Texte intégral
LE FIGARO. - Les jeunes de l'UMP ont placé leur rassemblement sous le signe de l'Europe. Le débat sur la Constitution que propose Valéry Giscard d'Estaing, qui est à Moliets aujourd'hui, va dominer la campagne des élections européennes de juin prochain. Que pensez-vous de ce texte ?
Alain JUPPÉ. - C'est un bon texte. Je souhaite que la Conférence intergouvernementale ne le modifie pas trop. Il institue de bons équilibres et comprend des innovations intéressantes, comme le nouveau statut de "partenaire rapproché", qui pourrait constituer une solution pour les relations entre l'Europe élargie et la Russie, mais aussi la Turquie.
LE FIGARO. Vous n'êtes plus favorable à l'adhésion directe de la Turquie ?
Alain JUPPÉ. Puisque la Constitution proposée par Valéry Giscard d'Estaing définit un nouveau statut de partenaire de l'Union européenne, pourquoi ne pas explorer cette possibilité ?
LE FIGARO. La ratification de cette Constitution doit-elle être soumise à un référendum ?
Alain JUPPÉ. Ce sera au président de la République de trancher, mais l'enjeu est tel qu'il me paraît difficile de ne pas consulter les Français. Encore faut-il voir le contexte, et quel sera le positionnement des uns et des autres. Dans notre pays, il y aura débat. Quelle sera l'attitude du PS ? Aura-t-il un sursaut du sens des responsabilités ? Parviendrons-nous à l'accord bipartisan que mérite un sujet d'une telle importance ?
LE FIGARO. Le nouveau découpage régional ne risque-t-il pas de rendre illisibles les élections européennes de juin ?
Alain JUPPÉ. Je ne pense pas que le système soit moins lisible qu'une liste nationale. Il favorise au contraire la proximité entre les Français et les candidats.
LE FIGARO. Pourriez-vous être candidat ?
Alain JUPPÉ. Non. Je suis maire de Bordeaux et député. Il y a des règles sur le cumul des mandats. Aux yeux des Français, conduire une liste européenne pour ne pas siéger ensuite à Strasbourg serait incompréhensible.
LE FIGARO. L'UMP devait organiser un congrès à l'automne pour mettre en place des courants. Qu'en est-il ?
Alain JUPPÉ. Une chose doit être claire: je ne serai pas celui qui pose le couvercle sur la marmite, ni qui laisse étouffer l'expression des sensibilités. Je me suis engagé à appliquer nos statuts et à faire en sorte que les différentes sensibilités de l'UMP puissent s'exprimer. Pour que l'UMP réussisse, il faut que la diversité s'organise. Cela me semble indispensable pour faire vivre un grand parti. Je m'en sens garant. Certains se demandent si la méthode prévue n'est pas trop rigide, la question est légitime et le bureau politique de l'UMP en discutera le 16 septembre.
LE FIGARO. Que ferez-vous si une majorité du bureau politique décide de repousser l'organisation de courants ?
Alain JUPPÉ. Ce que certains contestent, c'est l'aspect un peu trop juridico-administratif de la procédure: des motions, des budgets... Pourquoi ne pas avoir une commission du débat indépendante de la direction, qui garantirait l'expression du débat ? La discussion peut avoir lieu mais, je le répète, je me considère comme le garant du libre débat et du respect mutuel.
LE FIGARO. Une date est-elle néanmoins fixée pour le congrès ?
Alain JUPPÉ. Notre conseil national en décidera.
LE FIGARO. Comment envisagez-vous les élections régionales au mois de mars ?
Alain JUPPÉ. Ce ne sera pas facile, encore que personne ne sache quel sera le climat au mois de mars. Quoi qu'il en soit, l'UMP se prépare dès maintenant. Nous aurons désigné nos chefs de file fin septembre, même s'il faut éventuellement suspendre quelque temps encore une ou deux régions comme l'Ile-de-France, où l'on attend la décision de Nicolas Sarkozy.
LE FIGARO. Etes-vous favorable à sa candidature ?
Alain JUPPÉ. Personnellement, je pense que c'est le meilleur candidat, mais je ne veux en aucun cas peser sur sa décision. Je comprends sa réflexion.
LE FIGARO. Qu'en est-il des discussions avec l'UDF ?
Alain JUPPÉ. Nous lui avons proposé un partenariat. Il faut maintenant discuter avec sérénité et mesure. A l'UMP, notre volonté est de faire l'union sans apparaître hégémonique.
LE FIGARO. L'UMP propose trois têtes de liste régionales pour l'UDF: Rhône-Alpes, Aquitaine et Picardie. Peut-il y en avoir une quatrième ?
Alain JUPPÉ. C'est un point de départ. Et dans toute discussion il y a un point de départ... et un point d'arrivée.
LE FIGARO. Craignez-vous un résultat important de l'extrême droite lors de ces élections ?
