juin nous étions déjà sur place dans une opération européenne. Connaissant la lourdeur d'un certain nombre de procédures européennes, j'étais la première à croire que cela ne serait pas possible. La France avait accepté d'y aller, à condition de n'être pas seule.
Avant de faire une opération européenne, je pensais que l'on n'y arriverait pas et que l'opération serait quasiment terminée avant d'avoir pu mettre en place tout le dispositif. Et bien non. Le 6 juin, tout était en place ; c'est à dire que nous avions à Paris, le commandement général avec onze nationalités représentées, qui se sont immédiatement parfaitement entendues.
Lorsque nous avons discuté avec certains au début du mois d'août, ils m'ont dit qu'ils finissaient par oublier quelle était leur nationalité d'origine, tellement ils travaillaient bien et facilement ensemble. C'est cela la première opération européenne. Elle mérite d'être soulignée, parce que c'est là qu'existe l'Europe de la défense, là où elle vit. Cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas d'autres choses à faire ou d'autres efforts à fournir, mais nous avons prouvé que la défense européenne existait.
Et surtout, à travers cette opération, les Européens eux-mêmes ont repris confiance dans leur capacité à agir ensemble et dans leur capacité de réaliser leur ambition. L'ampleur des défis de toute nature que j'ai évoqués au début de mon intervention, des défis liés à l'instabilité comme au terrorisme, aux trafics, ces défis qui nous sont lancés, imposent une solidarité et une détermination sans faille.
C'est le seul moyen de dissuader, et donc de faire reculer, nos adversaires. Et de ce point de vue, c'est la condition de la sécurité pour notre pays, mais aussi pour tous nos concitoyens, où qu'ils se trouvent dans le monde.
C'est le sens que nous donnons, c'est le sens que je donne à la défense au nom de la France.
Je vous remercie.
(Source http://www.defense.gouv.fr, le 16 septembre 2003)
Mesdames et Messieurs les Sénateurs,
Mesdames et Messieurs les élus,
Je souhaite vous parler de vous, et de quelques autres de nos concitoyens, de ce million et demi de nos compatriotes qui vivent à l'étranger, vous parler tout particulièrement de leur sécurité et du rôle du ministère de la défense pour leur sécurité et l'environnement dans lequel ils se trouvent.
C'est un sujet important, et ceux d'entre vous qui me connaissent savent toute l'attention que je porte au rôle des Français qui vivent hors de France, qui sont chacun nos ambassadeurs, et jouent un rôle tout à fait essentiel à la prospérité et au rayonnement de la France. Ils constituent d'ailleurs eux-mêmes un élément essentiel du statut de grande puissance de notre pays. Or l'année écoulée a une fois de plus montré les risques qu'ils encourent dans l'exercice de leurs activités.
Cette rencontre aujourd'hui avec le CSFE me donne ainsi l'occasion de réaffirmer solennellement devant vous, qui êtes leurs représentants, que la sécurité de nos ressortissants constitue une préoccupation constante et une priorité pour le gouvernement tout entier. C'est d'autant plus vrai aujourd'hui que notre monde traverse une période préoccupante de crise où se multiplient les troubles et, par voie de conséquence, les risques.
En réponse, nos dispositifs de prévention et d'intervention doivent être revus pour être adaptés voire complétés dans un certain nombre de cas. C'est l'une des tâches entreprises par ce gouvernement. Elle s'inscrit aussi, et je tiens à le souligner, dans le sens plus global du rôle du ministère de la défense. Elle s'inscrit dans une politique de défense énergique, volontariste, qui a pour but de rendre à la France les moyens de sa politique et sa capacité à tenir son rang dans le monde, son rang de grande puissance, son rang de membre permanent du Conseil de sécurité des Nations Unies.
La sécurité de nos compatriotes à l'étranger est une de nos préoccupations constantes. Beaucoup de nos compatriotes expatriés vivent dans des pays où l'environnement est fragile et peut se transformer en environnement hostile, et où le danger fait donc partie du quotidien. Je crois d'ailleurs qu'aujourd'hui malheureusement, avec le phénomène du terrorisme, on ne peut plus dire que le risque épargne qui que ce soit. Nous savons très bien que le terrorisme peut frapper n'importe où dans le monde, à n'importe quel moment, et disons le, n'importe qui.
Les derniers mois ont ainsi montré la diversité des risques encourus : la guerre en Irak même si nos compatriotes n'y étaient pas très nombreux, ou plus près de nous et de façon plus frappante, la multiplicité des crises africaines avec la Côte d'Ivoire, la République Centrafricaine, le Congo où j'étais récemment, mais également le Libéria. Nous avons vu les attentats terroristes aveugles à Rabat, à Karachi, à Bali ou à Bagdad. Nous voyons également d'autres types de risques tels que le SRAS et où le ministère de la défense est intervenu, de façon discrète, avec le Service de santé des armées qui a été conduit à créer les bases d'un réseau pour soutenir nos compatriotes et un certain nombre de pays amis.
Ces situations appellent de la part de l'Etat qu'il assume totalement ses responsabilités à l'égard de ses concitoyens mais également à l'égard de ses engagements internationaux. Le sens de son intervention est à la base de ce qui constitue la responsabilité de l'Etat. La première responsabilité d'un Etat, c'est en effet d'assurer la sécurité de ses concitoyens sur son territoire mais également à l'extérieur de son territoire, même si, par définition dans ce cas, les conditions de mise en oeuvre sont forcément différentes.
Ceci suppose que le ministère de la défense puisse disposer des moyens adaptés à ses missions - lesquelles sont diverses comme je viens de vous l'expliquer - moyens structurels d'une part, mais aussi moyens opérationnels et moyens financiers d'autre part.
Les moyens structurels répondent aux nouveaux risques aujourd'hui, la démarche étant à la fois multiforme et collective. Lorsqu'il s'agit de lutter contre le terrorisme par exemple, on ne peut pas lutter simplement au sein d'un ministère, il faut qu'il y ait une coopération sans aucune restriction entre tous les services de l'Etat susceptibles d'être impliqués. Cela concerne donc le ministère de la Défense, mais aussi le ministère des Affaires Etrangères, le ministère de l'Intérieur, le ministère de la Justice, les services de renseignement dans leur ensemble. C'est par la coordination que l'on peut mieux appréhender, prévenir, voire intervenir.
Le dispositif de prévention est établi à travers un certain nombre de ministères. Le ministère de la Défense prend bien entendu toute sa place dans l'évaluation de la menace et des risques. C'est le rôle des services de la DGSE ou de la DRM, en coordination avec d'autres organismes, comme la DST par exemple, ceci étant coordonné au sein du Comité de sécurité interministériel présidé par le secrétaire général du ministère des Affaires étrangères. Il soutient les missions d'évaluation sur le terrain conduites par la direction des Français de l'étranger du Ministère des Affaires Etrangères.
De ce point de vue, les attachés de défense jouent un rôle déterminant dans la mise à jour des plans de sécurité et des plans d'évacuation, comme nos forces prépositionnées dont l'utilité est plus que jamais démontrée. Elles sont celles qui sont le mieux à même de contribuer au renforcement des mesures de sécurité qui peuvent être prises par les autorités locales. Ces derniers mois l'ont bien montré.
J'insiste bien sur ce point parce que certains ont parfois tendance à dire - il s'agit bien entendu des membres des commissions des finances des assemblées et non pas des membres des commissions des affaires étrangères ou de la défense - mais certains peuvent dire que cela nous coûte très cher d'avoir près de 15 000 hommes, qui sont en permanence prépositionnés en dehors du territoire métropolitain et à l'étranger. Mais c'est ce qui nous permet de réagir dans les meilleurs délais. Nous l'avons vu en Côte d'ivoire et également en RCA. C'est grâce à ces forces prépositionnées que nous avons pu intervenir immédiatement et évacuer un certain nombre de nos compatriotes, des Européens et d'ailleurs aussi un certain nombre d'Américains pris au milieu des combats. C'est aussi grâce à nos forces prépositionnées que lorsque des menaces pesaient sur la cathédrale à Djibouti, nous avons pu aussi intervenir pour sécuriser et sans doute éviter un attentat sur lequel nous avions reçu un certain nombre d'informations.
Pour autant soyons clairs, l'anticipation que nous essayons d'avoir à travers cette prévention ne suffit pas toujours à empêcher la matérialisation des risques. Et de ce fait l'intervention militaire elle-même est parfois inévitable. Cela a été tout particulièrement le cas cette année en Afrique.