Alain JUPPÉ. Je me garderais bien d'annoncer le déclin du Front national. Mais il y a un autre sujet: je ne fais pas partie de ceux qui se félicitent de la montée de l'extrême gauche, mais ne va-t-elle pas s'unir et poser un problème au PS ?
LE FIGARO. Cette perspective vous réjouit-elle ?
Alain JUPPÉ. Ce qui ne me réjouit pas, c'est de voir que, dans l'éventail politique, un tiers des Français sont décalés par rapport aux forces démocratiques et républicaines. C'est un phénomène sur lequel je m'interroge beaucoup. Peut-être que nous n'assumons pas suffisamment notre rôle... Il faut y réfléchir: lors de l'élection présidentielle, 18 % des Français ont voté pour l'extrême droite et plus de 10 % pour l'extrême gauche. En tout cas, nous ne jouerons pas avec l'extrême gauche comme les socialistes l'ont fait avec le Front national.
LE FIGARO. Les socialistes, justement, sont très critiques vis-à-vis des choix budgétaires du gouvernement...
Alain JUPPÉ. C'est l'un des nombreux mérites des baisses d'impôts: elles contribuent à clarifier le débat politique français. L'opposition est pour l'augmentation des dépenses et pour l'augmentation des impôts. En 1988, Michel Rocard avait dit: "Il faut réhabiliter la dépense publique." Aujourd'hui, le PS veut "réhabiliter l'impôt". D'une certaine manière, c'est cohérent! Mais ce serait dramatique pour la France, qui supporte déjà la pression fiscale la plus lourde d'Europe. Personne ne conteste d'ailleurs l'objectif de baisse d'impôts dans la majorité. Ce qui a donné lieu à un débat entre nous, c'est l'ampleur de la baisse et son calendrier.
LE FIGARO. Des voix se sont aussi élevées dans la majorité pour demander une réduction plus volontariste des dépenses publiques...
Alain JUPPÉ. La bonne méthode, c'est d'abord de les stabiliser. Si nous y parvenons pendant trois ou quatre ans, comme nous allons le faire avec le budget 2004, nous pourrons moderniser notre organisation administrative et nos services publics et obtenir une meilleure utilisation de l'argent public. Dans ce domaine non plus, les socialistes n'ont pas de leçon à nous donner. La France a le système de recouvrement de l'impôt le plus coûteux d'Europe. Le gouvernement Jospin a renoncé à le réformer, Francis Mer est en train d'y parvenir. Il faut du temps et de l'énergie. Le pacte de stabilité, qui est une discipline de bon sens, doit être appliqué avec intelligence et progressivité. C'est la ligne de Jean-Pierre Raffarin, et je la soutiens pleinement.
(Source http://www.u-m-p.org, le 10 septembre 2003)
Alain JUPPÉ. - C'est un bon texte. Je souhaite que la Conférence intergouvernementale ne le modifie pas trop. Il institue de bons équilibres et comprend des innovations intéressantes, comme le nouveau statut de "partenaire rapproché", qui pourrait constituer une solution pour les relations entre l'Europe élargie et la Russie, mais aussi la Turquie.
LE FIGARO. Vous n'êtes plus favorable à l'adhésion directe de la Turquie ?
Alain JUPPÉ. Puisque la Constitution proposée par Valéry Giscard d'Estaing définit un nouveau statut de partenaire de l'Union européenne, pourquoi ne pas explorer cette possibilité ?
LE FIGARO. La ratification de cette Constitution doit-elle être soumise à un référendum ?
Alain JUPPÉ. Ce sera au président de la République de trancher, mais l'enjeu est tel qu'il me paraît difficile de ne pas consulter les Français. Encore faut-il voir le contexte, et quel sera le positionnement des uns et des autres. Dans notre pays, il y aura débat. Quelle sera l'attitude du PS ? Aura-t-il un sursaut du sens des responsabilités ? Parviendrons-nous à l'accord bipartisan que mérite un sujet d'une telle importance ?
LE FIGARO. Le nouveau découpage régional ne risque-t-il pas de rendre illisibles les élections européennes de juin ?
Alain JUPPÉ. Je ne pense pas que le système soit moins lisible qu'une liste nationale. Il favorise au contraire la proximité entre les Français et les candidats.
LE FIGARO. Pourriez-vous être candidat ?
Alain JUPPÉ. Non. Je suis maire de Bordeaux et député. Il y a des règles sur le cumul des mandats. Aux yeux des Français, conduire une liste européenne pour ne pas siéger ensuite à Strasbourg serait incompréhensible.
LE FIGARO. L'UMP devait organiser un congrès à l'automne pour mettre en place des courants. Qu'en est-il ?
Alain JUPPÉ. Une chose doit être claire: je ne serai pas celui qui pose le couvercle sur la marmite, ni qui laisse étouffer l'expression des sensibilités. Je me suis engagé à appliquer nos statuts et à faire en sorte que les différentes sensibilités de l'UMP puissent s'exprimer. Pour que l'UMP réussisse, il faut que la diversité s'organise. Cela me semble indispensable pour faire vivre un grand parti. Je m'en sens garant. Certains se demandent si la méthode prévue n'est pas trop rigide, la question est légitime et le bureau politique de l'UMP en discutera le 16 septembre.
LE FIGARO. Que ferez-vous si une majorité du bureau politique décide de repousser l'organisation de courants ?
Alain JUPPÉ. Ce que certains contestent, c'est l'aspect un peu trop juridico-administratif de la procédure: des motions, des budgets... Pourquoi ne pas avoir une commission du débat indépendante de la direction, qui garantirait l'expression du débat ? La discussion peut avoir lieu mais, je le répète, je me considère comme le garant du libre débat et du respect mutuel.
LE FIGARO. Une date est-elle néanmoins fixée pour le congrès ?
Alain JUPPÉ. Notre conseil national en décidera.
LE FIGARO. Comment envisagez-vous les élections régionales au mois de mars ?
Alain JUPPÉ. Ce ne sera pas facile, encore que personne ne sache quel sera le climat au mois de mars. Quoi qu'il en soit, l'UMP se prépare dès maintenant. Nous aurons désigné nos chefs de file fin septembre, même s'il faut éventuellement suspendre quelque temps encore une ou deux régions comme l'Ile-de-France, où l'on attend la décision de Nicolas Sarkozy.
LE FIGARO. Etes-vous favorable à sa candidature ?
Alain JUPPÉ. Personnellement, je pense que c'est le meilleur candidat, mais je ne veux en aucun cas peser sur sa décision. Je comprends sa réflexion.
LE FIGARO. Qu'en est-il des discussions avec l'UDF ?
Alain JUPPÉ. Nous lui avons proposé un partenariat. Il faut maintenant discuter avec sérénité et mesure. A l'UMP, notre volonté est de faire l'union sans apparaître hégémonique.
LE FIGARO. L'UMP propose trois têtes de liste régionales pour l'UDF: Rhône-Alpes, Aquitaine et Picardie. Peut-il y en avoir une quatrième ?
Alain JUPPÉ. C'est un point de départ. Et dans toute discussion il y a un point de départ... et un point d'arrivée.
LE FIGARO. Craignez-vous un résultat important de l'extrême droite lors de ces élections ?
Alain JUPPÉ. Je me garderais bien d'annoncer le déclin du Front national. Mais il y a un autre sujet: je ne fais pas partie de ceux qui se félicitent de la montée de l'extrême gauche, mais ne va-t-elle pas s'unir et poser un problème au PS ?
LE FIGARO. Cette perspective vous réjouit-elle ?
Alain JUPPÉ. Ce qui ne me réjouit pas, c'est de voir que, dans l'éventail politique, un tiers des Français sont décalés par rapport aux forces démocratiques et républicaines. C'est un phénomène sur lequel je m'interroge beaucoup. Peut-être que nous n'assumons pas suffisamment notre rôle... Il faut y réfléchir: lors de l'élection présidentielle, 18 % des Français ont voté pour l'extrême droite et plus de 10 % pour l'extrême gauche. En tout cas, nous ne jouerons pas avec l'extrême gauche comme les socialistes l'ont fait avec le Front national.
LE FIGARO. Les socialistes, justement, sont très critiques vis-à-vis des choix budgétaires du gouvernement...
Alain JUPPÉ. C'est l'un des nombreux mérites des baisses d'impôts: elles contribuent à clarifier le débat politique français. L'opposition est pour l'augmentation des dépenses et pour l'augmentation des impôts. En 1988, Michel Rocard avait dit: "Il faut réhabiliter la dépense publique." Aujourd'hui, le PS veut "réhabiliter l'impôt". D'une certaine manière, c'est cohérent! Mais ce serait dramatique pour la France, qui supporte déjà la pression fiscale la plus lourde d'Europe. Personne ne conteste d'ailleurs l'objectif de baisse d'impôts dans la majorité. Ce qui a donné lieu à un débat entre nous, c'est l'ampleur de la baisse et son calendrier.
LE FIGARO. Des voix se sont aussi élevées dans la majorité pour demander une réduction plus volontariste des dépenses publiques...
Alain JUPPÉ. La bonne méthode, c'est d'abord de les stabiliser. Si nous y parvenons pendant trois ou quatre ans, comme nous allons le faire avec le budget 2004, nous pourrons moderniser notre organisation administrative et nos services publics et obtenir une meilleure utilisation de l'argent public. Dans ce domaine non plus, les socialistes n'ont pas de leçon à nous donner. La France a le système de recouvrement de l'impôt le plus coûteux d'Europe. Le gouvernement Jospin a renoncé à le réformer, Francis Mer est en train d'y parvenir. Il faut du temps et de l'énergie. Le pacte de stabilité, qui est une discipline de bon sens, doit être appliqué avec intelligence et progressivité. C'est la ligne de Jean-Pierre Raffarin, et je la soutiens pleinement.
(Source http://www.u-m-p.org, le 10 septembre 2003)