En Afrique, notre intervention elle-même a un sens particulier. Le premier sens de la défense, c'est en effet la protection de nos concitoyens. La défense a également un rôle tout particulier en ce qui concerne l'Afrique, parce que sur ce continent, et ceux d'entre vous qui en sont les représentants le savent bien, la France a une obligation d'une exceptionnelle importance. C'est vrai en raison du nombre de nos ressortissants qui se trouvent dans les pays africains. C'est vrai en raison de notre histoire commune avec ce continent. C'est vrai aussi à l'égard de l'avenir qui peut être et qui doit être celui de ce continent.
Dans tous les cas où elles ont eu à intervenir sur le continent africain, nos armées se sont sans exception acquittées de leur tâche avec une extraordinaire efficacité, à la fois en protégeant nos ressortissants, en ménageant le sang de nos adversaires - parce que c'est un élément important -, et en ménageant aussi bien entendu le sang de nos soldats.
J'étais à Bunia au Congo au début du mois d'août et je serai d'ici quinze jours en Côte d'Ivoire. Ce qui m'a frappé en discutant avec les militaires responsables de ces opérations, c'est de voir à quel point, au-delà de leur efficacité opérationnelle et militaire que nous connaissons, ils jouent un véritable rôle de liaison avec les populations, voire un rôle de médiation entre les adversaires potentiels sur le terrain. Regardons ce qu'ils ont fait en Côte d'Ivoire : en sachant établir un dialogue avec toutes les parties présentes, les militaires français ont évité un certain nombre de combats et de massacres, et ils ont finalement aidé à un processus qui, pour n'être pas parfait, est néanmoins un processus qui a évité la prolongation des affrontements sur le terrain dont les civils sont toujours les premières victimes.
Je suis frappée de voir à quel point les responsables militaires ont d'abord cette préoccupation, et comment l'utilisation des armes est ressentie comme un échec de ce rôle qu'ils veulent jouer et assumer sur le terrain. Cela me paraît tout à leur honneur, et c'est une des caractéristiques de l'armée française. Cela mérite d'être signalé et souligné. Cela mérite aussi que nous leur en soyons tous reconnaissants.
Cette maîtrise et ce savoir-faire ont permis de préserver l'intégrité physique de nos concitoyens dans des situations aussi complexes que celle de la Côte d'Ivoire, de la République Centrafricaine mais également du Libéria où nous avons été conduits à intervenir notamment pour exfiltrer un certain nombre de personnes.
En ce qui concerne la Côte d'Ivoire et parce qu'on l'oublie trop souvent le contexte politique, le nombre de nos ressortissants, la configuration du terrain, je rappelle que tout contribuait à faire de l'opération LICORNE une opération à haut risque. Avec des effectifs relativement limités, l'armée française a su ramener la paix civile, même s'il reste encore du travail à faire sur le plan politique. L'armée française a su sauvegarder les intérêts français et l'image de la France. Elle a surtout su éviter un bain de sang en Côte d'Ivoire parce que, ne n'oublions pas, il y a eu un certain nombre de massacres.
L'armée française a également été capable de mettre sur pied l'évacuation des ressortissants étrangers du Libéria en un laps de temps incroyablement court, et dans un pays qui ne fait pas partie, ce qui mérite d'être souligné, de notre zone d'influence directe. Cette opération prouve aussi notre efficacité.
En dehors du continent africain, nos militaires ont prouvé leur savoir-faire et leur aptitude au contrôle des foules, dans des régions aussi troublées que celle des Balkans ou l'Ituri. Il faut bien voir que des opérations, par la force des choses non planifiées notamment dans nos lois de programmation militaire, représentent une forte contrainte sur nos forces armées par ailleurs déjà lourdement sollicitées dans d'autres opérations de maintien de la paix au sein des forces multinationales. Je pense à l'Afghanistan, au Kosovo, à la Bosnie.
En sauvant des vies humaines, elles exercent bien sûr la première et la plus noble de leur mission. Mais pour que nos troupes puissent continuer à exercer leur mission avec cette efficacité, il fallait leur en donner les moyens. Projeter rapidement des forces efficaces en nombre suffisant implique effectivement d'en avoir les moyens. Or sans faire aucune polémique et cela a été souligné par plusieurs rapports parlementaires, il faut bien reconnaître qu'a un moment, nous nous sommes trouvés avec des moyens totalement insuffisants et notamment avec des matériels dans un état de conditions délabrées, qui empêchait cette action.
Lorsque j'ai pris mes fonctions, nous avons constaté que plus de 50 % de nos matériels, qu'il s'agisse des avions, des hélicoptères, des navires et des véhicules terrestres, n'étaient pas en état de fonctionner. Parce qu'ils manquaient de pièces détachées, ou parce qu'il n'y avait pas de crédits pour assurer leur entretien. Si nous voulions continuer à assumer nos missions, il était donc indispensable qu'un effort particulier soit fait.
Cet effort se manifeste dans la loi de programmation militaire votée à la fin de 2002 à l'Assemblée nationale et au début de 2003 au Sénat : il représente un accroissement des crédits de 6,8 % par rapport à la précédente programmation. Dans la période actuelle et au vu des problèmes de croissance et de l'effort demandé, c'est considérable.
S'agissant de la première obligation d'un Etat à l'égard de ses concitoyens et compte tenu de l'état dans lequel se trouvaient nos forces par rapport à nos sollicitations, c'est le minimum indispensable pour que nous soyons à niveau en quelques années. Parce que, ne nous le cachons pas, même si depuis un an des progrès ont été faits, nous ne sommes toujours pas au niveau d'opérationnalité optimum de nos matériels. Nous pourrons le rattraper avec du temps, parce qu'il faut que des pièces détachées soient recréées. Dans certains cas, leur production avait été complètement arrêtée. Il faut aussi que les industriels soient à même de rattraper cette situation, même si les crédits sont là.
Mais je le répète, cet effort est nécessaire pour assurer la protection des Français où qu'ils soient. Le budget 2003, c'est un fait suffisamment exceptionnel pour être souligné, a été en parfaite conformité avec la loi de programmation militaire. Le budget 2004 sera également en totale conformité avec la loi de programmation militaire.
C'est indispensable pour nos compatriotes et pour nous permettre d'assumer nos responsabilités de membre permanent du Conseil de sécurité de l'ONU ainsi que l'ensemble de nos responsabilités vis à vis de la communauté internationale.
En effet, la solidarité essentielle et naturelle que nous manifestons à nos compatriotes, nous la devons aussi à nos amis et à nos alliés, qu'ils soient européens ou nord-américains. C'est ce que nous avons toujours fait dans les différentes opérations que j'ai mentionnées, où il n'y a pas eu que des Français, mais où était également en jeu la vie d'Européens ou d'autres pays étrangers.
Nous devons continuer à le faire.
Notre conception du monde, notre engagement pour la paix et la stabilité ne peuvent en effet être crédibles que si nous avons les moyens de défendre ces valeurs, par la force lorsque la nécessité s'en fait sentir.
Notre crédibilité tient à cette capacité et je peux vous en apporter un témoignage. J'ai personnellement vu totalement changer l'attitude des autres pays de l'OTAN, l'attitude de nos amis européens au sein des instances européennes, lorsque j'ai pu apporter la concrétisation de la présence française sous la forme des crédits nécessaires.
Si aujourd'hui nous avançons dans l'Europe de la défense, c'est parce que la France peut jouer un rôle leader. Elle ne le pourrait pas sans montrer qu'elle-même a concrètement la volonté de faire avancer les choses. Dans tout ceci, il y va bien sûr du rang de la France dans les instances internationales, de sa vocation et de son honneur.
La France n'est pas une instance égoïste. Elle met sa force au service de tous les citoyens du monde, partout dans le monde. Cela se sait et c'est apprécié. Elle met sa force au service de la paix et cela n'est pas un simple mot. Ce ne sont pas des intentions, ce sont des actions concrètes. Lorsque l'on en parle, en Afrique, au Moyen Orient, en Asie, en Asie Centrale, cela a un sens parce que l'on sait que nous pouvons faire ce que nous disons.
Lors des opérations de protection ou d'évacuation des ressortissants, les citoyens français sont très souvent minoritaires. Mais il est important que nous sauvions aussi les autres ressortissants étrangers. Quelques exemples : dans le cadre de LICORNE nous avons évacué 2 512 personnes exactement ; sur ces 2 512 évacuations, il faut savoir que seulement 505 étaient Français. En République Centrafricaine, sur 609 personnes évacuées, 280 seulement étaient Français. Au Libéria, nos soldats ont évacué 535 personnes, 18 Français seulement. Notre capacité à apporter une aide aux autres, c'est aussi ce qui fait notre réputation au-delà de nos frontières.
Force de protection capable d'évacuer les personnes en danger et le prouvant, la défense française est aussi une force de paix participant à la sécurisation des zones déstabilisées : les Balkans, l'Ituri. Cette action s'inscrit dans le cadre d'une politique partagée en Europe et qui se traduit par la mise en place concrète de l'Europe de la défense.
En conclusion, permettez-moi d'insister sur les deux opérations aujourd'hui en cours, parce que je vous avoue que je suis parfois un peu exaspérée d'entendre dire : " L'Europe de la défense c'est un mythe. Cela ne se fera jamais ", ou " On est en train de la construire, mais quand arrivera t-elle ? " etc.
L'Europe de la défense existe aujourd'hui. Elle existe d'autant plus qu'elle s'est manifestée et qu'elle se manifeste aujourd'hui encore dans deux opérations.
La première opération, c'est la Macédoine. On ne l'a pas assez souligné, comme si cela n'intéressait pas les médias, mais cela nous intéresse tous. En Macédoine, pour la première fois, nous avons mené une opération de l'Union européenne capable de prendre la relève de l'OTAN. En 2004, nous prendrons la relève de l'OTAN en Bosnie. La Macédoine, c'était je le reconnais une petite opération. En Bosnie, ce sera une grosse opération et une opération difficile.
Quant à ce que nous venons de faire en Ituri, et qui se termine aujourd'hui, il s'agissait d'une opération européenne totalement autonome. Ce n'était pas une " petite " opération : elle était risquée, difficile et dangereuse. Risquée parce qu'au cur du Congo et de la région des grands lacs, dans une zone impossible à rejoindre par la route à cette période de l'année avec les pluies. Il a fallu créer un pont aérien pour transporter des matériels lourds sur une piste que l'on était obligé de restaurer après chaque posé d'avion.
En face d'eux, nos militaires avaient des gens en grand nombre, des milices armées et même surarmées y compris avec des lance missiles. Ils ont d'ailleurs touché quatre de nos appareils et ont failli tuer une infirmière militaire dans un avion de transport. Ils étaient difficilement contrôlables : il s'agissait non seulement de milices mais on y trouvait des gens très jeunes et la plupart du temps drogués. Toutes les conditions étaient donc réunies pour rencontrer des problèmes, avec, directement ou indirectement, certains des pays peu satisfaits de nous voir intervenir pour ramener la sécurité et la paix dans cette région.
Il faut donc aussi souligner la difficulté de ces opérations. Pour l'Ituri, nous avons reçu une demande du Secrétaire général des Nations Unies au mois de mai. Il nous demandait de créer une force intérimaire pour soutenir la MONUC 1, qui se trouvait sur place et n'arrivait pas à régler les problèmes, et pour attendre la relève jusqu'au 1er septembre.
Nous l'avons fait en un temps record, puisque le 6 juin nous étions déjà sur place dans une opération européenne. Connaissant la lourdeur d'un certain nombre de procédures européennes, j'étais la première à croire que cela ne serait pas possible. La France avait accepté d'y aller, à condition de n'être pas seule.
Avant de faire une opération européenne, je pensais que l'on n'y arriverait pas et que l'opération serait quasiment terminée avant d'avoir pu mettre en place tout le dispositif. Et bien non. Le 6 juin, tout était en place ; c'est à dire que nous avions à Paris, le commandement général avec onze nationalités représentées, qui se sont immédiatement parfaitement entendues.
Lorsque nous avons discuté avec certains au début du mois d'août, ils m'ont dit qu'ils finissaient par oublier quelle était leur nationalité d'origine, tellement ils travaillaient bien et facilement ensemble. C'est cela la première opération européenne. Elle mérite d'être soulignée, parce que c'est là qu'existe l'Europe de la défense, là où elle vit. Cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas d'autres choses à faire ou d'autres efforts à fournir, mais nous avons prouvé que la défense européenne existait.
Et surtout, à travers cette opération, les Européens eux-mêmes ont repris confiance dans leur capacité à agir ensemble et dans leur capacité de réaliser leur ambition. L'ampleur des défis de toute nature que j'ai évoqués au début de mon intervention, des défis liés à l'instabilité comme au terrorisme, aux trafics, ces défis qui nous sont lancés, imposent une solidarité et une détermination sans faille.
C'est le seul moyen de dissuader, et donc de faire reculer, nos adversaires. Et de ce point de vue, c'est la condition de la sécurité pour notre pays, mais aussi pour tous nos concitoyens, où qu'ils se trouvent dans le monde.
C'est le sens que nous donnons, c'est le sens que je donne à la défense au nom de la France.
Je vous remercie.
(Source http://www.defense.gouv.fr, le 16 septembre 2003)